Read Ebook: Quatre mois de l'expédition de Garibaldi en Sicilie et Italie by Durand Brager
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page
Ebook has 406 lines and 48660 words, and 9 pages
QUATRE MOIS DE L'EXP?DITION DE GARIBALDI EN SICILE ET EN ITALIE
PAR H. DURAND-BRAGER.
PARIS.--IMPRIME CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS, 55, QUAI DES AUGUSTINS.
PARIS E. DENTU, ?DITEUR LIBRAIRE DE LA SOCI?T? DES GENS DE LETTRES PALAIS-ROYAL, GALERIE D'ORL?ANS, 13.
Tous droits r?serv?s.
PR?FACE
On a beaucoup parl? de Garibaldi et de ses volontaires; les journaux ont retenti pendant quatre mois des ?v?nements qui se sont accomplis en Sicile et en Italie. Pour les uns, le c?l?bre Ni?ois est un aventurier, un ?cumeur de mer, un Walker de la pire esp?ce; ses compagnons un amas de bandits, de flibustiers, rebut de la soci?t? des quatre parties du monde. Pour les autres, l'ancien d?fenseur de Rome est un h?ros, une figure prise dans le livre de Plutarque, presque un nouveau Messie entour? d'une phalange de martyrs et de lib?rateurs. Mais il y a un point sur lequel tout le monde est d'accord, c'est sur l'int?grit? et le d?sint?ressement de l'ermite de Caprera.
J'aurais pu, comme un autre, essayer une monographie de Garibaldi que j'ai connu dans la Plata, ? l'?poque o? il commen?ait la vie aventureuse qui l'a men? jusqu'? la conqu?te d'un royaume; et aborder ? ce propos les consid?rations historiques et politiques auxquelles on est naturellement si enclin ? se laisser entra?ner: j'avais aussi ma petite brochure dans la t?te et ma petite solution dans la poche. Mais je me suis rappel? heureusement ? temps le vers du Bonhomme, et me suis souvenu que je ne devais avoir d'autres couleurs que celles de ma palette.
Je me suis donc r?sign? ? ?crire les faits dont j'ai ?t? t?moin, comme je les aurais dessin?s, cherchant ? reproduire leur c?t? pittoresque sans blesser personne. Peut-?tre ces simples esquisses recueillies ? la h?te par un artiste qui depuis vingt ans a assist?, soit comme correspondant de nos premi?res feuilles, soit comme peintre officiel de la marine, ? tous les grands ?v?nements contemporains, auront-elles leur enseignement et leur utilit?. C'est tout ce que j'esp?re, tout ce que je d?sire pour ce petit livre.
H. DURAND-BRAGER.
Paris, janvier 1861.
Marsala est une jolie petite ville, coquettement assise sur les plages fertiles qui s'?tendent de Trapani ? Girgenti. Fortifi?e jadis, comme presque toutes les villes de la Sicile, elle a conserv? ses murs et ses remparts moyen ?ge; mais, d?bordant sa ceinture, elle a fini par s'?tendre en dehors des anciens foss?s. Le faubourg, qui relie la ville au port, est presque moderne. Il y a un si?cle, environ, le port de Marsala ?tait ? peu pr?s s?r, et des navires d'un fort tonnage pouvaient y venir chercher abri. L'indiff?rence du gouvernement l'a laiss? combler presque enti?rement, et des bateaux d'une centaine de tonneaux ont, de nos jours, de la peine ? y mouiller. La jet?e qui le ferme est elle-m?me dans le plus triste ?tat, et chaque nouvelle temp?te enl?ve une partie de ses enrochements. Il y a presque un kilom?tre du port ? la ville. On a construit sur les quais de vastes magasins et d'importants ?tablissements qui appartiennent, en grande partie, aux Anglais. C'est l? que se fabriquent les vins de Marsala. Une seule maison sicilienne, la maison Florio, repr?sente le commerce italien. Sur la gauche s'?l?ve le Monte di Trapani, couronn? par son ancien ch?teau et sa vieille ville, s?jour de la colonie albanaise, dont les membres ont continu? de vivre entre eux et pour eux, sans jamais se m?ler ou s'allier au reste de la population.
