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Read Ebook: La Tulipe Noire by Dumas Alexandre

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Ebook has 679 lines and 36856 words, and 14 pages

La Tulipe Noire

by Alexandre Dumas, Pere

September, 1999

Text entered by Penelope Papangelis Proofread by Maurice M. Mizrahi

La Tulipe Noire Alexandre Dumas

Text entered by Penelope Papangelis Proofread by Maurice M. Mizrahi

Les deux fr?res

Le 20 ao-t 1672, la ville de la Haye, si vivante, si blanche, si coquette que l'on dirait que tous les jours sont des dimanches, la ville de la Haye, avec son parc ombreux, avec ses grands arbres inclin,s sur ses maisons gothiques, la ville de la Haye gonflait toutes ses art?res d'un flot noir et rouge de citoyens press,s, haletants, inquiets,--lesquels couraient, le couteau ... la ceinture, le mousquet sur l',paule ou le b?ton ... la main, vers le Buytenhoff, formidable prison o--, depuis l'accusation d'assassinat port,e contre lui par le chirugien Tyckelaer, languissait Corneille de Witt, fr?re de l'ex-grand pensionnaire de Hollande.

--Mort aux traOEtres! cria la compagnie des bourgeois exasp,r,e.

--Bah! vous dites toujours la m^me chose, grommela l'officier, c'est fatigant!

Et il reprit son poste en t^te de la troupe, tandis que le tumulte allait en augmentant autour du Buytenhoff.

Et cependant le peuple ,chauff, ne savait pas qu'au moment m^me o-- il flairait le sang d'une de ses victimes, l'autre passait ... cent pas de la place derri?re les groupes et les cavaliers pour se rendre au Buytenhoff.

En effet, Jean de Witt venait de descendre de carrosse avec un domestique et traversait tranquillement ... pied l'avant-cour qui pr,c?de la prison.

Il s',tait nomm, au concierge, qui du reste le connaissait, en disant: --Bonjour, Gryphus, je viens chercher pour l'emmener hors de la ville mon fr?re Corneille de Witt condamn,, comme tu sais, au bannissement.

Et le concierge, esp?ce d'ours dress, ... ouvrir et ... fermer la porte de la prison, l'avait salu, et laiss, entrer dans l',difice, dont les portes s',taient referm,es sur lui.

A dix pas de l..., il avait rencontr, une belle jeune fille de dix-sept ... dix-huit ans, en costume de Frisonne, qui lui avait fait une charmante r,v,rence; et il lui avait dit en lui passant la main sous le menton:

--Bonjour, bonne et belle Rosa; comment va mon fr?re? --Oh! monsieur Jean, avait r,pondu la jeune fille, ce n'est pas le mal qu'on lui a fait que je crains pour lui: le mal qu'on lui a fait est pass,. --Que crains-tu donc, la belle fille? --Je crains le mal qu'on veut lui faire, monsieur Jean. --Ah! oui, dit de Witt, ce peuple, n'est-ce pas? --L'entendez-vous? --Il est, en effet, fort ,mu; mais quand il nous verra, comme nous ne lui avons jamais fait que du bien, peut-^tre se calmera-t-il. --Ce n'est malheureusement pas une raison, murmura la jeune fille en s',loignant pour ob,ir ... un signe imp,ratif que lui avait fait son p?re. --Non, mon enfant, non; c'est vrai ce que tu dis l....

Puis continuant son chemin: --Voil..., murmura-t-il, une petite fille qui ne sait probablement pas lire et qui par cons,quent n'a rien lu, et qui vient de r,sumer l'histoire du monde dans un mot. Et toujours aussi calme, mais plus m,lancolique qu'en entrant, l'ex-grand pensionnaire continua de s'acheminer vers la chambre de son fr?re.

Jean de Witt ,tait arriv, ... la porte de la chambre o-- gisait sur un matelas son fr?re Corneille, auquel le fiscal avait, comme nous l'avons dit, fait appliquer la torture pr,paratoire.

L'arr^t du bannissement ,tait venu, qui avait rendu inutile l'application de la torture extraordinaire. Corneille, ,tendu sur son lit, les poignets bris,s, les doigts bris,s, n'ayant rien avou, d'un crime qu'il n'avait pas commis, venait de respirer enfin, apr?s trois jours de souffrances, en apprenant que les juges dont il attendait la mort avaient bien voulu ne le condamner qu'au bannissement.

La porte s'ouvrit, Jean entra, et d'un pas empress, vint au lit du prisonnier, qui tendit ses bras meurtris et ses mains envelopp,es de linge vers ce glorieux fr?re qu'il avait r,ussi ... d,passer, non pas dans les services rendus au pays, mais dans la haine que lui portaient les Hollandais.

