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Read Ebook: Au jeune royaume d'Albanie by Jaray Gabriel Louis

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Ebook has 401 lines and 49601 words, and 9 pages

En dehors de ces rades, que reste-t-il? En Italie, Venise o? l'on a cr?? tout un appareil d?fensif, mais qui, avec les acc?s facilement ensabl?s, ne peut pr?tendre ? un r?le offensif; Anc?ne et Bari, ports de commerce ouverts et qui ne sauraient devenir ports militaires; Brindisi, o? l'Italie a fait porter ses efforts, mais qui n'est qu'un pis-aller comme port de guerre et incapable de contenir une flotte de haut bord; de la sorte, il a fallu que le royaume organise son grand port d?fensif et offensif ? Tarente, ? l'extr?mit? de son territoire et au del? du canal d'Otrante, porte de l'Adriatique.

Sur la c?te voisine, les ports valent bien moins encore; de l'un ? l'autre, j'ai pass? et pense qu'on ne saurait se tromper sur leur valeur. Antivari est un assez bon port de commerce, ? l'abri des vents du sud, mais peu d?fendable; Dulcigno n'est qu'une crique ensabl?e; ? Saint-Jean de Medua, les vents rejettent les alluvions du Drin, qui envahissent progressivement la rade tr?s m?diocre; ? Durazzo, le navire reste aussi actuellement en mer pour d?barquer passagers et marchandises ? 300 m?tres du rivage; mais il n'y a pas en ce lieu de rivi?re qui ensable la c?te: en op?rant des dragages et des travaux, on pourrait faire un port convenable; toutefois, il est livr? sans d?fense aux vents du sud; une jet?e pourrait y ?tre construite, mais Durazzo restera toujours un port ouvert aux vents et propice aux attaques.

Pour compl?ter cette ?num?ration, il ne reste plus que Vallona. Or, sa baie constitue un port naturel superbe et vaste, en eau profonde, sans rivi?re qui l'ensable. Elle s'?tend sur plus de dix milles du nord au sud et compte une largeur de cinq milles en moyenne; la profondeur d'eau varie de 25 ? 50 m?tres; la partie m?ridionale de la baie, dite anse de Dukati, est abrit?e de tous les vents et le fond n'y est pas ? moins de 20 m?tres; une plaine, bois?e et bien cultiv?e, l'entoure, arros?e par la rivi?re Nisvora. Devant la rade, l'?le de Sasseno, haute de 300 m?tres, longue de 2 milles et demi, allonge ses collines comme une d?fense naturelle vers le large; une minuscule jet?e et quelques dragages suffiraient ? constituer la plus belle rade de l'Adriatique, la plus s?re et la plus facilement d?fendable.

C'est en ce lieu qu'?tait jadis Oricum, Porto Raguseo, o? les habitants ?migr?rent quand le fleuve Vopousa, apportant ses d?p?ts au port d'Appolonia, l'ensabla et ?loigna le rivage; on voit encore, non loin de Vallona, sur une petite ?minence, quelques ruines tr?s m?diocres, quelques colonnes, restes de cette ancienne ville o? passait jadis la ligne c?ti?re; alors que toute la c?te jusqu'? Antivari a repouss? la mer et s'est avanc?e de plusieurs dizaines de kilom?tres depuis l'?poque romaine, la baie est rest?e la m?me rade profonde et prot?g?e, qui attend le dominateur qui saura l'utiliser.

D?s lors, qui ne comprend la valeur de Vallona? Le canal d'Otrante est la porte de l'Adriatique et Vallona en tient la clef; embusqu?e dans ce port, une force navale ferme et ouvre le canal large d'environ 70 kilom?tres seulement; Vallona deviendrait-il la possession d'une autre puissance que l'Italie? C'est, en cas de guerre, l'Adriatique ferm?e ? celle-ci, les escadres de Tarente arr?t?es au d?fil? et toute la c?te italienne d'Otrante ? Venise tenue sous la menace d'une flotte ?trang?re, cach?e ? six heures de mer; il est vrai que si Vallona tombait au pouvoir du royaume, les flottes autrichiennes seraient embouteill?es dans l'Adriatique, car, ? la quitter, elles risqueraient d'?tre prises au d?troit entre les attaques de Vallona et celles de Tarente.