Rien n'est gai comme l'aspect de cette petite ville lorsqu'on la d?couvre par une belle matin?e. Une vapeur bleu?tre l'entoure du c?t? de la campagne et fait ressortir la couleur chaude et transparente ? la fois des murailles et des tours, tandis que le soleil dore les plages de sable et resplendit sur les fa?ades blanches et roses des maisons.
Tel ?tait le tableau qu'on pouvait contempler le 11 mai dernier avec les premi?res lueurs du jour.
Une corvette de guerre anglaise reposait tranquillement sur ses ancres presque ? l'entr?e du port et en face des ?tablissements de ses nationaux. Quelques rares habitants, se rendant ? leurs affaires, commen?aient ? circuler sur les quais, et observaient curieusement les manoeuvres de deux ou trois vapeurs dont on apercevait au loin les fum?es dans la direction de l'?le de Favignano. C'?tait la croisi?re napolitaine qui surveillait la c?te sud de Sicile, et qui, la veille, avait pass? une partie de la journ?e stopp?e devant Marsala.
Quelques bateaux de p?che rentraient au port, et s'empressaient de d?barquer le butin de la nuit. Certes, personne, dans la ville, ne se doutait des ?v?nements que cette journ?e apportait.
Quelques magasins restaient ouverts, et ces malheureux soldats de Garibaldi, ext?nu?s par une navigation de huit jours, entass?s sur leurs navires comme des harengs dans une caque, cherchaient partout quelques vivres frais, quelque autre boisson que l'eau croupie et saum?tre du bord. C'?tait ? qui se d?tendrait les bras et les jambes pour s'assurer qu'il ne les avait pas perdus ? bord dans l'engourdissement caus? par l'agglom?ration de tant d'hommes sur le pont des navires.
Cependant, avant l'entr?e de Garibaldi dans Marsala, le t?l?graphe avait signal? ? Trapani l'arriv?e de deux b?timents sans pavillon, puis leur entr?e dans le port, puis le commencement du d?barquement des volontaires. Il s'?tait arr?t? l?.
A peine dans la ville et en vrais volontaires, les Garibaldiens s'?taient imm?diatement r?pandus partout. L'employ? du t?l?graphe avait d?camp? au plus vite, laissant son coll?gue de Trapani lui faire, mais en vain, force signaux. Dans les volontaires, il y a g?n?ralement un peu de tout. Il fallait un agent t?l?graphique: on en trouva un imm?diatement. Lire la d?p?che commenc?e, fut pour lui peu de chose; traduire celle de Trapani ne fut pas plus difficile.
Mais que r?pondre? On fut imm?diatement consulter un chef; les uns disent que ce fut le g?n?ral Garibaldi lui-m?me. Toujours est-il que l'on donna l'ordre ? l'employ? t?l?graphique improvis? de signaler ? Trapani: <
La r?ponse de Trapani ne fut pas longue: en l'adoucissant beaucoup, on peut la traduire ainsi: <
Le peu de temps que les volontaires s?journ?rent ? Marsala dut ?tre laborieusement employ?. Changement de municipalit?; organisation de la garde civique; nomination d'un gouverneur; commission d'approvisionnement et d'habillement; inspection des vivres et des munitions de chaque homme, etc. Il fallait pourvoir ? tout cela. Des pavillons aux couleurs nationales furent improvis?s et arbor?s partout. Les ?toffes rouges de la ville mises en r?quisition servirent ? confectionner dans les vingt-quatre heures autant de chemises de laine que possible.
Le soir m?me, suivant les ordres du g?n?ral, une avant-garde se lan?ait sur Calatafimi, en passant par Rambingallo, Saleni et Vita. Le reste de l'arm?e devait partir le lendemain matin de bonne heure et faire ?tape ? Rambingallo.
