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Read Ebook: Nounou: Histoire de la Moucheronne by Dombre Roger

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Ebook has 998 lines and 28321 words, and 20 pages

ne faute grave, elle avait conscience de s??tre montr?e l?che.

"? Et pourquoi ???

"? Pourquoi?... Vous me demandez pourquoi, Favier? dit-elle recouvrant son assurance et dardant sur son bourreau son regard d?vorant plein de haine sauvage. Vous avez tu? mon ami, fit-elle, tandis que les larmes se s?chaient dans ses prunelles ? mesure qu?elles y montaient."

Le colosse rit.

"? La belle affaire! un chat.

"? Mais je n?avais que cela! s??cria la pauvre enfant avec d?sespoir."

Et elle pensait:

"? Je devrais couper la main qui a commis ce crime."

Cette brute de Favier ne pouvait comprendre, nature grossi?re, ce que la Moucheronne avait perdu en perdant son ami.

Il reprit:

"? Tu n?as pas le droit de t??ter la vie."

Les grands yeux de la fillette l?interrog?rent.

"? Parce que, poursuivit le bandit, tu m?appartiens, tu es ma servante, ma chose, et si tu te tuais tu commettrais un vol.

"? Oh! fit la Moucheronne en reculant.

"? Un vol tu entends bien. Tu ne recommenceras plus?

"? Non!"

Elle baissa la t?te et se remit au travail; ses v?tements ?taient presque secs.

Elle frissonnait, mais ce n??tait pas le froid qui la faisait trembler.

Ainsi elle n?avait pas m?me le droit de s??ter cette vie si lourde dont elle ne connaissait que le c?t? noir.

Elle ne r?criminait pas, l?innocent ne le fait pas. Pauvre petite! elle avait le c?ur et les mains pures et elle souffrait le martyre.

Ah! que cette faible cr?ature devait peser dans la balance qui mesurait devant Dieu les fautes de Favier!

Le soir venu, elle rangea les objets qui avaient servi au souper de Favier et se retira dans son r?duit; son petit c?ur ?tait gros ? ?clater et Favier n?aimait pas les larmes.

Elle fit signe ? Nounou de la suivre, mais Nounou qui somnolait allong?e ? terre ne la vit pas.

"La louve est f?ch?e, pensa la fillette, ce que j?ai fait ?tait donc vraiment tr?s mal."

Elle s??tendit sur la paille et sanglota: elle n?avait pas une poitrine humaine pour laisser tomber sa t?te lass?e, et elle n?avait, en ce moment, pas m?me sa vieille amie Nounou.

Lorsque Favier, ayant fum? sa derni?re pipe, se coucha ? son tour, il poussa du pied la louve dans la chambrette de la Moucheronne.

Celle-ci dormait de ce sommeil de l?enfance qui r?siste ? tous les supplices, ses cheveux r?volt?s en d?sordre sur son front brun. Le profond ?branlement de ces deux jours avait p?li davantage sa petite figure maigre.

Nounou passa sa grande langue chaude sur la joue humide de larmes de la fillette qui, sentant cette caresse ? travers son r?ve, chercha ? t?tons la t?te velue de sa nourrice.

Le lendemain, elle reprit sa vie accoutum?e de travail et de mis?re, mais son ?me ?tait rentr?e dans l?ombre. Seulement, elle devint plus insensible aux coups et aux menaces; la mort ne lui faisait pas peur. Un jour, Favier, dans l??tat d?ivresse, saisit son fusil et la coucha en joue: l?enfant attendit, droite, immobile, mais son visage n?exprima aucune crainte.

Puis l??t? reparut; le souvenir de Moucheron s?affaiblissait dans la m?moire de la petite fille; elle travaillait, tant?t au milieu de l?air br?lant et des rayons du soleil dont elle ne semblait pas sentir les morsures sur ses ?paules fatigu?es et bleues de coups, tant?t au milieu de l?ouragan et de l?orage, quand le vent sifflait furieusement et d?racinait les jeunes arbres; mais elle aimait ces bruits d?sol?s de la nature et son rude labeur sur cette terre chaude et triste ne lui paraissait pas si p?nible.

L?exaltation farouche qui avait suivi la mort de son petit chat ?tait tomb?e en elle; elle subissait passivement son sort, ne se demandant pas si les autres ?taient moins ? plaindre qu?elle; ne sachant pas que tandis qu?elle ?tait trait?e comme un pauvre petit chien, d?autres enfants de son ?ge avaient ? loisir des caresses et mille douceurs; elle ignorait que pas bien loin d?elle, au village, on chantait et l?on riait ? la tomb?e du jour, en ?grenant du ma?s, et que, au retour des champs, hommes, femmes et bambins trouvaient un bon lit, un souper frugal mais abondant, et de bons baisers partout.

