Read Ebook: Consuelo Tome 2 (1861) by Sand George
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Ebook has 1334 lines and 108465 words, and 27 pages
CONSUELO
PAR
GEORGE SAND
XL.
Cependant, en se voyant surveill?e par Wenceslawa comme elle ne l'avait jamais ?t?, Consuelo craignit d'?tre contrari?e par un z?le malentendu, et se composa un maintien plus froid, gr?ce auquel il lui fut possible, dans la journ?es, d'?chapper ? son attention, et de prendre, d'un pied l?ger, la route du Schreckenstein. Elle n'avait pas d'autre id?e dans ce moment que de rencontrer Zdenko, de l'amener ? une explication, et de savoir d?finitivement s'il voulait la conduire aupr?s d'Albert. Elle le trouva assez pr?s du ch?teau, sur le sentier qui menait au Schreckenstein. Il semblait venir ? sa rencontre, et lui adressa la parole en boh?mien avec beaucoup de volubilit?.
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A ces paroles qui lui ?taient sympathiques, Zdenko devint s?rieux, et tendant ? Consuelo une main s?che et calleuse qu'elle n'h?sita point ? serrer dans la sienne:
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Consuelo pensa devoir se pr?ter ? sa fantaisie en se servant des m?mes figures pour l'interroger.
< --Il y a, r?pondit-il, plus de deux cent mille ballades sur mon fr?re Albert. Je ne puis pas te les apprendre; tu ne les comprendrais pas. J'en fais tous les jours de nouvelles, qui ne ressemblent jamais aux anciennes. Demande-moi toute autre chose. --Pourquoi ne te comprendrais-je pas? Je suis la consolation. Je me nomme Consuelo pour toi, entends-tu? et pour le comte Albert qui seul ici me conna?t. --Mensonge, mensonge! folies, paroles allemandes! reprit Zdenko en r?primant ses rires et ses gambades. Tu ne sais pas chanter. --Si fait, je sais chanter, repartit Consuelo. Tiens, ?coute.>> Et elle lui chanta la premi?re phrase de sa chanson sur les trois montagnes, qu'elle avait bien retenue, avec les paroles qu'Am?lie l'avait aid?e ? retrouver et ? prononcer. Zdenko l'?couta avec ravissement, et lui dit en soupirant: < --Oui, celle du comte Albert, en allemand d'abord; tu me l'apprendras apr?s en boh?mien. --Comment commence-t-elle?>> dit Zdenko en la regardant avec malice. Consuelo commen?a l'air de la chanson de la veille: < --Eh bien! dis-moi celle d'aujourd'hui. --Les premiers mots? Il faut me dire les premiers mots. --Les premiers mots! les voici, tiens: Le comte Albert est l?-bas, l?-bas dans la grotte de Schreckenstein....>> A peine eut-elle prononc? ces paroles que Zdenko changea tout ? coup de visage et d'attitude; ses yeux brill?rent d'indignation. Il fit trois pas en arri?re, ?leva ses mains au-dessus de sa t?te, comme pour maudire Consuelo, et se mit ? lui parler boh?mien dans toute l'?nergie de la col?re et de la menace. Effray?e d'abord, mais voyant qu'il s'?loignait, Consuelo voulut le rappeler et le suivre. Il se retourna avec fureur, et, ramassant une ?norme pierre qu'il parut soulever sans effort avec ses bras maigres et d?biles: < Consuelo, ?pouvant?e, prit la fuite, et rencontra au bas du sentier un paysan qui, s'?tonnant de la voir courir ainsi p?le et comme poursuivie, lui demanda si elle avait rencontr? un loup. < --Mais il se f?che quelquefois, et alors il menace et il jette des pierres? --Jamais, jamais, r?pondit le paysan; cela n'est jamais arriv? et n'arrivera jamais. Il ne faut point avoir peur de Zdenko, Zdenko est innocent comme un ange.