Read Ebook: Portraits littéraires Tome I by Sainte Beuve Charles Augustin
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Ebook has 556 lines and 151988 words, and 12 pages
Ne sentirai-je plus de charme qui m'arr?te? Ai-je pass? le temps d'aimer?
Des solides plaisirs je n'ai suivi que l'ombre, J'ai toujours abus? du plus cher de nos biens: Les pensers amusants, les vagues entretiens, Vains enfants du loisir, d?lices chim?riques, Les romans et le jeu, peste des r?publiques, Par qui sont d?voy?s les esprits les plus droits, Ridicule fureur qui se moque des lois, Cent autres passions des sages condamn?es, Ont pris comme ? l'envi la fleur de mes ann?es. L'usage des vrais biens r?parerait ces maux; Je le sais, et je cours encore ? des biens faux. . . . . . . . . . . . . Si faut-il qu'? la fin de tels pensers nous quittent; Je ne vois plus d'instants qui ne m'en sollicitent: Je recule, et peut-?tre attendrai-je trop tard; Car qui sait les moments prescrits ? son d?part? Quels qu'ils soient, ils sont courts...
Que me servent ces vers avec soin compos?s? N'en attends-je autre fruit que de les voir pris?s? C'est peu que leurs conseils, si je ne sais les suivre, Et qu'au moins vers ma fin je ne commence ? vivre; Car je n'ai pas v?cu, j'ai servi deux tyrans: Un vain bruit et l'amour ont partag? mes ans. Qu'est-ce que vivre, Iris? vous pouvez nous l'apprendre; Votre r?ponse est pr?te, il me semble l'entendre: C'est jouir des vrais biens avec tranquillit?, Faire usage du temps et de l'oisivet?, S'acquitter des honneurs dus ? l'?tre supr?me, Renoncer aux Phyllis en faveur de soi-m?me, Bannir le fol amour et les voeux impuissants, Comme Hydres dans nos coeurs sans cesse renaissants.
T?rence est dans mes mains, je m'instruis dans Horace; Hom?re et son rival sont mes dieux du Parnasse; Je le dis aux rochers, etc... Je ch?ris l'Arioste et j'estime le Tasse; Plein de Machiavel, ent?t? de Bocace, J'en parle si souvent qu'on en est ?tourdi; J'en lis qui sont du nord et qui sont du midi.
Fera-t-on de lui un savant? Son ?rudition a pour cela de trop singuli?res m?prises, et se permet des confusions trop charmantes. Il a ?crit dans sa Vie d'?sope: <
La Gr?ce en fourmillait dans son moindre canton.
Il attribue la d?cadence de l'ode en France ? une cause qu'on n'imaginerait jamais:
... l'ode, qui baisse un peu, Veut de la patience, et nos gens ont du feu.
D'ailleurs, en cette remarquable ?p?tre, il proteste contre l'imitation servile des anciens, et cherche ? exposer de quelle nature est la sienne. Nous conseillons aux curieux de comparer ce passage avec la fin de la deuxi?me ?p?tre d'Andr? Ch?nier; l'id?e au fond est la m?me, mais on verra, en comparant l'une et l'autre expression, toute la diff?rence profonde qui s?pare un po?te artiste comme Ch?nier, d'avec un po?te d'instinct comme La Fontaine.
Ce qui est vrai jusqu'ici de presque tous nos po?tes, except? Moli?re et peut-?tre Corneille, ce qui est vrai de Marot, de Ronsard, de R?gnier, de Malherbe, de Boileau, de Racine et d'Andr? Ch?nier, l'est aussi de La Fontaine: lorsqu'on a parcouru ses divers m?rites, il faut ajouter que c'est encore par le style qu'il vaut le mieux. Chez Moli?re au contraire, chez Dante, Shakspeare et Milton, le style ?gale l'invention sans doute, mais ne la d?passe pas; la mani?re de dire y r?fl?chit le fond, sans l'?clipser. Quant ? la fa?on de La Fontaine, elle est trop connue et trop bien analys?e ailleurs pour que j'essaye d'y revenir. Qu'il me suffise de faire remarquer qu'il y entre une proportion assez grande de fadeurs galantes et de faux go?t pastoral, que nous bl?merions dans Saint-?vremond et Voiture, mais que nous aimons ici. C'est qu'en effet ces fadeurs et ce faux go?t n'en sont plus, du moment qu'ils ont pass? sous cette plume enchanteresse, et qu'ils se sont rajeunis de tout le charme d'alentour. La Fontaine manque un peu de souffle et de suite dans ses compositions; il a, chemin faisant, des distractions fr?quentes qui font fuir son style et d?vier sa pens?e; ses vers d?licieux, en d?coulant comme un ruisseau, sommeillent parfois, ou s'?garent et ne se tiennent plus; mais cela m?me constitue une mani?re, et il en est de cette mani?re comme de toutes celles des hommes de g?nie: ce qui autre part serait indiff?rent ou mauvais, y devient un trait de caract?re ou une gr?ce piquante.
