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Read Ebook: Consuelo Tome 3 (1861) by Sand George

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Ebook has 1736 lines and 122044 words, and 35 pages

--Roux, les yeux verts, la figure large, cinq pieds huit pouces de haut; le nez un peu ?cras?, le front bas; un homme superbe.

--C'est bien cela, dit Consuelo en souriant: et quel habit?

--Une m?chante casaque verte, un haut-de-chausses brun, des bas gris.

--C'est encore cela; et les recruteurs, avez-vous fait attention ? eux?

--Oh! si j'y ai fait attention, sainte Vierge! Leurs horribles figures ne s'effaceront jamais de devant mes yeux.>>

La pauvre femme fit alors avec beaucoup de fid?lit? le signalement de Pistola, du borgne et du silencieux.

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--Eh bien, c'est Mayer, dit Consuelo ? Joseph. En doutes-tu encore? n'a-t-il pas ce tic de chanter et de faire la trompette ? tout moment?

--C'est vrai, dit Joseph. C'est donc Karl que nous avons vu d?livrer? Gr?ces soient rendues ? Dieu!

--Ah! oui, gr?ces au bon Dieu avant tout! dit la pauvre femme en se jetant ? genoux. Et toi, Maria, dit-elle ? sa petite fille, baise la terre avec moi pour remercier les anges gardiens et la sainte Vierge. Ton papa est retrouv?, et nous allons bient?t le revoir.

--Dites-moi, ch?re femme, observa Consuelo, Karl a-t-il aussi l'habitude de baiser la terre quand il est bien content?

--Oui, mon enfant; il n'y manque pas. Quand il est revenu apr?s avoir d?sert?, il n'a pas voulu passer la porte de notre maison sans en avoir bais? le seuil.

--Est-ce une coutume de votre pays?

--Non; c'est une mani?re ? lui, qu'il nous a enseign?e, et qui nous a toujours r?ussi.

--C'est donc bien lui que nous avons vu, reprit Consuelo; car nous lui avons vu baiser la terre pour remercier ceux qui l'avaient d?livr?. Tu l'as remarqu?, Beppo?

--Parfaitement! C'est lui; il n'y a plus de doute possible.

--Venez donc que je vous presse contre mon coeur, s'?cria la femme de Karl, ? vous deux, anges du paradis, qui m'apportez une pareille nouvelle. Mais contez-moi donc cela!>>

Joseph raconta tout ce qui ?tait arriv?; et quand la pauvre femme eut exhal? tous ses transports de joie et de reconnaissance envers le ciel et envers Joseph et Consuelo qu'elle consid?rait avec raison comme les premiers lib?rateurs de son mari, elle leur demanda ce qu'il fallait faire pour le retrouver.

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--Mais quels bureaux, quelle administration? Je ne connais rien ? tous ces usages-l?. Une si grande ville! Je m'y perdrai, moi, pauvre paysanne!

--Tenez, dit Joseph, nous n'avons jamais eu d'affaire qui nous ait mis au courant de tout cela non plus; mais demandez au premier venu de vous conduire ? l'ambassade de Prusse. Demandez-y M. le baron de...

--Prends garde ? ce que tu vas dire, Beppo! dit Consuelo tout bas ? Joseph pour lui rappeler qu'il ne fallait pas compromettre le baron dans cette aventure.

--Eh bien, le comte de Hoditz? reprit Joseph.

--Oui, le comte! il fera par vanit? ce que l'autre e?t fait par d?vouement. Demandez la demeure de la margrave, princesse de Bareith, et pr?sentez ? son mari le billet que je vais vous remettre.>>

Consuelo arracha un feuillet blanc du calepin de Joseph, et tra?a ces mots au crayon:

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Consuelo mit la suscription avec soin, et regarda Joseph: il la comprit, et tira sa bourse. Sans se consulter autrement, et d'un mouvement spontan?, ils donn?rent ? la pauvre femme les deux pi?ces d'or qui leur restaient du pr?sent de Trenk, afin qu'elle p?t faire la route en voiture, et ils la conduisirent jusqu'au village voisin o? ils l'aid?rent ? faire son march? pour un modeste voiturin. Apr?s qu'ils l'eurent fait manger et qu'ils lui eurent procur? quelques effets, d?pense prise sur le reste de leur petite fortune, ils embarqu?rent l'heureuse cr?ature qu'ils venaient de rendre ? la vie. Alors Consuelo demanda en riant ce qui restait au fond de la bourse. Joseph prit son violon, le secoua aupr?s de son oreille, et r?pondit:

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Consuelo essaya sa voix en pleine campagne, par une brillante roulade, et s'?cria:

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Puis elle tendit joyeusement la main ? son confr?re, et la serra avec effusion, en lui disant:

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--Et toi aussi!>> r?pondit Joseph en essuyant une larme et en faisant un grand ?clat de rire.

