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Read Ebook: Contes Nouvelles et Recits by Janin Jules Gabriel

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Ebook has 576 lines and 66808 words, and 12 pages

Qui fut contrari? de cette d?claration? Ce fut Satan. Il s'en voulait d'avoir n?glig? ce formidable rempart que les saints avaient dress? de leurs mains pieuses sur la montagne. Il savait d'ailleurs la force et l'autorit? de certaines reliques enfouies dans ce calvaire. Il s'en voulait enfin d'?tre une dupe de ce bailli de la pire esp?ce, et d'avoir rencontr? plus fin que lui. C'?tait sa bataille de Pavie:

--Je prendrai ma revanche une autre fois, se dit-il en maugr?ant.

Cependant, comme il ne voulait pas s'en aller les mains vides:

--Je m'en vais chercher fortune ailleurs, dit-il au bailli, si du moins tu veux me donner ces deux vilains hommes qui marchent ? ta suite... Est-ce dit? Est-ce fait?

--Vous n'aurez pas ?a de moi, reprit le bailli, en faisant craquer contre sa dent jaune un ongle aigu. Ces deux hommes sont n?cessaires ? ma haute et basse justice. Celui-ci est le bourreau de nos domaines. Pas un mieux que lui ne s'entend ? fustiger de verges sanglantes un rebelle, ? fl?trir d'un fer chaud marqu? de deux fleurs de lis un braconnier, ? river la cha?ne au cou d'un for?at destin? ? ramer ? perp?tuit? dans les gal?res de Sa Majest?. Cet autre est le concierge de nos prisons et le parleur de nos sentences; il excelle ? pendre un d?biteur insolvable, et plus d'une fois il a fait rentrer de belles sommes dans nos coffres. De l'un et de l'autre il m'est impossible de me passer. Partez donc comme vous ?tes venu, les mains vides, et bonsoir, ma?tre d?mon.

Ainsi parlant, la montagne ?tait d?j? gravie ? moiti?. Le diable allait partir, lorsqu'il s'avisa de se hausser sur ses ergots.

--L?, voyons, dit-il, avec un rire de mauvais pr?sage, au moins promets-nous d'?pargner quelqu'un de ces malheureux?

--Pas un seul, reprit la bailli, ils m'ont caus? trop d'ennui ce matin.

--?pargne du moins, bailli de malheur, les habitants de la maison neuve!

--Oh! pour ceux-l?, leur compte est fait. J'aurai ce soir dans ma poche le collier d'or, et si tu repasses dans un mois d'ici, la ronce et le chaume rempliront tout cet espace.

--Mais le petit enfant ? la mamelle!...

--Il payera le lait de sa m?re!

--Et le pourceau?

--Mes acolytes et moi, nous le mangerons ce soir!

--Enfin, ni pardon ni piti??

--Ni piti? ni par...

Ici, l'?pouvante arr?te la voix du bailli dans sa gorge... Il regarde, il ne voit plus le calvaire! En vain son regard interroge et fouille en tous sens... la croix sainte qui devait le prot?ger est abattue.

--Oui-da, reprit Satan, tu cherches en vain ta force et ton appui. Les malheureux que tu as faits ont abattu le calvaire. A force de mis?re, ils ont cess? d'esp?rer et de croire. Insens?! voil? les ruines que la malice et ta l?chet? devaient pr?voir. Ces d?sesp?r?s se sont veng?s sur les reliques des martyrs, et maintenant c'est toi qui seras ch?ti? des profanations de tous ces malheureux.