Au bout de la journ?e, son seul plaisir quand son ma?tre n??tait pas l?, ?tait de respirer l?air embaum? du soir, de contempler la premi?re ?toile s?allumant apr?s l??blouissement d?un coucher de soleil, et de laisser le vent fouetter sa chevelure et son visage.

Elle ne demandait rien, et qui e?t-elle questionn?? Les enfants laissent les jours s??couler sans chercher ? apprendre o? ils vont. Ce petit ?tre ignorant et fragile aimait d?instinct le beau, car c?est chose qui ne s?enseigne pas, et, regardant la nuit la for?t pleine de majest? et de silence, elle palpitait de joie; si elle e?t connu Dieu, assur?ment elle se serait dit que Dieu ?tait l? et la voyait. Le matin, elle se levait avec l?aurore pour courir, pieds nus, dans la ros?e, ?couter chanter les oiseaux et bruire les insectes.

Plusieurs fois, elle avait essay? de parer le pauvre logis avec de fra?ches fleurs rustiques, mais Favier qui, comme une b?te immonde, d?testait tout ce qui ?tait pur et joli, ?crasait impitoyablement les plantes parfum?es sous sa botte.

Cependant en songeant ? l?hiver et aux longues soir?es solitaires quand la louve allait chasser, l?enfant frissonnait parce qu?elle ?tait assez grande pour se rappeler qu?apr?s l??t? vient la mauvaise saison, apr?s se soleil la pluie, apr?s la verdure, le neige.

CAUSERIE DE BANDITS.

La Moucheronne a douze ans.

Moralement, elle est ? peu pr?s rest?e ce qu?elle ?tait ? six : un peu plus d?fiante et farouche encore, car elle a eu le temps de souffrir davantage.

Physiquement, c?est une belle enfant; les mauvais traitements et les travaux au-dessus de son ?ge et de ses forces n?ont pas arr?t? sa croissance ni ankylos? ses membres; elle est droite comme un petit palmier; son teint est brun et lisse, ses l?vres rouges comme la fleur de grenade, ses dents petites et tr?s blanches; ses cheveux fourr?s et boucl?s, ses traits bien model?s, ses yeux splendides, noirs comme le velours et largement fendus avec de longs cils bruns.

Mais elle ignore compl?tement sa gr?ce et sa beaut?: ce n?est ni Rose, ni Favier, ni Nounou qui le lui ont appris.

Elle ?tait forte malgr? sa stature mince, car elle passait sa vie au grand air, au soleil, ce qui la d?veloppait rapidement.

Son esprit travaillait toujours, mais il ne progressait pas ? la fa?on de celui des autres enfants; elle ignorait ce que savent ceux de son ?ge, mais elle avait acquis le don de r?fl?chir et de r?fl?chir avec sagesse.

D?instinct elle ha?ssait le mal et le mensonge. Jamais une parole contraire ? la v?rit? n?avait pass? par ses l?vres, lors m?me que cela e?t pu lui ?viter une correction de son redoutable ma?tre.

Elle commen?ait ? pressentir que celui-ci ne gagnait pas honn?tement sa vie, et le pain noir qu?elle mangeait chez lui l??touffait lorsqu?elle songeait qu?il provenait d?un vol.

Depuis qu?elle ?tait ainsi devenue grandelette, depuis qu?elle avait pris des mani?res pos?es, elle s??tait organis?, attenant ? la cabane, un petit r?duit o? elle avait juste la place de se coucher sur un lit de feuilles s?ches, et o? Nounou pouvait encore s??tendre ? terre.

Et le matin, lev?e avec le jour, elle reprenait sa t?che ingrate pour ne la plus quitter jusqu?? la nuit.

Il y avait tant de choses ? faire pour contenter ce tyran jamais satisfait, qui laissait tout en d?sordre derri?re lui et exigeait un service attentif et z?l?.

Un soir, le braconnier ramena deux hommes avec lui; il ?tait tard; la Moucheronne, d?j? couch?e, entendait tout ? travers la mince cloison, et la fum?e des pipes arrivait jusqu'? elle et la prenait ? la gorge.

Nounou grondait en se retournant sur ses pieds qu?elle r?chauffait de son corps et de son haleine.

Les trois hommes buvaient en causant.

La Moucheronne ne comprenait pas trop bien leur langage ?maill? de jurons grossiers et d?expressions triviales, mais ce qu?elle comprit cependant, c?est que ces hommes complotaient un meurtre.

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