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Read Ebook: Les mystères de Paris Tome I by Sue Eug Ne

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Ebook has 3635 lines and 109600 words, and 73 pages

Ne dirait-on pas un beau lis ?levant la neige odorante de son calice immacul? au milieu d'un champ de carnage?

Bizarre contraste, ?trange hasard! Les inventeurs de cette ?pouvantable langue se sont ainsi ?lev?s jusqu'? une sainte po?sie! Ils ont pr?t? un charme de plus ? la chaste pens?e qu'ils voulaient exprimer!

Le d?fenseur de la Goualeuse paraissait ?g? de trente ? trente-six ans; sa taille moyenne, svelte, parfaitement proportionn?e, ne semblait pas annoncer la vigueur surprenante que cet homme venait de d?ployer dans sa lutte avec l'athl?tique Chourineur.

Il e?t ?t? tr?s-difficile d'assigner un caract?re certain ? la physionomie de Rodolphe; elle r?unissait les contrastes les plus bizarres.

Ses traits ?taient r?guli?rement beaux, trop beaux peut-?tre pour un homme.

Son teint d'une p?leur d?licate, ses grands yeux d'un brun orang?, presque toujours ? demi ferm?s et entour?s d'une l?g?re aur?ole d'azur, sa d?marche nonchalante, son regard distrait, son sourire ironique, semblaient annoncer un homme blas?, dont la constitution ?tait sinon d?labr?e, du moins affaiblie par les aristocratiques exc?s d'une vie opulente.

Et pourtant, de sa main ?l?gante et blanche, Rodolphe venait de terrasser un des bandits les plus robustes, les plus redout?s de ce quartier de bandits.

Certains plis du front de Rodolphe r?v?laient le penseur profond, l'homme essentiellement contemplatif... et pourtant la fermet? des contours de sa bouche, son port de t?te quelquefois imp?rieux et hardi, d?celaient alors l'homme d'action dont la force physique, dont l'audace, exercent toujours sur la foule un irr?sistible ascendant.

Souvent son regard se chargeait d'une triste m?lancolie, et tout ce que la commis?ration a de plus secourable, tout ce que la piti? a de plus touchant, se peignait sur son visage. D'autres fois, au contraire, le regard de Rodolphe devenait dur, m?chant; ses traits exprimaient tant de d?dain et de cruaut? qu'on ne pouvait le croire capable de ressentir aucune ?motion douce.

La suite de ce r?cit montrera quel ordre de faits ou d'id?es excitait chez lui des passions si contraires.

Dans sa lutte avec le Chourineur, Rodolphe n'avait t?moign? ni col?re ni haine contre cet adversaire indigne de lui. Confiant dans sa force, dans son adresse, dans son agilit?, il n'avait eu qu'un m?pris railleur pour l'esp?ce de b?te brute qu'il venait de terrasser.

Pour achever le portrait de Rodolphe, nous dirons que ses cheveux ?taient ch?tain clair, de la m?me nuance que ses sourcils noblement arqu?s et que sa petite moustache fine et soyeuse; son menton un peu saillant ?tait soigneusement ras?.

Du reste, les mani?res et le langage qu'il affectait avec une incroyable aisance donnaient ? Rodolphe une compl?te ressemblance avec les h?tes de l'ogresse. Son cou svelte, aussi ?l?gamment model? que celui du Bacchus indien, ?tait entour? d'une cravate noire nou?e n?gligemment, et dont les bouts retombaient sur le collet de sa blouse bleue, d'une nuance blanch?tre annon?ant la v?tust?. Une double rang?e de clous armait ses gros souliers. Enfin, sauf ses mains d'une distinction rare, rien ne le distinguait mat?riellement des h?tes du tapis-franc; tandis que son air de r?solution, et, pour ainsi dire, d'audacieuse s?r?nit?, mettait entre eux et lui une distance ?norme.

En entrant dans le tapis-franc, le Chourineur, posant une de ses larges mains velues sur l'?paule de Rodolphe, s'?cria:

? ces mots, depuis l'ogresse jusqu'au dernier des habitu?s du tapis-franc, tous regard?rent le vainqueur du Chourineur avec un respect craintif.

Un des deux hommes ? figure sinistre que nous avons signal?s se pencha vers l'ogresse, qui essuyait soigneusement la table de Rodolphe, et lui dit d'une voix enrou?e:

--Le Ma?tre d'?cole n'est pas venu aujourd'hui?