A cette r?v?lation dont il comprenait toute la justice, le bailli tomba de son cheval, et le cheval, soulag? de son double fardeau, l'homme et la main du diable, repartit au galop en faisant une telle p?tarade, avec tant de soleils, de bombes, de fus?es et d'artifices, qu'elle e?t suffi ? solenniser la f?te du plus grand roi de l'univers. Voyant l'homme ?cras? sous la honte et la peur, Satan le releva doucement, comme e?t fait un tendre p?re pour son fils unique, et tous les quatre ils descendirent la pente assez douce qui conduisait aux divers villages de cette abominable seigneurie. Ils fr?l?rent les premi?res maisons, sans entendre autre chose que des g?missements et des larmes, mais pas encore une mal?diction. Ces gens avaient peur et tremblaient de tous leurs membres. Le malade arr?tait son souffle et l'enfant brisait son jouet; la femme, ?pouvant?e, allait se cacher dans quelque fente, et les chiens oubliaient d'aboyer. Mais enfin, quand ils eurent ainsi parcouru toute une rue, on entendit sortir de ces chaumi?res en d?bris des murmures, des cris, des plaintes, des mal?dictions, la mal?diction unanime allant sans cesse et grandissant toujours. Au second village, voisin du premier, la col?re avait remplac? la plainte, et ces malheureux criaient:

--Arri?re le brigand qui m'a vol? mon fils! mort au sc?l?rat qui fit p?rir mon p?re sous le b?ton! Voil? le monstre impitoyable! Et les enfants de jeter des cailloux et des pierres ? ce fauteur d'incendie.

--Rends-nous le pain, disaient les femmes! Rends-nous l'honneur, disaient les hommes! rends-nous les lits et les berceaux! Regarde, la faim nous mine, et nos mains d?faillantes ne pourraient plus tenir les outils que tu nous as vol?s.

A ce bruit immense, o? les dents grin?aient, o? les yeux flamboyaient, o? de ces poitrines h?ves et dess?ch?es sortaient des sons rauques et des sifflements pleins de fi?vre, accouraient villageois et villageoises, et de leur doigt vengeur, d?signant cet homme impie, ils criaient tous:

--Au diable! au diable! au diable!

Et l'?cho r?p?tait:

--Au diable! au diable!

Alors Satan, d'une voix qui remplit la plaine et le mont:

--Camarade! il ?tait convenu que je n'accepterais qu'un pr?sent fait de bonne gr?ce et tout d'une voix, sans que pas un des donataires y trouv?t ? redire. Eh bien, que t'en semble? et que dis-tu de cette unanime mal?diction? Pour le coup, tu es ? moi, bien ? moi. Pas un qui te r?clame ou te pardonne.

Et, prenant le bailli par les deux ?paules, il le suspendit ? un ch?ne qui n'avait pas moins de soixante pieds de hauteur. Toute la contr?e applaudit ? cet acte de vengeance! H?las! ? d?faut de justice, on se venge, et voil? pourquoi il faut ?tre juste avant tout.

Cet homme ?tant disparu de ce domaine, on vit peu ? peu repara?tre en ces lieux d?vast?s l'ordre et la paix. L'?glise fut reb?tie, et, de nouveau, la cloche appela les fid?les ? la pri?re; ils ob?irent ? l'appel sacr?, justement parce qu'ils avaient cess? d'?tre mis?rables. Les femmes furent les premi?res ? quitter leurs haillons pour des habits simples et de bon go?t. Les hommes revinrent ? la charrue, ? la herse, ? tous les instruments qui font vivre et r?jouissent l'humanit?. Le pourceau, sauv? par miracle, eut une prog?niture abondante. Le petit enfant grandit et devint un grand justicier, chef d'un parlement dont la voix ?tait souveraine. On ne s'?tonna gu?re, lorsque, un matin, le vieux ch?teau fut ?ventr?, dont les mat?riaux servirent ? faire un aqueduc, un pont, une chauss?e. Enfin vous avez devin? que le nouveau seigneur ?tait justement le jeune homme de la maison neuve. Ils avaient commenc? par renoncer ? leur droit de potence, ? leur droit de gal?res et de gibet. Ils avaient fait de la potence une indication pour guider les voyageurs dans la for?t.

