Read Ebook: Les vivants et les morts by Noailles Anna De
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Ebook has 1234 lines and 50439 words, and 25 pages
J'avais tant confondu votre aspect et le monde, Les senteurs que l'espace ?changeait avec vous, Que, dans ma solitude ?parse et vagabonde, J'ai partout retrouv? vos mains et vos genoux.
Je vous voyais pareil ? la neuve campagne, R?ticente et gonfl?e au mois de mars; pareil Au lis, dans le sermon divin sur la montagne; Pareil ? ces soirs clairs qui tombent du soleil;
Pareil au groupe ?troit de l'agneau et du p?tre, Et vos yeux, o? le temps fl?ne et semble en retard, M'enveloppaient ainsi que ces vapeurs bleu?tres Qui s'?chappent des bois comme un plus long regard.
Si j'avais, chaque fois que la douleur s'exhale, Ajout? quelque pierre ? quelque monument, Mon amour monterait comme une cath?drale Compacte, transparente, o? Dieu luit par moment.
Aussi, quand vous viendrez, je serai triste et sage, Je me tairai, je veux, les yeux larges ouverts, Regarder quel ?clat a votre vrai visage, Et si vous ressemblez ? ce que j'ai souffert...
L'AMITIE
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Mon ami, vous mourrez, votre pensive t?te Dispersera son feu, Mais vous serez encor vivant comme vous ?tes Si je survis un peu.
Un autre coeur au v?tre a pris tant de lumi?re Et de si beaux contours, Que si ce n'est pas moi qui m'en vais la premi?re, Je prolonge vos jours.
Le souffle de la vie entre deux coeurs peut ?tre Si d?ment m?lang?, Que l'un peut demeurer et l'autre dispara?tre Sans que rien soit chang?;
Le jour o? l'un se l?ve et devant l'autre passe Dans le noir paradis, Vous ne serez plus jeune, et moi je serai lasse D'avoir beaucoup senti;
Je ne chercherai pas ? retarder encore L'instant de n'?tre plus; Ayant tout honor?, les couchants et l'aurore, La mort aussi m'a plu.
Bien des fronts sont glac?s qui doivent nous attendre, Nous serons bien re?us, La terre sera moins pesante ? mon corps tendre Que quand j'?tais dessus.
Sans remuer la l?vre et sans troubler personne, L'on poursuit ses d?bats; Il r?gne un calme immense o? le r?ve r?sonne, Au royaume d'en-bas.
Le temps n'existe point, il n'est plus de distance Sous le sol noir et brun; Un long couloir, uni, parcourt toute la France, Le monde ne fait qu'un;
C'est l?, dans cette paix immuable et divine O? tout est ?ternel, Que nous partagerons, ?mes toujours voisines, Le froment et le sel.
Vous me direz: <
Et puis, nous nous tairons; par habitude ancienne Vous direz: <> Vous me tendrez votre ?me et j'y mettrai la mienne, Puis, tenant votre main
Je verrai, d?chirant les limbes et leurs portes, S'?lan?ant de mes os, Un rosier diriger sa marche s?re et forte Vers le soleil si beau...
TU T'ELOIGNES, CHER ?TRE...
Tu t'?loignes, cher ?tre, et mon coeur assidu Surveille ta pr?sence, au lointain scintillante; Te souviens-tu du temps o?, les regards tendus Vers l'espace, ma main entre tes mains gisante, J'exigeai de r?gner sur la mer de L?pante, Dans quelque baie heureuse, aux parfums suspendus, O? l'orgueil et l'amour halettent confondus?
A pr?sent, ?puis?e, immobile ou errante, J'abdique sans effort le destin qui m'est d?. Quel faste comblerait une ?me indiff?rente?
Je n'ai besoin de rien, puisque je t'ai perdu...
J'ESP?RE DE MOURIR...
J'esp?re de mourir d'une mort lente et forte, Que mon esprit verra doucement approcher Comme on voit une soeur entreb?iller la porte, Qui sourit simplement et qui vient vous chercher.
Je lui dirai: Venez, ch?re mort, je vous aime, Apr?s mes longs travaux, voici vos nobles jeux. J'ai longtemps refus? votre secours supr?me, Car si le corps est las, l'esprit est courageux.
Mais venez, d?livrez un courage qui s'use, Abr?gez le combat, rendez ? l'univers L'immense po?sie embu?e et confuse Dont mon ?me et mon corps ont si longtemps souffert!
Les torrents des rochers, le sable blond des rives, Les vaisseaux balanc?s, l'Automne dans les bois, Les b?tes des for?ts, surprises et captives, M?ditaient dans mon coeur et g?missaient en moi!
