Read Ebook: Le dernier vivant by F Val Paul
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Ebook has 4904 lines and 114328 words, and 99 pages
i pu retirer Jeanne des mains de ses ennemis. Elle est chez moi....
--Chez vous! fit-elle en bondissant sur son si?ge. Vous avez dit chez vous?
--J'ai dit chez moi, Madame.
--Ici, en ville!
--Ici, en ville, dans ma propre chambre.
--Mais votre m?re! mais vos soeurs! Elle ose souiller leur toit....
--Madame, interrompis-je avec un calme surprenant, vous ne pouvez ni me blesser, ni l'insulter. Il est en mon pouvoir de vous r?duire au silence comme par magie.
Elle me regarda fixement.
Je ne puis dire tout ce qu'il y avait d'?tonnement et de courroux dans ce regard. Je repris:
--Mme la marquise, il n'entre point dans mon dessein de vous menacer sans n?cessit?. Je serai trop heureux si nous tombons d'accord en restant dans les termes de la bienveillance, ou du moins de la courtoisie. Tout ? l'heure, quand vous m'avez interrompu, j'allais vous dire que le pauvre asile de ma Jeanne est respect? par moi ? l'?gal du plus saint des temples, mais ? quoi bon! cela ne vous int?resserait pas.
Revenons ? ce qui est surtout notre affaire. Il est utile, Madame, il est indispensable que je vous expose ma situation apr?s vous avoir expos? celle de Jeanne.
Je n'ai pas de courage contre ma m?re. Je consentirais ? vivre malheureux le restant de mon existence pour ?carter de moi la mal?diction dont elle m'a menac?. Mais, ? part cette mal?diction, je suis pr?t ? tout braver pour conqu?rir mon bonheur, qui est celui de ma Jeanne.
Vous seule, en ceci, Madame, pouvez venir ? mon aide. Et si je suis ici, c'est que j'ai compt? sur vous. Elle m'avait ?cout? sans m'interrompre. Je m'arr?tai de moi-m?me. Elle se renversa dans son fauteuil en balbutiant:
--Sur moi! vous avez compt? sur moi!
D?s longtemps une crainte s'?tait ?veill?e en elle. Je la voyais p?lir. Mais cela ne m'inspirait aucune piti?. Je me disais: Voil? que les choses changent bien! c'est ? son tour de souffrir.
Et j'?tais content. ? chaque minute qui s'?coulait, je me sentais plus impitoyable. Mon amour ?tait en moi comme une f?rocit?.
Olympe n'ajouta rien. Ce fut moi qui repris la parole.
J'expliquai en termes nets et mod?r?s l'engouement sans bornes qui entra?nait ma m?re et mes soeurs vers Mme la marquise de Chambray. Je ne dis point quel ?tait ? mes yeux le principal motif de cet entra?nement. Je ne voulais plus blesser, je voulais vaincre.
J'appuyai sur la confiance qu'on avait en Mme la marquise, sur le culte ? la fois frivole et s?rieux dont on l'entourait. On avait fait un r?ve f?erique, on m'avait vu, moi, Lucien, dans une sorte d'apoth?ose, aborder le firmament o? brillait l'?toile. On m'avait vu fianc?, puis ?poux.
Mais que fallait-il pour faire ?vanouir ce r?ve?
Un mot, un seul mot de Mme la marquise....
Ici, je m'arr?tai encore. Olympe resta muette.
Elle ne protestait pas. Ma vaillance s'en accrut. Je poursuivis:
--Ce mot, vous le prononcerez, j'en suis s?r, Madame. Vous le devez. Vous devez davantage et je n'ai pas tout dit.
Le fol espoir de ce mariage ?tait le grand obstacle ? mon union avec Jeanne. Nous venons de supprimer cet obstacle.
Mais l'espoir mort, l'espoir qui attirait ? vous, restent les craintes qui ?loignent de Jeanne. On lui reproche sa pauvret?, son isolement, son n?ant. Vous avez tout ce qu'elle n'a pas, Madame. Vous ?tes riche, vous ?tes entour?e, vous ?tes reine dans ce monde qui la d?daigne parce qu'il ne la conna?t pas.
Elle est votre parente. Rien ne sera plus simple que de lui pr?ter votre appui.
Qui donc s'?tonnera si vous lui tendez la main, fut-ce un peu tardivement? Il est toujours temps d'accomplir un devoir. Vous prendrez l'orpheline sous votre aile. Vous la pr?senterez, et de votre main le monde l'acceptera....
Pour la troisi?me fois, je m'arr?tai.
Je n'avais pas conscience de mon audace, non, j'avais parl? comme si j'eusse soutenu la plus simple des th?ses.
Olympe avait les yeux baiss?s maintenant. Elle se tut encore.
Et moi--Geoffroy, vas-tu le croire?--je repris:
--Vous serez sa soeur a?n?e, Madame, presque sa m?re, puisqu'elle n'en a plus. Mais je n'ai pas exprim? toute ma pens?e. ? l'instant, je vous disais: vous ?tes riche. Vous savez que ma m?re tient ? la fortune....
--Ah! ah! fit Olympe qui releva la t?te.
Elle semblait n'en pas croire ses oreilles.
De fait, M. Louaisot lui-m?me, au moment o? il me vendait son talisman, n'avait certes pas devin? jusqu'o? j'en pousserais l'usage. Je te r?p?te que les paroles me venaient comme cela. Je discutais en homme qui use d'un incontestable droit.
Mes souvenirs sont pr?cis comme l'?tait mon argumentation. Je puis noter ce d?tail que je rapprochai famili?rement mon fauteuil pour r?pondre ? l'exclamation de Mme la marquise.
--Ne vous m?prenez pas, dis-je en souriant. Vous me connaissez. Ai-je besoin de sp?cifier qu'il n'y a ici aucune question d'int?r?t mat?riel?
--Bah! fit-elle. Alors je ne comprends pas.
--Ce que je veux, Madame....
--C'est une donation entre vifs, n'est-ce pas?
--Fi donc! Je n'ai jamais pens?....
--Qu'? mon testament, fait en faveur de Mlle Jeanne? C'est encore bien de la bont? de votre part!
--Madame, repris-je s?v?rement, je n'ai pens? ? rien, ? rien qui puisse motiver vos sarcasmes. Il ne s'agit que d'une apparence. En mon nom comme en celui de Jeanne, je vous d?clare que nous n'accepterions rien de vous. Mais il faut que ma m?re consente, et pour qu'elle consente il faut qu'elle croie Jeanne votre h?riti?re, au moins pour une part.
--Pour une bonne part? demanda-t-elle les l?vres serr?es. Je r?pondis:
--Pour une part convenable.
Sur ce mot elle ?clata de rire si brusquement et d'une fa?on si provocante, que j'en serais rest? d?contenanc? en tout autre moment. Mais ? cette heure, j'?tais d'acier.
--Il le faut! dis-je tout uniment.
Et je reculai mon fauteuil ? sa premi?re place.
Elle riait toujours, mais cela ne sonnait d?j? plus franchement. Dans sa m?prisante gaiet? on aurait pu voir l'inqui?tude qui renaissait. Moi, j'attendais, tranquille, les mains crois?es sur mes genoux. Quand elle fut lasse de rire, elle me demanda, gardant avec peine son accent de moquerie:
--Et pourquoi le faut-il, cher M. Thibaut?
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