Read Ebook: Le Héros de Châteauguay by David L O Laurent Olivier
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Ebook has 256 lines and 16893 words, and 6 pages
LE H?ROS DE CHATEAUGUAY
PAR L. O. DAVID 1883
C.-M. DE SALABERRY.
La plus populaire de nos gloires militaires.
Une belle et imposante figure taill?e dans le marbre; les traits r?guliers, fi?rement dessin?s; le front hardi, agressif; un teint riche, ros? et blanc; des yeux brillants, limpides, p?tillants de verve,--des rayons de soleil dans un ciel bleu;--des ?paules larges, solides comme des bastions; une poitrine o? les boulets, il semble, devaient rebondir; un bras qui frappait comme Charles Martel ou Richard Coeur-de-Lion; des muscles forts et souples comme l'acier; un magnifique ensemble de force, de distinction, de vigueur et de beaut?, une puissante organisation d?bordant de vie et de s?ve.
Un coeur de lion, une intr?pidit? ? tout oser, ? tout braver. Type accompli de ces preux chevaliers qui, de la pointe de leur ?p?e, ont ?crit l'histoire de France. Au temps des croisades, il aurait mont? ? l'assaut de J?rusalem ? c?t? de Godefroy de Bouillon; plus tard, il e?t ?t? l'?mule des Gaston, des Bayard et des Duguesclin.
Si le Canada e?t appartenu ? la France, en mil huit cent, il e?t peut-?tre conquis le b?ton de mar?chal en se battant comme Lannes et Mass?na. Dans la guerre d'Afrique, guerre de surprises, d'embuscades et de glorieuses aventures, il e?t ?t? ? c?t? de Lamorici?re sur les murs de Constantine, et e?t couvert sa vaillante ?p?e de gloire depuis la pointe jusqu'au pommeau.
Vif, brusque, imp?tueux, toujours pr?t ? venger une injure d'un coup de poing ou d'un coup de sabre.
Le baron de Rottenburg l'appelait, dans ses lettres: "Mon cher marquis de la poudre ? canon."
Bon, cependant, g?n?reux et affectueux, n'attaquant jamais le premier, et pardonnant facilement, une fois l'explosion faite.
Nature de soldat, pleine d'?lan et de vivacit? aimant autant ? chanter, rire et danse qu'? se battre, aussi vaillant ? la table que sur le champ de bataille.
S?v?re en fait de discipline, et ne m?nageant point les jurons et les punitions ? ses voltigeurs qui chantaient;
C'est notre major Qu'a le diable au corps, Qui nous don'ra la mort Va pas de loup ni tigre Qui soit si rustique; Sous la rondeur du ciel Y'a pas son pareil.
Aim? pourtant, de ses officiers et soldats ? cause de son impartialit?.
Tel est le portrait du lieutenant-colonel de Salaberry, cet illustre guerrier dont les Canadiens-Fran?ais ont raison d'?tre fiers.
Apr?s avoir lou? le m?rite et le talent de ceux qui, depuis la conqu?te, ont soutenu l'honneur et les droits de leurs compatriotes par la plume et la parole, il est juste que je rende hommage ? celui dont la vaillante ?p?e a su nous faire craindre et respecter.
Le h?ros de Ch?teauguay avait re?u en h?ritage des traditions glorieuses.
Noble devise! que les de Salaberry ont raison de porter avec orgueil sur leur ?cusson, car ils y ont toujours ?t? fid?les et l'ont illustr?e par maintes actions ?clatantes.
Le grand-p?re, Michel de Salaberry, vint en Canada dans l'ann?e mil sept cent trente-cinq, en qualit? de capitaine de fr?gate.
Il avait une grande r?putation de force et de bravoure. Il ?pousa, en mil sept cent cinquante, mademoiselle Juchereau Duchesnay, fille du seigneur de Beauport. Il prit part aux luttes h?ro?ques qui se termin?rent par la cession du Canada ? l'Angleterre.
Le p?re, Louis-Ignace de Salaberry, fut remarquable par ses vertus, son intelligence, sa haute et belle taille, la franchise de son caract?re et cette force corporelle qui se transmet dans la famille de p?re en fils. Il combattit vaillamment dans les rangs de l'arm?e anglaise en mil sept cent soixante et seize, et re?ut trois blessures s?rieuses dans le cours de la guerre. Le gouvernement anglais le r?compensa de ses services en lui accordant une demi-pension et plusieurs charges.
Mais la reconnaissance qu'il devait au duc de Kent et au roi d'Angleterre ne purent jamais lui faire trahir les droits de ses compatriotes. Lorsque Craig voulut, en mil huit cent-neuf, unir les deux Canadas dans le but de mettre les Canadiens-Fran?ais sous l'empire d'une minorit? anglaise, il fut un de ceux qui s'oppos?rent la plus ?nergiquement ? ce projet. Et lorsque le gouverneur le mena?a de lui enlever ses moyens d'existence s'il ne se rendait pas ? ses d?sirs, il lui fit cette belle r?ponse:--"Vous pouvez, Sir James, m'enlever mon pain et celui de ma famille mais mon honneur...... jamais!"