--Non, dit la m?re Ponisse.

--Et hier?

--Il est venu.

--J'ai rendez-vous ce soir avec le Ma?tre d'?cole, r?p?ta le brigand, nous avons des affaires ensemble.

--Escarpes! r?p?ta le bandit d'un air irrit?, c'est les escarpes qui te font vivre!

--Ah ??! vas-tu me donner la paix! s'?cria l'ogresse d'un air mena?ant, en levant sur le questionneur le broc qu'elle tenait ? la main.

L'homme se remit ? sa place en grommelant.

Fleur-de-Marie, entrant dans la taverne de l'ogresse sur les pas du Chourineur, avait ?chang? un signe de t?te amical avec l'adolescent ? figure fl?trie.

Le Chourineur dit ? ce dernier:

--Bonsoir, m?re Ponisse, dit la Goualeuse.

--Bonsoir, Fleur-de-Marie, r?pondit l'ogresse en s'approchant de la jeune fille pour inspecter les v?tements qui couvraient la malheureuse et qu'elle lui avait lou?s.

Apr?s cet examen, elle lui dit avec une sorte de satisfaction bourrue:

La Goualeuse baissa la t?te et ne parut nullement fi?re des louanges de l'ogresse.

--Tiens! dit Rodolphe, vous avez du buis b?nit sur votre coucou, la m?re?

Et il montra du doigt le saint rameau plac? derri?re la vielle horloge.

--Eh bien, faut-il pas vivre comme des pa?ens! r?pondit na?vement l'horrible femme.

Puis, s'adressant ? Fleur-de-Marie, elle ajouta:

--Apr?s souper, m?re Ponisse, dit le Chourineur.

--Qu'est-ce que je vais vous servir, mon brave? dit l'ogresse ? Rodolphe, dont elle voulait se faire bien venir et peut-?tre au besoin acheter le soutien.

--Demandez au Chourineur, la m?re; il r?gale; moi, je paye.

--Eh bien! dit l'ogresse en se tournant vers le bandit, qu'est-ce que tu veux ? souper, mauvais chien?

--Eh bien! maintenant, la Goualeuse, dit le Chourineur, as-tu faim?

--Non, Chourineur.

--Oh! non... ma faim a pass?...

La Goualeuse rougit et baissa les yeux sans r?pondre.

--Quel plat! Dieu de Dieu!... quel plat! C'est comme un omnibus! Il y en a pour tous les go?ts, pour ceux qui font gras et pour ceux qui font maigre, pour ceux qui aiment le sucre et ceux qui aiment le poivre... Des pilons de volaille, des queues de poisson, des os de c?telette, des cro?tes de p?t?, de la friture, du fromage, des l?gumes, des t?tes de b?casse, du biscuit et de la salade. Mais mange donc, la Goualeuse... c'est du soign?... Est-ce que tu as noc? aujourd'hui?

--Noc?! ah bien oui! J'ai mang? ce matin comme toujours, mon sou de lait et mon sou de pain.

L'entr?e d'un nouveau personnage dans le cabaret interrompit toutes les conversations et fit lever toutes les t?tes.

C'?tait un homme entre les deux ?ges, alerte et robuste, portant veste et casquette, parfaitement au fait des usages du tapis-franc; il employa le langage familier ? ses h?tes pour demander ? souper.

Pour reconna?tre leurs pareils, les bandits, comme les honn?tes gens, ont un coup d'oeil s?r.

Ce nouvel arrivant s'?tait plac? de fa?on ? pouvoir observer les deux individus ? figure sinistre dont l'un avait demand? le Ma?tre d'?cole. Il ne les quittait pas du regard; mais, par leur position, ceux-ci ne pouvaient s'apercevoir de la surveillance dont ils ?taient l'objet.

Les conversations, un moment interrompues, reprirent leur cours. Malgr? son audace, le Chourineur t?moignait une sorte de d?f?rence ? Rodolphe; il n'osait pas le tutoyer.

Cet homme ne respectait pas les lois, mais il respectait la force.

--Foi d'homme! dit-il ? Rodolphe, quoique j'aie eu ma danse, je suis tout de m?me flatt? de vous avoir rencontr?.

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