Jean baisa tendrement son fr?re sur le front, et reposa doucement sur le matelas ses mains malades.

--Corneille, mon pauvre fr?re, dit-il, vous souffrez beaucoup, n'est-ce pas? --Je ne souffre plus, mon fr?re, puisque je vous vois. --Oh! mon pauvre cher Corneille, alors, ... votre d,faut, c'est moi qui souffre de vous voir ainsi, je vous en r,ponds. --Aussi, ai-je plus pens, ... vous qu'... moi-m^me, et tandis qu'ils me torturaient, je n'ai song, ... me plaindre qu'une fois pour dire: Pauvre fr?re! Mais te voil..., oublions tout. Tu viens me chercher, n'est-ce pas? --Oui. --Je suis gu,ri; aidez-moi ... me lever, mon fr?re, et vous verrez comme je marche bien. --Vous n'aurez pas longtemps ... marcher, mon ami, car j'ai mon carrosse au vivier, derri?re les pistoliers de Tilly. --Les pistoliers de Tilly? Pourquoi donc sont-ils au vivier? --Ah! c'est que l'on suppose, dit le grand pensionnaire avec ce sourire de physionomie triste qui lui ,tait habituel, que les gens de la Haye voudront vous voir partir, et l'on craint un peu de tumulte. --Du tumulte? reprit Corneille en fixant son regard sur son fr?re embarrass,; du tumulte? --Oui, Corneille. --Alors, c'est cela que j'entendais tout ... l'heure, fit le prisonnier comme se parlant ... lui-m^me. Puis revenant ... son fr?re: --Il y a du monde sur le Buytenhoff, n'est-ce pas? dit-il. --Oui, mon fr?re. --Mais alors, pour venir ici... --Eh bien? --Comment vous a-t-on laiss, passer? --Vous savez bien que nous ne sommes gu?re aim,s, Corneille, fit le grand pensionnaire avec une amertume m,lancolique. J'ai pris les rues ,cart,es. En ce moment, le bruit monta plus furieux de la place ... la prison. Tilly dialoguait avec la garde bourgeoise. --Oh! oh! fit Corneille, vous ^tes un bien grand pilote, Jean; mais je ne sais si vous tirerez votre fr?re du Buytenhoff. --Avec l'aide de Dieu, Corneille, nous y t?cherons du moins, r,pondit Jean; mais d'abord un mot. --Dites.

Les clameurs montent de nouveau.

--Oh! oh! continua Corneille, comme ces gens sont en col?re! Est-ce contre vous? est-ce contre moi? --Je crois que c'est contre tous deux, Corneille. Je vous disais donc, mon fr?re, que ce que les orangistes nous reprochent au milieu de leurs sottes calomnies, c'est d'avoir n,goci, avec la France. --Les niais! --Si l'on trouvait en ce moment-ci notre correspondance avec monsieur de Louvois, si bon pilote que je sois, je ne sauverais point d'esquif si fr^le qui va porter les de Witt et leur fortune hors de la Hollande. Cette correspondance, qui prouverait ... des gens honn^tes combien j'aime mon pays et quels sacrifices j'offrais de faire personnellement pour sa libert,, pour sa gloire, cette correspondance nous perdrait aupr?s des orangistes, nos vainqueurs. Aussi, cher Corneille, j'aime ... croire que vous l'avez br-l,e avant de quitter Dordrecht. --Mon fr?re, reprit Corneille, votre correspondance avec monsieur de Louvois prouve que vous avez ,t, dans les derniers temps le plus grand, le plus g,n,reux et le plus habile citoyen des sept Provinces Unies. J'aime la gloire de mon pays; j'aime votre gloire surtout, mon fr?re, et je me suis bien gard, de br-ler cette correspondance. --Alors nous sommes perdus pour cette vie terrestre, dit tranquillement l'ex-grand pensionnaire en s'approchant de la fen^tre. --Non, bien au contraire, Jean, et nous aurons ... la fois le salut du corps et la r,surrection de la popularit,. --Qu'avez-vous donc fait de ces lettres, alors? --Je les ai confi,es ... Corn,lius van Baerle, mon filleul, que vous connaissez et qui demeure ... Dordrecht. --Oh! le pauvre gar?on, ce cher et na

Corneille se souleva sur son lit et, prenant la main de son fr?re, qui tr,ssaillit au contact des linges:

--Est-ce que je ne connais pas mon filleul? dit-il; est-ce que je n'ai pas appris ... lire chaque pens,e dans la t^te de van Baerle, chaque sentiment dans son ?me? Tu me demandes s'il est faible, tu me demandes s'il est fort? Il n'est ni l'un ni l'autre, mais qu'importe ce qu'il soit! Le principal est qu'il gardera le secret attendu que ce secret, il ne le connait m^me pas. Jean se retourna surpris. --Oh! continua Corneille avec son doux sourire, je vous le r,p?te, mon fr?re, van Baerle ignore la nature et la valeur du d,p"t que je lui ai confi,. --Vite alors! s',cria Jean, puisqu'il en est temps encore, faisons-lui passer l'ordre de br-ler la liasse. --Par qui faire passer cet ordre? --Par mon serviteur Craeke, qui devait nous accompagner ... cheval et qui est entr, avec moi dans la prison pour vous aider ... descendre l'escalier. --R,fl,chissez avant de br-ler ces titres glorieux, Jean. --Je r,fl,chis qu'avant tout, mon brave Corneille, il faut que les fr?res de Witt sauvent leur vie pour sauver leur renomm,e. Nous morts, qui nous d,fendra, Corneille? Qui nous aura seulement compris? --Vous croyez donc qu'ils nous tueraient s'ils trouvaient ces papiers?

Jean, sans r,pondre ... son fr?re, ,tendit la main vers le Buytenhoff, d'o-- s',lan?aient en ce moment des bouff,es de clameurs f,roces.

--Oui, oui, dit Corneille, j'entends bien ces clameurs, mais ces clameurs, que disent-elles?

Jean ouvrit la fen^tre.

--Mort aux traOEtres! hurlait la populace. --Entendez-vous maintenant, Corneille? --Et les traOEtres, c'est nous! dit le prisonnier en levant ces yeux au ciel et en haussant ces ,paules. --C'est nous, r,peta Jean de Witt. --O-- est Craeke? --A la porte de votre chambre, je pr,sume. --Faites-le entrer, alors. --Jean ouvrit la porte; le fid?le serviteur attendait en effet sur le seuil. --Venez, Craeke, et retenez bien ce que mon fr?re va vous dire. --Oh! non, il ne suffit pas de dire, Jean; il faut que j',crive, malheureusement. --Et pourquoi cela? --Parce que van Baerle ne rendra pas ce d,p"t ou ne le br-lera pas sans un ordre pr,cis. --Mais pourrez-vous ,crire, mon cher ami? demanda Jean, ... l'aspect de ces pauvres mains toutes br-l,es et toutes meurtries. --Oh! si j'avais plume et encre, vous verriez! dit Corneille. --Voici un crayon, au moins. --Avez-vous du papier? car on ne m'a rien laiss, ici. --Cette Bible. D,chirez-en la premi?re feuille. --Bien. --Mais votre ,criture sera illisible. --Allons donc! dit Corneille en regardant son fr?re. Ces doigts qui ont r,sist, aux m?ches du bourreau, cette volont, qui a dompt, la douleur, vont s'unir d'un commun effort, et, soyez tranquille, mon fr?re, la ligne sera trac,e sans un seul tremblement.

Et en effet, Corneille prit le crayon et ,crivit. Alors on put voir sous le linge blanc transparaOEtre les gouttes de sang que la pression des doigts sur le crayon chassait des chairs ouvertes. La sueur ruisselait des tempes du grand pensionnaire. Corneille ,crivit:

"Cher filleul, Br-le le d,p"t que je t'ai confi,, br-le-le sans le regarder, sans l'ouvrir, afin qu'il te demeure inconnu ... toi-m^me. Les secrets du genre de celui qu'il contient tuent les d,positaires. Br-le, et tu auras sauv, Jean et Corneille. Adieu et aime-moi. Corneille de Witt. 20 ao-t 1672."

Jean, les larmes aux yeux, essuya une goutte de ce noble sang qui avait tach, la feuille, la remit ... Craeke avec une derni?re recommandation, et revint ... Corneille, que la souffrance venait de p?lir encore, et qui semblait pr?s de s',vanouir.

--Maintenant, dit-il, quand ce brave Craeke aura fait entendre son ancien sifflet de contre-maOEtre, c'est qu'il sera hors des groupes, de l'autre c"t, du vivier... Alors nous partirons ... notre tour.

Cinq minutes ne s',taient pas ,coul,es, qu'un long et vigoureux coup de sifflet per?a les d"mes de feuillage noir des ormes et domina les clameurs du Buytenhoff. Jean leva ses bras au ciel pour le remercier.

--Et maintenant, dit-il, partons, Corneille.

Rosa

Il le prit avec stupeur, jeta dessus un regard rapide, et tout haut:

--Ceux qui ont sign, cet ordre, dit-il, sont les v,ritables bourreaux de monsieur Corneille de Witt. Quant ... moi, je ne voudrais pas pour mes deux mains avoir ,crit une seule lettre de cet ordre inf?me. Et repoussant du pommeau de son ,p,e l'homme qui voulait le lui r,prendre:

--Un moment, dit-il, un ,crit comme celui-l... est d'importance et se garde.