Septembre 1829.
RACINE
Les grands po?tes, les po?tes de g?nie, ind?pendamment des genres, et sans faire acception de leur nature lyrique, ?pique ou dramatique, peuvent se rapporter ? deux familles glorieuses qui, depuis bien des si?cles, s'entrem?lent et se d?tr?nent tour ? tour, se disputent la pr??minence en renomm?e, et entre lesquelles, selon les temps, l'admiration des hommes s'est in?galement r?partie. Les po?tes primitifs, fondateurs, originaux sans m?lange, n?s d'eux-m?mes et fils de leurs oeuvres, Hom?re, Pindare, Eschyle, Dante et Shakspeare, sont quelquefois sacrifi?s, pr?f?r?s le plus souvent, toujours oppos?s aux g?nies studieux, polis, dociles, essentiellement ?ducables et perfectibles, des ?poques moyennes. Horace, Virgile, le Tasse, sont les chefs les plus brillants de cette famille secondaire, r?put?e, et avec raison, inf?rieure ? son a?n?e, mais d'ordinaire mieux comprise de tous, plus accessible et plus ch?rie. Parmi nous, Corneille et Moli?re s'en d?tachent par plus d'un c?t?; Boileau et Racine y appartiennent tout ? fait et la d?corent, surtout Racine, le plus merveilleux, le plus accompli en ce genre, le plus v?n?r? de nos po?tes. C'est le propre des ?crivains de cet ordre d'avoir pour eux la presque unanimit? des suffrages, tandis que leurs illustres adversaires qui, plus hauts qu'eux en m?rite, les dominent m?me en gloire, sont ? chaque si?cle remis en question par une certaine classe de critiques. Cette diff?rence de renomm?e est une cons?quence n?cessaire de celle des talents. Les uns v?ritablement pr?destin?s et divins, naissent avec leur lot, ne s'occupent gu?re ? le grossir grain ? grain en cette vie, mais le dispensent avec profusion et comme ? pleines mains en leurs oeuvres; car leur tr?sor est in?puisable au dedans. Ils font, sans trop s'inqui?ter ni se rendre compte de leurs moyens de faire; ils ne se replient pas ? chaque heure de veille sur eux-m?mes; ils ne retournent pas la t?te en arri?re ? chaque instant pour mesurer la route qu'ils ont parcourue et calculer celle qui leur reste; mais ils marchent ? grandes journ?es sans se lasser ni se contenter jamais. Des changement secrets s'accomplissent en eux, au sein de leur g?nie, et quelquefois le transforment; ils subissent ces changements comme des lois, sans s'y m?ler, sans y aider artificiellement, pas plus que l'homme ne h?te le temps o? ses cheveux blanchissent, l'oiseau la mue de son plumage, ou l'arbre les changements de couleur de ses feuilles aux diverses saisons; et, proc?dant ainsi d'apr?s de grandes lois int?rieures et une puissante donn?e originelle, ils arrivent ? laisser trace de leur force en des oeuvres sublimes, monumentales, d'un ordre r?el et stable sous une irr?gularit? apparente comme dans la nature, d'ailleurs entrecoup?es d'accidents, h?riss?es de cimes, creus?es de profondeurs: voil? pour les uns. Les autres ont besoin de na?tre en des circonstances propices, d'?tre cultiv?s par l'?ducation et de m?rir au soleil; ils se d?veloppent lentement, sciemment, se f?condent par l'?tude et s'accouchent eux-m?mes avec art. Ils montent par degr?s, parcourent les intervalles et ne s'?lancent pas au but du premier bond; leur g?nie grandit avec le temps et s'?difie comme un palais auquel on ajouterait chaque ann?e une assise; ils ont de longues heures de r?flexion et de silence durant lesquelles ils s'arr?tent pour r?viser leur plan et d?lib?rer: aussi l'?difice, si jamais il se termine, est-il d'une conception savante, noble, lucide, admirable, d'une