Il n'est pas fort inqui?tant de se trouver sans argent quand on touche au terme d'un voyage; mais eussent-ils ?t? encore bien loin de leur but, nos jeunes artistes ne se seraient pas sentis moins gais qu'ils ne le furent lorsqu'ils se virent tout ? fait ? sec. Il faut s'?tre trouv? ainsi sans ressources en pays inconnu pour savoir quelle s?curit? merveilleuse, quel g?nie inventif et entreprenant se r?v?lent comme par magie ? l'artiste qui vient de d?penser son dernier sou. Jusque-l?, c'est une sorte d'agonie, une crainte continuelle de manquer, une noire appr?hension de souffrances, d'embarras et d'humiliations qui s'?vanouissent d?s que la derni?re pi?ce de monnaie a sonn?. Alors, pour les ?mes po?tiques, il y a un monde nouveau qui commence, une sainte confiance en la charit? d'autrui, beaucoup d'illusions charmantes; mais aussi une aptitude au travail et une disposition ? l'am?nit? qui font ais?ment triompher des premiers obstacles. Consuelo, qui portait dans ce retour ? l'indigence de ses premiers ans un sentiment de plaisir romanesque, et qui se sentait heureuse d'avoir fait le bien en se d?pouillant, trouva tout de suite un exp?dient pour assurer le repas et le g?te du soir.

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--Si je sais faire un pipeau! s'?cria Joseph; vous allez voir!>>

On eut bient?t trouv? au bord de la rivi?re une belle tige de roseau, qui fut perc?e industrieusement, et qui r?sonna ? merveille. L'accord parfait fut obtenu, la r?p?tition suivit, et nos gens s'en all?rent bien tranquilles jusqu'? un petit hameau ? trois milles de distance o? ils firent leur entr?e au son de leurs instruments, et en criant devant chaque porte: <>

Ils arriv?rent sur une petite place plant?e de beaux arbres: ils ?taient escort?s d'une quarantaine d'enfants qui les suivaient au pas de marche, en criant et en battant des mains. Bient?t de joyeux couples vinrent enlever la premi?re poussi?re en ouvrant la danse; et avant que le sol f?t battu, toute la population se rassembla, et fit cercle autour d'un bal champ?tre improvis? sans h?sitation et sans conditions. Apr?s les premi?res valses, Joseph mit son violon sous son bras, et Consuelo, montant sur sa chaise, fit un discours aux assistants pour leur prouver que des artistes ? jeun avaient les doigts mous et l'haleine courte. Cinq minutes apr?s, ils avaient ? discr?tion pain, laitage, bi?re et g?teaux. Quant au salaire, on fut bient?t d'accord: on devait faire une collecte o? chacun donnerait ce qu'il voudrait.

Apr?s avoir mang?, ils remont?rent donc sur un tonneau qu'on roula triomphalement au milieu de la place, et les danses recommenc?rent; mais au bout de deux heures, elles furent interrompues par une nouvelle qui mit tout le monde en ?moi, et arriva, de bouche en bouche, jusqu'aux m?n?triers; le cordonnier de l'endroit, en achevant ? la h?te une paire de souliers pour une pratique exigeante, venait de se planter son al?ne dans le pouce.

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--Eh bien, dit Consuelo, il y a moyen d'arranger tout cela: mon camarade ou moi, nous nous chargeons de l'orgue, de la ma?trise, de la messe en un mot; et si M. le chanoine n'est pas content, on ne nous donnera rien pour notre peine.

--Eh! eh! dit le vieillard, vous en parlez bien ? votre aise, jeune homme: notre messe ne se dit pas avec un violon et une fl?te. Oui-da! c'est une affaire grave, et vous n'?tes pas au courant de nos partitions.

--Nous nous y mettrons d?s ce soir, dit Joseph en affectant un air de sup?riorit? d?daigneuse qui imposa aux auditeurs group?s autour de lui.

--Voyons, dit Consuelo, conduisez-nous ? l'?glise; que quelqu'un souffle l'orgue, et si vous n'?tes pas content de notre mani?re d'en jouer, vous serez libres de refuser notre assistance.

--Mais la partition, le chef-d'oeuvre d'arrangement de Gottlieb!

