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Read Ebook: La capitaine by Chevalier H Emile Henri Emile

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Ebook has 926 lines and 23017 words, and 19 pages

t impitoyablement jet?s ? la mer, s'ils avaient fait l'ombre d'une r?sistance. Se rendaient-ils complaisamment, on les entassait dans les chaloupes de leur b?timent et on les abandonnait aux caprices des flots.

Le butin ?tait divis? en deux parts ?gales.

L'une appartenait, tout enti?re, au capitaine. Elle servait ? l'entretien de ses vaisseaux; l'autre ?tait tir?e au sort, par lots, sans distinction d'?ge ni de grade.

Un mousse ou un simple calfat pouvait ainsi gagner un lot aussi pr?cieux qu'un lieutenant.

La nourriture ?tait la m?me pour tous.

Les officiers n'avaient d'autre avantage qu'un service moins p?nible, et l'exercice d'une portion du commandement, plus ou moins grande, suivant leur rang.

Le respect de tous pour leur capitaine allait jusqu'? l'adoration. Celui-ci, du reste, ?tait un marin consomm?, qui lisait dans le ciel comme dans un livre, et ne se laissait jamais surprendre par un grain. Quand il ?tait ? bord, il ne confiait ? personne autre que lui le gouvernement du navire. Il veillait ? tout, devinait tout, pourvoyait ? tout.

Seuls aussi, ils pouvaient p?n?trer dans son appartement, situ? ? la poupe, entre les deux batteries, et dont le salon et les deux cabines, occup?s par madame Stevenson, formaient habituellement une partie.

Parmi tant d'?tranget?s, il en ?tait une que la jeune femme ne s'expliquait pas. Acharn?s ? la destruction des navires anglais, les Requins de l'Atlantique, loin d'insulter les b?timents fran?ais, leur portaient fr?quemment aide et secours.

Quoique les Fran?ais fussent alors en guerre avec la Grande-Bretagne, ce fait n'expliquait pas compl?tement la rage des pirates contre les Anglais. Ils les tuaient, les massacraient, les torturaient ? plaisir.

Harriet en demanda un matin la cause au docteur Vif-Argent.

Ils venaient de d?jeuner et prenaient le caf?.

A cette question, le major sourit am?rement.

--Si vous me faites gr?ce de votre latin, je vous jure de vous ?couter sans ouvrir la bouche, r?pondit-elle.

--Il ne m'est pas d?fendu de la conter...

--Commencez, alors, mon cher docteur. Cela m'aidera ? couler le temps; mais pas de votre baragouinage latin, surtout!

--Eh bien, madame, je vais vous satisfaire.

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--J'ignorais cela, dit Harriet en ?touffant un l?ger b?illement.

Le major continua:

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D'immenses prairies ?taient couvertes de troupeaux nombreux; on y compta jusqu'? soixante mille b?tes ? cornes. La plupart des familles avaient plusieurs chevaux, quoique le labourage se fit avec des boeufs. Les habitations, presque toutes construites de bois, ?taient fort commodes et meubl?es avec la propret? que l'on trouve parfois chez les laboureurs d'Europe les plus ais?s. On y ?levait une grande quantit? de volailles de toutes les esp?ces. Elles servaient ? varier la nourriture des colons, qui ?tait g?n?ralement saine et abondante. Le cidre et la bi?re formaient leur boisson; ils y ajoutaient quelquefois de l'eau-de-vie de sucre.

>>C'?tait leur lin, leur chanvre, la toison de leurs brebis qui servaient ? leur habillement ordinaire. Ils en fabriquaient des toiles communes, des draps grossiers. Si quelqu'un d'entre eux avait un peu de penchant pour le luxe, il le tirait d'Annapolis ou de Louisbourg. Ces deux villes recevaient en retour du bl?, des bestiaux, des pelleteries.

>>Les Fran?ais neutres n'avaient pas autre chose ? donner ? leurs voisins. Les ?changes qu'ils faisaient entre eux ?taient encore moins consid?rables, parce que chaque famille avait l'habitude et la facilit? de pourvoir seule ? tous ses besoins. Aussi ne connaissaient-ils pas l'usage du papier-monnaie. Le peu d'argent qui s'?tait comme gliss? dans cette colonie, n'y donnait point l'activit? qui en fait le v?ritable prix.

>>Leurs moeurs ?taient extr?mement simples. Il n'y eut jamais de cause civile ou criminelle assez importante pour ?tre port?e ? la cour de justice, ?tablie ? Annapolis. Les petits diff?rends qui pouvaient s'?lever de loin en loin entre les colons, ?taient toujours termin?es ? l'amiable par les censeurs. C'?taient les pasteurs religieux qui dressaient tous les actes, qui recevaient tous leurs testaments. Pour ces fonctions profanes, pour celles de l'?glise, on leur donnait volontairement la vingt-septi?me partie des r?coltes. Elles ?taient assez abondantes pour laisser plus de facult? que d'exercice ? la g?n?rosit?. On ne connaissait pas la mis?re, et la bienfaisance pr?venait la mendicit?. Les malheurs ?taient, pour ainsi dire, r?par?s avant d'?tre sentis. Les secours ?taient offerts sans ostentation d'une part; ils ?taient accept?s sans humiliation de l'autre. C'?tait une soci?t? de fr?res ?galement pr?ts ? donner ou ? recevoir ce qu'ils croyaient commun ? tous les hommes.

