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Read Ebook: Sodome et Gomorrhe - Deuxième partie by Proust Marcel

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Ebook has 83 lines and 104465 words, and 2 pages

MARCEL PROUST

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

GALLIMARD OEUVRES COMPL?TES .

DU C?T? DE CHEZ SWANN . A L'OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS . LE C?T? DE GUERMANTES . SODOME ET GOMORRHE . LA PRISONNI?RE . ALBERTINE DISPARUE. LE TEMPS RETROUV? .

PASTICHES ET M?LANGES.

LES PLAISIRS ET LES JOURS.

CHRONIQUES.

LETTRES A LA N. R. F.

MORCEAUX CHOISIS.

UN AMOUR DE SWANN

SODOME ET GOMORRHE

Le lendemain, le fameux mercredi, dans ce m?me petit chemin de fer que je venais de prendre ? Balbec, pour aller d?ner ? la Raspeli?re, je tenais beaucoup ? ne pas manquer Cottard ? Graincourt-Saint-Vast o? un nouveau t?l?phonage de Mme Verdurin m'avait dit que je le retrouverais. Il devait monter dans mon train et m'indiquerait o? il fallait descendre pour trouver les voitures qu'on envoyait de la Raspeli?re ? la gare. Aussi, le petit train ne s'arr?tant qu'un instant ? Graincourt, premi?re station apr?s Donci?res, d'avance je m'?tais mis ? la porti?re tant j'avais peur de ne pas voir Cottard ou de ne pas ?tre vu de lui. Craintes bien vaines! Je ne m'?tais pas rendu compte ? quel point le petit clan ayant fa?onn? tous les <> sur le m?me type, ceux-ci, par surcro?t en grande tenue de d?ner, attendant sur le quai, se laissaient tout de suite reconna?tre ? un certain air d'assurance, d'?l?gance et de familiarit?, ? des regards qui franchissaient comme un espace vide, o? rien n'arr?te l'attention, les rangs press?s du vulgaire public, guettaient l'arriv?e de quelque habitu? qui avait pris le train ? une station pr?c?dente et p?tillaient d?j? de la causerie prochaine. Ce signe d'?lection, dont l'habitude de d?ner ensemble avait marqu? les membres du petit groupe, ne les distinguait pas seulement quand, nombreux, en force, ils ?taient mass?s, faisant une tache plus brillante au milieu du troupeau des voyageurs--ce que Brichot appelait le <>--sur les ternes visages desquels ne pouvait se lire aucune notion relative aux Verdurin, aucun espoir de jamais d?ner ? la Raspeli?re. D'ailleurs ces voyageurs vulgaires eussent ?t? moins int?ress?s que moi si devant eux on e?t prononc?--et malgr? la notori?t? acquise par certains--les noms de ces fid?les que je m'?tonnais de voir continuer ? d?ner en ville, alors que plusieurs le faisaient d?j?, d'apr?s les r?cits que j'avais entendus, avant ma naissance, ? une ?poque ? la fois assez distante et assez vague pour que je fusse tent? de m'en exag?rer l'?loignement. Le contraste entre la continuation non seulement de leur existence, mais du plein de leurs forces, et l'an?antissement de tant d'amis que j'avais d?j? vus, ici ou l?, dispara?tre, me donnait ce m?me sentiment que nous ?prouvons quand, ? la derni?re heure des journaux, nous lisons pr?cis?ment la nouvelle que nous attendions le moins, par exemple celle d'un d?c?s pr?matur? et qui nous semble fortuit parce que les causes dont il est l'aboutissant nous sont rest?es inconnues. Ce sentiment est celui que la mort n'atteint pas uniform?ment tous les hommes, mais qu'une lame plus avanc?e de sa mont?e tragique emporte une existence situ?e au niveau d'autres que longtemps encore les lames suivantes ?pargneront. Nous verrons, du reste, plus tard la diversit? des morts qui circulent invisiblement ?tre la cause de l'inattendu sp?cial que pr?sentent, dans les journaux, les n?crologies. Puis je voyais qu'avec le temps, non seulement des dons r?els, qui peuvent coexister avec la pire vulgarit? de conversation, se d?voilent et s'imposent, mais encore que des individus m?diocres arrivent ? ces hautes places, attach?es dans l'imagination de notre enfance ? quelques vieillards c?l?bres, sans songer que le seraient, un certain nombre d'ann?es plus tard, leurs disciples devenus ma?tres et inspirant maintenant le respect et la crainte qu'ils ?prouvaient jadis. Mais si les noms des fid?les n'?taient pas connus du <>, leur aspect pourtant les d?signait ? ses yeux. M?me