>> Quand elle fut remise de son trouble, Consuelo reconnut que ce paysan devait avoir raison, et qu'elle venait de provoquer, par une parole imprudente, le premier, le seul acc?s de fureur qu'eut jamais ?prouv? l'innocent Zdenko. Elle se le reprocha am?rement. < Mais elle devint plus triste encore en pensant aux motifs de la col?re de Zdenko. Il ?tait bien certain d?sormais qu'elle avait devin? juste en pla?ant la retraite d'Albert au Schreckenstein. Mais avec quel soin jaloux et ombrageux Albert et Zdenko voulaient cacher ce secret, m?me ? elle! Elle n'?tait donc pas except?e de cette proscription, elle n'avait donc aucune influence sur le comte Albert; et cette inspiration qu'il avait eue de la nommer sa consolation, ce soin de la faire appeler la veille par une chanson symbolique de Zdenko, cette confidence qu'il avait faite ? son fou du nom de Consuelo, tout cela n'?tait donc chez lui que la fantaisie du moment, sans qu'une aspiration v?ritable et constante lui d?sign?t une personne plus qu'une autre pour sa lib?ratrice et sa consolation? Ce nom m?me de consolation, prononc? et comme devin? par lui, ?tait une affaire de pur hasard. Elle n'avait cach? ? personne qu'elle f?t Espagnole, et que sa langue maternelle lui f?t demeur?e plus famili?re encore que l'italien. Albert, enthousiasm? par son chant, et ne connaissant pas d'expression plus ?nergique que celle qui exprimait l'id?e dont son ?me ?tait avide et son imagination remplie, la lui avait adress?e dans une langue qu'il connaissait parfaitement et que personne autour de lui ne pouvait entendre, except? elle. Consuelo ne s'?tait jamais fait d'illusion extraordinaire ? cet ?gard. Cependant une rencontre si d?licate et si ing?nieuse du hasard lui avait sembl? avoir quelque chose de providentiel, et sa propre imagination s'en ?tait empar?e sans trop d'examen. Maintenant tout ?tait remis en question. Albert avait-il oubli?, dans une nouvelle phase de son exaltation, l'exaltation qu'il avait ?prouv?e pour elle? ?tait-elle d?sormais inutile ? son soulagement, impuissante pour son salut? ou bien Zdenko, qui lui avait paru si intelligent et si empress? jusque-l? ? seconder les desseins d'Albert, ?tait-il lui-m?me plus tristement et plus s?rieusement fou que Consuelo n'avait voulu le supposer? Ex?cutait-il les ordres de son ami, ou bien les oubliait-il compl?tement, en interdisant avec fureur ? la jeune fille l'approche du Schreckenstein et le soup?on de la v?rit?? --Eh bien, lui dit Am?lie tout bas lorsqu'elle fut de retour, avez-vous vu passer Albert dans les nuages du couchant? Est-ce la nuit prochaine que, par une conjuration puissante, vous le ferez descendre par la chemin?e? --Peut-?tre! lui r?pondit Consuelo avec un peu d'humeur. C'?tait la premi?re fois de sa vie qu'elle sentait son orgueil bless?. Elle avait mis ? son entreprise un d?vouement si pur, un entra?nement si magnanime, qu'elle souffrait ? l'id?e d'?tre raill?e et m?pris?e pour n'avoir pas r?ussi. Elle fut triste toute la soir?e; et la chanoinesse, qui remarqua ce changement, ne manqua pas de l'attribuer ? la crainte d'avoir laiss? deviner le sentiment funeste ?clos dans son coeur. La chanoinesse se trompait ?trangement. Si Consuelo avait ressenti la moindre atteinte d'un amour nouveau, elle n'e?t connu ni cette foi vive, ni cette confiance sainte qui jusque-l? l'avaient guid?e et soutenue. Jamais peut-?tre elle n'avait, au contraire, ?prouv? le retour amer de son ancienne passion plus fortement que dans ces circonstances o? elle cherchait ? s'en distraire par des actes d'h?ro?sme et une sorte de fanatisme d'humanit?. Consuelo s'arr?ta ? sa derni?re supposition. Albert, malade et accabl? au fond du souterrain, qu'elle pr?sumait plac? sous le Schreckenstein, y ?tait peut-?tre retenu par la tendresse insens?e de Zdenko. Il ?tait peut-?tre la proie de ce fou, qui le ch?rissait ? sa mani?re, en le tenant prisonnier, en c?dant parfois ? son d?sir de revoir la lumi?re, en ex?cutant ses messages aupr?s de Consuelo, et en s'opposant tout ? coup au succ?s de ses d?marches par une terreur o? un caprice inexplicable. Eh bien, se dit-elle, j'irai, duss?