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Read Ebook: La petite roque by Maupassant Guy De

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Ebook has 1143 lines and 43966 words, and 23 pages

?LIE FAURE

NAPOL?ON

J'ordonne, ou je me tais.

PARIS LES ?DITIONS G. CR?S ET Cie 21, RUE HAUTEFEUILLE, 21

DU M?ME AUTEUR

Velazquez 1 v. Formes et Forces 1 v. Eug?ne Carri?re 1 v.

Les Constructeurs . 1 v. . La Conqu?te . 1 v. La Sainte Face . 1 v. La Roue, roman . 1 v. La danse sur le feu et l'eau . 1 v.

PROCHAINEMENT L'Arbre d'?den 1 v.

POUR PARAITRE L'Esprit des Formes 1 v. Dialogues sur le grand chemin 1 v.

IL A ?T? TIR?:

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaption r?serv?s pour tous pays.

A CELUI--QUEL QU'IL SOIT--DES CHEFS DE LA R?VOLUTION UNIVERSELLE--QUELLE QU'ELLE SOIT-- QUI AURA LA VERTU DIVINE DE LUI IMPOSER L'ORDRE QU'ELLE ?TABLIRA DANS SON COEUR.

NAPOL?ON

J?SUS ET LUI

Du point de vue de la morale il n'est pas d?fendable. M?me, il est incompr?hensible. En effet, il viole la loi, il tue, il s?me la vengeance et la mort. Mais aussi il dicte la loi, il traque et ?crase le crime, il ?tablit l'ordre partout. C'est un assassin. C'est un justicier. Dans le rang, il e?t m?rit? la corde. Au sommet il est pur, il distribue d'une main ferme la r?compense et le ch?timent. C'est un monstre ? deux faces. Comme nous tous, peut-?tre. Et dans tous les cas comme Dieu.

A peu pr?s personne ne l'a vu. Ni ses d?tracteurs, ni ses apologistes. C'est au nom de la morale que tous l'attaquent, ou le d?fendent. T?che ais?e pour les premiers. Moins pour les autres. Mais c'est que la morale est plus ?troite que la vie. Et moins complexe. Et ne tra?nant pas comme elle, dans sa contexture tragique, les sublimes antinomies dont l'opposition continue fait la substance du h?ros et qui interdisent au h?ros d'?tre plus et moins qu'un homme. Du point de vue de la morale il est bien l'Antechrist, comme les disciples du Christ se repr?sentent l'Antechrist. Et cependant, dans la profondeur du r?el, il est plus pr?s du Christ, sans doute, que ne le fut jamais le plus puissant de ses disciples, car je ne connais pas deux hommes, parmi tous les hommes ayant paru sur la terre, qui soient plus loin de saint Paul que J?sus et Napol?on.

Du point de vue de l'art, tout s'illumine. C'est un po?te de l'action. Voil? tout. Et pour aller plus loin il faut, ou bien que j'aime trop le verbe, ou bien que je me rende compte ou craigne que l'homme l'entende mal. Il a pu commettre contre son art, comme tous les artistes, des fautes qui, sous l'angle moral, sont regard?es comme des crimes, mais l'oeuvre en son ensemble est parmi les plus surprenantes qu'artiste ait imagin?es. Parmi les plus durables aussi, par son esprit, et ind?pendamment de sa survivance mat?rielle, chancelante ? coup s?r, mais qui importe peu. Parmi les plus d?cisives dans l'histoire spirituelle de l'humanit?. La plus d?cisive, sans doute, depuis celle du Christ, ?tant immorale comme elle, puisque, comme elle, elle culbute toutes les habitudes sociales et les pr?jug?s du temps, dissout, disperse les familles, pr?cipite le monde entier dans un ab?me de guerre, de gloire, de mis?re et d'illusion.

Il est ? part, comme J?sus. ?akya-Mouni est loin de nous, perdu dans le brouillard musqu? des mar?cages d'Asie. Mahomet n'est qu'un faiseur de code, comme Mo?se, ou Solon. Michel-Ange, Shakespeare, Rembrandt, Beethoven oeuvrent hors du plan de l'action. Ils la r?vent. Tandis que ces deux l? agissent leur r?ve, au lieu de r?ver leur action.

Entre ces deux sommets, tout h?site. Tout n'est que brume d'habitudes, de scrupules, d'ind?cision, de moralit?, de m?diocrit?. Tout n'est que mots o? l'on patauge. Seuls, parmi tous les hommes, ces deux l? ont os?. Jusqu'au martyre. Jusqu'? la mort. Les pr?textes moraux, je ne tiens pas ? les conna?tre. Les pr?textes moraux sont des masques mis par les hommes sur la face impassible de Dieu. Un instinct de domination aussi irr?sistible que le mouvement des plan?tes a maintenu ces deux seuls ?tres dans l'orbe ferm? et rigide d'un implacable destin. Ils ont ?t? au bout de leur nature, si g?n?reuse, dans sa puissance originelle, qu'elle les porta l'un et l'autre ? tout envahir autour d'eux, ? tout d?vorer de leur flamme, jusqu'aux foules qui les suivirent, jusqu'? eux-m?mes, allant vers un but invisible que l'un ni l'autre n'aper?ut. Ils sont les deux seules ombres connues de Prom?th?e sur la terre.

