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Read Ebook: Les deux nigauds by S Gur Sophie Comtesse De

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Ebook has 1635 lines and 51171 words, and 33 pages

INNOCENT.--Qu'est-ce que cela fait? Tu as douze ans; est-ce que tu as besoin qu'on te soigne comme un petit enfant?

SIMPLICIE.--Non, mais...

INNOCENT.--Mais quoi? Ne va pas changer d'id?e maintenant! Puisque papa est d?cid?, il faut le laisser faire.

SIMPLICIE.--Oh! je ne change pas d'id?e, sois tranquille; seulement, j'aimerais mieux que maman vint ? Paris avec nous.

Et les enfants all?rent dans leur chambre pour commencer leurs pr?paratifs de d?part. Simplicie n'?tait pas aussi heureuse qu'elle lavait esp?r?; sa conscience lui reprochait d'abandonner son p?re et sa m?re. Innocent, de son c?t?, n'?tait plus aussi enchant? qu'il en avait l'air; ce que sa m?re avait dit de la vie de pension lui revenait ? la m?moire, et il craignait qu'il n'y e?t un peu de vrai; mais il aurait des camarades, des amis; et puis il verrait Paris, ce qui lui semblait devoir ?tre un bonheur sans ?gal.

Ils n'os?rent pourtant plus en reparler devant leurs parents, qui n'en parlaient pas non plus.

--Ils auront oubli?, dit un jour Simplicie.

--Ils ont peut-?tre voulu nous attraper, r?pondit Innocent.

--Que faire alors?

--Attendre, et si dans deux jours on ne nous dit rien, nous recommencerons ? bouder et ? pleurer.

--Je voudrais bien qu'on nous dit quelque chose; c'est si ennuyeux de bouder?

Deux jours se pass?rent; on ne parlait de rien aux enfants; M. Gargilier les regardait avec un sourire moqueur; Mme Gargilier paraissait m?contente et triste.

Le troisi?me jour, en se mettant ? table pour d?jeuner, Innocent dit tout bas ? Simplicie:

--Commence! il est temps.

SUPPLICIE.--Et toi?

INNOCENT.--Moi aussi; je boude. Ne mange pas.

Le p?re et ta m?re prennent des oeufs frais; les enfants ne mangent rien; ils ont les yeux fix?s sur leur assiette, la l?vre avanc?e, les narines gonfl?es.

LE P?RE.--Mangez donc, enfants; vous laissez refroidir les oeufs.

Pas de r?ponse.

LE P?RE.--Vous n'entendez pas? Je vous dis de manger.

INNOCENT.--Je n'ai pas faim.

SIMPLICIE.--Je n'ai pas faim.

LE PERE.--Vous allez vous faire mal ? l'estomac, grands nigauds.

INNOCENT.--J'ai trop de chagrin pour manger.

SIMPLICIE.--Je ne mangerai que lorsque je serai s?re aller ? Paris.

LE P?RE.--Alors tu peux manger tout ce qu'il y a sur la table, car vous vous mettrez en route apr?s-demain; j'ai ?crit ? ta tante, qui consent ? vous recevoir. Vous partirez avec Prudence, votre bonne, et vous y resterez tout l'hiver, le printemps et une partie de l'?t?: votre tante vous renverra ? l'?poque des vacances de l'ann?e prochaine.

Simplicie et Innocent s'attendaient si peu ? cette nouvelle, qu'ils rest?rent muets de surprise, la bouche ouverte, les yeux fixes, ne sachant comment passer de la bouderie ? la joie.

--Vous viendrez nous voir ? Paris? demanda enfin Simplicie.

LE PERE.--Pas une fois! Pour quoi faire? Nous d?placer, d?penser de l'argent pour des enfants qui ne demandent qu'? nous quitter? Nous nous passerons de vous comme vous vous passerez de nous, mes chers amis.

SIMPLICIE.--Mais, vous nous ?crirez souvent?

LE PERE.--Nous vous r?pondrons quand vous ?crirez et quand cela sera n?cessaire.

Simplicie se contenta de cette assurance, et commen?a ? r?parer le temps perdu, en mangeant tout ce qu'il y avait sur la table. Innocent aurait bien voulu questionner ses parents sur sa pension, sur son uniforme de pensionnaire, mais l'air triste de sa m?re et la mine s?v?re de son p?re lui firent garder le silence; il fit comme sa soeur, il mangea.