-je affronter les dangers r?els; j'irai, duss?-je faire une imprudence ridicule aux yeux des sots et des ?go?stes; j'irai, duss?-je y ?tre humili?e par l'indiff?rence de celui qui m'appelle. Humili?e! et comment pourrais-je l'?tre, s'il est r?ellement aussi fou lui-m?me que le pauvre Zdenko? Je n'aurai sujet que de les plaindre l'un et l'autre, et j'aurai fait mon devoir. J'aurai ob?i ? la voix de Dieu qui m'inspire, et ? sa main qui me pousse avec une force irr?sistible. L'?tat f?brile o? elle s'?tait trouv?e tous les jours pr?c?dents, et qui, depuis sa derni?re rencontre malencontreuse avec Zdenko, avait fait place ? une langueur p?nible, se manifesta de nouveau dans son ?me et dans son corps. Elle retrouva toutes ses forces; et, cachant ? Am?lie et le livre, et son enthousiasme, et son dessein, elle ?changea des paroles enjou?es avec elle, la laissa s'endormir, et partit pour la source des Pleurs, munie d'une petite lanterne sourde qu'elle s'?tait procur?e le matin m?me. Elle attendit assez longtemps, et fut forc?e par le froid de rentrer plusieurs fois dans le cabinet d'Albert, pour ranimer par un air plus ti?de ses membres engourdis. Elle osa jeter un regard sur cet ?norme amas de livres, non pas rang?s sur des rayons comme dans une biblioth?que, mais jet?s p?le-m?le sur le carreau, au milieu de la chambre, avec une sorte de m?pris et de d?go?t. Elle se hasardai ? en ouvrir quelques-uns. Ils ?taient presque tous ?crits en latin, et Consuelo put tout au plus pr?sumer que c'?taient des ouvrages de controverse religieuse, ?man?s de l'?glise romaine ou approuv?s par elle. Elle essayait d'en comprendre les titres, lorsqu'elle entendit enfin bouillonner l'eau de la fontaine. Elle y courut, ferma sa lanterne, se cacha derri?re le garde-fou, et attendit l'arriv?e de Zdenko. Cette fois, il ne s'arr?ta ni dans le parterre, ni dans le cabinet. Il traversa les deux pi?ces, et sortit de l'appartement d'Albert pour aller, ainsi que le sut plus tard Consuelo, regarder et ?couter, ? la porte de l'oratoire et ? celle de la chambre ? coucher du comte Christian, si le vieillard priait dans la douleur ou reposait tranquillement. C'?tait une sollicitude qu'il prenait souvent sur son compte, et sans qu'Albert e?t song? ? la lui imposer, comme on le verra par la suite. Consuelo ne d?lib?ra point sur le parti qu'elle avait ? prendre; son plan ?tait arr?t?. Elle ne se fiait plus ? la raison ni ? la bienveillance de Zdenko; elle voulait parvenir jusqu'? celui qu'elle supposait prisonnier, seul et sans garde. Il n'y avait sans doute qu'un chemin pour aller sous terre de la citerne du ch?teau ? celle du Schreckenstein. Si ce chemin ?tait difficile ou p?rilleux, du moins il ?tait praticable, puisque Zdenko y passait toutes les nuits. Il l'?tait surtout avec de la lumi?re; et Consuelo s'?tait pourvue de bougies, d'un morceau de fer, d'amadou, et d'une pierre pour avoir de la lumi?re en cas d'accident. Ce qui lui donnait la certitude d'arriver par cette route souterraine au Schreckenstein, c'?tait une ancienne histoire qu'elle avait entendu raconter ? la chanoinesse, d'un si?ge soutenu jadis par l'ordre teutonique. Ces chevaliers, disait Wenceslawa, avaient dans leur R?fectoire m?me une citerne qui leur apportait toujours de l'eau d'une montagne voisine; et lorsque leurs espions voulaient effectuer une sortie pour observer l'ennemi, ils