Vallona constitue donc une position strat?gique de premier ordre dans l'Adriatique; l'Italie ne saurait consentir ? ce que ce port tombe sous la domination d'une grande puissance sans sentir un p?ril perp?tuel sur ses rives; l'int?r?t vital du royaume lui commande d'en interdire la possession ? l'Autriche. Mais cette derni?re a un int?r?t ? peine moindre ? ?loigner l'Italie de ce port pour assurer l'ouverture et la libert? du passage du canal d'Otrante ? ses flottes.

La politique actuelle de l'Italie ? l'?gard de Vallona a ?t? bien des fois d?finie avec une nettet? parfaite; le professeur Baldacci, que nous avons d?j? cit?, ?crit en 1912: <> L'amiral Bettollo dans une interview ? la m?me ?poque d?clare: <>

C'est la politique permanente de l'Italie, politique qu'a exprim?e en termes diplomatiques mais non moins nets, en mai 1904, M. Tittoni, ministre des Affaires ?trang?res, en s'exprimant ainsi: <>

Cette situation appara?t dans toute sa brutalit? au voyageur qui a suivi les <> des territoires dalmates, mont?n?grins et albanais et qui arrive dans cette baie splendide de Vallona que la nature a model?e pour abriter des flottes. Il est visible que cette rade est le plus bel enjeu de la partie albanaise et peut-?tre la pomme de discorde entre Italiens et Autrichiens; c'est en tout cas le Gibraltar de l'Adriatique.

CHAPITRE II

DURAZZO, CENTRE COMMERCIAL DE L'ALBANIE

Durazzo || Les projets de voie ferr?e || Le projet Durazzo-Monastir et son trac? || Les centres de population de l'Albanie ind?pendante || La question de la monnaie et du change || L'urgence et l'int?r?t d'une r?forme mon?taire.

Vallona, ? cause de son importance strat?gique m?me, est rest? le seul port d'Albanie que ni Mont?n?grins, ni Grecs, ni Serbes n'ont occup?; quand les Grecs ont fait mine de mettre la main sur l'?le de Sasseno, ils ont vite ?t? rappel?s ? l'ordre par une double injonction de l'Italie et de l'Autriche.

A Durazzo, au contraire, les Serbes ont pouss? une avant-garde venue de Monastir par la vall?e du Scoumbi; ces troupes ont occup? quelque temps le pays, puis ont d? se retirer, laissant aux autorit?s locales ?tablies avant elles le soin de garder la ville. C'est avec un cuisant regret qu'elles ont quitt? ce centre commercial de l'Albanie, devenu la capitale du nouveau royaume.

Durazzo est une tr?s vieille cit?, o? les Romains avaient d?j? un ?tablissement important que rappellent les ruines d'un vieux ch?teau qui dresse ses pierres effrit?es au sommet de la colline, sur les flancs de laquelle la ville est construite en amphith??tre.

Une ?minence de 200 m?tres ? peine, reste et t?moin d'une ancienne cha?ne, interrompt les monotones bancs d'alluvions qui caract?risent la c?te albanaise d'Antivari ? Vallona; au sud de cette croupe montagneuse, sur une baie largement ouverte, Durazzo s'est ?tendue vers l'est en se prot?geant le plus possible contre les vents du large derri?re la colline o? elle s'appuie. Elle allonge, en profondeur en quelque sorte, ses maisons blanches et les minarets de ses mosqu?es qui ressortent sur le fond vert des hauteurs.

C'est une cit? d'une dizaine de mille ?mes, enti?rement albanaise, ? la seule exception de quelques ?l?ments h?t?rog?nes turcs, grecs ou italiens; l?, tous les navires font escale, car Durazzo est le lieu d'?change entre les produits de l'?tranger et ceux des plus importantes villes de l'int?rieur de l'Albanie; Tirana, Kroia, El-Bassam, jadis Okrida, avant sa s?paration de l'Albanie, les fertiles vall?es de Dibra et de Cavaja, c'est-?-dire les r?gions les plus peupl?es, les plus prosp?res et les plus cultiv?es de l'Albanie trouvent ici leur d?bouch? et leur march?; les produits de la basse-cour , les produits de l'?levage sont vendus ici aux comptoirs et aux marchands qui font commerce avec Bari et surtout avec Trieste.

