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Read Ebook: Autobiography and Letters of Orville Dewey D.D. Edited by His Daughter by Dewey Orville Dewey Mary Elizabeth Editor

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Ebook has 1538 lines and 97342 words, and 31 pages

Il s'arr?ta net:--L'esprit de clocher, mon ami, n'est pas autre chose que le patriotisme naturel. J'aime ma maison, ma ville et ma province par extension, parce que j'y trouve encore les habitudes de mon village; mais si j'aime la fronti?re, si je la d?fends, si je me f?che quand le voisin y met le pied, c'est parce que je me sens d?j? menac? dans ma maison, parce que la fronti?re que je ne connais pas est le chemin de ma province. Ainsi moi, je suis Normand, un vrai Normand; eh bien, malgr? ma rancune contre l'Allemand et mon d?sir de vengeance, je ne le d?teste pas, je ne le hais pas d'instinct comme je hais l'Anglais, l'ennemi v?ritable, l'ennemi h?r?ditaire, l'ennemi naturel du Normand, parce que l'Anglais a pass? sur ce sol habit? par mes a?eux, l'a pill? et ravag? vingt fois, et que l'aversion de ce peuple perfide m'a ?t? transmise avec la vie, par mon p?re... Tiens, voici la statue du g?n?ral.

--Quel g?n?ral?

--Le g?n?ral de Blanmont! Il nous fallait une statue. Nous ne sommes pas pour rien les orgueilleux de Gisors! Alors nous avons d?couvert le g?n?ral de Blanmont. Regarde donc la vitrine de ce libraire.

Il m'entra?na vers la devanture d'un libraire o? une quinzaine de volumes jaunes, rouges ou bleus attiraient l'oeil.

--Mon cher, reprit Marambot, il ne se passe pas une ann?e, pas une ann?e, tu entends bien, sans que paraisse ici une nouvelle histoire de Gisors; nous en avons vingt-trois.

--Et les gloires de Gisors? demandai-je.

Nous suivions une longue rue, l?g?rement en pente, chauff?e d'un bout ? l'autre par le soleil de juin, qui avait fait rentrer chez eux les habitants.

Tout ? coup, ? l'autre bout de cette voie, un homme apparut, un ivrogne qui titubait.

Il arrivait, la t?te en avant, les bras ballants, les jambes molles, par p?riodes de trois, six ou dix pas rapides, que suivait toujours un repos. Quand son ?lan ?nergique et court l'avait port? au milieu de la rue, il s'arr?tait net et se balan?ait sur ses pieds, h?sitant entre la chute et une nouvelle crise d'?nergie. Puis il repartait brusquement dans une direction quelconque. Il venait alors heurter une maison sur laquelle il semblait se coller, comme s'il voulait entrer dedans, ? travers le mur. Puis il se retournait d'une secousse et regardait devant lui, la bouche ouverte, les yeux clignotants sous le soleil, puis d'un coup de reins, d?tachant son dos de la muraille, il se remettait en route.

Un petit chien jaune, un roquet fam?lique, le suivait en aboyant, s'arr?tant quand il s'arr?tait, repartant quand il repartait.

--Tiens, dit Marambot, voil? le rosier de Mme Husson.

Je fus tr?s surpris et je demandai: <>

Le m?decin se mit ? rire.

--Oh! c'est une mani?re d'appeler les ivrognes que nous avons ici. Cela vient d'une vieille histoire pass?e maintenant ? l'?tat de l?gende, bien qu'elle soit vraie en tous points.

--Est-elle dr?le, ton histoire?

--Tr?s dr?le.

--Alors, raconte-la.

--Tr?s volontiers. Il y avait autrefois dans cette ville une vieille dame, tr?s vertueuse et protectrice de la vertu, qui s'appelait Mme Husson. Tu sais, je te dis les noms v?ritables et pas des noms de fantaisie. Mme Husson s'occupait particuli?rement des bonnes oeuvres, de secourir les pauvres et d'encourager les m?ritants. Petite, trottant court, orn?e d'une perruque de soie noire, c?r?monieuse, polie, en fort bons termes avec le bon Dieu repr?sent? par l'abb? Malou, elle avait une horreur profonde, une horreur native du vice, et surtout du vice que l'?glise appelle luxure. Les grossesses avant mariage la mettaient hors d'elle, l'exasp?raient jusqu'? la faire sortir de son caract?re.

Or c'?tait l'?poque o? l'on couronnait des rosi?res aux environs de Paris, et l'id?e vint ? Mme Husson d'avoir une rosi?re ? Gisors.

Elle s'en ouvrit ? l'abb? Malou, qui dressa aussit?t une liste de candidates.

Mais Mme Husson ?tait servie par une bonne, par une vieille bonne nomm?e Fran?oise, aussi intraitable que sa patronne.

D?s que le pr?tre fut parti, la ma?tresse appela sa servante et lui dit:

--Tiens, Fran?oise, voici les filles que me propose M. le cur? pour le prix de vertu; t?che de savoir ce qu'on pense d'elles dans le pays.

Et Fran?oise se mit en campagne. Elle recueillit tous les potins, toutes les histoires, tous les propos, tous les soup?ons. Pour ne rien oublier, elle ?crivait cela avec la d?pense, sur son livre de cuisine, et le remettait chaque matin ? Mme Husson, qui pouvait lire, apr?s avoir ajust? ses lunettes sur son nez mince:

Pain................ quatre sous. Lait................ deux sous. Beurre.............. huit sous.