dess?chaient la citerne, passaient par ses conduits souterrains, et allaient sortir dans un village qui ?tait dans leur d?pendance. Consuelo se rappelait que, selon la chronique du pays, le village qui couvrait la colline appel?e Schreckenstein depuis l'incendie d?pendait de la forteresse des G?ants, et avait avec lui de secr?tes intelligences en temps de si?ge. Elle ?tait donc dans la logique et dans la v?rit? en cherchant cette communication et cette issue. Elle profita de l'absence de Zdenko pour descendre dans le puits. Auparavant elle se mit ? genoux, recommanda son ?me ? Dieu, fit na?vement un grand signe de croix, comme elle l'avait fait dans la coulisse du th??tre de San-Samuel avant de para?tre pour la premi?re fois sur la sc?ne; puis elle descendit bravement l'escalier tournant et rapide, cherchant ? la muraille les points d'appui qu'elle avait vu prendre ? Zdenko, et ne regardant point au-dessous d'elle de peur d'avoir le vertige. Elle atteignit la cha?ne de fer sans accident; et lorsqu'elle l'eut saisie, elle se sentit plus tranquille, et eut le sang-froid de regarder au fond du puits. Il y avait encore de l'eau, et cette d?couverte lui causa un instant d'?moi. Mais la r?flexion lui vint aussit?t. Le puits pouvait ?tre, tr?s-profond; mais l'ouverture du souterrain qui amenait Zdenko ne devait ?tre situ?e qu'? une certaine distance au-dessous du sol. Elle avait d?j? descendu cinquante marches avec cette adresse et cette agilit? que n'ont pas les jeunes filles ?lev?es dans les salons, mais que les enfants du peuple acqui?rent dans leurs jeux, et dont ils conservent toute leur vie la hardiesse confiante. Le seul danger v?ritable ?tait de glisser sur les marches humides. Consuelo avait trouv? dans un coin, en furetant, un vieux chapeau ? larges bords que le baron Fr?d?rick avait longtemps port? ? la chasse. Elle l'avait coup?, et s'en ?tait fait des semelles qu'elle avait Attach?es ? ses souliers avec des cordons en mani?re de cothurnes. Elle avait remarqu? une chaussure analogue aux pieds de Zdenko dans sa derni?re exp?dition nocturne. Avec ces semelles de feutre, Zdenko marchait sans faire aucun bruit dans les corridors du ch?teau, et c'est pour cela qu'il lui avait sembl? glisser comme une ombre plut?t que marcher comme un homme. C'?tait aussi jadis la coutume des Hussites de chausser ainsi leurs espions, et m?me leurs chevaux, lorsqu'ils effectuaient une surprise chez l'ennemi. A la cinquante-deuxi?me marche, Consuelo trouva une dalle plus large et une arcade basse en ogive. Elle n'h?sita point ? y entrer, et ? s'avancer ? demi courb?e dans une galerie souterraine ?troite et basse, toute d?gouttante de l'eau qui venait d'y couler, travaill?e et vo?t?e de main d'homme avec une grande solidit?. Elle y marchait sans obstacle et sans terreur depuis environ cinq minutes, lorsqu'il lui sembla entendre un l?ger bruit derri?re elle. C'?tait peut-?tre Zdenko qui redescendait et qui reprenait le chemin du Schreckenstein. Mais elle avait de l'avance sur lui, et doubla le pas Pour n'?tre pas atteinte par ce dangereux compagnon de voyage. Il ne pouvait pas se douter qu'elle l'e?t devanc?. Il n'avait pas de raison pour courir apr?s elle; et pendant qu'il s'amuserait ? chanter et ? marmotter tout seul ses complaintes et ses interminables histoires, elle aurait le temps d'arriver et de se mettre sous la protection d'Albert. Mais le bruit qu'elle avait entendu augmenta, et devint semblable ? celui de l'eau qui gronde, lutte, et s'?lance. Qu'?tait-il donc arriv?? Zdenko s'?tait-il aper?u de son dessein? Avait-il l?ch? l'?cluse pour l'arr?ter et l'engloutir? Mais il n'avait pu le faire