bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Voyage dans l'Aurès: Notes d'un médecin envoyé en mission chez les femmes arabes by Chellier Doroth E

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page

Ebook has 313 lines and 15468 words, and 7 pages

VOYAGE DANS L'AUR?S

NOTES D'UN M?DECIN ENVOY? EN MISSION CHEZ LES FEMMES ARABES

TIZI OUZU--Imp. Nouvelle J. CHELLIER.--TIZI OUZU 1895

A MONSIEUR LE DOCTEUR CHANTEMESSE Professeur ? la Facult? de M?decine de Paris.

Paris, le 10 ao?t 1895.

On trouvera dans le travail qui va suivre le compte rendu fid?le d'une s?rie d'observations recueillies au cours de la mission qui m'a ?t? confi?e par Monsieur Cambon, Gouverneur g?n?ral de l'Alg?rie.

Ce haut fonctionnaire apporte, on le sait une sollicitude particuli?re ? l'?tude des probl?mes qui se rattachent ? la question indig?ne.

Il a ?tudi? les moyens ? employer pour am?liorer le sort de la population arabe et l'une des innovations qu'il pr?conise ? cet ?gard est la cr?ation d'h?pitaux de campagne ?tablis dans les r?gions ?loign?es .

L'Aur?s semble avoir attir? sp?cialement son attention, et l'on ne saurait s'en ?tonner si l'on consid?re que cette r?gion sollicite ? la fois l'int?r?t par les richesses naturelles de son sol et les qualit?s propres aux Chaou?as qui l'habitent.

Il m'appara?t comme ?vident, apr?s le voyage que je viens de faire, que ces indig?nes se distinguent des autres tribus alg?riennes par une intelligence plus saine et plus pratique, et qu'ils pr?sentent ? un haut degr? les caract?res de perfectibilit? qui font tr?s souvent d?faut ? leurs cong?n?res.

Ce qui m'a frapp?e surtout au cours de ma mission, c'est l'empressement des malades ? venir solliciter mes soins, la confiance compl?te dans le traitement institu?, l'influence rapide que j'aurais pu acqu?rir sur leur esprit.

On n'ignore pas que depuis la conqu?te de l'Alg?rie nos efforts, pour nous assimiler les Arabes, sont rest?s ? peu pr?s st?riles.

Les flatteries, les rigueurs n'ont abouti ? aucun r?sultat s?rieux. L'Arabe demeure r?fractaire ? toutes les tentatives de civilisation.

?tant d'origine alg?rienne, et connaissant les moeurs du pays, je m'?tais souvent demand? si la non possibilit? de p?n?trer dans le gyn?c?e n'?tait pas une des causes pour lesquelles l'assimilation ?tait rest?e jusqu'ici impossible.

Je m'?tais demand? encore si une femme m?decin ne pourrait pas faire quelque chose d'utile en facilitant l'introduction de nos id?es dans ce milieu si obstin?ment, si volontairement ?loign? de nous.

Je savais que M. Cambon cherchait ? utiliser les m?decins, non seulement pour apporter aux indig?nes le secours de soins ?clair?s et d?truire l'influence des toubibs qui exploitent si indignement la cr?dulit? de leurs coreligionnaires, mais encore pour h?ter l'oeuvre d'assimilation.

Tout r?cemment il avait pr?sent? au Conseil sup?rieur de l'Alg?rie un plan d'ensemble dont voici les principales lignes:

Cr?ation d'un corps m?dical compos? d'indig?nes auxquels on demanderait deux ann?es d'?tudes portant sur les questions ?l?mentaires et pratiques de la m?decine. Ces ?tudes achev?es, ces m?decins seraient d?sign?s pour exercer dans une r?gion d?termin?e. En dehors de cette r?gion, l'exercice de la m?decine leur serait interdit.

Soumis ? Paris, au Conseil sup?rieur d'hygi?ne, ce projet a ?t? sanctionn?.

La question de surveillance de ce nouveau corps m?dical n'est pas d?finitivement r?solue; elle ne saurait tarder ? l'?tre; le projet r?pond ? une utilit? trop imm?diate pour que son application soit diff?r?e.

Connaissant toutes ces choses et d?sirant compl?ter les observations que j'avais d?j? faites sur les coutumes indig?nes, je demandais ? M. le Gouverneur g?n?ral de bien vouloir me confier une mission dans une r?gion ?loign?e.

M. Cambon, avec sa g?n?rosit? habituelle et son d?sir de conna?tre les moindres d?tails de la vie indig?ne, me d?signa l'Aur?s pour aller ?tudier les pratiques de l'accouchement, de l'avortement et la fr?quence des maladies ut?rines.

J'allais donc pouvoir me rendre compte de l'utilit? de la femme m?decin dans des tribus ?loign?es, encore sauvages, et appr?cier si elle pourrait y rendre les m?mes services que chez l'arabe des villes.

Comme on le verra dans le r?cit de mon voyage, la femme chaou?a est plus accessible que la femme arabe; elle n'est pas voil?e et ne se cache pas aux regards des hommes; mais, comme partout ailleurs elle se refuserait ? accepter les soins d'un m?decin qui ne serait pas de son sexe, que le praticien soit musulman ou chr?tien, tandis qu'elle se livre et donne une enti?re confiance ? la femme.

Je crois qu'il y aurait int?r?t pour nous, en respectant les moeurs arabes, d'agir sur la femme par la femme.

Chez les peuples civilis?s, et bien plus encore chez les peuples primitifs, c'est toujours en op?rant sur l'esprit de la femme qu'on p?n?tre vraiment la famille.

