Read Ebook: Les deux nigauds by S Gur Sophie Comtesse De
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Ebook has 1635 lines and 51171 words, and 33 pages
La comtesse de S?gur
LES DEUX NIGAUDS
PARIS! PARIS!
M. et Mme Gargilier ?taient seuls dans leur salon; leurs enfants, Simplicie et Innocent, venaient de les quitter pour aller se coucher. M. Gargilier avait l'air impatient?; Mme Gargilier ?tait triste et silencieuse.
--Savez-vous, ch?re amie, dit enfin M. Gargilier, que j'ai presque envie de donner une le?on, cruelle peut-?tre, mais n?cessaire, ? cette petite sotte de Simplicie et ? ce ben?t d'Innocent?
--Quoi? Que voulez-vous faire? r?pondit Mme Gargilier avec effroi.
--Tout bonnement contenter leur d?sir d'aller passer l'hiver ? Paris.
--Mais vous savez, mon ami, que notre fortune ne nous permet pas cette d?pense consid?rable; et puis votre pr?sence est indispensable ici pour tous vos travaux de ferme, de plantations.
--Aussi je compte bien rester ici avec vous.
--Mais. comment alors les enfants pourront-ils y aller?
--Je les enverrai avec la bonne et fid?le Prudence; Simplicie ira chez ma soeur, Mme Bonbeck, ? laquelle je vais demander de les recevoir chez elle en lui payant la pension de Simplicie et de Prudence, car elle n'est pas assez riche pour faire cette d?pense. Quant ? Innocent, je l'enverrai dans une maison d'?ducation dont on m'a parl?, qui est tenue tr?s s?v?rement, et qui le d?go?tera des uniformes dont il a la t?te tourn?e.
--Mais, mon ami, votre soeur a un caract?re si violent, si emport?; elle a des id?es si bizarres, que Simplicie sera tr?s malheureuse, aupr?s d'elle.
--C'est pr?cis?ment ce que je veux; cela lui apprendra ? aimer la vie douce et tranquille qu'elle m?ne pr?s de nous, et ce sera une punition des bouderies, des pleurnicheries, des humeurs dont elle nous ennuie depuis un mois.
--Et le pauvre Innocent, quelle vie on lui fera mener dans cette pension!
--Ce sera pour le mieux. C'est lui qui pousse sa soeur ? nous contraindre de les laisser aller ? Paris, et il m?rite d'?tre puni. On envoie dans cette pension les gar?ons indociles et incorrigibles: ils lui rendront la vie dure; j'en serai bien aise. Quand il en aura assez, il saura bien nous l'?crire et se faire rappeler.
--Et Prudence? Elle est bien bonne, bien d?vou?e, mais elle n'a jamais quitt? la campagne, et je crains qu'elle ne sache pas comment s'y prendre pour arriver ? Paris.
--Elle n'aura aucun embarras; le conducteur de la diligence la conna?t, prendra soin d'elle ainsi que des enfant; une fois en chemin de fer, ils auront trois heures de route, et ma soeur ira les attendre ? la gare pour les emmener chez elle.
Mme Gargilier chercha encore ? d?tourner son mari d'un projet qui l'effrayait pour ses enfants, mais il y persista, disant qu'il ne pouvait plus supporter l'ennui et l'irritation que lui donnaient les pleurs et les humeurs de Simplicie et d'Innocent Il parla le soir m?me ? Prudence, en lui recommandant de ne rien dire encore aux enfants. Elle fut tr?s contrari?e d'avoir ? quitter ses ma?tres, mais flatt?e en m?me temps, de la confiance qu'ils lui t?moignaient. Elle d?testait Paris sans le conna?tre, et elle comptait bien que les enfants s'en d?go?teraient promptement et que leur absence ne serait pas longue.
Quelques jours apr?s Simplicie essuyait pour la vingti?me fois ses petits yeux rouges et gonfl?s. Sa m?re qui la regardait de temps en temps d'un air m?content, leva les ?paules et lui dit avec froideur:
--Voyons, Simplicie, finis tes pleurnicheries; c'est ennuyeux, ? la fin. Je t'ai d?j? dit que je ne voulais pas aller passer l'hiver ? Paris et que je n'irai pas.
SIMPLICIE.--Et c'est pour cela que je pleure. Croyez-vous que ce soit amusant pour moi, qui vais avoir douze ans, de passer l'hiver ? la campagne dans la neige et dans la boue?
MADAME GARGILIER.--Est-ce que tu crois qu'? Paris il n'y a ni neige ni boue?