La nuit fut bruyante dans Marsala. Cette ville, si calme, si tranquille, dont les habitants rentraient ordinairement chez eux ? la nuit tombante, abandonnant leurs rues et leurs places ? des multitudes de rats de cat?gories vari?es, dut se trouver compl?tement abasourdie en entendant les pas des Garibaldiens et le bruit de leurs sabres rebondissant sur les dalles de pierre qui pavent toutes les cit?s italiennes.
C'?tait un Croquemitaine en habit noir, que ce Maniscalco. Il savait tout ce qui se passait non-seulement en public, mais encore dans l'int?rieur des familles et jusque dans les couvents. Nous le retrouverons d'ailleurs ? Palerme, et nous aurons occasion d'en parler longuement.
La voil? donc en route, cette intr?pide colonne, et pendant qu'elle s'avance ainsi p?le-m?le, flanqu?e de quelques ?claireurs qui ne se pr?occupent gu?re d'une rencontre avec l'arm?e napolitaine, regardons-la d?filer, et observons-en l'ensemble et les types particuliers. Pour l'ensemble, c'est une poign?e d'hommes d?termin?s, des fusils de tous mod?les, de l'entrain et de la gaiet?, le bagage du Juif errant moins les cinq sous, des costumes dont la vari?t? ferait envie au parterre le plus ?maill?, et dont l'originalit? exciterait la verve de Callot ou d'Hogarth.
Quant aux types, ils ne sont pas moins curieux: Ici, c'est un Hongrois, ? la taille ?lev?e, aux larges ?paules et ? la d?marche de Madgyar. Il porte en se jouant son escopette aussi facilement qu'une femme fait manoeuvrer son ombrelle. Derri?re lui s'avance un blond Anglais; mais sa figure, pour ?tre ras?e comme celle d'un bon bourgeois, n'en respire pas moins ce courage froid et calme que rien ne pourra troubler. Celui-l? porte un peu son fusil comme un promeneur fait de sa canne; la ba?onnette, attach?e par un bout de ficelle, bat la breloque avec un petit sac de voyage. En vrai fils d'Albion, il n'a pas oubli? une gourde ? la panse rebondie. On peut parier que ce n'est pas de l'eau qu'elle contient.
Tout ce monde chemine, marche, aux rayons du soleil levant, et la colonne, semblable ? un long serpent bariol?, commence ? gravir les contre-forts des montagnes qui s'?l?vent dans l'int?rieur de la Sicile.
Cette premi?re marche fut peut-?tre l'une des plus p?nibles du commencement de la campagne. Un soleil br?lant, beaucoup de poussi?re, peu ou presque pas d'eau; pour des hommes encore engourdis par leur s?jour forc? ? bord, c'?tait dur. Enfin, on arriva sans encombre ? Rambingallo.
Rambingallo est une petite ville ou, pour mieux dire, un mis?rable bourg qui offre peu de ressources pour une arm?e en marche. Aussi n'y fit-on qu'une courte halte; on repartait le soir m?me pour Saleni, o? l'on entrait le 14 au matin. Il y eut l? s?jour n?cessaire pour organiser plus militairement la petite arm?e, et pour laisser le temps aux tra?nards de rallier.
Jusque-l?, la colonne n'avait ?t? inqui?t?e que par des bruits ou de fausses nouvelles apport?es par des espions empress?s: les Napolitains sont ici; les royaux sont l?; ils sont devant vous, sur votre flanc, etc. Somme toute, on ne les voyait nulle part.
Mais le g?n?ral Garibaldi, mieux inform?, savait qu'un corps de troupes d?tach? de Palerme s'avan?ait ? marches forc?es, et qu'il devait le rencontrer quelque part comme ? Vita, Calatafimi ou Alcamo. Ce corps poss?dait de l'artillerie, et m?me un peu de cavalerie.