--Nous irons trouver Gottlieb, et s'il ne se d?clare pas content de nous, nous renon?ons ? nos pr?tentions. D'ailleurs, une blessure au doigt n'emp?chera pas Gottlieb de faire marcher ses choeurs et de chanter sa partie.>>

Les anciens du village, qui s'?taient rassembl?s autour d'eux, tinrent conseil, et r?solurent de tenter l'?preuve. Le bal fut abandonn?: la messe du chanoine ?tait un bien autre amusement, une bien autre affaire que la danse!

Haydn et Consuelo, apr?s s'?tre essay?s alternativement sur l'orgue, et apr?s avoir chant? ensemble et s?par?ment, furent jug?s des musiciens fort passables, ? d?faut de mieux. Quelques artisans os?rent m?me avancer que leur jeu ?tait pr?f?rable ? celui de Gottlieb, et que les fragments de Scarlatti, de Pergol?se et de Bach, qu'on venait de leur faire entendre, ?taient pour le moins aussi beaux que la musique de Holzba?er, dont Gottlieb ne voulait pas sortir. Le cur?, qui ?tait accouru pour ?couter, alla jusqu'? d?clarer que le chanoine pr?f?rerait beaucoup ces chants ? ceux dont on le r?galait ordinairement. Le sacristain, qui ne go?tait pas cet avis, hocha tristement la t?te; et pour ne pas m?contenter ses paroissiens, le cur? consentit ? ce que les deux virtuoses envoy?s par la Providence s'entendissent, s'il ?tait possible, avec Gottlieb, pour accompagner la messe.

On se rendit en foule ? la maison du cordonnier: il fallut qu'il montr?t sa main enfl?e ? tout le monde pour qu'on le t?nt quitte de remplir ses fonctions d'organiste. L'impossibilit? n'?tait que trop r?elle ? son gr?. Gottlieb ?tait dou? d'une certaine intelligence musicale, et jouait de l'orgue passablement; mais g?t? par les louanges de ses concitoyens et l'approbation un peu railleuse du chanoine, il mettait un amour-propre ?pouvantable ? sa direction et ? son ex?cution. Il prit de l'humeur quand on lui proposa de le faire remplacer par deux artistes de passage: il aimait mieux que la f?te f?t manqu?e, et la messe patronale priv?e de musique, que de partager les honneurs du triomphe. Cependant, il fallut c?der: il feignit longtemps de chercher la partition, et ne consentit ? la retrouver que lorsque le cur? le mena?a d'abandonner aux deux jeunes artistes le choix et le soin de toute la musique. Il fallut que Consuelo et Joseph fissent preuve de savoir, en lisant ? livre ouvert les passages r?put?s les plus difficiles de celle des vingt-six messes de Holzba?er qu'on devait ex?cuter le lendemain. Cette musique, sans g?nie et sans originalit?, ?tait du moins bien ?crite, et facile ? saisir, surtout pour Consuelo, qui avait surmont? tant d'autres ?preuves plus importantes. Les auditeurs furent ?merveill?s, et Gottlieb qui devenait de plus en plus soucieux et morose, d?clara qu'il avait la fi?vre, et qu'il allait se mettre au lit, enchant? que tout le monde f?t content.

Aussit?t les voix et les instruments se rassembl?rent dans l'?glise, et nos deux petits ma?tres de chapelle improvis?s dirig?rent la r?p?tition. Tout alla au mieux. C'?tait le brasseur, le tisserand, le ma?tre d'?cole et le boulanger du village qui tenaient les quatre violons. Les enfants faisaient les choeurs avec leurs parents, tous bons paysans ou artisans, pleins de flegme, d'attention et de bonne volont?. Joseph avait entendu d?j? de la musique de Holzba?er ? Vienne, o? elle ?tait en faveur ? cette ?poque. Il n'eut pas de peine ? s'y mettre, et Consuelo, faisant alternativement sa partie dans toutes les reprises du chant, mena les choeurs si bien qu'ils se surpass?rent eux-m?mes. Il y avait deux solos que devaient dire le fils et la ni?ce de Gottlieb, ses ?l?ves favoris, et les premiers chanteurs de la paroisse; mais ces deux coryph?es ne parurent point, sous pr?texte qu'ils ?taient s?rs de leur affaire.

Joseph et Consuelo all?rent souper au presbyt?re, o? un appartement leur avait ?t? pr?par?. Le bon cur? ?tait dans la joie de son ?me, et l'on voyait qu'il tenait extr?mement ? la beaut? de sa messe, pour plaire ? M. le chanoine.

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