avant d'avoir pass? lui-m?me, et il ?tait derri?re elle. Cette r?flexion n'?tait pas tr?s rassurante. Zdenko ?tait capable de se d?vouer ? la mort, de se noyer avec elle plut?t que de trahir la retraite d'Albert. Cependant Consuelo ne voyait point de pelle, point d'?cluse, pas une pierre sur son chemin qui put retenir l'eau, et la faire ensuite ?couler. Cette eau ne pouvait ?tre qu'en avant de son chemin, et le bruit venait de derri?re elle. Cependant il grandissait, il montait, il approchait avec le rugissement du tonnerre. Tout ? coup Consuelo, frapp?e d'une horrible d?couverte, s'aper?ut que la galerie, au lieu de monter, descendait d'abord en pente douce, et puis de plus en plus rapidement. L'infortun?e s'?tait tromp?e de chemin. Dans son empressement et dans la vapeur ?paisse qui s'exhalait du fond de la citerne, elle n'avait pas vu une seconde ogive, beaucoup plus large, et situ?e vis-?-vis de celle qu'elle avait prise. Elle s'?tait enfonc?e dans le canal qui servait de d?versoir ? l'eau du puits, au lieu de remonter celui qui conduisait au r?servoir ou ? la source. Zdenko, s'en allant par une route oppos?e, venait de lever tranquillement la pelle; l'eau tombait en cascade au fond de la citerne, et d?j? la citerne ?tait remplie jusqu'? la hauteur du d?versoir; d?j? elle se pr?cipitait dans la galerie o? Consuelo fuyait ?perdue et glac?e d'?pouvante. Bient?t cette galerie, dont la dimension ?tait m?nag?e de mani?re ? ce que la citerne, perdant moins d'eau qu'elle n'en recevait de l'autre bouche, put se remplir, allait se remplir ? son tour. Dans un instant, dans un clin d'oeil, le d?versoir serait inond?, et la pente continuait ? s'abaisser vers des ab?mes o? l'eau tendait ? se pr?cipiter. La vo?te, encore suintante, annon?ait assez que l'eau la remplissait tout enti?re, qu'il n'y avait pas de salut possible, et que la vitesse de ses pas ne sauverait pas la malheureuse fugitive de l'imp?tuosit? du torrent. L'air ?tait d?j? intercept? par la masse d'eau qui arrivait ? grand bruit. Une chaleur ?touffante arr?tait la respiration, et suspendait la vie autant que la peur et le d?sespoir. D?j? le rugissement de l'onde d?cha?n?e grondait aux oreilles de Consuelo; d?j? une ?cume rousse, sinistre avant-coureur du flot, ruisselait sur le pav?, et devan?ait la course incertaine et ralentie de la victime constern?e. < A peine avait-elle jet? vers le ciel ce cri d'agonie, qu'elle tr?buche et se frappe ? un obstacle inattendu. O surprise! ? bont? divine! c'est un escalier ?troit et raide, qui monte ? l'une des parois du souterrain, et qu'elle gravit avec les ailes de la peur et de l'esp?rance. La vo?te s'?l?ve sur son front; le torrent se pr?cipite, heurte l'escalier que Consuelo a eu le temps de franchir, en d?vore les dix premi?res marches, mouille jusqu'? la cheville les pieds agiles qui le fuient, et, parvenu enfin au sommet de la vo?te surbaiss?e que Consuelo a laiss?e derri?re elle, s'engouffre dans les t?n?bres, et tombe avec un fracas ?pouvantable dans un r?servoir profond que l'h?ro?que enfant domine d'une petite plate-forme o? elle est arriv?e sur ses genoux et dans l'obscurit?. Car son flambeau s'est ?teint. Un coup de vent furieux a pr?c?d? l'irruption de la masse d'eau. Consuelo s'est laiss?e tomber sur la derni?re marche, soutenue jusque-l? par l'instinct conservateur de la vie, mais ignorant encore si elle est sauv?e, si ce fracas de la cataracte est un nouveau d?sastre qui va l'atteindre, et si cette pluie froide qui en rejaillit jusqu'? elle, et qui baigne ses cheveux, est la main glac?e de la mort qui s'?tend sur sa t?te.
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