Read Ebook: Éric le Mendiant by Zaccone Pierre
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Ebook has 840 lines and 23714 words, and 17 pages
Le jeune cavalier avait arr?t? son cheval, et apr?s s'?tre inclin? devant le p?re de Marguerite, il avait envoy? ? cette derni?re un sourire particulier qui t?moignait de relations ant?rieures.
Puis, il se retourna vers Tanneguy.
-- Il a bien fallu se lever de bonne heure, lui r?pondit-il en lui tendant une main que le Breton serra avec une affection toute paternelle, ma m?re est all?e ? Morlaix ce matin, et je vais ? sa rencontre.
-- Madame la comtesse est bien?... demanda Tanneguy.
-- Fort bien, je vous remercie>> r?pondit le jeune homme.
-- Ah! nous avons souvent parl? de vous Marguerite et moi, poursuivit Tanneguy apr?s un moment de silence; il y a d?j? quelque temps qu'on ne vous a vu ? la ferme, et je vous croyais reparti pour Paris...
-- Non, interrompit Octave, et je n'ai nulle envie de repartir encore... mais j'ai eu de graves pr?occupations depuis que je ne vous ai vu...
-- Des pr?occupations politiques?... fit le vieux Tanneguy en souriant avec bonhomie.
-- Peut-?tre bien! r?pondit Octave en jetant ? la d?rob?e un regard sur Marguerite.
Marguerite devint rouge comme une cerise.
Mais le jeune homme ?tait pour le moins aussi embarrass? que la jeune fille, et apr?s quelques paroles banales ?chang?es encore avec Tanneguy, il les salua tous deux par un geste gracieux, leur promit d'aller bient?t les voir ? leur ferme de Lanmeur, et enfon?a lestement ses ?perons dans les flancs de son cheval.
La noble b?te prit aussit?t le trot, et monture et cavalier disparurent un instant apr?s aux regards de Tanneguy et de sa fille.
Quand ces derniers l'eurent perdu de vue, ils reprirent silencieusement leur chemin, et se dirig?rent du c?t? de Saint- Jean-du-Doigt, dont on voyait d?j? poindre ? l'horizon les premi?res maisons...
? l'extr?mit? du village, sur une petite langue de terre, qui avan?ait presque aux bords de la gr?ve, et derri?re un bouquet d'arbres touffus, dont les tons verts et vifs, se d?tachaient nettement sur le fond sablonneux de la c?te, s'?levaient les blanches murailles d'une sorte de cottage solitaire.
D?s qu'ils aper?urent cette charmante habitation, un rayon de joie brilla un moment dans les regards de Tanneguy et dans ceux de sa fille, et, instinctivement, ils press?rent le pas et h?t?rent leur marche...
Cette habitation, c'?tait le presbyt?re de Saint-Jean-du-Doigt!...
Le bourg de Saint-Jean-du-Doigt est loin d'offrir ? la curiosit? du touriste ce que le touriste est habitu? ? chercher en Bretagne, c'est-?-dire des monuments d'une haute antiquit?, ou quelque objet digne d'?tre soumis ? l'appr?ciation des antiquaires de Paris. -- ? part son ?glise dont quelques parties rappellent, avec assez de fid?lit?, l'architecture du quinzi?me si?cle, et un vase d'argent richement cisel?, que l'on y conserve comme un don authentique fait ? la commune par la reine Anne, le petit bourg ne pr?sente gu?re d'int?r?t au voyageur, que sa position pittoresque, et la beaut? du site qui l'environne!
Le voisinage de la mer imprime ? tout paysage un caract?re de force et de grandeur; il y a dans le spectacle de cette immensit? sans horizon, comme dans la sauvage harmonie de ces vagues incessamment agit?es, quelque chose qui fascine, tourmente le regard et impr?gne l'?me d'une tristesse am?re et douce ? la fois...
En pr?sence de cette page sublime du livre de la nature, c'est en vain que l'on chercherait ? nier Dieu... Dieu est l?, il faut courber le front et adorer!...
Saint-Jean-du-Doigt est b?ti sur les deux versants oppos?s d'une petite vall?e, que la mer envahit souvent dans les jours de grande mar?e.
Par suite de cette disposition naturelle du village, la population s'est partag?e presque ?galement en marins et en laboureurs.
Pendant la semaine, le village n'est habit? que par les femmes, les vieillards infirmes et les mendiants; quand le temps n'est pas absolument mauvais, les laboureurs vont aux champs, tandis que les matelots gagnent la haute mer.
Ce jour-l?, Tanneguy et Marguerite ne furent donc pas surpris de trouver Saint-Jean-du-Doigt presque d?sert, et de n'apercevoir de loin en loin que quelques vieilles femmes occup?es ? filer le lin, ou quelques vieillards qui se rendaient ? l'?glise.
Ils travers?rent ainsi le petit village, et arriv?rent en peu de temps au presbyt?re.