Devenu seigneur de Beauport, son manoir fut pendant vingt ans l'aimable rendez-vous o? gentilshommes fran?ais et anglais, r?unis par la conqu?te, apprirent ? s'estimer apr?s s'?tre battus; les plus hauts personnages d'Angleterre y trouvaient une hospitalit? pleine de charme et de distinction. Le noble seigneur avait ?pous?, en mil sept cent soixante et dix-huit, la belle et distingu?e demoiselle Hertel, et de ce mariage ?taient n?s sept enfants, tous beaux et bien faits, trois filles et quatre gar?ons, dont l'a?n? fut le h?ros de Ch?teauguay.
Les Canadiens-Fran?ais ?taient fiers de l'?clat qui environnait cette belle et bonne famille et des hommages qu'elle recevait de leurs fiers conqu?rants.
De toutes les sympathies qui l'honor?rent, la plus illustre et la plus bienveillante fut sans doute, celle du duc de Kent, p?re de notre Souveraine, la reine Victoria.
On sait que ce prince vint en Canada en mil sept cent quatre-vingt-onze, ? la t?te de son r?giment, et qu'il fut, pendant son s?jour au milieu de nous, l'idole de la population. C'?tait un bon prince, aussi, que le duc de Kent, g?n?reux, affable et loyal, aussi noble par le coeur que par la naissance. Il n'eut pas mis le pied, une fois, dans le manoir de Beauport qu'il fut ?pris d'admiration et d'amiti? pour ses aimables h?tes. Les heures les plus agr?ables de sa vie ?taient celles qu'il passait au sein de cette famille, dont il fut toujours l'ami fid?le et le protecteur puissant. Une correspondance de vingt-trois ans, depuis mil sept cent quatre-vingt-onze ? mil huit cent-quatorze, d?montre toute la profondeur et la sinc?rit? de cette honorable amiti? qui se manifeste, ? chaque ligne, par les sentiments les plus d?licats, les ?panchements les plus gracieux.
C'est par son influence que les quatre fils du seigneur de Salaberry, Michel, Maurice, Louis et Edouard, son filleul, purent satisfaire leurs inclinations militaires en entrant dans l'arm?e anglaise, o? ils se firent tous en peu d'ann?es, ? la pointe de leur ?p?e, une belle position.
De ces quatre fr?res si beaux, si vaillants, qui faisaient l'orgueil de leur famille, de leur protecteur et de leurs compatriotes, il ne resta bient?t que l'a?n?. Les trois autres moururent au service de l'Angleterre, de mil huit cent-neuf ? mil huit cent-douze, ? quelques mois d'intervalle. Maurice et Louis p?rirent de la fi?vre sous ce ciel empest? des Indes dont la conqu?te et la conservation ont co?t? ? l'Angleterre des flots de sang.
Le plus jeune, Edouard, fut tu? ? la t?te de sa compagnie sous les murs de Badajoz; il n'avait que dix-neuf ans. Quelques heures avant l'assaut, sous l'empire d'un noir pressentiment, il avait ?crit une lettre ? son protecteur le duc de Kent, pour le remercier de toutes les bont?s qu'il avait eues pour sa famille et pour lui.
Ils ?taient tous trois lieutenants, aim?s de leurs chefs et de leurs compagnons d'armes pour leur bravoure, leurs talents et la bont? de leur caract?re.
Une humble tombe fut ?lev?e en l'honneur de Maurice par les officiers et soldats de son r?giment pr?s de l'endroit o? il avait ?t? tu?.
Puisse le temps respecter cette glorieuse tombe! afin que partout il y ait des t?moignages ?clatants de la loyaut? et de la bravoure du peuple canadien.
La tradition parle des sympathies que la famille de Salaberry trouva dans sa douleur; ce fut un deuil universel.
Le duc de Kent ne fut pas le moins affect?; il manifesta son chagrin dans des lettres touchantes o? il parle du sort de ces pauvres enfants avec une tendresse toute paternelle.
Pendant ce temps-l?, l'a?n? des de Salaberry faisait vaillamment son chemin dans l'ann?e anglaise ? travers les balles et les boulets; la mort craignait de briser une si belle destin?e. Soldat ? quatorze ans, il partait, ? seize, pour les Indes Occidentales, en qualit? d'enseigne, devenait rapidement lieutenant et capitaine, gr?ce ? la protection incessante du duc et ? l'admiration que sa belle conduite inspirait dans l'arm?e.
