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Read Ebook: Les mille et un fantômes by Dumas Alexandre

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Ebook has 1817 lines and 54956 words, and 37 pages

Quand il y a quelque ?meute, il est rare que les hommes que nous venons d'essayer de peindre ne s'en m?lent pas.--Quand on dit ? la barri?re d'Enfer:--Voil? les carriers de Montrouge qui descendent, les habitants des rues avoisinantes secouent la t?te et ferment leurs portes.

Voil? ce que je regardai, ce que je vis pendant cette heure de cr?puscule qui, au mois de septembre, s?pare le jour de la nuit;--puis, la nuit venue, je me rejetai dans la voiture, d'o? certainement aucun de mes compagnons n'avait vu ce que je venais de voir. Il en est ainsi en toutes choses: beaucoup regardent, bien peu voient.

Nous arriv?mes vers les huit heures et demie ? Fontenay; un excellent souper nous attendait, puis apr?s le souper une promenade au jardin.

Sorrente est une for?t d'orangers; Fontenay est un bouquet de roses. Chaque maison a son rosier qui monte le long de la muraille, prot?g? au pied par un ?tui de planches; arriv? ? une certaine hauteur, le rosier s'?panouit en gigantesque ?ventail; l'air qui passe est embaum?, et, lorsqu'au lieu d'air il fait du vent, il pleut des feuilles de roses comme il en pleuvait ? la F?te-Dieu quand Dieu avait une f?te.

De l'extr?mit? du jardin, nous eussions eu une vue immense s'il e?t fait jour.--Les lumi?res seules sem?es dans l'espace indiquaient les villages de Sceaux, de Bagneux, de Ch?tillon et de Montrouge; au fond s'?tendait une grande ligne rouss?tre d'o? sortait un bruit sourd semblable au souffle de L?viathan:--c'?tait la respiration de Paris.

On fut oblig? de nous envoyer coucher de force, comme on fait aux enfants. Sous ce beau ciel tout brod? d'?toiles, au contact de cette brise parfum?e, nous eussions volontiers attendu le jour.

A cinq heures du matin, nous nous m?mes en chasse, guid?s par le fils de notre h?te, qui nous avait promis monts et merveilles, et qui, il faut le dire, continua ? nous vanter la f?condit? giboyeuse de son territoire avec une persistance digne d'un meilleur sort.

A midi, nous avions vu un lapin et quatre perdrix.--Le lapin avait ?t? manqu? par mon compagnon de droite, une perdrix avait ?t? manqu?e par mon compagnon de gauche, et, sur les trois autres perdrix, deux avaient ?t? tu?es par moi.

A midi, ? Brassoire, j'eusse d?j? envoy? ? la ferme trois ou quatre li?vres et quinze ou vingt perdrix.

J'aime la chasse, mais je d?teste la promenade, surtout la promenade ? travers champs. Aussi, sous pr?texte d'aller explorer un champ de luzerne situ? ? mon extr?me gauche, et dans lequel j'?tais bien s?r de ne rien trouver, je rompis la ligne et fis un ?cart.

Mais ce qu'il y avait dans ce champ, ce que j'y avais avis? dans le d?sir de retraite qui s'?tait d?j? empar? de moi depuis plus de deux heures, c'?tait un chemin creux qui, me d?robant aux regards des autres chasseurs, devait me ramener par la route de Sceaux droit ? Fontenay-aux-Roses.

Je ne me trompais pas.--A une heure sonnant au clocher de la paroisse, j'atteignais les premi?res maisons du village.

Je suivais un mur qui me paraissait clore une assez belle propri?t?, lorsque, en arrivant ? l'endroit o? la rue de Diane s'embranche avec la Grande-Rue, je vis venir ? moi, du c?t? de l'?glise, un homme d'un aspect si ?trange, que je m'arr?tai et qu'instinctivement j'armai les deux coups de mon fusil, m? que j'?tais par le simple sentiment de la conservation personnelle.

Mais, p?le, les cheveux h?riss?s, les yeux hors de leur orbite, les v?tements en d?sordre et les mains ensanglant?es, cet homme passa pr?s de moi sans me voir.--Son regard ?tait fixe et atone ? la fois.--Sa course avait l'emportement invincible d'un corps qui descendrait une montagne trop rapide, et cependant sa respiration r?lante indiquait encore plus d'effroi que de fatigue.

A l'embranchement des deux voies, il quitta la Grande-Rue pour se jeter dans la rue de Diane, sur laquelle s'ouvrait la propri?t? dont, pendant sept ou huit minutes, j'avais suivi la muraille. Cette porte, sur laquelle mes yeux s'arr?t?rent ? l'instant m?me, ?tait peinte en vert et ?tait surmont?e du num?ro 2. La main de l'homme s'?tendit vers la sonnette bien avant de pouvoir la toucher; puis il l'atteignit, l'agita violemment, et, presque aussit?t, tournant sur lui-m?me, il se trouva assis sur l'une des deux bornes qui servent d'ouvrage avanc? ? cette porte. Une fois l?, il demeura immobile, les bras pendants et la t?te inclin?e sur la poitrine.

Je revins sur mes pas, tant je comprenais que cet homme devait ?tre l'acteur principal de quelque drame inconnu et terrible.

Derri?re lui, et aux deux c?t?s de la rue, quelques personnes, sur lesquelles il avait sans doute produit le m?me effet qu'? moi, ?taient sorties de leurs maisons et le regardaient avec un ?tonnement pareil ? celui que j'?prouvais moi-m?me.