harmonie qui d'abord saisit l'oeil, et d'une ex?cution achev?e. Pour le comprendre, l'esprit du spectateur d?couvre sans peine et monte avec une sorte d'orgueil paisible l'?chelle d'id?es par laquelle a pass? le g?nie de l'artiste. Or, suivant une remarque tr?s-fine et tr?s-juste du P?re Tournemire, on n'admire jamais dans un auteur que les qualit?s dont on a le germe et la racine en soi. D'o? il suit que, dans les ouvrages des esprits sup?rieurs, il est un degr? relatif o? chaque esprit inf?rieur s'?l?ve, mais qu'il ne franchit pas, et d'o? il juge l'ensemble comme il peut. C'est presque comme pour les familles de plantes ?tag?es sur les Cordill?res, et qui ne d?passent jamais une certaine hauteur, ou plut?t c'est comme pour les familles d'oiseaux dont l'essor dans l'air est fix? ? une certaine limite. Que si maintenant, ? la hauteur relative o? telle famille d'esprits peut s'?lever dans l'intelligence d'un po?me, il ne se rencontre pas une qualit? correspondante qui soit comme une pierre o? mettre le pied, comme une plate-forme d'o? l'on contemple tout le paysage, s'il y a l? un roc ? pic, un torrent, un ab?me, qu'adviendra-t-il alors? Les esprits qui n'auront trouv? o? poser leur vol s'en reviendront comme la colombe de l'arche, sans m?me rapporter le rameau d'olivier.--Je suis ? Versailles, du c?t? du jardin, et je monte le grand escalier; l'haleine me manque au milieu et je m'arr?te; mais du moins je vois de l? en face de moi la ligne du ch?teau, ses ailes, et j'en appr?cie d?j? la r?gularit?, tandis que si je gravis sur les bords du Rhin quelque sentier tournant qui grimpe ? un donjon gothique, et que je m'arr?te d'?puisement ? mi-c?te, il pourra se faire qu'un mouvement de terrain, un arbre, un buisson, me d?robe la vue tout enti?re. C'est l? l'image vraie des deux po?sies. La po?sie racinienne est construite de telle sorte qu'? toute hauteur il se rencontre des degr?s et des points d'appui avec perspective pour les infirmes: l'oeuvre de Shakspeare a l'acc?s plus rude, et l'oeil ne l'embrasse pas de tout point; nous savons de fort honn?tes gens qui ont su? pour y aborder, et qui, apr?s s'?tre heurt? la vue sur quelque butte ou sur quelque bruy?re, sont revenus en jurant de bonne foi qu'il n'y avait rien l?-haut; mais, ? peine redescendus en plaine, la maudite tour enchant?e leur apparaissait de nouveau dans son lointain, mille fois plus importune aux pauvres gens que ne l'?tait ? Boileau celle de Montlh?ry:
Ses murs, dont le sommet se d?robe ? la vue, Sur la cime d'un roc s'allongent dans la nue, Et, pr?sentant de loin leur objet ennuyeux, Du passant qui les fuit semblent suivre les yeux.
Mais nous laisserons pour aujourd'hui la tour de Montlh?ry et l'oeuvre de Shakspeare, et nous essaierons de monter, apr?s tant d'autres adorateurs, quelques-uns des degr?s, glissants d?sormais ? force d'?tre us?s, qui m?nent au temple en marbre de Racine.
Je vois ce clo?tre v?n?rable, Ces beaux lieux du Ciel bien aim?s, Qui de cent temples anim?s Cachent la richesse adorable. C'est dans ce chaste paradis Que r?gne, en un tr?ne de lis, La Virginit? sainte; C'est l? que mille anges mortels D'une ?ternelle plainte G?missent au pied des autels.
Sacr?s palais de l'innocence, Astres vivants, choeurs glorieux, Qui faites voir de nouveaux cieux Dans ces demeures du silence, Non, ma plume n'entreprend pas De tracer ici vos combats, Vos je?nes et vos veilles; Il faut, pour en bien r?v?rer Les augustes merveilles, Et les taire et les adorer.
