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Read Ebook: Quatre mois de l'expédition de Garibaldi en Sicilie et Italie by Durand Brager

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Ebook has 406 lines and 48660 words, and 9 pages

Dans la nuit du 25 au 26, l'arm?e nationale quittait Marinero, et marchait vers Missilmeri qu'elle laissa sur sa droite pour gagner les monts Gibel-Rosso. C'?tait une bonne position militaire, et d'o? l'on pouvait d?couvrir tout Palerme. Le 26 il y eut une alerte assez vive, mais qui n'eut pas de suites. L'arm?e passa le restant de la journ?e ? ce bivouac; dans la soir?e, une reconnaissance de cavalerie napolitaine vint se heurter contre ses vedettes, et, apr?s avoir ?chang? quelques coups de feu, se replia sur la ville.

Le 26, dans la nuit, cette poign?e d'hommes prenait les armes et descendait imp?tueusement des monts Gibel-Rosso vers Abbate, traversait ce bourg et arrivait sans coup f?rir au pont de l'Amiraglio, d?fendu par un r?giment napolitain; le 27, ? trois heures du matin, trente-deux hommes et seize guides composant l'avant-garde se jetaient sans h?siter sur les troupes qui gardaient les abords du pont, et les for?aient ? en abandonner la d?fense. L'arm?e avait ?t? partag?e en trois colonnes d'attaque: l'une command?e par Bixio, l'autre par Sertori, celle du centre par le g?n?ral Garibaldi. A quatre heures, chassant l' ennemi de maison en maison, dans le faubourg, les volontaires arriv?rent ? la porte de Palerme au milieu de l'incendie allum? par les fuyards dans chacune des maisons qu'ils ?taient forc?s d'abandonner. A six heures le faubourg ?tait pris. Il y avait en ce moment environ douze mille hommes au Palazzo-Reale, couvrant le front de la ville. La citadelle, avec cinq mille hommes, d?fendait la gauche, du c?t? du mont Pellegrini; deux mille hommes, environ, occupaient le faubourg que venait d'enlever l'arm?e lib?ratrice. Il y avait bien encore quatre mille hommes, mais ils ?taient ? la poursuite d'Orsini. En attaquant par ce faubourg, le g?n?ral Garibaldi avait l'intention d'isoler, par un vigoureux coup de main, la citadelle du Palazzo-Reale, et d'offrir en m?me temps, par ce seul fait, un point d'appui au mouvement insurrectionnel des habitants. A quelques heures d'intervalle, le colonel Orsini atteignait aussi Palerme, ramenant ses pi?ces, apr?s avoir d?rob? adroitement sa marche ? la colonne napolitaine qui le poursuivait, et qui, un beau matin, en se r?veillant, n'avait plus su retrouver la piste du gibier qu'elle chassait si maladroitement.

On ne saurait se faire une id?e du d?sarroi dans lequel se trouvait d?j? en ce moment l'arm?e royale, et du d?couragement que les d?faites de Calatafimi et de Parco avaient apport? m?me parmi les soldats les plus r?solus. En voici un exemple: apr?s le passage du pont de l'Amiraglio, un jeune volontaire, nomm? Kiossoni, Messinois, et dont le p?re avait ?t? longtemps vice-consul de France en cette ville, se pr?cipita, suivi seulement de quelques camarades, sur une barricade qui barrait le boulevard, ? gauche de la porte de Termini, par laquelle les troupes royales rentraient en d?sordre. Aucun d?fenseur n'y paraissait; mais, arriv?s au sommet, ils virent de l'autre c?t?, ? une cinquantaine de m?tres, deux ou trois compagnies, l'arme au pied, qui, en apercevant les casaques rouges, se d?band?rent imm?diatement dans toutes les directions, laissant nos volontaires se frotter les yeux pour s'assurer s'ils ne r?vaient pas.

Deux braves soldats napolitains ?taient rest?s seuls cern?s dans une des maisons du faubourg, et, br?lant jusqu'? leur derni?re cartouche, ils ne mirent bas les armes que sur les instances d'un compatriote, volontaire dans l'arm?e de Garibaldi; ils furent parfaitement trait?s, et m?me f?t?s par leurs vainqueurs. Ces pauvres diables, pleurant presque de rage, ne savaient de quelle expression fl?trir les compagnons qui les avaient abandonn?s l?chement.

