Read Ebook: Œuvres complètes - Volume 1 Poèmes Saturniens Fêtes Galantes Bonne chanson Romances sans paroles Sagesse Jadis et naguère by Verlaine Paul
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Ebook has 1618 lines and 56633 words, and 33 pages
Je ne crois pas en Dieu, j'abjure et je renie Toute pens?e, et quant ? la vieille ironie, L'Amour, je voudrais bien qu'on ne m'en parl?t plus.
Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille Au brick perdu jouet du flux et du reflux, Mon ?me pour d'affreux naufrages appareille.
EAUX-FORTES
CROQUIS PARISIEN
La lune plaquait ses teintes de zinc Par angles obtus. Des bouts de fum?e en forme de cinq Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus.
Le ciel ?tait gris, la bise pleurait Ainsi qu'un basson. Au loin, un matou frileux et discret Miaulait d'?trange et gr?le fa?on.
Moi, j'allais, r?vant du divin Platon Et de Phidias, Et de Salamine et de Marathon, Sous l'oeil clignotant des bleus becs de gaz.
CAUCHEMAR
J'ai vu passer dans mon r?ve --Tel l'ouragan sur la gr?ve, D'une main tenant un glaive Et de l'autre un sablier, Ce cavalier
Des ballades d'Allemagne Qu'? travers ville et campagne, Et du fleuve ? la montagne, Et des for?ts au vallon, Un ?talon
Rouge-flamme et noir d'?b?ne, Sans bride, ni mors, ni r?ne, Ni hop! ni cravache, entra?ne Parmi des r?lements sourds Toujours! toujours!
Un grand feutre ? longue plume Ombrait son oeil qui s'allume Et s'?teint. Tel, dans la brume, ?clate et meurt l'?clair bleu D'une arme ? feu.
Comme l'aile d'une orfraie Qu'un subit orage effraie, Par l'air que la neige raie, Son manteau se soulevant Claquait au vent,
Et montrait d'un air de gloire Un torse d'ombre et d'ivoire, Tandis que dans la nuit noire Luisaient en des cris stridents Trente-deux dents.
MARINE
L'Oc?an sonore Palpite sous l'oeil De la lune en deuil Et palpite encore,
Tandis qu'un ?clair Brutal et sinistre Fend le ciel de bistre D'un long zigzag clair,
Et que chaque lame, En bonds convulsifs, Le long des r?cifs, Va, vient, luit et clame,
Et qu'au firmament, O? l'ouragan erre, Rugit le tonnerre Formidablement.
EFFET DE NUIT
La nuit. La pluie. Un ciel blafard que d?chiquette De fl?ches et de tours ? jour la silhouette D'une ville gothique ?teinte au lointain gris. La plaine. Un gibet plein de pendus rabougris Secou?s par le bec avide des corneilles Et dansant dans l'air noir des gigues non-pareilles, Tandis que leurs pieds sont la p?ture des loups. Quelques buissons d'?pine ?pars, et quelques houx Dressant l'horreur de leur feuillage ? droite, ? gauche, Sur le fuligineux fouillis d'un fond d'?bauche. Et puis, autour de trois livides prisonniers Qui vont pieds nus, un gros de hauts pertuisaniers En marche, et leurs fers droits, comme des fers de herse, Luisent ? contresens des lances de l'averse.
GROTESQUES
Leurs jambes pour toutes montures, Pour tous biens l'or de leurs regards, Par le chemin des aventures Ils vont haillonneux et hagards.
Le sage, indign?, les harangue; Le sot plaint ces fous hasardeux; Les enfants leur tirent la langue Et les filles se moquent d'eux.
C'est qu'odieux et ridicules, Et mal?fiques en effet, Ils ont l'air, sur les cr?puscules, D'un mauvais r?ve que l'on fait:
C'est que, sur leurs aigres guitares Crispant la main des libert?s, Ils nasillent des chants bizarres, Nostalgiques et r?volt?s;
C'est enfin que dans leurs prunelles Rit et pleure--fastidieux-- L'amour des choses ?ternelles, Des vieux morts et des anciens dieux!
--Donc, allez, vagabonds sans tr?ves, Errez, funestes et maudits, Le long des gouffres et des gr?ves, Sous l'oeil ferm? des paradis!
La nature ? l'homme s'allie Pour ch?tier comme il le faut L'orgueilleuse m?lancolie Qui vous fait marcher le front haut.
Et, vengeant sur vous le blasph?me Des vastes espoirs v?h?ments, Meurtrit votre front anath?me Au choc rude des ?l?ments.
Les juins br?lent et les d?cembres G?lent votre chair jusqu'aux os, Et la fi?vre envahit vos membres, Qui se d?chirent aux roseaux.
Tout vous repousse et tout vous navre, Et quand la mort viendra pour vous, Maigre et froide, votre cadavre Sera d?daign? par les loups!
PAYSAGES TRISTES
SOLEILS COUCHANTS
Une aube affaiblie Verse par les champs La m?lancolie Des soleils couchants. La m?lancolie Berce de doux chants Mon coeur qui s'oublie Aux soleils couchants. Et d'?tranges r?ves, Comme des soleils Couchants, sur les gr?ves, Fant?mes vermeils, D?filent sans tr?ves, D?filent, pareils A des grands soleils Couchants, sur les gr?ves.
CR?PUSCULE DU SOIR MYSTIQUE
Le Souvenir avec le Cr?puscule Rougeoie et tremble ? l'ardent horizon De l'Esp?rance en flamme qui recule Et s'agrandit ainsi qu'une cloison Myst?rieuse o? mainte floraison --Dahlia, lys, tulipe et renoncule-- S'?lance autour d'un treillis, et circule Parmi la maladive exhalaison De parfums lourds et chauds, dont le poison --Dahlia, lys, tulipe et renoncule-- Noyant mes sens, mon ?me et ma raison, M?le, dans une immense p?moison, Le Souvenir avec le Cr?puscule.
PROMENADE SENTIMENTALE
Le couchant, dardait ses rayons supr?mes Et le vent ber?ait les n?nuphars bl?mes; Les grands n?nuphars entre les roseaux, Tristement luisaient sur les calmes eaux. Moi j'errais tout seul, promenant ma plaie Au long de l'?tang, parmi la saulaie O? la brume vague ?voquait un grand Fant?me laiteux se d?sesp?rant Et pleurant avec la voix des sarcelles Qui se rappelaient en battant des ailes Parmi la saulaie o? j'errais tout seul Promenant ma plaie; et l'?pais linceul Des t?n?bres vint noyer les supr?mes Rayons du couchant dans ses ondes bl?mes Et des n?nuphars, parmi les roseaux, Des grands n?nuphars sur les calmes eaux.
NUIT DU WALPURGIS CLASSIQUE
C'est plut?t le sabbat du second Faust que l'autre. Un rhythmique sabbat, rhythmique, extr?mement Rhythmique.--Imaginez un jardin de Len?tre, Correct, ridicule et charmant.
Des ronds-points; au milieu, des jets d'eau; des all?es Toutes droites; sylvains de marbre; dieux marins De bronze; ?? et l?, des V?nus ?tal?es; Des quinconces, des boulingrins;
Des ch?taigniers; des plants de fleurs formant la dune; Ici, des rosiers nains qu'un go?t docte effila; Plus loin, des ifs taill?s en triangles. La lune D'un soir d'?t? sur tout cela.
Des chants voil?s de cors lointains o? la tendresse Des sens ?treint l'effroi de l'?me en des accords Harmonieusement dissonnants dans l'ivresse; Et voici qu'? l'appel des cors
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