Autrichiens et Italiens avaient esquiss? leurs projets qui n'ont pas ?t? jusqu'ici s?rieusement ?tudi?s; les Italiens, ?tant plus influents ? Vallona, choisissaient cette ville comme point de d?part, et sans doute leur choix ne sera pas diff?rent demain; les Autrichiens pr?f?raient et pr?f?reront encore Durazzo, o? leur action est plus soutenue. Le projet autrichien n'est rien autre chose que la r?fection de la voie romaine par la vall?e du Scoumbi; par le Scoumbi et un affluent secondaire, on atteint la montagne de Cafa Sane qui domine le lac d'Okrida; un tunnel de trois kilom?tres relierait le fond de la vall?e avec la pente en face d'Okrida; d'Okrida ? Monastir par Resna, il suffirait de se servir de la route actuelle toujours carrossable.

J'ai suivi ce trac? pour me rendre compte de ses difficult?s; jusqu'? El-Bassam par Cavaja et Pekinj, le rail se poserait sans difficult?; c'est une des voies les plus fr?quent?es de l'Albanie; il en est de m?me d'El-Bassam au pont sur le Scoumbi, d?nomm? Hadzi sur la carte; c'est l? que le sentier actuel, au lieu de suivre la vall?e qui fait vers le nord un coude tr?s marqu?, escalade la montagne et ne rejoint le fleuve qu'? Koukous; en ce lieu, de l'autre c?t? du pont ?croul?, une route carrossable conduit ? Okrida par la vall?e d'un affluent du Scoumbi; il suffit de la suivre et de franchir la croupe du Cafa Sane pour atteindre le lac d'Okrida; entre le pont sur le Scoumbi et Koukous la vall?e permet l'?tablissement d'une voie de communication; quand j'ai effectu? ce trajet, des soldats en punition travaillaient ? la construction de cette route; les gorges sont tr?s loin d'avoir l'importance, l'escarpement et la longueur de celles du Drin. On peut donc estimer qu'un tel projet n'est pas difficile ? r?aliser.

Le plan italien est diff?rent et h?site entre deux combinaisons: la premi?re consiste ? unir Vallona ? El-Bassam par B?rat, la vall?e du Semen et du Devol; ? Gurula , la voie franchirait des collines basses dont l'altitude est de 400 m?tres environ. D'El-Bassam, elle gagnerait Monastir, comme il est dit ci-dessus.

L'autre combinaison abandonne la vall?e du Scoumbi et Monastir; de Vallona le trac? atteindrait B?rat, suivrait la vall?e du Semen et du Devol qui aboutit ? Koritza, d'o?, par Kastoria, on parviendrait ? Verria sur la ligne de Salonique.

Toutes ces lignes ne sont pas malais?es ? ?tablir et toutes empruntent les principales voies de communication de l'Albanie du centre et du sud, qui desservent depuis longtemps, par de mauvais sentiers, il est vrai, les centres de population du pays: Cavaja, Pekinj, El-Bassam, Berat, Koritza, et les r?unissent aux deux principaux ports de Durazzo et de Vallona; si l'on y ajoute les vall?es basses de l'Arzeu et de l'Ismi, avec les deux villes de Tirana et de Kroia, situ?es ? moins de douze heures de cheval de Durazzo, on peut se repr?senter la r?partition des groupes les plus compacts et les plus nombreux d'habitants de l'Albanie ind?pendante.

Par suite, la premi?re oeuvre d'un gouvernement albanais digne de ce nom sera de percer ou de r?tablir des routes convenables entre ces diff?rents points; ce ne sera pas un travail consid?rable, car, dans toute cette partie du pays, les montagnes s'abaissent, adoucissent leurs formes et sont coup?es de larges vall?es; seule la haute vall?e du Scoumbi, entre son coude et Koukous, pr?sente quelques escarpements importants.

Un plan de travaux publics bien compris devrait donc comporter l'?tablissement imm?diat des voies suivantes: la r?fection de la voie de Durazzo ? Tirana, avec l'?tablissement d'un embranchement sur Kroia; la mise en ?tat de viabilit? du sentier conduisant actuellement de Durazzo ? Cavaja, Pekinj et El-Bassam et en seconde ligne du sentier qui r?unit par la montagne El-Bassam ? Tirana; puis la liaison d'El-Bassam ? Koukous; ? partir de ce point, il suffira d'entretenir la route vers Okrida; enfin, l'?tablissement d'une route de Vallona ? B?rat et El-Bassam, avec embranchement ? Gurula vers Koritza.