L'aspect du faubourg ?tait pitoyable. Partout o? passaient les Napolitains arrivaient l'incendie et le pillage. Leur fuite pr?cipit?e ne les emp?cha pas de commettre dans la ville les atrocit?s qui avaient d?sol? le faubourg sur la route de Montreal.

Pendant que les Garibaldiens bousculaient devant eux les troupes royales, s'appr?tant ? les suivre dans Palerme, ils furent rejoints par quelques volontaires Palermitains, mais peu nombreux. La plus grande partie des jeunes gens et des hommes d'action avaient ?t? ?loign?s de la ville ou exil?s depuis longtemps par la police de Maniscalco.

Du reste l'expiation commen?ait d?j? pour ses agents. Plusieurs sbires, qui essayaient de fuir pendant l'attaque, furent reconnus et ?charp?s ? c?t? du Jardin des Plantes.

Un autre, voulant forcer les factionnaires napolitains pour chercher son salut dans la fuite, fut fusill? par les siens qui le prirent pour un transfuge.

Dans une petite et mis?rable habitation, pr?s du pont de l'Amiraglio, vivait une pauvre famille; le p?re, forc? par les soldats royaux d'aller leur chercher de l'eau, fut malheureusement atteint d'une balle et tu? sur le coup. Un instant apr?s, sa maison ?tait br?l?e. Sa femme et ses deux enfants n'ont jamais reparu. Tristes sc?nes qui p?lissent cependant ? c?t? de celles dont l'int?rieur de Palerme va ?tre le th??tre.

Pour bien comprendre la manoeuvre hardie que ne craignait pas de tenter le g?n?ral Garibaldi, certain qu'il ?tait du courage et de la d?termination de ses volontaires, manoeuvre qui devait d'un seul coup lui donner gain de cause vis-?-vis de troupes d?moralis?es, il faut se rendre compte de la situation topographique de Palerme, ainsi que des positions qu'occupaient les Napolitains.

Jadis entour?e de fortifications assez imposantes qui existent encore pour la plupart, la ville a la forme d'un rectangle dont les c?t?s les plus petits regardent, l'un la mer, et l'autre la campagne dans la direction de Montreal et Parco. Les deux autres, qui ont au moins trois fois le d?veloppement des premiers, font face, l'un au mont Pellegrini et aux campagnes de Castellamare, l'autre aux monts Gibel-Rosso et Abbate. C'est de ce dernier c?t? que l'arm?e de Garibaldi se pr?sentait devant Palerme. Deux rues principales coupent presque ? angle droit l'espace occup? par la ville. L'une, la rue de Tol?de, part du bord de la mer, pr?s de la citadelle, et monte jusqu'au Palais-Royal; l'autre vient couper la premi?re ? la place des Quatre-Cantons, presque au centre de la ville, et aboutit ? la porte qu'attaquait le g?n?ral Garibaldi. Chacune de ces voies partage Palerme en deux parties ?gales, soit en longueur, soit en largeur. Les Napolitains ayant leurs forces r?unies aux deux extr?mit?s de la rue de Tol?de, le Palazzo et la citadelle, allaient donc trouver leurs communications coup?es, si Garibaldi pouvait, sans coup f?rir, s'emparer de l'autre rue. Il avait encore cet avantage, en occupant le centre de la ville, qu'il donnait la facilit? ? tous les habitants de se replier sur sa ligne d'op?rations et de s'y fortifier sans craindre d'?tre eux-m?mes surpris par les troupes royales et fusill?s sans autre forme de proc?s. De plus, il emp?chait, par cette audacieuse manoeuvre, le ravitaillement des troupes et de l'artillerie du Palazzo-Reale, en les isolant de leur base d'op?rations qui ?tait la citadelle et surtout l'escadre.