SIMPLICIE.--Non, certainement; ces demoiselles m'ont dit qu'on balayait les rues tous les jours.
MADAME GARGILIER.--Mais on a beau balayer, la neige tombe et la boue revient comme sur les grandes routes.
SIMPLICIE.--?? m'est ?gal, je veux aller ? Paris.
MADAME GARGILIER.--Ce n'est pas moi qui t'y m?nerai, ma ch?re amie.
Simplicie recommence ? verser des larmes am?res; elle y ajoute de petits cris aigus qui impatientent sa m?re et qui attirent son p?re occup? ? lire dans la chambre ? c?t?.
M. GARGILIER, avec impatience.--Eh bien! qu'y a-t-il donc? Simplicie pleure et crie?
MADAME GARGILIER.--Toujours sa m?me chanson: < M. GARGILIER--Petite sotte, va! Tu fais comme ton fr?re dont je ne peux plus rien obtenir. Monsieur a dans la t?te d'entrer dans une pension ? Paris, et il ne travaille plus, il ne fait plus rien. MADAME GARGILIER.--Il serait bien attrap? d'?tre en pension; mal nourri, mal couch?, accabl? de travail, rudoy? par les ma?tres, tourment? par les camarades, souffrant du froid l'hiver, de la chaleur l'?t?; ce serait une vie bien agr?able pour Innocent, qui est paresseux, gourmand et indocile. Ah! le voil? qui arrive avec un visage long d'une aune. Innocent entre sans regarder personne; il va s'asseoir pr?s de Simplicie; tous deux boudent et tiennent les yeux baiss?s vers la terre. MADAME GARGILIER.--Qu'as-tu, Innocent? Pourquoi boudes-tu? INNOCENT.--Je veux aller ? Paris. M. GARGILIER.--Petit dr?le! toute la journ?e le m?me refrain: < --Et moi, et moi? s'?cria Simplicie en s'?lan?ant de sa chaise vers son p?re. --Toi, nigaude?... tu m?riterais bien d'y aller, pour te punir de ton ent?tement maussade. --Je veux y aller avec Innocent! Je ne veux pas rester seule ? m'ennuyer. --Sotte fille! Tu le veux, eh bien! soit; mais r?fl?chis bien avant d'accepter ce que je te propose. J'?crirai ? ta tante, Mme Bonbeck, pour qu'elle te re?oive et te garde jusqu'? l'?t?; une fois que tu seras l?, tu y resteras malgr? pri?res et supplications. --J'accepte, j'accepte, s'?cria Simplicie avec joie. MADAME GARGILIER.--Tu n'as jamais vu ta tante, mais tu sais qu'elle n'est pas d'un caract?re aimable, qu'elle ne supporte pas la contradiction. --Je sais, je sais, j'accepte, s'empressa de dire Simplicie. Le p?re regarda Innocent, et Simplicie, dont la joie ?tait visible; il leva encore les ?paules, et quitta la chambre suivi de sa femme. Quand ils furent partis, les enfants rest?rent un instant silencieux, se regardant avec un sourire de triomphe; lorsqu'ils se furent assur?s qu'ils ?taient seuls, qu'on ne pouvait les entendre, ils laiss?rent ?clater leur joie par des battements de mains, des cris d'all?gresse, des gambades extravagantes. INNOCENT.--Je t'avais bien dit que nous l'emporterions ? force de tristesse et de pleurs. Je sais comment il faut prendre papa et maman. En les ennuyant on obtient tout. SIMPLICIE.--Il ?tait temps que cela finisse, tout de m?me; je n'y pouvais plus tenir; c'est si ennuyeux de toujours bouder et pleurnicher! Et puis, je voyais que cela faisait de la peine ? maman: je commen?ais ? avoir des remords. INNOCENT.--Que tu es b?te! Remords de quoi? Est-ce qu'il y a du mal ? vouloir conna?tre Paris? Tout le monde y va; il n'y a que nous dans le pays qui n'y soyons jamais all?s. SIMPLICIE.--C'est vrai, mais papa et maman resteront seuls tout l'hiver, ce sera triste pour eux, INNOCENT.--C'est leur faute; pourquoi ne nous m?nent ils pas eux-m?mes ? Paris? Tu as entendu l'autre jour Camille, Madeleine, leurs amies, leurs cousins et cousines: tous vont partir pour Paris. SIMPLICIE.--On dit que ma tante n'est pas tr?s bonne; elle ne sera pas complaisante comme maman. INNOCENT.--Qu'est-ce que cela fait? Tu as douze ans; est-ce que tu as besoin qu'on te soigne comme un petit enfant?
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