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Read Ebook: L'hérésiarque et Cie by Apollinaire Guillaume

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Ebook has 1021 lines and 50096 words, and 21 pages

--Vous lisez donc?

--Oh! parfois, de bons livres, en marchant... Allons, riez! J'aime aussi parfois en marchant.

--Quoi! vous aimez et n'?tes jamais jaloux?

--Mes amours d'un instant valent des amours d'un si?cle. Mais, par bonheur, personne ne me suit, et je n'ai pas le temps de prendre cette habitude d'o? s'engendre la jalousie. Allons, riez! ne craignez ni l'avenir, ni la mort. On n'est jamais s?r de mourir. Croyez-vous donc que je sois seul ? n'?tre pas mort! Souvenez-vous d'Enoch, d'Elie, d'Emp?docle, d'Apollonius de Tyane. N'y a-t-il plus personne au monde pour croire que Napol?on vive encore? Et ce malheureux roi de Bavi?re, Louis II! Demandez aux Bavarois. Tous affirmeront que leur roi magnifique et fou vit encore. Vous-m?me, vous ne mourrez peut-?tre pas.

La nuit descendait et les lumi?res naissaient sur la ville. Nous repass?mes la Moldau par un pont plus moderne:

--Il est l'heure de d?ner, dit Laquedem, la marche excite l'app?tit et je suis un gros mangeur.

Nous entr?mes dans une auberge o? l'on faisait de la musique.

<>

Nous sort?mes de l'auberge et travers?mes la grande place rectangulaire nomm?e Wenzelplatz, Viehmarkt, Rossmarkt ou V?clavsk? N?mesti. Il ?tait dix heures. ? la lueur des r?verb?res r?daient des femmes qui, au passage, nous murmuraient des mots tch?ques d'invite. Laquedem m'entra?na dans la ville juive en disant:

--Vous allez voir: pour la nuit, chaque maison s'est transform?e en lupanar.

C'?tait vrai. ? chaque porte se tenait, debout ou assise, t?te couverte d'un ch?le, une matrone marmonnant l'appel ? l'amour nocturne. Tout d'un coup, Laquedem dit:

--Voulez-vous venir au quartier des Vignobles Royaux? On y trouve des fillettes de quatorze ? quinze ans, que des philop?des eux-m?mes trouveraient de leur go?t.

Je d?clinai cette offre tentante. Dans une maison proche, nous b?mes du vin de Hongrie avec des femmes en peignoir, allemandes, hongroises ou boh?miennes. La f?te devint crapuleuse, mais je ne m'en m?lai pas.

Laquedem m?prisa ma r?serve. Il entreprit une Hongroise t?tonni?re et fessue. Bient?t d?braill?, il entra?na la fille, qui avait peur du vieillard. Son sexe circoncis ?voquait un tronc noueux, ou ce poteau de couleurs des Peaux-Rouges, bariol? de terre de Sienne, d'?carlate et du violet sombre des ciels d'orage. Au bout d'un quart d'heure, ils revinrent. La fille lasse, amoureuse, mais effray?e, criait en allemand:

--Il a march? tout le temps, il a march? tout le temps!

Laquedem riait; nous pay?mes et part?mes. Il me dit:

--Vous vivez! dis-je.

--Oui! je vis une vie quasi divine, pareil ? un Wotan, jamais triste. Mais, je le sens, il faut que je parte. J'en ai assez de Prague! Vous tombez de sommeil. Allez dormir. Adieu!

Je pris sa longue main s?che:

--Adieu, Juif Errant, voyageur heureux et sans but! Votre optimisme n'est pas m?diocre, et qu'ils sont fous ceux qui vous repr?sentent comme un aventurier h?ve et hant? de remords.

--Des remords? Pourquoi? Gardez la paix de l'?me et soyez m?chant. Les bons vous en sauront gr?. Le Christ! je l'ai bafou?. Il m'a fait surhumain. Adieu!...

Je suivis des yeux, tandis qu'il s'?loignait dans la nuit froide, les jeux de son ombre, simple, double ou triple selon les lueurs des r?verb?res.

Soudain, il agita les bras, poussa un cri lamentable de b?te bless?e et s'abattit sur le sol.

Je me pr?cipitai en criant. Je m'agenouillai et d?boutonnai sa chemise. Il tourna vers moi des yeux ?gar?s et parla confus?ment:

--Merci. Le temps est venu. Tous les quatre-vingt-dix ou cent ans, un mal terrible me frappe. Mais je me gu?ris, et poss?de alors les forces n?cessaires pour un nouveau si?cle de vie.

Et il se lamenta, disant:

--O?! o?, ce qui signifie <> en h?breu.

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