dans le train , n'ayant plus ? cueillir ? une station suivante qu'un isol?, le wagon dans lequel ils se trouvaient assembl?s, d?sign? par le coude du sculpteur Ski, pavois? par le <> de Cottard, fleurissait de loin comme une voiture de luxe et ralliait, ? la gare voulue, le camarade retardataire. Le seul ? qui eussent pu ?chapper, ? cause de sa demi-c?cit?, ces signes de promission ?tait Brichot. Mais aussi l'un des habitu?s assurait volontairement ? l'?gard de l'aveugle les fonctions de guetteur et, d?s qu'on avait aper?u son chapeau de paille, son parapluie vert et ses lunettes bleues, on le dirigeait avec douceur et h?te vers le compartiment d'?lection. De sorte qu'il ?tait sans exemple qu'un des fid?les, ? moins d'exciter les plus graves soup?ons de bamboche, ou m?me de ne pas ?tre venu <>, n'e?t pas retrouv? les autres en cours de route. Quelquefois l'inverse se produisait: un fid?le avait d? aller assez loin dans l'apr?s-midi et, en cons?quence, devait faire une partie du parcours seul avant d'?tre rejoint par le groupe; mais, m?me ainsi isol?, seul de son esp?ce, il ne manquait pas le plus souvent de produire quelque effet. Le Futur vers lequel il se dirigeait le d?signait ? la personne assise sur la banquette d'en face, laquelle se disait: <>, discernait, f?t-ce autour du chapeau mou de Cottard ou du sculpteur Ski, une vague aur?ole, et n'?tait qu'? demi ?tonn?e quand, ? la station suivante, une foule ?l?gante, si c'?tait leur point terminus, accueillait le fid?le ? la porti?re et s'en allait avec lui vers l'une des voitures qui attendaient, salu?s tous tr?s bas par l'employ? de Doville, ou bien, si c'?tait ? une station interm?diaire, envahissait le compartiment. C'est ce que fit, et avec pr?cipitation, car plusieurs ?taient arriv?s en retard, juste au moment o? le train d?j? en gare allait repartir, la troupe que Cottard mena au pas de course vers le wagon ? la fen?tre duquel il avait vu mes signaux. Brichot, qui se trouvait parmi ces fid?les, l'?tait devenu davantage au cours de ces ann?es qui, pour d'autres, avaient diminu? leur assiduit?. Sa vue baissant progressivement l'avait oblig?, m?me ? Paris, ? diminuer de plus en plus les travaux du soir. D'ailleurs il avait peu de sympathie pour la Nouvelle Sorbonne o? les id?es d'exactitude scientifique, ? l'allemande, commen?aient ? l'emporter sur l'humanisme. Il se bornait exclusivement maintenant ? son cours et aux jurys d'examen; aussi avait-il beaucoup plus de temps ? donner ? la mondanit?. C'est-?-dire aux soir?es chez les Verdurin, ou ? celles qu'offrait parfois aux Verdurin tel ou tel fid?le, tremblant d'?motion. Il est vrai qu'? deux reprises l'amour avait manqu? de faire ce que les travaux ne pouvaient plus: d?tacher Brichot du petit clan. Mais Mme Verdurin, qui <>, et d'ailleurs, en ayant pris l'habitude dans l'int?r?t de son salon, avait fini par trouver un plaisir d?sint?ress? dans ce genre de drames et d'ex?cutions, l'avait irr?m?diablement brouill? avec la personne dangereuse, sachant, comme elle le disait, <> et <>. Cela lui avait ?t? d'autant plus ais? pour l'une des personnes dangereuses que c'?tait simplement la blanchisseuse de Brichot, et Mme Verdurin, ayant ses petites entr?es dans le cinqui?me du professeur, ?carlate d'orgueil quand elle daignait monter ses ?tages, n'avait eu qu'? mettre ? la porte cette femme de rien. <> Brichot n'avait jamais oubli? le service que Mme Verdurin lui avait rendu en emp?chant sa vieillesse de sombrer dans la fange, et lui ?tait de plus en plus attach?, alors qu'en contraste avec ce regain d'affection, et peut-?tre ? cause de lui, la Patronne commen?ait ? se d?go?ter d'un fid?le par trop docile et de l'ob?issance de qui elle ?tait s?re d'avance. Mais Brichot tirait de son intimit? chez les Verdurin un ?clat qui le distinguait entre tous ses coll?gues de la Sorbonne. Ils ?taient ?blouis par les r?cits qu'il leur faisait de d?ners auxquels on ne les inviterait jamais, par la mention, dans des revues, ou par le portrait expos? au Salon, qu'avaient fait de lui tel ?crivain ou tel peintre r?put?s dont les titulaires des autres chaires de la Facult? des Lettres prisaient le