A Saleni, le r?le de chaque chef et de chaque corps fut bien sp?cifi?. Les munitions furent partag?es aussi ?galement que possible. Un corps de chasseurs fut organis?; Menotti, le fils de Garibaldi, en prit le commandement, ainsi que d'une r?serve destin?e ? prot?ger les quelques chariots de bagages et de munitions appartenant ? l'arm?e lib?ratrice. Quant ? la caisse, elle se d?fendait toute seule: elle ?tait vide. Plusieurs soldats napolitains d?serteurs avaient rejoint dans la soir?e du 14, et avaient donn? des renseignements pr?cis sur la position des troupes royales qui attendaient les lib?rateurs ? Calatafimi, non pas les bras ouverts, mais dans de fortes positions militaires.
Le 15, au matin, l'arm?e garibaldienne, partie de bonne heure de Saleni, arrivait ? Vita qu'elle trouvait abandonn?e par les troupes napolitaines. Ces derni?res occupaient, ? la sortie du village, une suite de collines allong?es, aboutissant ? Calafatimi.
Cette cha?ne pr?sente sept positions dominantes, successives. La route se d?roule ? leurs pieds; elle n'est, de fait, qu'un v?ritable d?fil? entre les collines dont nous parlons, ? droite, et les hautes montagnes qui, sur la gauche, suivent la m?me direction. Seulement, ces derni?res, quoique fort ?lev?es, descendent par une pente presque insensible vers la plaine, de sorte que les sommets, trop ?loign?s du lieu de l'action, ne pouvaient servir de positions militaires. Une petite rivi?re, qui arrive obliquement ? la route, venait la rejoindre ? la hauteur du premier mamelon, et un moulin, qui se trouvait ? cet endroit, ?tait fortement occup? par un d?tachement de l'arm?e napolitaine. La route de Trapani ? Palerme court aux pieds des montagnes de gauche, paraissant et disparaissant dans les plis du terrain.
A peine sortie de Vita, l'avant-garde de Garibaldi, dont les tirailleurs s'?taient d?ploy?s sur une petite colline ? la droite du village, en face des positions ennemies, s'engagea vigoureusement avec les tirailleurs napolitains abrit?s par des plantations et embusqu?s dans un hameau situ? entre les deux collines, au fond d'un ravin qui se prolonge jusqu'aux montagnes qui encadrent l'horizon.
Vivement ramen?s par les tirailleurs garibaldiens, ceux de l'arm?e royale ne tard?rent pas ? regagner le sommet du premier mamelon, poursuivis, la ba?onnette dans les reins, par leurs adversaires. Le colonel Orsini mettait en batterie ? ce moment, ? cheval sur la route de Calatafimi et ? l'entr?e du ravin, deux pi?ces de campagne battant cette route et le moulin.
Arriv?s presque au sommet du premier mamelon, les tirailleurs de Garibaldi durent s'arr?ter pour reprendre haleine et attendre des renforts qui leur arrivaient au pas de course. Couch?s ? terre, au milieu des alo?s et des cactus, ils laiss?rent passer un instant la gr?le de boulets que leur envoyait l'artillerie napolitaine. Mais, ? peine rejoints par quelques compagnies, ils reprennent l'offensive, abordent ? la ba?onnette les lignes ennemies, dont l'artillerie se h?te de battre en retraite, tirant par sections, et se dirigeant vers le sommet du deuxi?me mamelon o? sont mass?es d'autres troupes. L'infanterie r?siste mieux, mais bient?t elle suit l'exemple de l'artillerie, et prend position en tirailleurs sur le versant de ce deuxi?me mamelon. On voit ? ce moment de fortes r?serves dans la direction de Calatafimi; elles se h?tent de rejoindre les troupes engag?es.
D'autres renforts arrivent aux Garibaldiens qui abordent le deuxi?me mamelon et l'enl?vent comme le premier. Une petite maison, situ?e au sommet, est imm?diatement convertie en ambulance et occup?e par les chirurgiens de l'arm?e lib?ratrice.
Le lendemain matin, 16, Garibaldi entrait ? Calatafimi, o? les bless?s avaient ?t? d?j? transport?s dans la nuit; et, vers l'apr?s-midi, l'avant-garde marchait sur Alcamo, o? l'arm?e la rejoignait le lendemain 17.