Un tel r?seau suffirait pour le d?but ? assurer les communications et la mise en valeur des parties les plus peupl?es et les plus cultiv?es du pays; il suffirait d'y ajouter une voie rejoignant au nord Durazzo, Tirana et Kroia ? Alessio, San Giovanni di Medua et Scutari. On voit par ce simple expos? que Durazzo est au centre des routes rayonnant vers les diverses parties de l'Albanie.

Il n'est peut-?tre pas n?cessaire de faire un plus grand effort, au moins pour les premi?res ann?es, et de charger le budget difficile ? ?tablir de la jeune Albanie des frais de construction de chemins de fer; des services d'automobiles sur routes suffiraient, d'autant plus qu'il ne faut pas oublier que, de la c?te ? la fronti?re, l'Albanie ne comporte gu?re plus de 80 ? 100 kilom?tres de largeur; si, dans le centre et dans le sud, ce territoire contient des vall?es et des terrains d'alluvions fertiles, de grandes lignes ferr?es ne seraient pas aliment?es par ces terres ayant un temps qu'on ne saurait fixer; m?me reli?es aux lignes gr?co-serbes qui vont couper du nord au sud les Balkans, elles ne gagneraient rien ? cette jonction, car elles ne d?riveraient sur leur parcours aucun des produits r?serv?s au terminus grec sur la mer ?g?e ou le golfe d'Arta, ou ? la ligne serbe du Danube-Adriatique.

Cette derni?re voie, qui n'aurait ?galement qu'un trafic insuffisant dans son passage en Albanie, si elle y passait, peut esp?rer un afflux de produits de la Vieille-Serbie, de la Mac?doine et du Danube dirig?s en droite ligne vers l'Occident. Mais pour toutes les autres lignes il para?trait sage d'attendre quelque temps avant de charger les finances du jeune ?tat d'un luxe inutile; l'?tablissement des routes principales, la concession de services automobiles, la mise en valeur progressive du pays devraient ?tre les premiers articles du programme ?conomique du nouveau gouvernement; le rail viendrait ensuite en son temps.

De toutes les villes de l'ancienne Turquie d'Europe, c'est ? Durazzo que j'ai trouv? le plus bel assortiment de monnaies en usage; des pi?cettes et des sous, partout ailleurs oubli?s depuis longtemps, sortent des montagnes d'Albanie et sont pr?sent?s sur le march? de Durazzo o? l'on continue de les accepter; aussi est-ce pour le voyageur le plus difficile probl?me que celui de la monnaie; il fera bien de le laisser r?soudre, ? ses risques d'ailleurs, par son drogman, en attendant qu'une r?forme soit apport?e.

Je ne crois pas ?tre d?menti par n'importe quel commer?ant d'Albanie--les sarafs except?s--en disant que nulle r?forme n'est plus n?cessaire. En tout cas, ? Durazzo, centre commercial du pays, on en sent le vif besoin. L'?tablissement des voies de communication et la r?forme mon?taire sont les deux premi?res questions que doit r?soudre le gouvernement albanais.

La question de la monnaie et du change est simple dans ses donn?es, si elle est tr?s compliqu?e dans ses applications. Le voyageur qui passe ? Constantinople se plaint d?j? du change et des embarras que lui cause le compte de la monnaie; toutefois la difficult? n'est pas insurmontable; la livre turque a un change r?gulier et se divise en 108 piastres; on sait que les pi?ces d'argent en circulation valent 1, 2, 5 et 20 piastres, et le calcul, par suite, est ? peine plus malais? que celui de la monnaie anglaise; il est vrai qu'il se complique du change int?rieur; il y a en effet trop peu de petite monnaie d'argent, c'est-?-dire de piastrines, et par suite celles-ci font prime; de l? est n?e l'industrie des <> ou changeurs, g?n?ralement petits banquiers juifs ou arm?niens; si vous leur donnez une livre turque ou des medjidi? , et si vous r?clamez des piastrines en ?change, on vous retiendra un acompte de 2 piastres ? la livre; par exemple, on ne vous donnera ? peu pr?s votre compte de 108 que si vous acceptez 5 medjidi?, c'est-?-dire 100 piastres, et 7 piastrines, la huiti?me ?tant gard?e en tout ou en partie comme prime du change.

Mais, en dehors de Constantinople et des chemins de fer, le calcul devient un effroyable casse-t?te chinois; selon les coutumes locales et les administrations, la livre turque se divise en effet en un nombre diff?rent de piastres; il en est de m?me du medjidi?; mais cette division diff?rente n'est qu'une division de compte.