On ?tait fier, au pays, lorsque l'?cho y apportait la nouvelle des succ?s et de la gloire du jeune Canadien. On applaudissait, lorsque la rumeur apprenait comment il savait soutenir l'honneur de sa famille et de sa patrie. Il avait montr?, en arrivant aux Indes, que, malgr? sa jeunesse, il ne se laisserait pas insulter impun?ment. Voici comment M. de Gasp? raconte ce fait:
"Les officiers du soixanti?me r?giment, dans lequel Salaberry ?tait lieutenant, appartenaient ? diff?rentes nationalit?s. Il y avait des Anglais, des Prussiens, des Suisses, des hanovriens et deux Canadiens-Fran?ais, les lieutenants de Salaberry et Des Rivi?res. C'?tait chose assez difficile de maintenir la paix parmi eux; les Allemands surtout ?taient port?s ? la querelle; excellents duellistes, ils ?taient de dangereux antagonistes. Un matin, Salaberry ?tait ? d?jeuner avec quelques-uns de ses fr?res d'armes, quand entre l'un des Allemands qui le regarde et lui dit d'un air de M?pris:--Je viens justement d'exp?dier un Canadien-Fran?ais dans l'autre monde,--faisant par l? allusion ? Des Rivi?res qu'il venait de tuer en duel."
"Salaberry bondit sur son si?ge; mais, reprenant son sang-froid, il dit:--Nous allons finir le d?jeuner, et alors vous aurez le plaisir d'en exp?dier un autre."
"Ils se battirent, comme c'?tait alors la coutume, ? l'arme blanche. Tous deux firent preuve d'une grande adresse, et le combat fut long et obstin?. Salaberry ?tait tr?s jeune.; son adversaire, plus ?g?, ?tait un rude champion. Le premier re?ut une blessure au front dont la cicatrice ne s'est jamais effac?e. Comme il saignait abondamment et que le sang lui interceptait la vue, ses amis voulurent faire cesser lu combat; mais il refusa. S'?tant attach? un mouchoir autour de la t?te, le combat recommen?a avec encore plus d'acharnement, A la fin, son adversaire tomba mortellement bless?, et la plupart dirent qu'il n'avait eu que ce qu'il m?ritait."
Ce duel mit pour toujours de Salaberry a l'abri des insultes; il avait fait ses preuves.
La guerre des Indes se faisait alors entre l'Angleterre et la France; la possession de la Martinique et de la Guadeloupe devait ?tre le prix de la victoire. Il devait en co?ter ou jeune de Salaberry, si fran?ais par l'origine et le caract?re, de se battre contre la France; il devait lui r?pugner de combattre le drapeau pour lequel ses anc?tres avaient vers? leur sang. Mais la loyaut? ?tait pour lui un devoir et la carri?re militaire une vocation.
La lutte fut vive, les batailles acharn?es, les dangers continuels; les maladies d?voraient ceux que les balles ?pargnaient.
Il vint un jour o? de son r?giment il ne resta plus que deux cents hommes. Il apprenait cela ? son p?re dans une lettre o? parlant des milliers d'hommes qu'il avait vus tomber autour de lui, il ajoutait: "Je crois que je serai aussi heureux que mon grand-p?re."
Lorsque le g?n?ral Prescott se d?cida ? abandonner la derni?re place forte de la Guadeloupe, le fort Mathilde, c'est ? de Salaberry, alors ?g? de seize ou dix-sept ans, qu'il confia le soin de prot?ger la retraite de l'ann?e. Le jeune lieutenant se montra digne de la confiance de son chef. Il ?tait fait capitaine peu de temps apr?s.
En mil huit cent-huit, on le trouve en Irlande, major de brigade, et faisant la cour ? une blonde et belle jeune fille qui aurait encha?n? le jeune officier pour la vie sans l'intervention du duc de Kent. Celui-ci ?crivit ? son prot?g? une longue lettre pour lui d?montrer que chez les militaires le coeur doit c?der ? la raison, lorsqu'ils n'ont pas de fortune.
En mil huit cent-neuf, il prenait part ? la malheureuse exp?dition de Wolcheren, qui co?ta cher et rapporta peu de gloire A l'Angleterre.
L'ann?e suivante, il devenait aide-de-camp du g?n?ral de Rottenburg et partait pour le Canada, o? des parents et amis d?vou?s l'accueillirent avec des transports de joie.
Les Canadiens-Fran?ais se montraient avec enthousiasme le jeune officier, qui, parti enfant de son pays, revenait plein de force, dans tout l'?clat de la gloire et de la beaut?.
On ?tait alors aux mauvais jours de Craig, ?poque de fanatisme et de pers?cution, mais ?poque aussi de grandeur morale et nationale. La lutte devenait difficile; l'?nergie des B?dard et des Papineau n'en pouvait plus.
Mais bient?t un cri d'alarme retentit partout; les ?tats-Unis venaient de d?clarer la guerre ? l'Angleterre et se pr?paraient ? envahir le Canada. On comprit, en face du danger, la n?cessit? de se gagner les sympathies de la population; on lui fit force caresses et concessions. Et pour exciter son enthousiasme et lui faire prendre les armes, on nomma Charles-Michel de Salaberry lieutenant-colonel, et on lui confia la mission d'organiser les voltigeurs canadiens.
Les Canadiens-Fran?ais r?pondirent ? l'appel de l'Angleterre et s'enr?l?rent sous le drapeau de leur jeune chef.
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