Ce fut aussi ? Alcamo qu'un semblant d'intendance commen?a ? s'organiser. Le service des vivres y gagna. Quant ? celui des finances, il resta le m?me jusqu'? Palerme, et m?me longtemps apr?s la prise de cette ville. Qui ne conna?t cette heureuse lithographie de Raffet qu'accompagne cet adage: <
On peut dire bien des choses ? propos de cette anecdote; quant ? moi, je n'en garantis que la scrupuleuse v?racit?.
Le mont Calvaire est ? environ cinq ou six kilom?tres au-dessus de Montreal. Une ?troite vall?e le s?pare des montagnes sur lesquelles est situ?e cette petite ville. Des bois, des jardins et des maisons occupent tout le vallon, et remontent de chaque c?t? jusqu'? mi-c?te. La route royale, qu'avait quitt?e l'arm?e garibaldienne, passe du c?t? de Montreal, trac?e dans le flanc des montagnes, ? peu pr?s au tiers de leur hauteur. Toute cette route, jusqu'en face le mont Calvaire, ?tait gard?e par de grand'gardes napolitaines. Du bivouac, on les voyait distinctement, et la ville paraissait remplie de troupes. Parco est imm?diatement au-dessous du mont Calvaire, ? deux kilom?tres au plus de distance, et la route qui conduit de Palerme ? Parco, Piano, etc., se d?roule sur le versant de la cha?ne de montagnes dont fait partie le mont Calvaire, qu'elle commence ? gravir apr?s avoir tourn? Parco, passant ? mi-hauteur de la montagne. L'arm?e avait grand besoin de repos, et quoique l'on manqu?t de bien des choses, on resta au bivouac jusqu'au 23. Vers le soir de ce dernier jour, les avant-postes s'engag?rent avec les grand'gardes napolitaines qui, descendues dans la vall?e, avaient commenc? ? gravir le mont Calvaire. Apr?s une fusillade insignifiante elles se retir?rent, et reprirent leurs premi?res positions.
Le matin du 24, de bonne heure, ? l'instant o? l'arm?e nationale se mettait en mouvement, on aper?ut sur la route de Palerme de profondes colonnes s'avan?ant sur Parco. En m?me temps on apprenait que les troupes qui ?taient ? Montreal ex?cutaient un mouvement tournant par le sommet de la montagne.
On ne tarda pas en effet ? apercevoir leurs t?tes de colonnes descendant des plateaux ?lev?s qui sont un peu plus loin que Parco, et qui se relient avec le mont Calvaire. L'ennemi mena?ait l'aile gauche de Garibaldi: ?videmment, son but ?tait de la couper.
Derri?re les cr?tes d'o? descendait l'arm?e de Montreal se trouve une suite d'autres sommets qui se relient aussi aux premiers. Le g?n?ral Garibaldi embrassa d'un seul coup d'oeil toute la situation. Ordre fut donn? ? l'aile gauche de tenir bon jusqu'? la derni?re extr?mit?. Une section de deux pi?ces plac?es sur le mont Calvaire, une autre en batterie sur la route, prenaient ? revers tout ? la fois les colonnes venant de Palerme et celles de Montreal.
L'affaire s'engagea vivement. Pendant ce temps, le g?n?ral Garibaldi d?robait, gr?ce aux sinuosit?s de la montagne, la marche de son centre et de son aile droite, et, tournant la route vers Piano, il les lan?ait sur le versant des cr?tes les plus ?lev?es. Cette manoeuvre fut accomplie au pas gymnastique et avec une rapidit? inou?e. Une heure ne s'?tait pas ?coul?e depuis le commencement de l'action, que la brigade venue de Montreal, qui attendait, pour aborder franchement l'arm?e garibaldienne, l'approche des colonnes venant de Palerme, voyait son aile droite compromise, et se trouvait elle-m?me presque enti?rement tourn?e par le centre et l'aile droite de Garibaldi qui prenaient une position mena?ante en arri?re de ses lignes. Les Napolitains se h?t?rent alors de se replier, les uns sur Montreal, et les autres sur Palerme. De son c?t?, l'arm?e de Garibaldi se dirigeait, par une marche de flanc, sur Piano, o? elle arriva ? la nuit tombante. Chacun pensait que le g?n?ral allait profiter de ce premier et important succ?s pour se porter rapidement en avant. Mais, ? la stup?faction g?n?rale, l'artillerie et les bagages re?urent l'ordre de se s?parer du corps d'arm?e, et de filer grand train sur la route de Corleone, battant ainsi ostensiblement en retraite.
