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Read Ebook: Contes et nouvelles by Laboulaye Douard

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Ebook has 845 lines and 36267 words, and 17 pages

--Mademoiselle est la fille du propri?taire, dit gravement Mme Remy; elle a le droit de surveiller ses locataires.

--Mademoiselle a voulu juger par elle-m?me de votre politesse, reprit Rose en ricanant; nous verrons si vous la mettrez ? la porte quand elle vous porte l'aum?ne que vous ne m?ritez pas.

--C'est tout vu, cria Madeleine en laissant tomber son matelas, qu'elle soutenait contre le mur; c'est tout vu; personne n'a le droit de s'introduire chez moi, et si votre demoiselle vient m'espionner ou m'outrager, riche ou non, propri?taire ou non, je lui ferai danser une danse comme elle n'en a jamais vu.>>

Sur quoi Madeleine se pr?cipita dans l'escalier.

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--Qu'est-ce donc? dit M. de la Guerche, qui entrait en ce moment.

--Courez, Monsieur, cria de plus belle la femme de chambre, qui essayait de se trouver mal; courez, on assassine Mademoiselle. C'est l?-haut, au sixi?me ?tage, chez la veuve de l'insurg?.

Rose allait s'?vanouir, quand elle s'aper?ut qu'on l'avait laiss?e seule pour voler au secours de Marie; Mme Remy elle-m?me s'?tait courageusement enfonc?e dans l'escalier, un balai ? la main. Rose r?fl?chit qu'un ?vanouissement solitaire n'aurait point d'int?r?t, et, la curiosit? l'emportant sur le danger, elle se mit ? courir comme les autres.

Quoique Madeleine f?t encore jeune et que la col?re la pouss?t, n?anmoins on ne monte pas cent vingt marches tout d'une haleine et sans r?fl?chir. Au second ?tage, Madeleine songea qu'elle avait ?t? un peu vive; au quatri?me, elle se dit que Mlle Rose n'?tait qu'une sotte; enfin, en arrivant en haut de la maison, elle sentit qu'il fallait repousser froidement une aum?ne qu'on lui faisait par piti?, et que c'?tait le moment d'avoir de la dignit?. Elle rajusta le mouchoir qu'elle avait sur la t?te, tira les deux pointes de sa camisole, et, marchant ? petits pas, sans pouvoir calmer l'agitation de son coeur, elle ouvrit la porte en tremblant, mais sans faire de bruit: ses l?vres ?taient serr?es; sa figure ?tait p?le; l'orage grondait dans son ?me. Tout ? coup elle s'arr?ta, comme si une main invisible l'e?t clou?e sur le carreau.

Que voyait-elle? Quel spectacle inconnu l'avait ainsi p?trifi?e? En face d'elle, mais lui tournant le dos, ?tait ma cousine Marie; sur ses genoux elle tenait la petite fille, qu'elle avait tir?e de ses haillons pour la v?tir d'une chemise blanche et d'un long gilet de flanelle qui enveloppait la malade jusqu'aux genoux. En ce moment elle lui ajustait sur la t?te un b?guin d'indienne, et, avec son mouchoir brod?, elle essuyait la sueur de la fi?vre qui coulait sur je front de l'enfant. La pauvre petite fille, toute ?mue et toute tremblante, passait ses bras autour du cou de ma cousine; Marie embrassait l'enfant avec toute la tendresse d'une m?re.

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--Mademoiselle, ne me quittez pas, murmurait l'enfant en se serrant contre sa bienfaitrice. Je suis si bien pr?s de vous!

--Appelle-moi ta petite maman, disait Marie, et ob?is-moi comme ? ta m?re; dans un instant je reviens.>>

Elle se retourna, et, en se retournant, elle poussa un cri. Devant elle ?tait Madeleine, toujours immobile; de grosses larmes lui tombaient des yeux; elle voulait parler, ses l?vres s'agitaient sans prononcer un mot. Sa col?re, soudain arr?t?e et chass?e par une ?motion contraire, c'?tait une secousse trop forte pour l'ouvri?re; elle ne revint ? elle qu'en sanglotant.

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--Embrassez-moi, ma bonne Madeleine, dit ma cousine avec son aimable sourire, votre baiser me portera bonheur; mais faites vite, nous ne pouvons laisser cette enfant dans des draps qui sentent la fi?vre. Je reviens dans un instant.>>

Madeleine, trop ?mue pour marcher, la suivit d'un long regard et se mit ? fondre en larmes:

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Tandis que le calme rentrait au sixi?me ?tage, tout ?tait agit? dans la loge. M. de la Guerche, en homme de sens, avait compris que Marie ne courait aucun danger; il avait assez rudement remerci? Mme Remy et Rose de leurs craintes et de leur empressement. Les deux femmes, entour?es des domestiques de la maison et des voisines du quartier, ne savaient trop comment expliquer tout le bruit qu'elles avaient fait. Mme Remy, la prudence m?me, cong?diait tous les curieux pour ne pas d?plaire ? Monsieur. Mlle Rose poussait de gros soupirs et murmurait, assez haut pour qu'on l'entend?t, que les ma?tres n'?taient que des ingrats.