Un exemple est n?cessaire: la piastrine est une petite monnaie d'argent valant 1 piastre; que la livre soit ? 104, 108, 124 piastres, on ne donne au change que la m?me quantit? mat?rielle de piastrines; si l'on exigeait en place d'une livre turque uniquement ces pi?cettes, on n'en donnerait partout que 102, 103, 104, selon le changeur.

Mais jamais le jeu du change ne se passe ainsi: contre une livre turque on vous impose d'abord des medjidi? et on compl?te par des piastrines d'une ou deux piastres; d?s lors, ? Constantinople, pour une livre compt?e ? 108, on vous donne 5 medjidi? compt?s chacun ? 20, au total 100 piastres, et 7 piastrines ou 7 piastrines et demie, soit 107 ? 107,5; ailleurs, pour une livre compt?e 124, on vous change 5 medjidi? compt?s chacun 23, au total 115 et 7 ? 7 piastrines et demie, soit 122 ? 122,5, le compl?ment constituant le b?n?fice du changeur; ainsi, ce qui diff?re, c'est seulement la mani?re de compter et le b?n?fice du changeur.

Mais cet enchev?trement de compte complique toute transaction, et ces diff?rences sont tr?s sensibles; ainsi, ? Constantinople et dans les chemins de fer, la livre est ? 108 et le medjidi? ? 20; pour les imp?ts et ? la douane, la livre est ? 103 un quart et le medjidi? ? 19; pour les autres caisses publiques, pour les op?rations des banques locales et une partie du grand commerce, la livre est ? 100 et le medjidi? ? 18 et demi; pour les ?changes commerciaux des bazars et des march?s, le compte diff?re de ville ? ville et de village ? village; dans beaucoup de villes de l'int?rieur, la livre est ? 124 et le medjidi? ? 23; ailleurs le change varie de 116 ? 124 selon les lieux; d?s lors la premi?re question ? poser dans un pays, c'est de demander la valeur de compte de la livre turque.

Mais cette complication ne suff?t pas: ? Constantinople les pi?ces de 1, 2, 5 et 20 piastres sont d'un type uniforme: elles sont en argent; les trois derni?res rappellent nos pi?ces de fr. 50, 1 franc et 5 francs, la premi?re ?tant comme une demi-pi?ce de fr. 50; mais, ? l'int?rieur et notamment en Albanie, subsistent de vieilles monnaies divisionnaires aux formes les plus archa?ques; je re?ois au march? de Durazzo des pi?ces larges comme des ?cus et minces comme une feuille de papier; l'oeil de l'?tranger ignore si elles sont en argent ou en bronze, car il y en a des deux types, et cependant dans le premier cas elle vaut 2 piastres ou 2 piastres et demie et dans le second, ce n'est qu'un sou ou deux; mon drogman, comme il n'est pas de la ville, les distingue mal et mon guide me recommande de m'en d?faire de suite; elles risqueraient en effet de n'?tre pas accept?es dans les transactions commerciales ? dix lieues d'ici; m?me sur place elles sont parfois refus?es par les caisses officielles.

Ces br?ves explications suffisent ? montrer le trouble que jette une telle monnaie dans les transactions commerciales. Une r?forme est urgente: elle serait facilit?e dans son application par l'usage g?n?ral, dans toute l'Albanie, du Napol?on: dans la tribu la plus recul?e, j'ai trouv? la connaissance exacte de sa valeur.

La r?forme ne procurera pas seulement au commerce l'avantage de faciliter les comptes et de gagner un temps pr?cieux; elle supprimera le gain parasite des sarafs, gain qui ne subsiste que par suite de l'insuffisance de la petite monnaie; on devine que les sarafs peuvent facilement s'entendre pour rar?fier plus encore et artificiellement cette monnaie divisionnaire, quand une place en a le plus besoin, et accro?tre ainsi les b?n?fices du change int?rieur; de m?me, en se servant des conditions naturelles d'?change, ils transportent la petite monnaie des lieux o? ils l'ach?tent ? meilleur compte aux lieux o? ils la vendent au plus haut cours; toute cette industrie a pour seule base la complication du syst?me mon?taire et la trop petite quantit? de monnaies divisionnaires mises sur le march? par l'?tat. Il est naturel que, nulle part plus que dans le centre commercial de Durazzo, on ne sente les vices d'un tel r?gime et la n?cessit? d'une r?forme.