>>Cette pr?cieuse harmonie s'?tendait jusqu'? ces liaisons de galanterie qui troublent si souvent la paix des familles...>>

--Oh! je vous arr?te-l?, docteur, je vous arr?te-l?, s'?cria madame Stevenson en riant aux ?clats. De la morale sur vos l?vres, mon cher docteur!

Et ses regards malicieux se port?rent vers Kate, qui tendait l'oreille sans rien comprendre, puisque le major Vif-Argent s'exprimait en fran?ais.

--Docteur! docteur! et votre promesse! fit Harriet en le mena?ant du doigt.

--C'est juste, reprit-il. Je poursuis mon r?cit:

<>--<>

>>Les Acadiens n'?taient pas des sujets britanniques, puisqu'ils n'avaient point pr?t? le serment de fid?lit?, et ils ne pouvaient ?tre cons?quemment regard?s comme des rebelles; ils ne devaient pas ?tre non plus consid?r?s comme des prisonniers de guerre, ni renvoy?s en France, puisque depuis pr?s d'un demi-si?cle on leur laissait leurs possessions, ? la simple condition de demeurer neutres, et qu'ils n'avaient jamais enfreint cette neutralit?.

>>Mais beaucoup d'intrigants et d'aventuriers jalousaient leurs richesses, enviaient leur f?licit?. Quels beaux h?ritages! et par cons?quent quel appas! La cupidit? et l'envie s'alli?rent pour compl?ter leur ruine. On d?cida de les expulser et de les diss?miner dans les colonies anglaises, apr?s les avoir d?pouill?s.

>>Pour ex?cuter ce monstrueux projet, cette perfidie, comme seule l'Angleterre en sait imaginer et perp?trer, on ordonna aux Acadiens de s'assembler en certains endroits, sous des peines tr?s-rigoureuses, afin d'entendre la lecture d'une d?cision royale. Quatre cent dix-huit chefs de familles, se fiant ? la foi britannique, se r?unirent ainsi, le 5 septembre 1755, dans l'?glise du Grand-Pr?. Un ?missaire de l'Angleterre, le colonel Winslow, s'y rendit en grande pompe, et leur d?clara qu'il avait ordre de les informer: <>

>>En m?me temps une bande de soldats, de mis?rables se rua sur ces infortun?s et en ?gorgea un grand nombre. Les femmes, les enfants ne furent pas plus ?pargn?s; et ce fut le signal de boucheries, de violences sans nom, qui dur?rent plusieurs jours. Tout fut mis ? feu et ? sang. La florissante colonie ne pr?senta bient?t plus qu'un monceau de d?combres fumants. La plupart de ceux qui ?chapp?rent au carnage furent plong?s dans des navires infects et dispers?s sur la c?te am?ricaine depuis Boston jusqu'? la Caroline.

>>Pendant de longs jours, apr?s leur d?part, on vit leurs bestiaux s'attrouper autour des mines de leurs habitations, et les chiens passer les nuits ? pleurer par de lugubres hurlements l'absence de leurs ma?tres.>>

--Oh! c'est affreux! interrompit madame Stevenson.

En pronon?ant ces mots, le docteur Gu?rin s'?tait transfigur?! Il avait le verbe ?loquent, le geste path?tique; ses difformit?s corporelles disparaissaient. Il enthousiasmait par la majestueuse beaut? que donnent les ?motions puissantes aux physionomies les plus ingrates.

--Votre capitaine est donc un Acadien? demanda madame Stevenson.

Il est douteux que le major e?t r?pondu ? cette question. Mais alors un bruit inusit? se fit entendre sur le pont du navire; et le canon d?tonna successivement deux fois dans le lointain.

--Vivat! s'?cria le major Vif-Argent, cela annonce un combat. Ne bougez pas, madame, je reviens dans une minute.

Il sortit et rentra bient?t.

--Il faut me suivre, dit-il brusquement aux deux femmes.

Et comme elles h?sitaient:

--N'ayez pas peur, ajouta-t-il; je ne veux que vous mettre en s?ret?, car il va faire chaud, tout ? l'heure, ici: le salon sera transform? en batterie.

Madame Stevenson et Kate descendirent avec lui dans une cabine propre, mais sans luxe aucun, plac?e en bas de la seconde batterie, au-dessous de la ligne de flottaison.

Une lampe l'?clairait.

--Je dois vous emprisonner, mesdames, dit le docteur Gu?rin en les quittant. Cependant, j'esp?re que ce ne sera pas pour longtemps. Excusez-moi.

Ayant dit, il ferma la porte de la cabine ? la clef et remonta sur le pont.

L?, tout ?tait en mouvement. Mais l'animation n'excluait pas le bon ordre. Quoique les matelots s'agitassent, courussent de c?t? et d'autre, les passages, les avenues, les ?coutilles demeuraient libres. Chacun travaillait activement sans g?ner son voisin, sans nuire ? l'harmonie g?n?rale. C'?taient des artilleurs qui chargeaient leurs pi?ces; des hommes qui disposaient des armes en faisceaux, des fusils, des tremblons, des pistolets, des piques, des haches, des sabres, des grappins d'abordage; d'autres qui dressaient le porc-?pic du bastingage; ceux-ci faisant d?j? rougir des boulets ? des forges portatives; ceux-l? entassant des bombes derri?re les obusiers, et les mousses, allant d'un canonnier ? l'autre, distribuant des gargousses ou apportant des seaux d'eau pour refroidir les canons.

Les vergues ployaient sous le poids des matelots pr?ts ? ob?ir au commandement du capitaine, qui arpentait la galerie m?diane, une lunette et un porte-voix ? la main.

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