Corleone est une petite ville situ?e de l'autre c?t? des monts Mata-Griffone, ? environ quarante ? quarante-cinq kilom?tres de Piano. Le colonel Orsini, suivant les instructions qu'il avait re?ues, se mit imm?diatement en marche, pendant que l'arm?e, ? la faveur de la nuit, se dirigeait elle-m?me sur les for?ts de Fienza qu'elle atteignait vers une heure du matin. Garibaldi savait en effet que le g?n?ral commandant l'arm?e napolitaine avait r?uni toutes ses troupes dans Palerme. La plus grande partie ?tait mass?e dans la rue de Tol?de et au Palazzo-Reale; d'autres ?taient renferm?es dans la citadelle; deux ou trois bataillons se trouvaient pr?s du mont Pellegrini, et, enfin, une division enti?re gardait l'entr?e de Palerme vers la route de Missilmeri et Abbate. Il fallait tromper cette division, et lui faire abandonner sa position pour suivre un ennemi qui paraissait fuir en d?sordre. C'?tait le r?le attribu? au colonel Orsini. Garibaldi, de son c?t?, se d?robant par une marche de nuit dans les profondeurs des for?ts de Fienza, tournait le mouvement de la colonne napolitaine de mani?re ? arriver promptement aux positions que l'ennemi abandonnait.
Ce projet, bien con?u, et encore mieux ex?cut?, r?ussit compl?tement. On se rappelle la pompeuse d?p?che napolitaine annon?ant la fuite en d?sordre des bandes de brigands, et leur poursuite acharn?e par une division royale. Pendant ce temps Garibaldi quittait la for?t de Fienzza le 25, au matin, et entrait ? Marinero sans s'inqui?ter de la division ennemie qui passait ? quelques milles de cette petite ville.
On vit en cette circonstance se produire un fait digne de remarque, et qui se renouvela pendant toute cette guerre. Les habitants montr?rent souvent de la faiblesse et de la ti?deur. Le souvenir des affreux traitements que leur infligeait le gouvernement de Naples, n'?tait pas fait pour les enhardir; mais ils se bornaient ? s'enfermer, ? ne pas donner signe de vie, et il n'y a pas eu un tra?tre parmi eux. Un seul homme pouvait compromettre le succ?s de cette audacieuse manoeuvre. Bien plus, ? Palerme, tout le monde savait l'arriv?e de Garibaldi pour le 26, et connaissait la porte qu'il devait attaquer. Nul ne pensa ? vendre ce projet aux autorit?s napolitaines qui auraient pu facilement remplacer, par d'autres troupes, les na?fs soldats lanc?s plus na?vement encore ? la poursuite des d?bris de l'arm?e lib?ratrice. Ce qui montre combien tout le monde ?tait d'accord pour souhaiter la fin de leur occupation.
Dans la nuit du 25 au 26, l'arm?e nationale quittait Marinero, et marchait vers Missilmeri qu'elle laissa sur sa droite pour gagner les monts Gibel-Rosso. C'?tait une bonne position militaire, et d'o? l'on pouvait d?couvrir tout Palerme. Le 26 il y eut une alerte assez vive, mais qui n'eut pas de suites. L'arm?e passa le restant de la journ?e ? ce bivouac; dans la soir?e, une reconnaissance de cavalerie napolitaine vint se heurter contre ses vedettes, et, apr?s avoir ?chang? quelques coups de feu, se replia sur la ville.
Add to tbrJar First Page Next Page