Aussi les troupes garibaldiennes, que nous avons laiss?es ? la porte de Palerme poussant devant elles les troupes royales, et s'arr?tant un instant pour se reformer en ?paisse colonne d'attaque, lanc?rent-elles bient?t plusieurs compagnies dans l'int?rieur de la ville pour nettoyer les petites ruelles qui viennent aboutir ? la porte dont on venait de s'emparer; tandis que le gros de l'arm?e se jetait, t?te baiss?e, dans la grande voie pour gagner au plus vite la place des Quatre-Cantons. Ce mouvement fut si ?nergiquement ex?cut? qu'en moins d'une heure la place des Quatre-Cantons, le reste de la rue et la porte qui est ? l'extr?mit?, ?taient au pouvoir des volontaires. Vainement les Napolitains avaient essay? de les arr?ter en trois ou quatre endroits. Par un choc irr?sistible et presque sans tirer un coup de feu, les casaques rouges, chargeant ? la ba?onnette, les obligeaient ? c?der la place et ? se retirer en d?sordre vers la citadelle ou vers le Palazzo-Reale. C'est en ce moment que l'escadre napolitaine, qui jusque-l?, s'?tait content?e d'envoyer quelques boulets dans la direction du faubourg attaqu?, commen?ait ? prendre une position plus s?rieusement offensive, et manoeuvrait pour trouver un mouillage favorable ? son tir. Mais deux fr?gates seulement parvinrent ? s'embosser; les autres, soit mauvaise volont?, ce qui est probable, soit impossibilit?, manqu?rent leur mouvement et rest?rent spectatrices des ?v?nements. Ces deux navires, parfaitement plac?s et balayant la rue de Tol?de, commenc?rent imm?diatement sur la ville un feu violent, qu'ils continu?rent m?me pendant la nuit. La citadelle, de son c?t?, ne m?nageait ni ses bombes ni ses boulets.

Les barricades commenc?rent imm?diatement. ?lev?es par des mains habiles, elles prirent en peu d'heures un d?veloppement et un relief incroyables. Il faudrait un volume entier pour en expliquer le r?seau. La nuit, qui arriva ? temps pour seconder les travailleurs, fut bien employ?e par les deux partis; car les Napolitains, de leur c?t?, ?tablissaient des retranchements ? toutes les issues venant aboutir au Palazzo-Reale et ? la citadelle.

Dans cette ville priv?e de lumi?re, et o? toutes les maisons semblaient abandonn?es, on n'entendait alors que le bruit des pinces et des pioches frappant les dalles des rues et quelques coups de feu ?chang?s au hasard de part et d'autre.

De temps en temps, des coups de canon partant de l'escadre, de la citadelle et du Palazzo, jetaient une lueur rapide dans la rue de Tol?de et ?clairaient sinistrement les travailleurs des deux partis. Sur les deux heures du matin, plusieurs d?tachements de volontaires commenc?rent ? s'avancer par les rues lat?rales dans la direction du Palazzo-Reale, ainsi que vers la place de la Marine et le minist?re des finances du c?t? de la citadelle. Ce minist?re ?tait occup? par quatre bataillons.

La fusillade petilla bient?t partout et la canonnade, qui ne tarda pas ? s'y joindre, donna ? tous ces engagements partiels les proportions d'une vraie bataille. Mais c'?tait surtout aux abords du Palazzo-Reale que le combat ?tait le plus vif.

Ou tirait ? bout portant au milieu des flammes allum?es par les bombes et les obus de la citadelle ou de l'escadre. Peu d'habitants apparaissaient pour se joindre aux troupes lib?rales. Ils ne trouvaient sans doute pas la poire assez m?re. Leurs maisons restaient impitoyablement ferm?es, sauf celles qu'ouvrait le feu ou la troupe napolitaine; car ces d?fenseurs de la royaut? ne se faisaient faute ni d'aider l'incendie quand ils ne l'allumaient pas eux-m?mes, ni de piller sans scrupule, et la plume se refuse ? retracer les actes d'atrocit? commis par ces bandes effr?n?es.

Cependant deux colonnes ?taient parties en m?me temps pour tourner les positions de l'arm?e royale en l'attaquant par la Porta-Nuova et par la Porta-Maqueda. L'une, command?e par Bixio, l'autre par La Masa. Bixio s'empare d'abord de la caserne des Suisses, puis se porte vers la caserne des Quatro-Venti o? il fait prisonniers plusieurs officiers sup?rieurs et un r?giment.

D?concert?es par l'imp?tuosit? de cette attaque, les troupes royales commenc?rent ? se replier en d?sordre sur la place du Palais-Royal dont les abords ?taient fortement gard?s. La place de la Cath?drale, qui est un peu avant celle du Palais-Royal en venant de la mer, devint alors le th??tre d'un combat acharn?. Le couvent des J?suites, ? l'angle de la rue de Tol?de et de la place de la Cath?drale, occup? par un bataillon de chasseurs ? pied, est attaqu? et enlev? rapidement.