Malvina Levesque s'a d?rang? l'an dernier avec Mathurin Poilu.

Un gigot............ vingt-cinq sous. Sel................. un sou.

Rosalie Vatinel qu'a ?t? rencontr?e dans le boi Riboudet avec C?saire Pi?noir par Mme On?sime repasseuse, le vingt juillet ? la brune.

Radis............... un sou. Vinaigre............ deux sous. Sel d'oseille....... deux sous.

Jos?phine Durdent qu'on ne croit pas qu'al a faut? nonobstant qu'al est en correspondance avec le fil Oportun qu'est en service ? Rouen et qui lui a envoy? un bonet en cado par la diligence.

Pas une ne sortit intacte de cette enqu?te scrupuleuse. Fran?oise interrogeait tout le monde, les voisins, les fournisseurs, l'instituteur, les soeurs de l'?cole et recueillait les moindres bruits.

Comme il n'est pas une fille dans l'univers sur qui les comm?res n'aient jas?, il ne se trouva pas dans le pays une seule jeune personne ? l'abri d'une m?disance.

Or Mme Husson voulait que la rosi?re de Gisors, comme la femme de C?sar, ne f?t m?me pas soup?onn?e, et elle demeurait d?sol?e, d?sesp?r?e, devant le livre de cuisine de sa bonne.

On ?largit alors le cercle des perquisitions jusqu'aux villages environnants; on ne trouva rien.

Le maire fut consult?. Ses prot?g?es ?chou?rent. Celles du Dr Barbesol n'eurent pas plus de succ?s, malgr? la pr?cision de ses garanties scientifiques.

Or, un matin, Fran?oise, qui rentrait d'une course, dit ? sa ma?tresse:

--Voyez-vous, madame, si vous voulez couronner quelqu'un, n'y a qu'Isidore dans la contr?e.

Mme Husson resta r?veuse.

Elle le connaissait bien, Isidore, le fils de Virginie la fruiti?re. Sa chastet? proverbiale faisait la joie de Gisors depuis plusieurs ann?es d?j?, servait de th?me plaisant aux conversations de la ville et d'amusement pour les filles qui s'?gayaient ? le taquiner. Ag? de vingt ans pass?s, grand, gauche, lent et craintif, il aidait sa m?re dans son commerce et passait ses jours ? ?plucher des fruits ou des l?gumes, assis sur une chaise devant la porte.

Il avait une peur maladive des jupons qui lui faisait baisser les yeux d?s qu'une cliente le regardait en souriant, et cette timidit? bien connue le rendait le jouet de tous les espi?gles du pays.

Les mots hardis, les gauloiseries, les allusions graveleuses le faisaient rougir si vite que le Dr Barbesol l'avait surnomm? le thermom?tre de la pudeur. Savait-il ou ne savait-il pas? se demandaient les voisins, les malins. ?tait-ce le simple pressentiment de myst?res ignor?s et honteux, ou bien l'indignation pour les vils contacts ordonn?s par l'amour qui semblait ?mouvoir si fort le fils de la fruiti?re Virginie? Les galopins du pays, en courant devant sa boutique, hurlaient des ordures ? pleine bouche afin de le voir baisser les yeux; les filles s'amusaient ? passer et repasser devant lui en chuchotant des polissonneries qui le faisaient rentrer dans la maison. Les plus hardies le provoquaient ouvertement, pour rire, pour s'amuser, lui donnaient des rendez-vous, lui proposaient un tas de choses abominables.

Donc Mme Husson ?tait devenue r?veuse.

Certes, Isidore ?tait un cas de vertu exceptionnel, notoire, inattaquable. Personne, parmi les plus sceptiques, parmi les plus incr?dules, n'aurait pu, n'aurait os? soup?onner Isidore de la plus l?g?re infraction ? une loi quelconque de la morale. On ne l'avait jamais vu non plus dans un caf?, jamais rencontr? le soir dans les rues. Il se couchait ? huit heures et se levait ? quatre. C'?tait une perfection, une perle.

Cependant Mme Husson h?sitait encore. L'id?e de substituer un rosier ? une rosi?re la troublait, l'inqui?tait un peu, et elle se r?solut ? consulter l'abb? Malou.

L'abb? Malou r?pondit: <

Encourag?e ainsi, Mme Husson alla trouver le maire.

Il approuva tout ? fait. <>

Isidore, pr?venu, rougit tr?s fort et sembla content.

Le couronnement fut donc fix? au 15 ao?t, f?te de la Vierge Marie et de l'empereur Napol?on.

La municipalit? avait d?cid? de donner un grand ?clat ? cette solennit? et on avait dispos? l'estrade sur les Couronneaux, charmant prolongement des remparts de la vieille forteresse o? je te m?nerai tout ? l'heure.

Par une naturelle r?volution de l'esprit public, la vertu d'Isidore, bafou?e jusqu'? ce jour, ?tait devenue soudain respectable et envi?e depuis qu'elle devait lui rapporter 500 francs, plus un livret de caisse d'?pargne, une montagne de consid?ration et de la gloire ? revendre. Les filles maintenant regrettaient leur l?g?ret?, leurs rires, leurs allures libres; et Isidore, bien que toujours modeste et timide, avait pris un petit air satisfait qui disait sa joie int?rieure.

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