Vouloir agir directement sur l'homme adulte est une tentative irrationnelle, dont les r?sultats pratiques sont nuls le plus souvent.

Coop?rons ? l'?ducation de l'enfant en obtenant la confiance de la m?re, en la visitant, en l'habituant ? suivre nos directions.

En agissant ainsi, nous obtiendrons le r?sultat que nous cherchons depuis si longtemps vainement ? obtenir.

Pour que l'oeuvre de M. Cambon soit compl?te il ne faut pas que le nouveau corps m?dical soit exclusivement compos? d'hommes.

A c?t? du toubib, il y a la matrone ignorante et dangereuse qui seule conservera le privil?ge d'approcher la femme malade; lui faire donner la m?me instruction qu'aux futurs m?decins indig?nes, par des femmes docteurs en m?decine est indispensable. C'est le seul vrai moyen de h?ter le progr?s en pays musulman. Si les observations contenues dans mon rapport et qui sont le r?sultat de mes travaux en Alg?rie peuvent faire na?tre des id?es nouvelles et utiles, ce n'est pas ? moi qu'en reviendra le m?rite, mais bien ? M. le Gouverneur g?n?ral qui a bien voulu me confier cette mission.

Partie d'Alger le 4 mai 1895, j'arrivais ? Constantine le lendemain et prenais mes dispositions pour mon voyage dans l'int?rieur de la province.

Monsieur le Pr?fet Lascombes, duquel je re?us d'ailleurs l'accueil le plus empress?, ne me dissimula pas les difficult?s mat?rielles que devait rencontrer l'accomplissement de ma t?che. <>

Le 8 mai, j'?tais pr?te ? partir; je quittai Constantine me dirigeant sur Batna o? j'arrivai ? neuf heures du soir.

Batna, ma premi?re ?tape, est une ville de m?diocre importance et de cr?ation r?cente.

Au printemps, les jardins touffus et les all?es d'arbres qui bordent les rues lui donnent un s?duisant aspect de f?te.

J'?tais attendue par M. Dieudonn?, le sous-pr?fet, et M. l'Administrateur de la commune mixte de l'Aur?s qui prirent sans retard les mesures n?cessaires pour me permettre de poursuivre ma mission.

C'est tout d'abord ? la complaisance de M. Dieudonn? que je dus de me procurer une femme interpr?te qui traduisit, en cours de route, le dialecte chaou?a, tr?s diff?rent de la langue arabe.

Ainsi ?tait lev?e l'une des difficult?s qui me pr?occupait le plus; en effet, les femmes chaou?as sont rarement en contact avec des Fran?ais, et il me fallait de toute n?cessit? un interpr?te f?minin qui put converser librement avec les femmes que j'allais interroger et me rapporter fid?lement ses entretiens.

Mon interpr?te, jeune fille de dix-sept-ans, est la fille d'un marabout d'El-Madher, sa m?re est chaou?a; elle a ?t? ?lev?e dans une ferme fran?aise o? travaillait son p?re, et elle a fr?quent? l'?cole du village pendant six ? sept ans.

Elle m'a rendu les plus grands services, me traduisant exactement les r?ponses que faisaient les femmes ? mes interrogations et m'apportant en outre le concours intelligent de ses soins aupr?s des malades que j'ai trait?s pendant ma tourn?e.

Elle vint me trouver ? Batua le 10 mai, et le onze nous quitt?mes cette ville ? six heures du matin, nous dirigeant sur Lamb?se, o? l'administrateur de la commune a sa r?sidence.

M. Arippe, l'administrateur, voulut bien se joindre ? nous et nous accompagner dans la premi?re partie de la mission.

Je ne puis assez le remercier ici des facilit?s de toutes sortes qu'il s'est ing?ni? ? me procurer; gr?ce ? ses ordres et ? son active surveillance, j'ai pu, en plus d'une occasion, poursuivre sans entrave le cours de mes travaux.

Il avait fait avertir les cheicks des villages qu'une tebiba , allait les venir visiter, et que les malades pourraient demander ses soins.

Je note eu passant que gr?ce ? son altitude, Lamb?ze est favoris?e par un climat exceptionnel; l'?t? y est tr?s facilement supportable.

D?j? des femmes chaou?as avaient r?pondu ? l'appel qui leur ?tait fait et attendaient mon arriv?e.

C'est dans un gourbi que je donne ma premi?re consultation; je vois des femmes et des enfants, j'en visite une vingtaine et donne mes soins ? treize que je reconnais ?tre effectivement malades.

Une femme porte une ?norme tumeur du p?ritoine; une autre se pr?tend enceinte depuis de longs mois, disant que son enfant dort dans son sein. Je la fis revenir de son erreur .

D'horribles gommes syphilitiques ayant d?truit le nez ou si?geant sur la jambe,--une hernie ombilicale,--une tuberculose pulmonaire.--une rougeole,--des k?rato-conjonctivites,--un cas d'an?mie chez une jeune fille. Je n'avais pas encore de m?dicaments. Mon voyage devait ?tre seulement un voyage d'?tudes portant sur les maladies sp?ciales ? la femme et sur les pratiques indig?nes de l'accouchement, je ne pr?voyais pas que j'aurais ? donner des soins aussi vari?s que ceux que je fus appel?e par la suite ? prodiguer.

Accompagn?e de M. Arripe et de mon interpr?te, je quitte Lamb?se vers dix heures du matin, reprenant le breack qui nous avait amen?s.

Add to tbrJar First Page Next Page

 

Back to top