Le g?n?ral Lanza, qui commande les troupes du palais, voyant ce couvent pris par les Garibaldiens, fait tirer dessus ? obus et l'incendie. Le palais Carini, situ? en face, a le m?me sort.

Les tours de la cath?drale elles-m?mes servent de point de mire ? l'artillerie napolitaine.

On voit insensiblement les couleurs nationales appara?tre partout. Les fen?tres qui peuvent donner vue sur les troupes royales sont garnies de volontaires qui les d?ciment par leur feu.

On se bat ? la fois au Palais-Royal, ? la Cath?drale, dans la rue de Tol?de, ? la place de la Marine, autour de la citadelle et dans tout le quartier Paperito, o? l'incendie, allum? par les bombes de la citadelle et de l'escadre, fait de rapides progr?s. D?j? beaucoup de d?tachements royaux battent en retraite vers la citadelle par la place Caffarello et la place de la Funderia. Ces d?tachements sont assaillis dans leur fuite par une gr?le de balles, qui leur fait perdre beaucoup de monde.

La place des Quatre-Cantons ?tait devenue d?sormais la base des op?rations de Garibaldi. Le g?n?ral T?rr occupait le palais du S?nat. L'?tat-major de Garibaldi ?tait partout et se multipliait pour faire face aux exigences de la position. On commence ? pousser quelques barricades du c?t? de la place de la Marine, pour attaquer vigoureusement la brigade qui la d?fend. La fusillade devient tr?s-vive entre le minist?re des finances et les coins de rues qui lui font face. Les vaisseaux napolitains continuent un feu terrible, mais plus destructeur que meurtrier. A cinq heures, les troupes camp?es au palais ?taient bien et d?ment entour?es et coup?es. Compl?tement ma?tre de la partie de la ville comprise entre la Marine et le Palais-Royal, Garibaldi n'avait plus qu'? se fortifier pendant la nuit, et ? attendre le lendemain. Palerme tout entier ?tait en insurrection. Les faiseurs de barricades surgissaient de toutes parts.

A six heures du soir, le feu avait molli; mais, sur les sept heures et demie, le bombardement recommen?ait avec plus de fureur. On se battait ? la lueur de l'incendie que les projectiles allumaient de toutes parts.

Le lendemain 31, on annonce une tr?ve de trois jours.

Plus de trois mille bombes avaient ?t? lanc?es sur la ville pendant le bombardement. Le temps de l'armistice fut mis ? profit par les volontaires de Garibaldi et les habitants de Palerme. Les barricades furent compl?t?es partout; les plus fortes re?urent des canons. Quant aux Napolitains, ils restaient bloqu?s au Palais-Royal et manquaient totalement de vivres; Garibaldi leur en fit donner. Il fit retirer ?galement, et emporter dans les h?pitaux, tous leurs bless?s, et Dieu sait si le nombre en ?tait grand! On apprenait, en m?me temps, l'arriv?e ? Marsala d'un fort d?tachement de volontaires qui venaient grossir l'arm?e nationale.

Trois ou quatre jours se pass?rent ainsi. Garibaldi coupant, taillant administrativement, l?gislativement, militairement, financi?rement, et le tout carr?ment et promptement.

Les d?crets se suivaient avec une rapidit? inou?e et, certes, on ne peut accuser ses ministres d'avoir occup? des sin?cures.

Enfin, le six, le retour du g?n?ral Letizia, arrivant de Naples, termina les pourparlers et l'armistice provisoire fut remplac? par une capitulation en r?gle.

D?j?, depuis plusieurs jours, la cour de Naples prenait ses dispositions pour l'?vacuation des troupes de Palerme. On vit mouiller bient?t, sur la rade, une quantit? de vapeurs remorquant des transports. Les bless?s et les malades partirent les premiers, puis vint le tour du mat?riel, p?le-m?le avec les hommes. Toutes ces troupes, il faut l'avouer, parurent peu touch?es de leur d?faite une fois qu'elles se virent sur le pont des b?timents. Leurs musiques ne cessaient de se faire entendre, et ont les e?t prises plut?t pour des conqu?rants c?l?brant leur victoire que pour des vaincus forc?s, par une poign?e d'hommes, d'abandonner une des plus belles provinces de la couronne qu'ils avaient ?t? appel?s ? d?fendre. Ainsi vont les choses. Quoi qu'il en soit, l'?vacuation marcha grand train, et bient?t devait venir le jour o? le pavillon national serait arbor? dans toute la Sicile.