Color verus, corpus solidum et succi plenum;
Appuy? de S?n?que et du tribun Burrhus, Qui, tous deux de l'exil rappel?s par moi-m?me, Partagent ? mes yeux l'autorit? supr?me.
Je l'aime, non point tel que l'ont vu les Enfers...
Dieux! que ne suis-je assise ? l'ombre des for?ts! Quand pourrai-je, au travers d'une noble poussi?re, Suivre de l'oeil un char fuyant dans la carri?re?
dit la Ph?dre de Racine. Dans Euripide, ce mouvement est beaucoup plus prolong?: Ph?dre voudrait d'abord se d?salt?rer ? l'eau pure des fontaines et s'?tendre ? l'ombre des peupliers; puis elle s'?crie qu'on la conduise sur la montagne, dans les for?ts de pins, o? les chiens chassent le cerf, et qu'elle veut lancer le dard thessalien; enfin elle d?sire l'ar?ne sacr?e de Limna, o? s'exercent les coursiers rapides: et la nourrice qui, ? chaque souhait, l'a interrompue, lui dit enfin: <
Je ne dois d?sormais songer qu'? me cacher;
c'est imiter l'art ing?nieux de Timanthe, qui, ? l'instant solennel, voila la t?te d'Agamemnon.
. . . . . O? si?geaient, sur de riches carreaux, Cent idoles de jaspe aux t?tes de taureaux; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . O?, sans lever jamais leurs t?tes colossales, Veillaient, assis en cercle et se regardant tous, Des dieux d'airain posant leurs mains sur leurs genoux.
Le grand pr?tre est beau, noble et terrible; mais on le con?oit plus terrible encore et plus inexorable, pour ?tre le ministre d'un Dieu de col?re. Quand il arme les l?vites, et qu'il leur rappelle que leurs anc?tres, ? la voix de Mo?se, ont autrefois massacr? leurs fr?res , il d?laie ce verset en p?riphrases ?vasives:
Ne descendez-vous pas de ces fameux l?vites Qui, lorsqu'au dieu du Nil le volage Isra?l Rendit dans le d?sert un culte criminel, De leurs plus chers parents saintement homicides, Consacr?rent leurs mains dans le sang des perfides, Et par ce noble exploit vous acquirent l'honneur D'?tre seuls employ?s aux autels du Seigneur?
Osias n'?tait plus; Dieu m'apparut: je vis Adona? v?tu de gloire et d'?pouvante; Les bords ?blouissants de sa robe flottante Remplissaient le sacr? parvis.
Des s?raphins debout sur des marches d'ivoire Se voilaient devant lui de six ailes de feux; Volant de l'un ? l'autre, ils se disaient entre eux: Saint, Saint, Saint, le Seigneur, le Dieu, le roi des dieux! Toute la terre est pleine de sa gloire!
Il ne dirait pas dans ses choeurs, quand il fait parler l'impie voluptueux:
Ainsi qu'on choisit une rose Dans les guirlandes de Sarons, Choisissez une vierge ?close Parmi les lis de vos vallons: Enivrez-vous de son haleine, ?cartez ses tresses d'?b?ne, Go?tez les fruits de sa beaut?. Vivez, aimez, c'est la sagesse: Hors le plaisir et la tendresse, Tout est mensonge et vanit?.
Il ne dirait pas davantage:
O tombeau! vous ?tes mon p?re; Et je dis aux vers de la terre: Vous ?tes ma m?re et mes soeurs.
D?cembre 1829.
Au ris m?l? de pleurs, aux longs cheveux ?pars, Belle, levant au ciel ses humides regards?
LES LARMES DE RACINE.
Racine, qui veut pleurer, viendra ? la profession de la soeur Lalie.
Jean Racine, le grand po?te, Le po?te aimant et pieux, Apr?s que sa lyre muette Se fut voil?e ? tous les yeux, Renon?ant ? la gloire humaine, S'il sentait en son ?me pleine Le flot contenu murmurer, Ne savait que fondre en pri?re, Pencher l'urne dans la poussi?re Aux pieds du Seigneur, et pleurer.