TIRANA LA VERTE

De Durazzo ? Tirana || Tirana || Essad Pacha et les Toptan || Au tchiflick d'Essad || Jeunes-Turcs et Albanais || Les ambitions des Toptan || Refik bey Toptan || Ses fermiers et ses terres, les cultures || Les m?tayers et les paysans || Le retour d'Essad.

Ao?t finissant br?le la c?te; ses sables la dotent d'un climat de tropiques; pendant le milieu des journ?es, malgr? la mer voisine, la temp?rature est accablante; Durazzo, ?tageant ses maisons en plein midi et les allongeant au pourtour de la colline, recueille et conserve la chaleur comme une serre; il faut fuir ? l'int?rieur vers les verdures et les sources dont la rive adriatique est priv?e.

Pendant tout l'?t?, consuls, beys et riches commer?ants fixent leur demeure ? Tirana, c?l?br?e en toute l'Albanie comme une des plus jolies villes du pays; sa vall?e est renomm?e par ses verts ombrages et sa fertilit?; on envie ceux qui y poss?dent un <> ou maison de campagne; ses eaux et ses arbres, comme les for?ts proches, y entretiennent la fra?cheur.

Il faut, me dit-on ? Durazzo, sept heures pour atteindre Tirana; la route, tr?s fr?quent?e en toute saison et surtout en celle-ci, est une des moins mauvaises du pays; mais des crues et des orages l'ont coup?e en quelques endroits et on me conseille vivement d'en faire le trajet ? cheval; je fais donc seller des chevaux du pays et vers cinq heures du soir, quand l'air devient respirable, nous partons; nous suivons d'abord la grande route vers la vall?e du Scoumbi; le chemin longe la mer et des mar?cages, et la chauss?e est construite en talus; bient?t nous quittons la r?gion des sables et des alluvions c?ti?res; un dos de pays faiblement ondul? s?pare la mer de la vall?e o? coule encore ? plein bord, malgr? la saison, l'Arzeu, non loin de son embouchure.

Sur l'autre rive est construit le gros village de Tchivach ; la travers?e du fleuve serait impossible sans un pont, et on l'entretient gr?ce ? un p?age que per?oit celui que le village a charg? de ce soin; le soleil est presque au ras de l'horizon et semble se coucher dans la baie de Durazzo; les hommes de l'escorte font halte, attachent les chevaux ? une sorte de hangar ? l'usage des passants et me conduisent ? des boutiques voisines, qui ?talent en plein vent des fruits et de grandes cuvettes de tabac hach?; l'or brillant des raisins et des poires ne le c?de pas ? l'or mat des copeaux de tabac blond, et si les uns sont succulents, l'autre est parfum? et m?rite la c?l?brit? dont il jouit.

Apr?s une l?g?re collation de fruits et de pain de ma?s, arros?e d'un verre d'excellent raki, que ne d?daignent pas mes souvarys, quoique musulmans, nous faisons ample provision de tabac et repartons la nuit tombante; la route franchit des collines basses, dont les terres sont cultiv?es et o?, ?? et l?, de petits villages jettent les points brillants de leurs lumi?res; bient?t nous atteignons la vall?e de Tirana, o? coule l'Ismi; des rideaux d'arbres coupent ? chaque pas l'horizon et, comme on m'a dit que Tirana ?tait presque invisible derri?re la barri?re de ses ch?taigniers centenaires, je crois ? chaque instant toucher ? la ville que quelque lumi?re semble d?couvrir; mais ce ne sont que fermes d?fendues contre les vents du nord par les branches serr?es des grands arbres; dans la fra?cheur de la nuit, nous acc?l?rons le pas des b?tes et enfin, vers onze heures et demie, nous atteignons une des portes de la ville; notre caravane fait un bruit extr?me dans la cit? endormie; sur le pav? in?gal, nos chevaux tr?buchent et font r?sonner leurs pas et les bagages dont ils sont charg?s; quelques ombres passent encore, quelques silhouettes se montrent aux fen?tres, et de-ci, de-l?, une lumi?re jette sa clart? par la porte d'une maison ou par les volets mal joints; le consul d'Italie, avec une extr?me obligeance, m'a pr?venu qu'il me donnerait l'hospitalit?, mais ce n'est point besogne ais?e que de trouver sa maison de campagne; pour se tirer d'embarras, les gens de mon escorte frappent au Han ou auberge de l'endroit, se font ouvrir et d?signer la demeure; et c'est ainsi, apr?s avoir circul? par toutes les rues de Tirana, que vers minuit nous arrivons au consulat italien.