talent mais n'avaient aucune chance d'attirer l'attention, enfin par l'?l?gance vestimentaire elle-m?me du philosophe mondain, ?l?gance qu'ils avaient prise d'abord pour du laisser-aller jusqu'? ce que leur coll?gue leur e?t bienveillamment expliqu? que le chapeau haute forme se laisse volontiers poser par terre, au cours d'une visite, et n'est pas de mise pour les d?ners ? la campagne, si ?l?gants soient-ils, o? il doit ?tre remplac? par le chapeau mou, fort bien port? avec le smoking. Pendant les premi?res secondes o? le petit groupe se fut engouffr? dans le wagon, je ne pus m?me pas parler ? Cottard, car il ?tait suffoqu?, moins d'avoir couru pour ne pas manquer le train, que par l'?merveillement de l'avoir attrap? si juste. Il en ?prouvait plus que la joie d'une r?ussite, presque l'hilarit? d'une joyeuse farce. <> ajouta-t-il en clignant de l'oeil, non pas pour demander si l'expression ?tait juste, car il d?bordait maintenant d'assurance, mais par satisfaction. Enfin il put me nommer aux autres membres du petit clan. Je fus ennuy? de voir qu'ils ?taient presque tous dans la tenue qu'on appelle ? Paris smoking. J'avais oubli? que les Verdurin commen?aient vers le monde une ?volution timide, ralentie par l'affaire Dreyfus, acc?l?r?e par la musique <>, ?volution d'ailleurs d?mentie par eux, et qu'ils continueraient de d?mentir jusqu'? ce qu'elle e?t abouti, comme ces objectifs militaires qu'un g?n?ral n'annonce que lorsqu'il les a atteints, de fa?on ? ne pas avoir l'air battu s'il les manque. Le monde ?tait d'ailleurs, de son c?t?, tout pr?par? ? aller vers eux. Il en ?tait encore ? les consid?rer comme des gens chez qui n'allait personne de la soci?t? mais qui n'en ?prouvent aucun regret. Le salon Verdurin passait pour un Temple de la Musique. C'?tait l?, assurait-on, que Vinteuil avait trouv? inspiration, encouragement. Or si la Sonate de Vinteuil restait enti?rement incomprise et ? peu pr?s inconnue, son nom, prononc? comme celui du plus grand musicien contemporain, exer?ait un prestige extraordinaire. Enfin certains jeunes gens du faubourg s'?tant avis?s qu'ils devaient ?tre aussi instruits que des bourgeois, il y en avait trois parmi eux qui avaient appris la musique et aupr?s desquels la Sonate de Vinteuil jouissait d'une r?putation ?norme. Ils en parlaient, rentr?s chez eux, ? la m?re intelligente qui les avait pouss?s ? se cultiver. Et s'int?ressant aux ?tudes de leurs fils, au concert les m?res regardaient avec un certain respect Mme Verdurin, dans sa premi?re loge, qui suivait la partition. Jusqu'ici cette mondanit? latente des Verdurin ne se traduisait que par deux faits. D'une part, Mme Verdurin disait de la princesse de Caprarola: <> Ce qui e?t donn? ? penser ? quelqu'un d'un peu fin que la princesse de Caprarola, femme du plus grand monde, avait fait une visite ? Mme Verdurin. Elle avait m?me prononc? son nom au cours d'une visite de condol?ances qu'elle avait faite ? Mme Swann apr?s la mort du mari de celle-ci, et lui avait demand? si elle les connaissait. <> La princesse de Caprarola partie, Odette aurait bien voulu avoir dit simplement la v?rit?. Mais le mensonge imm?diat ?tait non le produit de ses calculs, mais la r?v?lation de ses craintes, de ses d?sirs. Elle niait non ce qu'il e?t ?t? adroit de nier, mais ce qu'elle aurait voulu qui ne f?t pas, m?me si l'interlocuteur devait apprendre dans une heure que cela ?tait en effet. Peu apr?s elle avait repris son assurance et avait m?me ?t? au-devant des questions en disant, pour ne pas avoir l'air de les craindre: <>, avec une affectation d'humilit? comme une grande dame qui raconte qu'elle a pris le tramway. <>, disait Mme de Souvr?. Odette, avec un d?dain souriant de duchesse, r?pondait: <>, sans penser qu'elle ?tait elle-m?me une des plus nouvelles. <> Odette, en disant cela, avait l'air d'avoir un profond d?dain pour les deux grandes dames qui avaient l'habitude d'essuyer les pl?tres dans les salons nouvellement ouverts. On sentait ? son ton que cela voulait dire qu'elle, Odette, comme Mme de Souvr?, on ne r?ussirait pas ? les embarquer dans ces gal?res-l?.

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