Quand on sortit de table, les parents se retir?rent, laissant les enfants seuls. Au lieu de se laisser aller ? une joie folle comme ? la premi?re annonce de leur voyage, ils restaient silencieux, presque tristes.

--Tu n'as pas Fair d'?tre contente, dit Innocent ? sa soeur.

--Je suis enchant?e, r?pondit Simplicie d'une voix lugubre, mais...

--Mais quoi?

--Mais... tu as toi-m?me l'air si s?rieux, que je ne sais plus si je dois ?tre contente ou f?ch?e.

--Je suis tr?s gai, je t'assure, reprit tristement Innocent; C'est un grand bonheur pour nous; nous allons bien nous amuser.

SIMPLICIE.--Tu dis cela dr?lement! Comme si tu ?tais inquiet ou triste.

INNOCENT.--Puisque je te dis que je suis gai; c'est ta sotte figure qui m'ennuie.

SIMPLICIE.--Si tu voyais la tienne, tu b?illerais rien qu'? te regarder.

INNOCENT.--Laisse-moi tranquille; ma figure est cent fois mieux que la tienne.

SIMPLICIE.--Elle est jolie, ta figure? tes petits yeux verts! un nez coupant comme un couteau, pointu comme une aiguille; une bouche sans l?vres, un menton finissant en pointe, des joues creuses, des cheveux cr?pus, des oreilles d'?ne, un long cou, des ?paules...

INNOCENT.--Ta, ta, ta... C'est par jalousie que tu parles, toi, avec tes petits yeux noirs, ton nez gras en trompette, ta bouche ? l?vres ?paisses, tes cheveux ?pais et huileux, tes oreilles aplaties, tes ?paules sans cou et ta grosse taille. Tu auras du succ?s ? Paris, je te le promets, mais pas comme tu l'entends!

Simplicie allait riposter, quand la porte s'ouvrit, et M. Gargilier entra avec un tailleur qui apportait ? Innocent des habits neufs et un uniforme de pensionnaire. Il fallait les essayer; ils allaient parfaitement... pour la campagne; dans la pr?vision qu'il grandirait et grossirait, M. Gargilier avait command? la tunique tr?s longue, tr?s large; les manches couvraient le bout des doigts, les pans de la tunique couvraient les chevilles; on passait le poing entre le gilet et la tunique boutonn?e. Le pantalon battait les talons et flottait comme une jupe autour de chaque jambe; Innocent se trouvait superbe, Simplicie ?tait ravie: M. Gargilier ?tait satisfait, le tailleur ?tait fier d'avoir si bien r?ussi. Tous les habits ?taient confectionn?s avec la m?me pr?voyance et permettaient ? Innocent de grandir d'un demi-m?tre et d'engraisser de cent livres.

Simplicie fut appel?e ? son tour pour essayer les robes que sa bonne lui avait faites avec d'anciennes robes de grande toilette, de Mme Gargilier: l'une ?tait en soie broch?e grenat et orange; l'autre en popeline ? carreaux verts, bleus, ros?s, violets et jaunes; les couleurs de l'arc-en-ciel y ?taient fid?lement rappel?es; deux autres, moins belles, devaient servir pour les matin?es habill?es: l'une en satin marron et l'autre en velours de coton bleu; le tout ?tait un peu pass?, un peu ?raill?, mais elles avaient produit un grand effet dans leur temps, et Simplicie, accoutum?e ? les regarder avec admiration, se touva heureuse et fi?re du sacrifice que lui en faisait sa m?re; dans sa joie, elle oublia de la remercier et courut se montrer ? son fr?re, qui ne pouvait se d?cider ? quitter son uniforme.

Ils se promen?rent longtemps en long et en large dans le salon, se regardant avec orgueil et comptant sur des succ?s extraordinaires ? Paris.

SIMPLICIE.--Tes camarades de pension n'oseront pas te tourmenter avec tes beaux habits.

INNOCENT.--Je crois bien! Ce n'est pas comme dans leurs vestes ?triqu?es! On n'a pas m?nag? l'?toff? dans les miens; on leur portera respect, je t'en r?ponds.

SIMPLICIE.--Et moi! Quand ces demoiselles me verront! Camille, Madeleine, Elisabeth, Valentine, Henriette et les autres? Elles n'ont rien d'aussi beau, bien certainement.

INNOCENT.--Elles vont crever de jalousie...

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