En v?rit?, Tirana m?rite bien sa r?putation, et je sais peu de petites villes si pleines de tableaux gracieux; tout le matin, nous suivons ses rues et leurs d?tours; le consul d'Italie, avec son cawas et mon drogman, m'accompagne et me conduit d'abord ? la grande mosqu?e; au premier plan, s'?tend une large place grossi?rement pav?e que traversent quelques ruisselets; sur les c?t?s, des maisons basses cachent sous leurs portiques des ?talages; au fond, sur un terre-plein, la mosqu?e avance ses cinq porches que domine ? peine la blancheur de son d?me; ? droite, le minaret pique le ciel de son aiguille et, sur la gauche, s?par?e de la mosqu?e de quelques m?tres seulement, une tour de ville, comme un beffroi de nos vieilles cit?s, dresse ? quinze m?tres de hauteur son horloge et ses cloches.

Nous nous ?loignons un peu du centre de la ville; des murs bas et quelques palissades s?parent le chemin d'un grand champ inculte o? poussent ? leur gr? toutes les herbes de la campagne; deux cypr?s voisins lancent dans le ciel bleu leurs cimes fraternelles et leur noir feuillage; ? leur ombre se pressent des pierres taill?es comme des pieux, les unes debout et piqu?es en terre, les autres tomb?es et bris?es; chacune marque un mort; c'est le cimeti?re de Tirana, que la route contourne; j'y aper?ois errants quelques Albanais et les h?tes des basses-cours voisines qui y picorent.

Un ?trange monument y attire mon attention; sur le sol, de larges dalles de pierre tracent sept c?t?s ?gaux; ? chaque angle, une colonne est ?lev?e et l'ensemble supporte un portique ? sept faces; la signification en est obscure et sans doute le nombre sacr? de sept joue-t-il son r?le dans ce temple de la mort; car c'est l? le tombeau de l'illustre famille des Toptan; sous ces dalles ?normes, les descendants des Toptan d?posent les restes des g?n?rations qui disparaissent, et ce monument fun?raire n'est pas sans grandeur ni sans effet d?coratif.

Au d?tour d'une rue, nous sommes arr?t?s par une foule d'enfants qui entourent des hommes du pays et deux individus habill?s d'?tranges d?froques; tous ces petits Albanais sont v?tus de m?me, le polo de laine blanche sur la t?te, la culotte de toile blanche serr?e ? la taille par une ceinture de couleur, le buste moul? dans un jersey que recouvre souvent un gilet bariol?, une petite veste ou un bol?ro brod?; beaucoup vont pieds nus, les plus grands chaussent des sandales souples en peau, ?paisse et solide.

Les deux individus qu'ils d?visagent curieusement sont deux tziganes, qui ont r?ussi ? s'infiltrer jusqu'? Tirana; mais les Albanais n'aiment pas beaucoup les ?trangers vagabonds; aussi les gens d'ici mettent-ils la main au collet des deux nomades et les exp?dient-ils hors de la ville.

Nous suivons une sorte de promenade fort mal pav?e, mais plant?e de beaux arbres o? une eau court si rapide que, malgr? la chaleur, elle n'a presque rien perdu de sa fra?cheur et de sa transparence; la rue est livr?e comme un sentier de village aux animaux des maisons voisines: oies, canards et poules vont et viennent, picorent et gloussent, s'effarent et s'enfuient, quand les petits chevaux du pays, qui en sont les vrais moyens de communication, transportent par les rues leurs charges de marchandises ou leurs voyageurs.

Voici une autre mosqu?e, petite et basse, autour de laquelle se presse le march?; des chevaux apportent ? pleine charge d'?normes past?ques; le long de la petite rivi?re, des ?talages sont dress?s sous de pauvres toitures que supportent des pieux, entre lesquels de grossi?res ?toffes sont tendues; des gamins et des fillettes s'amusent autour de ces baraques; quelques-uns barbotent dans l'eau toute claire; d'autres au fond de la boutique dorment sur de gros sacs; d'autres s'emploient avec leurs parents ? faire l'article aux Albanais qui passent; pour deux sous, ils vendent une past?que qui remplit un plat et pour trois sous des melons odorif?rants et m?rs, qui poussent dans les fermes voisines.

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