Read Ebook: Nounou: Histoire de la Moucheronne by Dombre Roger
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 998 lines and 28321 words, and 20 pages
La Moucheronne ne comprenait pas trop bien leur langage ?maill? de jurons grossiers et d?expressions triviales, mais ce qu?elle comprit cependant, c?est que ces hommes complotaient un meurtre.
Elle regarda par une fente de la cloison l?g?re, et les vit attabl?s; les nouveaux venus moins grands et moins forts que Favier, ?taient barbus comme lui, et comme lui aussi portaient une blouse bleue, un pantalon de velours et un bonnet de fourrure avanc? sur les yeux.
Le complot se tramait gravement devant les chopes de vin et les couteaux affil?s pos?s tout ouverts sur la table; il s?agissait, ni plus ni moins, d?arr?ter un jeune militaire dont la bourse ?tait bien garnie et qui devait traverser ? cheval la for?t pour rentrer chez lui ? Saint-Prestat.
Favier s??tait renseign? au cabaret o? le soldat avait soup?, et, s?adjoignant deux camarades, il organisait le coup.
Un militaire, la Moucheronne ne savait pas ce que c??tait, mais elle jugea que ce pouvait bien ?tre un innocent qu?on allait faire p?rir et que pleureraient ses parents.
"Si je connaissais mieux la for?t, pensait-elle, je l?avertirais, mais je ne l?ai jamais parcourue tout enti?re."
Elle colla son oreille contre la paroi de bois pour mieux entendre.
"? Mais, Favier, disait l?un des bandits, est-ce que tu n?as point par l? une gamine qui pourrait nous trahir?
"? La Moucheronne, bah! une idiote qui dort maintenant ? poings ferm?s comme une fain?ante qu?elle est.
"? Es-tu bien s?r qu?elle forme? reprit un autre.
"? Puisque je vous dis qu?il n?y a rien ? craindre; elle ne comprend que les ordres que je lui donne et les grognements de sa nourrice la louve.
"? Ah! oui, Nounou?"
Et ils se mirent ? rire, puis, continu?rent l?expos? de leurs plans.
"? C?est que, dit le plus jeune des voleurs, un soldat, ?a ne se laisse pas d?sar?onner facilement.
"? Est-ce que tu aurais peur, par hasard? nous sommes trois contre un, nous en aurons vite raison. C?est, d?ailleurs, un tout jeune homme, un fanfaron qui veut abr?ger sa route en passant par la for?t ? quatre heures du matin; or ? quatre heures, en cette saison, il ne fait pas jour encore, et personne ne fr?quente le bois.
"? Tu dis qu?il a le gousset bien garni?
"? Il est riche et il a de l?or ? poign?es.
"? Tant mieux."
Leurs yeux brill?rent d?avidit?.
"? Donc, mes agneaux, soyons avant l?aube au carrefour du vieux ch?ne, vous deux d?un c?t?; moi de l?autre avec nos couteaux et nos pistolets, et cheval et cavalier apprendront ? leurs d?pens qu?il ne fait pas bon voyager si matin sur mes domaines."
La Moucheronne en savait assez; elle retomba sur son lit de feuilles, caressa du bout de son pied la t?te venue et de la louve et songea.
CHAPITRE X
PAS SANS NOUNOU.
Il avait neig? toute la nuit; les flocons formaient une ouate cotonneuse sur la mousse de la for?t, et les grands arbres d?nud?s en ?taient aussi couverts.
Il faisait noir en haut et blanc sur la terre; mais l?atmosph?re ?tait douce comme lorsque la neige s?appr?te ? tomber.
Il ?tait nuit encore; une petite ombre suivie d?une autre plus grande, plus massive, se glissa hors de la cabane du braconnier; elles marchaient si l?g?rement, ces ombres, que leurs pas ne produisaient aucun bruit.
De temps ? autre, dans les all?es toutes givr?es, un rameau se d?tachait, secouant la poudre blanche qui s??parpillait dans l?air.
La plus grande des deux silhouettes allait devant comme pour frayer ou indiquer la route. Elles chemin?rent ainsi jusqu'? l?une des extr?mit?s du bois; l? elles s?arr?t?rent et attendirent.
Au bout de quelques instants, une voix m?le frappa l?air sonore; cette voix modulait une chanson joyeuse: puis parut un beau gar?on de vingt-cinq ans tout au plus, portant cr?nement l?uniforme d?officier de cavalerie, et mont? sur un cheval un peu maigre, mais d?allure d?cid?e; il avait en bandouli?re une sacoche bien gonfl?e.
Soudain, il interrompit son couplet; une singuli?re apparition lui barrait le chemin et sa monture fit un ?cart; il la maintint d?une main habile et regarda devant lui.
Il ne faisait pas clair encore, mais la lueur blanch?tre de la neige, ? d?faut de celle du ciel, lui montra ? quelques pas de lui un groupe form? par un animal gigantesque et par un enfant.
"Qui va l??" cria le jeune homme en cherchant instinctivement le pistolet pendu ? l?ar?on de sa selle.
Une petite voix fra?che lui r?pondit:
"? N?ayez pas peur; Nounou ne vous fera pas de mal et moi je viens emp?cher qu?on vous en fasse."
L?officier n?entendait pas grand?chose ? ce discours; il comprit cependant qu?il n?avait rien ? craindre de la louve, et il flatta doucement son cheval de la main pour calmer sa frayeur.
"? Qui es-tu petite ou petit, car je n?y vois pas assez pour distinguer si tu es fille ou gar?on.
"? Je suis la Moucheronne.
"? La Moucheronne? dr?le de nom, fit-il en riant, en tout cas un nom f?minin. Eh! bien, jeune vagabonde, que me veux-tu? d?p?che-toi de me le dire car je suis press?. Est-ce une aum?ne que tu r?clames?"
Et il portait d?j? la main ? son gousset o? tintait gaiement l?or.
"? Une aum?ne? qu?est-ce que c?est que ?a?
"? Bien! elle l?ignore. Cependant, ce n?est pas une enfant de riches, on ne la laisserait pas ainsi courir les bois ? pareille heure en compagnie d?un loup, se dit l?officier.
"? Je suis venue, reprit la fillette qui sentait que le temps pressait, je suis venue pour vous dire qu?il ne faut point passer par la for?t; il y a des hommes qui veulent vous tuer.
"? Moi? ah! ah! ah!... sommes-nous encore au temps des brigands, ou bien en plein pays de Calabre pour craindre les attaques nocturnes sous bois? Et qui donc voudrait me tuer?
"? Mon ma?tre, r?pondit la fillette tr?s grave, mon ma?tre et deux de ses camarades.
"? Ah! c?est donc un brigand ton ma?tre? et ils t?ont confi? leur dessein, ces messieurs?
"? J?ai entendu ce qu?ils disaient hier soir en causant dans la cabane et je me suis lev?e dans la nuit pour venir vous avertir avant l?aube."
Elle parlait simplement et avec sinc?rit?; le jeune homme r?fl?chit une seconde; puis, relevant sa t?te fi?re et avec d?fi:
"? Bah! je suis arm?; je ne me laisserai pas d?valiser si facilement.
"? Mais ils seront trois, fit observer judicieusement la Moucheronne; ils sont arm?s, eux aussi, et mon ma?tre est dou? d?une force prodigieuse.
"? Elle a peut-?tre raison, murmura l?officier. Puis soudain, appelant la petite fille du geste:
"Approche-toi, lui dit-il."
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page