Il faut maintenant jeter un coup d'oeil r?trospectif sur tous ces ?v?nements, dont la marche rapide nous a fait n?gliger une foule de faits qui doivent ?tre constat?s. Plus de trois cents maisons, br?l?es dans le quartier de l'Albergheria par les troupes napolitaines battant en retraite sur le Palazzo-Reale, n'offraient plus, au moment du premier armistice, qu'un amas de d?combres encore fumants. On trouvait ? chaque instant au milieu de ces d?bris, des cadavres ? moiti? calcin?s, car les guerriers du roi de Naples avaient ?gorg? femmes et enfants, et pill?, sans scrupule, tout ce qui leur tombait sous la main. Le couvent des Dominicains blancs fut saccag?, incendi?, et les femmes qui s'y ?taient r?fugi?es furent br?l?es toutes vives. On repoussait ? coups de fusil dans les flammes celles qui cherchaient ? s'?chapper. Des actes atroces furent commis. En vain, les officiers cherchaient ? rappeler leurs soldats aux sentiments de l'honneur militaire. En vain, quelques-uns mirent m?me le sabre ? la main pour emp?cher ces infamies. Voyant leurs ordres comme leurs ?paulettes m?connus, ils furent oblig?s d'assister ? ces horreurs. Le palais du prince Carini, en face de la cath?drale, fut pill? et br?l?. Les bombes aidant, il n'en restait plus, le 1er juin, que d'informes d?bris mena?ant de crouler dans la rue de Tol?de. Les superbes magasins de M. Berlioz, dans la m?me rue, ?taient compl?tement d?truits. Il en ?tait de m?me du palais du duc Serra di Falco. Un Fran?ais, M. Barge, avait cru, en pla?ant au-dessus de son magasin nos couleurs nationales, qu'elles emp?cheraient sa maison d'?tre pill?e; un officier napolitain donne l'ordre ? un clairon de monter enlever le pavillon. Il est lac?r?, foul? aux pieds; la porte de la maison enfonc?e, et M. Barge, ross? de main de ma?tre avec la hampe m?me de son pavillon, fut emmen? en prison sans autre forme de proc?s, tandis que, naturellement, sa maison ?tait pill?e. Un autre compatriote, M. Furaud, ma?tre de langues, p?re de six enfants, est assailli dans sa maison, assassin? ? coups de ba?onnette; quant ? ceux-ci, on les a vainement cherch?s, ils ont disparu. La demeure du premier commis de la chancellerie fut viol?e, et les portraits de l'Empereur et de l'Imp?ratrice, qui se trouvaient dans un salon, d?chir?s ? coups de ba?onnette. Le couvent de l'Annunziata et presque toutes les maisons de la rue qui m?ne ? la Porta-di-Castro ont ?t? incendi?s et pill?s. Celui de Santa-Catarina, dans la rue de Tol?de, a eu le m?me sort. On estime ? plus de quatre cents le nombre des malheureux qui ont ?t? assassin?s ou br?l?s. C'est encore en dehors de la Porta-Reale, dans ce beau faubourg rempli de ravissantes habitations de campagne, que s'est exerc?e ? l'incendie et au pillage cette arm?e de triste m?moire. Ce ne sont ni une ni deux maisons choisies; c'est tout le c?t? droit du faubourg, en allant ? Montreal, dans lequel les Napolitains ont laiss?, par l'incendie et le pillage, la trace de leur retraite.

Leur empressement et leur joie, en quittant enfin Palerme, n'ont donc rien qui doive surprendre. Le commandant d'un des transports qui les emmenaient ? Naples les a vus compter et ?num?rer leur butin dans une partie de cartes improvis?e le soir sur le gaillard d'avant. Plusieurs de ces h?ros jouaient vingt piastres sur table, ou, pour mieux dire, sur le pont.