Il plia le papier et le mit avec soin dans la poche de son justaucorps. Puis se retournant vers sa troupe:

--Cavaliers de Tilly, cria-t-il, file ... droite!

Puis ... demi-voix, et cependant de fa?on ... ce que ses paroles ne fussent pas perdues pour tout le monde:

--Et maintenant, ,gorgeurs, dit-il, faites votre oeuvre.

Un cri furieux compos, de toutes les haines avides et de toutes les joies f,roces accueillit ce d,part. Les cavaliers d,filaient lentement. Le comte resta derri?re, faisant face jusqu'au dernier moment ... la populace.

Comme on voit, Jean de Witt ne s',tait pas exag,r, le danger quand, aidant son fr?re ... se lever, il le pressait de partir. Corneille descendit donc, appuy, au bras de l'ex-grand pensionnaire, l'escalier qui conduisait dans la cour. Au bas de l'escalier, il trouva la belle Rosa toute tremblante.

--Oh! monsieur Jean, dit celle-ci, quel malheur! --Qu'y a-t-il donc, mon enfant? demanda de Witt. --Il y a que l'on dit qu'ils sont all,s chercher au Hoogstraet l'ordre qui doit ,loigner les cavaliers du comte de Tilly. --Oh! oh! fit Jean. En effet, ma fille, si les cavaliers s'en vont, la position est mauvaise pour nous. --Aussi, si j'avais un conseil ... vous donner...dit la jeune fille toute tremblante. --Donne, mon enfant. --Eh bien! monsieur Jean, je ne sortirais point par la grande rue. --Et pourquoi cela, puisque les cavaliers de Tilly sont toujours ... leur poste? --Oui, mais tant qu'il ne sera pas revoqu,, cet ordre est de rester devant la prison. --Sans doute. --En avez-vous un pour qu'il vous accompagne jusque hors de la ville? --Non. --Eh bien! du moment o-- vous allez avoir d,pass, les premiers cavaliers vous tomberez aux mains du peuple. --Mais la garde bourgeoise? --Oh! la garde bourgeoise, c'est la plus enrag,e. --Que faire, alors? --A votre place, monsieur Jean, continua timidement la jeune fille, je sortirais par la poterne. L'ouverture donne sur une rrue d,serte, car tout le monde est dans la grande rue, attendant ... l'entr,e principale, et je gagnerais celle des portes de la ville par laquelle vous voulez sortir. --Mais mon fr?re ne pourra marcher, dit Jean. --J'essaierai, r,pondit Corneille avec une expression de fermet, sublime. --Mais n'avez-vous pas votre voiture? demanda la jeune fille. --La voiture est l..., au seuil de la grande porte. --Non, r,pondit la jeune fille. J'ai pens, que votre cocher ,tait un homme d,vou,, et je lui ai dit d'aller vous attendre ... la poterne. Les deux fr?res se regard?rent avec attendrissement, et leur double regard, lui apportant toute l'expression de leur reconnaissance, se concentra sur la jeune fille. --Maintenant, dit le grand pensionnaire, reste ... savoir si Gryphus voudra bien nous ouvrir cette porte. --Oh! non, dit Rosa, il ne voudra pas. --Eh bien! alors? --Alors, j'ai pr,vu son refus, et tout ... l'heure, tandis qu'il causait par la fen^tre de la ge"le avec un pistolier, j'ai pris la clef au trousseau. --Et tu l'as, cette clef? --La voici, monsieur Jean. --Mon enfant, dit Corneille, je n'ai rien ... te donner en ,change du service que tu me rends, except, la Bible que tu trouveras dans ma chambre: c'est le dernier pr,sent d'un honn^te homme; j'esp?re qu'il te portera bonheur. --Merci, monsieur Corneille, elle ne me quittera jamais, r,pondit la jeune fille. Puis ... elle-m^me et en soupirant: --Quel malheur que je ne sache pas lire! dit-elle. --Voice les clameurs qui redoublent, ma fille, dit Jean; je crois qu'il n'y a pas un instant ... perdre. --Venez donc, dit la belle Frisonne, et par un couloir int,rieur, elle conduisit les deux fr?res au c"t, oppos, de la prison.

Toujours guid,s par Rosa, ils descendirent un escalier d'une douzaine de marches, travers?rent une petite cour, et la porte cintr,e s',tant ouverte, ils se retrouv?rent de l'autre c"t, de la prison dans la rue d,serte, en face de la voiture qui les attendait, le marchepied abaiss,.

--Eh! vite, vite, vite, mes maOEtres, les entendez-vous? cria le cocher tout effar,.

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