Quand les deux femmes se trouv?rent enfin seules, Rose enfon?a ses mains dans les deux poches de son tablier:

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--Oui, il vous a dit: <>

--C'est bon, c'est bon, madame Remy, les mots ne sont rien, mais le regard, mais le d?dain! Qu'est-ce que vous feriez ? ma place? Je ne puis plus rester dans la maison. On me m?prise.

--Patience, ma belle enfant, dit Mme Remy; dans la vie il y a des bons et des mauvais jours; il faut jouir des uns et oublier les autres. Que voulez-vous? les riches sont comme tous les hommes, ils ont leurs fantaisies; il faut ?tre indulgent avec eux. On n'est pas domestique pour ne rien passer ? son ma?tre. Il faut lui pardonner quelque chose. Qui est-ce qui est parfait?

--Vous avez raison, madame Remy; mais cependant Monsieur devrait avoir plus de respect pour moi devant le monde, et Mademoiselle, en montant l?-haut, aurait bien d? sentir qu'apr?s ce qui s'est pass? elle me compromettait.

--Sans doute, mademoiselle Rose, sans doute; mais, voyez-vous, la richesse g?te les hommes. Moi qui vous parle, et qui n'?tais pas n?e pour ?tre concierge, mon p?re ?tait un gros fermier, vous savez? eh bien! je sens que si j'?tais riche, j'aurais aussi mes fantaisies. Il me faudrait tous les jours une oie r?tie et la soupe aux choux; c'est une faiblesse, je le sais, mais je la contenterais.

--Ah! si j'?tais riche, s'?cria Rose, ce n'est pas moi qui ferais comme Mademoiselle: au lieu de m'habiller comme une soeur du pot, j'aurais des dentelles ? mon bonnet, ? mon mouchoir, ? mon tablier; parce que, moi, j'ai l'?me grande, et je ne sais pas m'encanailler!

--Chacun son id?e, reprit la porti?re, c'est ce que je vous disais. Calmez-vous! Mademoiselle vous fera quelque cadeau, suivant son habitude; il faut l'excuser aujourd'hui; et, comme dit le proverbe: <>

Sur quoi Mme Remy, heureuse d'avoir montr? sa science, ouvrit majestueusement sa tabati?re, et Rose remonta dans l'appartement, en disant que personne dans la maison n'?tait en ?tat de la comprendre: elle avait des go?ts trop distingu?s pour tous ces gens-l?.

Un mois apr?s cette sc?ne m?morable, Marie ?tait devenue l'amie, presque la soeur de Madeleine. Non seulement elle lui avait procur? de l'ouvrage en la recommandant ? toutes ses connaissances, mais chaque jour elle allait travailler aupr?s de la petite Julie. Souvent elle apportait avec elle un gros livre, tout rempli d'images, et faisait une lecture que la m?re et la fille ?coutaient avec un ?gal int?r?t. Ce livre, c'est celui qui parle ? tous les ?ges, ? toutes les conditions, et qui, depuis deux mille ans, n'a rien perdu de son int?r?t: c'est la Bible.

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--Vous avez raison, Mademoiselle, je suis une pa?enne; pardonnez-moi: on m'a si mal ?lev?e, et j'ai tant souffert! Pour nous autres, pauvres gens, l'?glise c'est l'endroit o? l'on baptise nos enfants et o? l'on nous enterre; nous n'en savons pas plus long. On y dit de belles paroles, je le sais, j'y suis entr?e quelquefois; mais ces belles paroles, on les pratique si peu que nous ne croyons gu?re ? ceux qui les pr?chent. C'est vous, Mademoiselle, qui me faites comprendre Notre-Seigneur; vous ?tes bonne comme lui.

--Taisez-vous, Madeleine, ne dites rien de semblable; je ne suis qu'une p?cheresse, comme toutes les filles d'?ve.

--Ma petite maman, disait l'enfant, qui ne pouvait plus se s?parer de Marie, lis-moi donc les belles histoires qui sont au commencement du livre; ce sont celles-l? que j'aime le mieux.

--Volontiers>>, dit Marie.

Et, ouvrant la Bible au hasard, elle lut ce qui suit:

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<> Elle s'assit, et ?levant la voix, elle pleura.

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--Montre-moi l'image, dit l'enfant ? Marie; et elle regarda, avec une admiration na?ve, Agar avec sa grande coiffe blanche, le petit Isma?l avec sa tunique et sa ceinture, et l'ange avec ses grands cheveux boucl?s.

--Maman! maman! cria-t-elle tout ? coup ? Madeleine, Agar, c'est toi; je suis le petit Isma?l, et l'ange, c'est ma bonne Marie.

--Oui, oui, dit Madeleine: tu dis plus vrai que tu ne crois; l'ange qui m'a sauv?e du d?sespoir et qui t'a rendu la vie, c'est Mademoiselle.

--Si tu es Isma?l, dit Marie en riant ? la petite Julie, tu feras donc comme lui quand tu seras grande, tu seras une chasseresse, et, comme le fils d'Agar, tu auras un arc et des fl?ches sur l'?paule?

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