Dans une petite maison qui a voisine le Palazzo-Reale, un infortun? coutelier, ou quincaillier, est assailli ? l'instant o? il sortait sans armes pour t?cher d'avoir un morceau de pain pour trois enfants qui criaient la faim. A peine dehors, malgr? toutes les explications qu'il veut donner, il est saisi, garrott?, et on se dispose ? l'entra?ner pour le fusiller. Les pauvres enfants arrivent, demandant leur p?re. Une d?charge le jette en bas avec deux de ses enfants; le troisi?me est tu? d'un coup de ba?onnette. Assez de ces horreurs, il y en aurait trop ? citer. En parcourant ces maisons mutil?es, ces d?combres sanglants, en voyant, ?? et l?, les extr?mit?s des cadavres ensevelis sous les ruines, les d?bris de v?tements, que de drames ne doit-on pas supposer! Et si chacun de ces malheureux pouvait revenir ? la vie, quelle longue file de forfaits se dresserait criant vengeance et stigmatisant d'infamie cette arm?e qui semblait n'avoir pour devise, en ce moment, que pillage et incendie!

Pendant les divers combats qui signal?rent la prise de Palerme, les pertes furent sensibles de part et d'autre. Celles de l'arm?e royale doivent ?tre port?es, au minimum, ? deux mille hommes, tu?s ou bless?s; parmi eux se trouvaient plusieurs officiers sup?rieurs, entre autres le commandant de la gendarmerie, g?n?ralement d?test? ? Palerme, comme tout ce qui tenait ? la police, mais auquel il faut cependant rendre cette justice qu'il s'est conduit bravement. Quant aux volontaires, leurs pertes avaient aussi ?t? sensibles. Le brave colonel hongrois Tukery, gri?vement bless? ? l'attaque du Palazzo-Reale, mourait le 11 juin, apr?s d'atroces souffrances. Carini, dangereusement atteint d'une balle qui lui fracturait le bras presque ? la hauteur de l'?paule, au moment o?, envoy? par le g?n?ral Garibaldi, il examinait, sur une barricade, les troupes napolitaines op?rant leur retour offensif, ?tait couch? pour longtemps sur un lit de douleur. Pr?s de trois cent cinquante soldats ?taient tu?s ou hors de combat.

Plusieurs corps de volontaires s'?taient fait remarquer par l'?nergie de leur courage. Les chasseurs des Alpes, ? Palerme comme ? Calatafimi, firent des prodiges de valeur. A l'attaque du couvent des Benedittini, ils ont ?t? superbes d'entrain et de fermet?. Une seule compagnie de trente-cinq hommes avait eu, depuis son d?part de Marsala, vingt-deux tu?s ou bless?s. Il se passa au milieu de ces combats un ?pisode qui, tout en ?tant fort original, ne manque pas d'une certaine grandeur.

C'est le sens sinon le texte de ses paroles, car notre langue est pauvre pour traduire quelques expressions un peu emphatiques du bel idiome italien. Un autre moine, de l'ordre des Cordeliers, fit, sur la place de la Marine et pendant plus de deux heures, le coup de feu avec quatre soldats napolitains embusqu?s dans une construction commenc?e presque en face du minist?re des finances. Au bout de ce temps, on vit un de ces soldats rallier eu toute h?te un fort peloton qui ?tait au coin du minist?re. Le cordelier en conclut que, si les autres ne s'en allaient pas, puisqu'ils ne tiraient plus c'est qu'il devait leur ?tre arriv? des choses graves et que leur position ?tant fort hasard?e, vu la quantit? de projectiles qui pleuvaient dru comme gr?le, il ?tait de son devoir, ? lui, d'aller les trouver pour leur porter les consolations de son minist?re. Il posa tranquillement son fusil, rejeta son froc en arri?re et traversa la place pour dispara?tre dans la b?tisse en question. Quelques instants apr?s, on le vit repara?tre avec un bless? qu'il portait comme un enfant. Trois fois il fit le m?me voyage, trois fois il ramena son homme; la derni?re fois, ? l'instant o? il franchissait sa barricade, la m?me balle qui lui fracassait le bras, tuait roide l'infortun? pour lequel il se d?vouait. Sans s'?mouvoir, il posa ? terre son fardeau, lui r?cita les pri?res des morts et s'en fut ensuite ? l'ambulance.

Un jeune volontaire v?nitien, d?j? bless? assez gravement ? Calatafimi, se pr?cipite ? l'attaque du couvent des Benedittini et s'efforce, ? coups de hache, de briser une petite porte lat?rale pouvant donner acc?s dans le couvent. Les balles pleuvent sur lui de toutes parts, un obus vient, en ricochant, ?clater au-dessus de sa t?te et le couvrir de gravats. En vain ses camarades le rappellent. <> Exalt?s par cette intr?pidit?, deux d'entre eux le rejoignent et cherchent ? l'entra?ner. En ce moment, un canon de fusil passe par une fen?tre imm?diatement au-dessus de la porte et le malheureux re?oit le coup en pleine poitrine. Ses camarades ne rapportent qu'un cadavre.