O mort, laissez-les fuir vers la for?t puissante, Ces fauves compagnons de mon silence ardent! Que leur native ardeur, f?roce et caressante, Peuple la chaude nuit d'un murmure obs?dant.
Ce n'?tait pas mon droit de garder dans mon ?tre Un aspect plus divin de la cr?ation; De savoir tout aimer, de pouvoir tout conna?tre Par les secrets chemins de l'inspiration!
Ce n'?tait pas mon droit, aussi la destin?e, Comme un guerrier sournois, chaque jour, chaque nuit, Attaquait de sa main habile et forcen?e Le sublime butin qui me comble et me nuit.
Mais venez, ch?re mort; mon ?me vous appelle, Asseyez-vous ici et donnez-moi la main. Que votre bras soutienne un front longtemps rebelle, Et recueille la voix du plus las des humains:
--Prenez ces yeux, emplis de vastes paysages, Qui n'ont jamais bien vu l'exact et le r?el, Et qui, toujours troubl?s par de changeants visages, Ont vers? plus de pleurs que la mer n'a de sel.
Prenez ce coeur puissant qu'un faible corps opprime, Et qui, heurtant sans fin ses ?troites parois, Eut l'attrait du divin et le pouvoir des cimes, Et s'?levait aux cieux comme la pierre choit.
Ah! vraiment le tombeau qui d?vore et qui ronge, Le sol, tout compos? d'?tranges corrosifs, L'ombre fade et mouill?e o? les racines plongent, Le nid de la corneille au noir sommet des ifs,
Pourront-ils m'accorder cette paix sans seconde, Sommeil que mon labeur tenace a m?rit?, Et saurai-je, en mourant, restituer au monde Ce grand abus d'amour, de r?ve et de clart??
H?las! je voudrais bien ne plus ?tre orgueilleuse, Mais ce que j'ai souffert m'arrache un cri vainqueur. Pour ?lancer encor ma voix temp?tueuse Il faudrait une foule, et qui n'aurait qu'un coeur!
Que m'importe aujourd'hui qu'un monde disparaisse! Puisque tu vis, le temps peut glacer les ?t?s, Rien ne peut me frustrer de la sainte all?gresse Que ton corps ait ?t?!
M?me lorsque la mort finira mon extase, Quand toi-m?me seras dans l'ombre disparu, Je b?nirai le sol qui fut le flanc du vase O? tes pieds ont couru!
--Tu viens, l'air retentit, ta main ouvre la porte, Je vois que tout l'espace est orn? de tes yeux, Tu te tais avec moi, que veux-tu qu'on m'apporte, A moi qui suis le feu?
La nuit, je me r?veille, et comme une blessure, Mon r?ve d?chir? te cherche aux alentours, Et je suis cet avare ?perdu, qui s'assure Que son or luit toujours.
Je constate ta vie en respirant, mon souffle N'est que la certitude et le reflet du tien, D?j? je m'enfuyais de ce monde o? je souffre, C'est toi qui me retiens.
Parfois je t'aime avec un silence de tombe, Avec un vaste esprit, calme, ti?de, terni, Et mon coeur pend sur toi comme une pierre tombe Dans le vide infini!
J'habite un lieu secret, ardent, mystique et vague O? tout agit pour toi, o? mon ?tre est n?ant; Mais le vaisseau alerte est port? par la vague, Je suis ton Oc?an!
Autrefois, ?tendue au bord joyeux des mondes, D?ploy?e et chantant ainsi que les for?ts, J'?coutais la Nature, insondable et f?conde, Me livrer des secrets.
Je me sentais le coeur qu'un Dieu puissant pr?f?re, L'anneau toujours intact et toujours travers? Qui joint le cri terrestre aux musiques des sph?res, L'avenir au pass?.
A pr?sent je ne vois, ne sens que ta venue, Je suis le matelot par l'orage assailli Qui ne regarde plus que le point de la nue O? la foudre a jailli!
--Je te donne un amour qu'aucun amour n'imite, Des jardins pleins du vent et des oiseaux des bois, Et tout l'azur qui luit dans mon coeur sans limites, Mais resserr? sur toi.
Je compte l'?ge immense et pesant de la terre Par l'escalier des nuits qui monte ? tes a?eux, Et par le temps sans fin o? ton corps solitaire Dormira sous les cieux.
C'est toi l'ordre, la loi, la clart?, le symbole, Le signe exact et bref par qui tout est certain, Qui dans mon triste esprit tinte comme une obole, Au retour du matin.
--J'ai longtemps repouss? l'approche de l'ivresse, L'encens, la myrrhe et l'or que portaient les trois rois; Je disais: <
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