Cette habitation est l'une des plus heureusement situ?es de toute la c?te; plac?e sur le versant de l'est, elle domine ? pic la vall?e et la gr?ve qui s'?tend jusqu'aux extr?mit?s les plus recul?es de l'horizon. Rien n'a ?t? n?glig? pour augmenter le charme de sa situation. ? droite et ? gauche de la cour d'entr?e, s'?l?vent deux b?timents de forme rustique, o? l'on enferme pendant la nuit les boeufs et les chevaux de labour; au fond se d?tache vivement sur le ciel bleu la silhouette blanche du presbyt?re, ? moiti? cach? derri?re les arbres fruitiers du petit verger qui le pr?c?de.
C'est l? que r?sidait l'abb? Kersaint.
Avant d'?tre cur? de Saint-Jean-du-Doigt, il avait ?t? longtemps vicaire ? Lanmeur, et c'est dans cette derni?re localit? qu'il avait connu Tanneguy. C'est lui qui avait baptis? Marguerite, c'est lui encore qui avait donn? ? la femme de Tanneguy les supr?mes consolations de la religion.
L'abb? Kersaint ?tait un de ces nobles et v?n?rables pr?tres qui exercent leur saint minist?re avec la s?r?nit? d'une conscience pure et l'?lan courageux d'une ?me d?vou?e ? l'humanit?. ? Saint- Jean-du-Doigt, comme ? Lanmeur, il ?tait devenu le p?re naturel des pauvres de la commune, et, sur toute la c?te, on ne pronon?ait son nom qu'avec une sainte et pieuse v?n?ration.
Tanneguy et Marguerite connaissaient le presbyt?re, pour y ?tre venus fort souvent d?j?; ils pouss?rent donc la porte sans sonner, et entr?rent dans la cour.
Un ?norme chien gardait le seuil de la porte, mais il reconnut vraisemblablement dans ces nouveaux h?tes deux figures de connaissance, car apr?s avoir relev? la t?te, et fait entendre un grognement sourd et inarticul?, il se recoucha nonchalamment ? deux pas de sa niche, et regarda passer les visiteurs...
Ainsi rassur?e par l'attitude bienveillante du cerb?re breton, la petite Marguerite quitta aussit?t la main de son p?re, et courut devant elle.
D?j? les voyageurs avaient ?t? signal?s, et la blonde enfant atteignait ? peine le seuil de la porte, que l'abb? Kersaint lui- m?me arrivait ? leur rencontre.
-- C'est donc toi, Marga?t, dit le vieillard en prenant les mains de l'enfant avec une paternelle tendresse, allons, voil? une bonne journ?e, puisque je te vois, et que tu es en bonne sant?...
-- Monsieur le cur? est bien bon...
-- Et nous sommes toujours sage?...
Marguerite rougit un peu et leva les yeux vers son p?re qui approchait.
L'abb? Kersaint fit quelques pas, et tendit cordialement la main ? ce dernier.
-- Le ciel soit avec vous, Tanneguy, lui dit-il, vous ?tes un heureux p?re, et c'est une chose rare que de vous voir sur la c?te... il ne vous est rien arriv? au moins depuis que je ne vous ai vu?...
-- Oh! rien, r?pondit Tanneguy en serrant la main que lui tendait le vieillard, rien, monsieur l'abb?, si ce n'est que la r?publique nous a envoy? quelques pr?occupations que nous n'avions pas auparavant!... Mais, Dieu merci, tout prosp?re ? Lanmeur; la moisson s'annonce bien; les foins ont peut-?tre un peu souffert, mais les bl?s seront magnifiques, et tant qu'il y aura de quoi faire du pain au pays, les pauvres gens n'auront pas trop ? se plaindre...
-- Vous avez raison, interrompit l'abb? avec un soupir, mais il y a bien des pauvres gens dans nos campagnes...
En parlant ainsi, ils ?taient entr?s dans le presbyt?re; l'abb? avait fait passer ses h?tes dans la salle ? manger, et on leur avait servi une collation frugale.
Toutefois, Marguerite grillait du d?sir de parcourir le jardin et le verger; le bon cur? s'en aper?ut, il fit un signe ? Tanneguy, et ce dernier permit ? l'enfant de s'?loigner.
Cette derni?re ne se le fit pas r?p?ter, et quelques secondes apr?s, on entendit les ?clats de sa voix fra?che et sonore, retentir autour de l'habitation.
-- Une belle et joyeuse enfant que le bon Dieu vous a donn?e l?!... dit le vieil abb?, lorsque Marguerite eut disparu.
Tanneguy sourit avec un faux air de modestie, ? travers lequel ?clatait tout ton orgueil de p?re.
-- C'est ma seule consolation, r?pondit-il gravement, Dieu m'avait repris la m?re, c'?tait bien le moins, n'est-ce pas, qu'il m'envoy?t un de ses anges pour la remplacer!...
-- Elle se fait grande d?j?...
-- Seize ans ? peine!...
-- Et vous ne songez point ? la marier?...
Tanneguy sourit encore, et montrant du geste Marguerite qui courait en ce moment sous les fen?tres de la salle ? manger:
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