Dans les rues qui m?nent ? la Piazza di Bologni, la lutte fut s?rieuse. Les soldats royaux, comme partout ailleurs, incendiaient et pillaient. Les malheureux habitants de ce quartier, ?perdus d'effroi, essayaient de fuir dans toutes les directions, entra?nant femmes et enfants; ce n'?taient partout que g?missements et lamentations. Quelques hommes d?termin?s se r?unissent en armes ? l'angle d'une petite impasse, en occupent la maison et s'y barricadent apr?s y avoir donn? l'abri ? quantit? de femmes et d'enfants. Quelques instants apr?s, cette maison est attaqu?e; mais on s'y d?fend vigoureusement. Les femmes, reprenant courage, font pleuvoir sur les assaillants une gr?le de tuiles, de vases de toutes sortes, enfin ce qui leur tombe sous la main.

Une bombe vient s'abattre sur le toit, entra?ne le troisi?me et le quatri?me ?tages, et, en ?clatant, tue et blesse encore plusieurs femmes et des enfants. Quelques moments apr?s, les flammes viennent se joindre aux balles napolitaines.

De huit qu'ils ?taient, les assi?g?s ne comptent plus que cinq hommes, dont un bless?. Cependant, des femmes, des enfants, des vieillards les supplient de ne pas les abandonner. Il faut prendre un parti; le bless? et un de ses camarades grimpent au fa?te de l'?difice qui menace ruine; on y hisse, les uns apr?s les autres, les malheureux r?fugi?s, et, lorsque tous sont ? l'abri dans une maison dont l'issue donne sur une rue inoccup?e par l'arm?e royale, les trois braves gens qui continuaient ? lutter avec les royaux, battent eux-m?mes en retraite, n'abandonnant qu'une ruine ensanglant?e.

D?s le 8 juin, des d?barquements de volontaires s'effectuaient un peu partout.

Le g?n?ral Garibaldi ?tait imm?diatement mont? ? cheval pour assister au d?barquement de ces renforts.

Quelle voix myst?rieuse annonce tout dans ces circonstances? On apprend bient?t qu'il n'est arriv? que trois navires ? Castellamare. Le quatri?me et son remorqueur manquent.

La canonnade devient plus vive, elle semble parfois se rapprocher de l'entr?e du port de Palerme.

On sent s'agiter dans l'ombre toute cette ville surprise dans son premier sommeil. Parmi les suppositions, la plus probable est que la croisi?re napolitaine, apr?s s'?tre empar?e du navire manquant et qu'elle fait semblant de combattre en ce moment, se dirigera vers ceux qui d?barquent. Tout le monde court et s'agite. Les postes en armes se dirigent vers le quai. On entend tomber, ?? et l?, sur les dalles des rues, les baguettes des fusils charg?s par des mains encore inexp?riment?es. Enfin, de sourds pi?tinements, venant du c?t? des casernes, indiquent que les troupes sont en marche. Malheureusement, l'?me de toute l'arm?e est absente; le g?n?ral Garibaldi est ? Castellamare.

Les d?charges continuent toujours, plus multipli?es et plus rapproch?es. Il est deux heures. L'inqui?tude est ? son comble. On se voit d?j? ? la veille d'un nouveau bombardement.

Le 20, au matin, le premier d?tachement des volontaires d?barqu?s arrivait ? Palerme ? cinq heures environ. C'?taient deux magnifiques bataillons de chasseurs ? pied, parfaitement uniformes et bien ?quip?s, arm?s de carabines ray?es et paraissant remplis de gaiet? et d'entrain. Le 21 et le 22, le restant des troupes d?barqu?es suivait le mouvement et venait prendre ses casernements en ville.

L'enthousiasme avec lequel chaque nouveau corps arrivant ?tait re?u est indescriptible. Les bouquets et les applaudissements se succ?daient sans interruption sur la route qu'il parcourait.

Le corps des guides s'organisait rapidement. Une commission de remonte avait ?t? install?e et fonctionnait avec activit?. Bient?t leurs deux escadrons furent complets, et on s'occupa de la formation de deux r?giments de hussards.

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