Deux M?diterran?ens. Deux Orientaux, en somme. Tous les deux d'une terre ardente, faite de roc et de soleil. Tous les deux apparaissant ? un moment presque identique, l'un entre l'Orient et l'Occident, entre le paganisme ? l'agonie et le sto?cisme en croissance, entre les puissances rationnelles et les puissances mystiques, l'autre entre le Nord et le Sud, entre l'esprit d?mocratique et l'esprit aristocratique, entre une science impatiente et une religion fourbue, tous les deux ? une minute critique d'oscillation de l'univers. Tous les deux portant en eux la foule et vers qui montent et tourbillonnent les volont?s et les tendresses incapables de se conduire. L'un suivi, au commencement, de quelques p?cheurs, de quelques filles, et prenant le monde. L'autre, ? la fin, luttant contre le monde qu'il avait pris, seul avec quelques enfants. Hors la loi tous les deux, avec le bas peuple ? leurs trousses, le simple, le paysan, le pauvre, l'illumin?, Napol?on renversant les valeurs ?tablies dix-huit si?cles plus t?t par saint Paul, comme J?sus renverse les valeurs codifi?es quinze si?cles avant par Mo?se. Charlatans, pour les ?mes pauvres. Car J?sus, pour frapper les foules dont il a besoin comme aliment de sa passion, rend aux aveugles la lumi?re et ressuscite les morts alors qu'il sait fort bien qu'il n'en a pas le pouvoir, comme Napol?on, pour entra?ner les peuples dans le r?ve qui le conduit, distribue des croix qu'il d?daigne et ?crit des Bulletins menteurs. Tous deux ayant la m?me action fascinatrice, la m?me facult? de grandir dans l'?loignement. L'un consolant de la vie, l'autre consolant de la mort. D'un point de vue l'antith?se. C'est-?-dire l'identit?.

Ne voyez-vous pas qu'ils ?taient poss?d?s tous les deux du m?me d?sint?ressement atroce, que sans le savoir, sans le vouloir, sans avoir ni l'envie ni la force d'y r?sister, ils faisaient graviter les cieux autour de leur propre aventure? Qu'ils ?taient tous deux oblig?s, pour durer, pour vivre, et enfin pour mourir tels qu'ils avaient v?cu, de vaincre interminablement? Qu'ils ?taient tous deux condamn?s, pour assurer dans le temps leur victoire d?finitive, ? ?tre vaincus dans l'espace? Que ni l'un ni l'autre n'apercevait les cons?quences ?loign?es de ses d?sirs ni de ses gestes, ou que, s'il les apercevait, il agissait tout de m?me, ne pouvant faire autrement? Qu'ils poss?daient le m?me empire sur eux-m?mes, la m?me cruaut? envers eux-m?mes, la m?me facult?, non de r?primer leur passion, mais de la diriger vers la plus grande somme possible de puissance ? en tirer? Qu'ils poss?daient la m?me force ? combiner des sensations et des images pour s'enivrer des formes neuves qui en naissaient sans arr?t? Qu'ils avaient le m?me besoin de r?gner sur le coeur des hommes, de susciter des sentiments et des enthousiasmes passionn?s, et qu'ils exer?aient tous les deux, pour r?aliser leur ?tre, sur leurs voisins et leurs proches, le m?me despotisme intransigeant? Qu'ils exigeaient de ceux qui d?siraient les suivre qu'ils abandonnent les biens terrestres, qu'ils brisent les liens les plus sacr?s, qu'ils quittent leur p?re, leur m?re, leur fr?re, leur ?pouse, leur enfant? Qu'ils suscitaient des amours effrayantes, mais qu'ils n'avaient pas d'amis, ce qui, h?las! est le signe de la grandeur? Que la force ? aimer de l'un suscitait partout l'?nergie, comme la force ? vouloir de l'autre suscitait partout l'amour? Qu'eux seuls, parmi ceux qui surent agir, donn?rent ? leur action une forme symbolique? Car c'est l? une action pens?e, r?alis?e par l'enthousiasme ou l'ob?issance des hommes et lanc?e dans le mythe pour y modeler l'avenir.

Tous deux ont arros? de sang la terre, pour faire germer de la terre les moissons qu'elle enfermait. Tous deux sont des h?ros. Ni l'un ni l'autre n'est un saint. Mais tous deux ont cr?? des saints. Le h?ros ?veille le saint qui accepte le martyre pour ressembler au h?ros. L'un passe inconnu dans la foule, en dehors des ma?tres de l'heure, et l'autre, t?t ou tard, courbe les ma?tres de l'heure sous sa loi. Le saint renonce. Il supprime une part de lui-m?me afin d'atteindre une moiti? de Dieu, la seule qu'il sache lui voir. Le h?ros est un conqu?rant. Il marche, de son ?tre entier, ? la rencontre de Dieu.