Comme un coeur pur de jeune fille Qui coule et d?borde en secret, A chaque peine de famille, Au moindre bonheur, il pleurait; A voir pleurer sa fille a?n?e; A voir sa table couronn?e D'enfants, et lui-m?me au d?clin; A sentir les inqui?tudes De p?re, tout causant d'?tudes, Les soirs d'hiver, avec Rollin;
Ou si dans la sainte patrie, Berceau de ses r?ves touchants, Il s'?garait par la prairie Au fond de Port-Royal-des-Champs; S'il revoyait du clo?tre aust?re Les longs murs, l'?tang solitaire, Il pleurait comme un exil?; Pour lui, pleurer avait des charmes. Le jour que mourait dans les larmes Ou La Fontaine ou Champmesl?.
Surtout ces pleurs avec d?lices En ruisseaux d'amour s'?coulaient, Chaque fois que sous des cilices Des fronts de seize ans se voilaient; Chaque fois que des jeunes filles, Le jour de leurs voeux, sous les grilles S'en allaient aux yeux des parents, Et foulant leurs bouquets de f?te, Livrant les cheveux de leur t?te, ?panchaient leur ?me ? torrents.
Lui-m?me il dut payer sa dette; Au temple il porta son agneau; Dieu marquant sa fille cadette, La dota du mystique anneau. Au pied de l'autel avanc?e, La douce et blanche fianc?e Attendait le divin ?poux; Mais, sans voir la c?r?monie, Parmi l'encens et l'harmonie Sanglotait le p?re ? genoux.
Sanglots, soupirs, pleurs de tendresse, Pareils ? ceux qu'en sa ferveur Madeleine la p?cheresse R?pandit aux pieds du Sauveur; Pareils aux flots de parfum rare Qu'en pleurant la soeur de Lazare De ses longs cheveux essuya; Pleurs abondants comme les v?tres, O le plus tendre des ap?tres, Avant le jour d'Alleluia!
Pri?re confuse et muette, Effusion de saints d?sirs, Quel luth se fera l'interpr?te De ces sanglots, de ces soupirs? Qui d?m?lera le myst?re De ce coeur qui ne peut se taire, Et qui pourtant n'a point de voix? Qui dira le sens des murmures Qu'?veille ? travers les ramures Le vent d'automne dans les bois?
C'?tait une offrande avec plainte, Comme Abraham en sut offrir; C'?tait une derni?re ?treinte Pour l'enfant qu'on a vu nourrir; C'?tait un retour sur lui-m?me, P?cheur relev? d'anath?me, Et sur les erreurs du pass?; Un cri vers le Juge sublime, Pour qu'en faveur de la victime Tout le reste f?t effac?.
C'?tait un r?ve d'innocence, Et qui le faisait sangloter, De penser que, d?s son enfance, Il aurait pu ne pas quitter Port-Royal et son doux rivage, Son vallon calme dans l'orage, Refuge propice aux devoirs; Ses ch?taigniers aux larges ombres, Au dedans les corridors sombres, La solitude des parloirs.
Oh! si, les yeux mouill?s encore, Ressaisissant son luth dormant, Il n'a pas dit, ? voix sonore, Ce qu'il sentait en ce moment; S'il n'a pas racont?, po?te, Son ?me pudique et discr?te, Son holocauste et ses combats, Le Ma?tre qui tient la balance N'a compris que mieux son silence: O mortels, ne le bl?mez pas!
Celui qu'invoquent nos pri?res Ne fait pas descendre les pleurs Pour ?tinceler aux paupi?res, Ainsi que la ros?e aux fleurs; Il ne fait pas sous son haleine Palpiter la poitrine humaine, Pour en tirer d'aimables sons; Mais sa ros?e est f?condante; Mais son haleine, immense, ardente, Travaille ? fondre nos gla?ons.
Qu'importent ces chants qu'on exhale, Ces harpes autour du saint lieu; Que notre voix soit la cymbale Marchant devant l'arche de Dieu; Si l'?me, trop t?t consol?e, Comme une veuve non voil?e Dissipe ce qu'il faut sentir; Si le coupable prend le change, Et tout ce qu'il paye en louange, S'il le retranche au repentir?
En vain je parlerais le langage des Anges, En vain, mon Dieu, de tes louanges Je remplirois tout l'univers: Sans amour ma gloire n'?gale Que la gloire de la cymbale, Qui d'un vain bruit frappe les airs.
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