Nous avons encore ? raconter une aventure, et tout sera dit: le jour o? disparut le bailli, les anciens du village qui avaient gard? leur sang-froid avaient tr?s bien vu que Satan, de sa main pleine d'?clairs, avait grav? on ne sait quoi sur la branche la plus haute du vieux ch?ne. Le vieux ch?ne mourut de vieillesse, et les b?cherons, en le d?pouillant de sa couronne, y trouv?rent ce mot m?morable, ?crit en traits de feu: JUSTICE!

L'?PAGNEUL MAITRE D'?COLE

Dans un canton de l'Arabie heureuse appel? le Ludistan r?gnaient et gouvernaient, au temps des f?eries, le bon roi Lysis et la reine Lysida. C'?taient deux bonnes gens, sans reproches et sans peur, qui se laissaient conduire assez volontiers, le roi par son ministre Atrobolin, la reine par sa dame d'honneur Moustelle; Moustelle, il est vrai, appartenait aux premi?res maisons de Ludistan.

Donc les voil?, le roi et la reine tr?s joyeux, qui foulent d'un pied l?ger la vaste prairie; au bout de la prairie il y avait un beau rivage ?clair? d'un soleil radieux, puis enfin la M?diterran?e ?clatante, ou, tout au moins, de quelque nom qu'on l'appelle, un immense Oc?an dont pas un mortel n'avait franchi les derni?res limites.

Les plus hardis navigateurs envoy?s par l'Acad?mie des sciences de ce beau royaume ?taient revenus de leur aventure ?pouvant?s des ab?mes, des pr?cipices, des rochers funestes qui les avaient arr?t?s apr?s cinq ou six mois d'une heureuse navigation. <> Ceci dit, nos voyageurs ?taient d?cor?s par le roi Lysis, et l'Acad?mie ouvrait son sein ? ces nouveaux Christophe Colomb.

La reine et le roi avaient donc cess? depuis longtemps d'envoyer l?-bas des flottes inutiles, et, prenant leur parti en gens sages, ils se contentaient de contempler le vaste espace, du sommet de la roche Noire, ainsi nomm?e parce que ce rocher terrible ?tait couvert incessamment d'une blanche ?cume. En ?tudiant la g?ographie, il vous sera facile de vous convaincre des gentillesses, des gaiet?s et des non-sens de MM. les g?ographes. Ils s'amusent volontiers de ces chiquenaudes donn?es au sens commun.

La reine et le roi s'?taient ? peine assis ? leur place accoutum?e, ? peine le roi avait dit ? la reine: <> ? peine la reine avait dit au roi: <> un nuage ?pais s'?tendit soudain sur le ciel radieux; le flot grondant vint se briser contre la roche Noire; on n'entendit au loin que la bataille des ?l?ments furieux; <> Heureusement la roche, en ce lieu, formait une cavit?, la plus charmante du monde pour des t?tes couronn?es. Les p?tres eux-m?mes, par ces mauvais temps subits, ne sont pas f?ch?s de rencontrer ces remparts naturels contre la pluie et le vent de bise. <>

Cependant tout au loin il leur sembla qu'une barque l?g?re, abaissant au vent, allait d'une vague ? l'autre et s'approchait du rivage en louvoyant.

<>

A ce bon mot qu'il avait trouv? sans le chercher, le roi Lysis daigna sourire. Ils ressemblent en ceci au reste des humains, les rois d'esprit, rien ne les amuse autant que leurs propres bons mots.

Apr?s une pose: <>

Comme elles allaient se disputer, Leurs Majest?s virent aborder au pied de la roche, et cette fois ils furent d'accord, un bateau qui ?tait en m?me temps un berceau, un berceau qui ?tait tout ensemble un bateau. Au m?me instant, le soleil sortit du nuage, et tout se calma dans cette immensit?; ce fut un v?ritable enchantement.