LE REVERS

Seulement, J?sus est entr? de plein pied dans le mythe, et non pas Napol?on. Le monde ne s'est vraiment occup? du fils de l'homme qu'un si?cle apr?s sa mort. Il ?tait de l'antique Orient o? tout est miracle et mirage. Il avait v?cu, parl?, agi hors des regards des puissants et des perspicaces, parmi de tr?s pauvres gens tout ? fait incultes, tout ? fait cr?dules, tout ? fait impr?gn?s du d?sir du surnaturel, d?formant, grossissant tout ce qu'ils voyaient, tout ce qu'ils entendaient dire, amplifiant ou sch?matisant leur r?cit jusqu'? y rencontrer et y mettre en valeur le symbole. Apr?s sa mort aucun contr?le, aucun moyen d'information, aucun document s?rieux, rien qu'un r?cit pu?ril pass? par bribes de bouche en bouche et d'imagination en imagination et ne laissant subsister de la r?alit? primitive, dont les tares ?taient tomb?es d'elles-m?mes, comme les scories et les cendres de la flamme d'un volcan, qu'un roman merveilleux qui n'exprimait au fond que les besoins sentimentaux de la moiti? souffrante et sacrifi?e du monde ancien. On n'a vu que le sens g?n?ral et l'ensemble de son action.

Il palpait le cou: <>

Il repla?a d?licatement le mouchoir: <>

Renardet, debout, les mains derri?re le dos, regardait d'un oeil fixe le petit corps ?tal? sur l'herbe. Il murmura: <>

Le m?decin t?tait les mains, les bras, les jambes. Il dit: <>

Le maire ordonna: <>

Les deux hommes s'?loign?rent vivement; et Renardet dit au docteur: <>

Le m?decin murmura: <>

Tous deux ?taient bonapartistes.

Le maire reprit: <>

Le m?decin ajouta avec une apparence de sourire: <>

Et du bout de sa canne, il touchait l'un apr?s l'autre les doigts roidis de la morte, appuyant dessus comme sur les touches d'un piano.

--Oui. La m?re est venue me chercher hier, vers neuf heures du soir, l'enfant n'?tant pas rentr?e ? sept heures pour souper. Nous l'avons appel?e jusqu'? minuit sur les routes; mais nous n'avons point pens? ? la futaie. Il fallait le jour, du reste, pour op?rer des recherches vraiment utiles.

--Voulez-vous un cigare? dit le m?decin.

--Merci, je n'ai pas envie de fumer. ?a me fait quelque chose de voir ?a.

Ils restaient debout tous les deux en face de ce fr?le corps d'adolescente, si p?le, sur la mousse sombre. Une grosse mouche ? ventre bleu qui se promenait le long d'une cuisse, s'arr?ta sur les taches de sang, repartit, remontant toujours, parcourant le flanc de sa marche vive et saccad?e, grimpa sur un sein, puis redescendit pour explorer l'autre, cherchant quelque chose ? boire sur cette morte. Les deux hommes regardaient ce point noir errant.

Le m?decin dit: <>

Le maire semblait ne point l'entendre, perdu dans ses r?flexions.

Mais, tout d'un coup, il se retourna, car un bruit l'avait surpris; une femme en bonnet et en tablier bleu accourait sous les arbres. C'?tait la m?re, la Roque. D?s qu'elle aper?ut Renardet, elle se mit ? hurler: <> tellement affol?e qu'elle ne regardait point par terre. Elle la vit tout ? coup, s'arr?ta net, joignit les mains et leva ses deux bras en poussant une clameur aigu? et d?chirante, une clameur de b?te mutil?e.

Puis elle s'?lan?a vers le corps, tomba ? genoux, et enleva, comme si elle l'e?t arrach?, le mouchoir qui couvrait la face. Quand elle vit cette figure affreuse, noire et convuls?e, elle se redressa d'une secousse, puis s'abattit le visage contre terre, en jetant dans l'?paisseur de la mousse des cris affreux et continus.

Son grand corps maigre sur qui ses v?tements collaient, secou? de convulsions, palpitait. On voyait ses chevilles osseuses et ses mollets secs envelopp?s de gros bas bleus frissonner horriblement; et elle creusait le sol de ses doigts crochus comme pour y faire un trou et s'y cacher.

Le m?decin, ?mu, murmura: <> Renardet eut dans le ventre un bruit singulier; puis il poussa une sorte d'?ternuement bruyant qui lui sortait en m?me temps par le nez et par la bouche; et, tirant son mouchoir de sa poche, il se mit ? pleurer dedans, toussant, sanglotant et se mouchant avec bruit. Il balbutiait: <>

Mais Principe reparut, l'air d?sol? et les mains vides. Il murmura: <>

L'autre, effar?, r?pondit d'une voix grasse, noy?e dans les larmes: <

--Les hardes de la petite.

--Eh bien... eh bien... cherche encore... et... et... trouve-les... ou... tu auras affaire ? moi.

L'homme, sachant qu'on ne r?sistait pas au maire, repartit d'un pas d?courag? en jetant sur le cadavre un coup d'oeil oblique et craintif.

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