A l'appel de la sonnette qui avait r?sonn? violemment, une petite porte perc?e pr?s de la grande s'ouvrit, et une femme de quarante ? quarante-cinq ans apparut.--Ah! c'est vous, Jacquemin, dit-elle, que faites-vous donc l??

--M. le maire est-il chez lui? demanda d'une voix sourde l'homme auquel elle adressait la parole.

--Oui.

--Eh bien! m?re Antoine, allez lui dire que j'ai tu? ma femme, et que je viens me constituer prisonnier.

La m?re Antoine poussa un cri auquel r?pondirent deux ou trois exclamations arrach?es par la terreur ? des personnes qui se trouvaient assez pr?s pour entendre ce terrible aveu.

Je fis moi-m?me un pas en arri?re, et rencontrai le tronc d'un tilleul, auquel je m'appuyai.

Au reste, tous ceux qui se trouvaient ? la port?e de la voix ?taient rest?s immobiles.

Quant au meurtrier, il avait gliss? de la borne ? terre, comme si, apr?s avoir prononc? les fatales paroles, la force l'e?t abandonn?.

Cependant la m?re Antoine avait disparu, laissant la petite porte ouverte. Il ?tait ?vident qu'elle ?tait all?e accomplir pr?s de son ma?tre la commission dont Jacquemin l'avait charg?e.

Au bout de cinq minutes, celui qu'on ?tait all? chercher parut sur le seuil de la porte.

Deux autres hommes le suivaient.

Je vois encore l'aspect de la rue.

Jacquemin avait gliss? ? terre comme je l'ai dit Le maire de Fontenay-aux-Roses. que venait d'aller chercher la m?re Antoine, se trouvait debout pr?s de lui, le dominant de toute la hauteur de sa taille, qui ?tait grande. Dans l'ouverture de la porte se pressaient les deux autres personnes dont nous parlerons plus longuement tout ? l'heure. J'?tais appuy? contre le tronc d'un tilleul plant? dans la Grande-Rue, mais d'o? mon regard plongeait dans la rue de Diane. A ma gauche ?tait un groupe compos? d'un homme, d'une femme et d'un enfant, l'enfant pleurant pour que sa m?re le pr?t dans ses bras. Derri?re ce groupe un boulanger passait sa t?te par une fen?tre du premier, causant avec son gar?on qui ?tait en bas, et lui demandant si ce n'?tait pas Jacquemin, le carrier, qui venait de passer en courant; puis enfin apparaissait, sur le seuil de sa porte, un mar?chal ferrant, noir par devant, mais le dos ?clair? par la lumi?re de sa forge dont un apprenti continuait de tirer le soufflet.

Voil? pour la Grande-Rue.

Quant ? la rue de Diane,--? part le groupe principal que nous avons d?crit,--elle ?tait d?serte. Seulement ? son extr?mit? l'on voyait poindre deux gendarmes qui venaient de faire leur tourn?e dans la plaine pour demander les ports d'armes, et qui, sans se douter de la besogne qui les attendait, se rapprochaient de nous en marchant tranquillement au pas. Une heure un quart sonnait.

L'IMPASSE DES SERGENTS.

A la derni?re vibration du timbre se m?la le bruit de la premi?re parole du maire.--Jacquemin, dit-il, j'esp?re que la m?re Antoine est folle: elle vient de ta part me dire que ta femme est morte, et que c'est toi qui l'as tu?e!

--C'est la v?rit? pure, monsieur le maire, r?pondit Jacquemin. Il faudrait me faire conduire en prison et juger bien vite.

Et, en disant ces mots, il essaya de se relever, s'accrochant au haut de la borne avec son coude; mais, apr?s un effort, il retomba, comme si les os de ses jambes eussent ?t? bris?s.

--Allons donc! tu es fou! dit le maire.

--Regardez mes mains, r?pondit-il.

Et il leva deux mains sanglantes, auxquelles leurs doigts crisp?s donnaient la forme de deux serres.

En effet, la gauche ?tait rouge jusqu'au-dessus du poignet, la droite jusqu'au coude.

En outre, ? la main droite, un filet de sang frais coulait tout le long du pouce, provenant d'une morsure que la victime, en se d?battant, avait, selon toute probabilit?, faite ? son assassin.

Pendant ce temps, les deux gendarmes s'?taient rapproch?s, avaient fait halte ? dix pas du principal acteur de cette sc?ne et regardaient du haut de leurs chevaux.

Le maire leur fit un signe; ils descendirent, jetant la bride de leur monture ? un gamin coiff? d'un bonnet de police et qui paraissait ?tre un enfant de troupe.

Apr?s quoi ils s'approch?rent de Jacquemin et le soulev?rent par-dessous les bras.

Il se laissa faire sans r?sistance aucune, et avec l'atonie d'un homme dont l'esprit est absorb? par une unique pens?e.

Au m?me instant, le commissaire de police et le m?decin arriv?rent; ils venaient d'?tre pr?venus de ce qui se passait.

--Ah! venez, monsieur Robert!--Ah! venez, monsieur Cousin! dit le maire.

M. Robert ?tait le m?decin, M. Cousin ?tait le commissaire de police.

--Venez; j'allais vous envoyer chercher.

--Eh bien! voyons, qu'y a-t-il? demanda le m?decin de l'air le plus jovial du monde; un petit assassinat, ? ce qu'on dit.

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