La reine et le roi eurent bient?t quitt? leur roche et gagn? le rivage; et pensez s'ils furent heureux, quand ils d?couvrirent dans ce berceau un beau petit gar?on de trois ou quatre ans qui leur tendit les bras. Tout d'abord, la reine s'empara du petit naufrag? pendant que le roi, qui tenait ? ses id?es, s'?criait: <> Or, le pilote ?tait un ?pagneul rare et charmant; sa queue ?tait orange, et de ce beau panache il se servait comme un nautonnier de voile et de gouvernail. Sa robe ?tait blanche et noire, il portait ? son front une ?toile. Enfin, que vous dirai-je? il n'y avait rien de plus joli que cet ?pagneul venu de si loin, dans un attirail si nouveau. <> disait le roi. Et voil? comme ils rentr?rent, tout joyeux et les mains pleines, en ce ch?teau dont ils ?taient sortis les mains vides. Il faut vous dire aussi que l'?pagneul, tr?s fatigu?, s'?tait endormi sur l'oreiller du jeune enfant. <>

L'enfant fut appel? d'un nom arabe qui signifie <>. Quant au chien, on l'appela d'un nom fran?ais qui veut dire <>.

Le lendemain de cette nuit terrible, accourut le peuple enthousiaste en criant: Vive la reine et vive le roi! <> disait Lysis. <> disait Lysida. Le ministre et la dame d'honneur avaient leur part dans cette gloire improvis?e, et pas un mot de l'?pagneul Azor, pas un mot du petit No?mi et de sa trompette. En ce temps-l?, les peuples ?taient bien ingrats!

Ce brave Azor menait de front l'utile et l'agr?able; en m?me temps qu'il enseignait l'exercice ? son ?l?ve, il lui montrait comment on pla?t aux dames; il relevait le mouchoir de celle-ci, il pr?sentait ses gants ? celle-l?. Il sautait pour le roi, pour la reine, et parfois pour le ministre. Il flattait le riche, et voil? le miracle: il ?pargnait le pauvre! Enfin, docile ? ces exemples, No?mi plaisait ? tout le monde.

Aussi bien la reine et le roi ne tarissaient pas sur les louanges de leur fils adoptif: <> Ils ne se doutaient pas, ces bons princes, que l'?pagneul faisait lever tout ce gibier sur les pas de son cher No?mi.

<> et de bonne heure il l'?veillait pour qu'il entendit le tireli joyeux de l'alouette matinale. Il faisait de toutes les cr?atures de ce bas monde autant de ma?tres excellents pour l'enfant de son adoption: le cygne enseignait ? nager au petit Lysis, le corbeau ? pr?voir la pluie et le beau temps.--<>

Justement, passait dans le sentier qui revient de la for?t, une humble vieille aux cheveux tout blancs, aux mains tremblantes. Elle portait, sur son ?paule vo?t?e, un lourd fardeau d'?pines qu'elle avait ramassa, brin ? brin, dans la for?t, et d'un pas chancelant elle regagnait sa cabane. H?las! il y avait encore bien loin de ce lieu au d?sert habit? par la vieille; elle ?tait harass?e, elle s'avouait vaincue.

<>

En ce moment passa le jeune homme suivi de son fid?le Azor. No?mi ?tait m?content, il avait fait mauvaise chasse et s'en revenait les mains vides. Ce fut pourquoi sans doute il continua son chemin sans regarder la vieille et son fardeau. Mais celle-ci: <> Il faisait la sourde oreille, il avait froid, il avait faim et n'?tait pas touch? du froid et de la faim de cette infortun?e. Azor, disons mieux, Mentor, voulant donner cette le?on de bont? ? son ?l?ve, poussait de son mieux le fagot d'?pines et d?j? son museau ?tait tout en sang... <> La le?on ne fut pas perdue, et No?mi, revenant sur ses pas, chargea le fagot sur ses ?paules:

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