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Read Ebook: L'Illustration No. 3730 22 Août 1914 by Various

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Ebook has 159 lines and 13153 words, and 4 pages

L'ILLUSTRATION

SAMEDI 22 AOUT 1914

COURRIER DE PARIS

LES GRANDES HEURES

Pour l'instant, le drapeau est le plus souvent isol?. Sentinelle de la terrasse, vigie de la mansarde, factionnaire de la porte d'entr?e, il se recueille et ne s'abandonne pas encore ? l'expansion. Mais il accentue chaque jour davantage sa personnalit?, il s'impose ? nous, se m?le ? notre vie, entre dans nos yeux et nos pens?es dont il devient une ch?re habitude.

Peu d'occasions, jusqu'ici, s'offraient ? nous de le fr?quenter. Nous n'avions avec lui que de rares et courts entretiens. Une ou deux fois l'an, ? une f?te nationale, ou en l'honneur de Jeanne d'Arc, ou pour une visite de souverain, nous le tirions du r?duit o? il s'attristait dans l'ombre et la poussi?re, pour l'a?rer pendant quelques heures... Il jouait ainsi son r?le officiel et puis il rentrait dans l'obscurit?. Il menait une existence intermittente et sans esprit de suite. Depuis le 2 ao?t 1914, il s'est secou?. Le voil? au premier rang. C'est le personnage principal de la nation, du monde entier. Le drapeau domine actuellement l'Europe et l'univers. Il flotte au-dessus de tous les partis et de tous les sommets. Il survole vingt peuples.

Mais, sans le regarder aussi haut, sans le voir de si loin, consid?rons-le, chacun, de tout pr?s puisqu'il ne nous quitte pas, qu'il est, ? poste fixe, attach? ? la crois?e o? il fait la campagne pour des mois, pour un temps dont nous ne pouvons estimer ni limiter la dur?e... Il vaut la peine que nous l'?tudiions. Sous son apparente ?galit? d'humeur, jamais il n'est le m?me. Pendant que j'?cris, j'en ai justement un, ? trois pas de ma table, et qui, dehors, bouge et vit, comme quelqu'un de pench? et d'accoud? sur la rampe. S'il m'arrive de l'oublier... le mouvement qu'il fait tout ? coup me trouble... et puis je me rassure: <> Il ?tend sur mon papier des ombres de nuage, de branche et d'oiseau, des lueurs de pourpre et d'azur. Il enfourche et chevauche comme un bon cavalier la moindre brise. Il se balance comme un hamac, se gonfle et s'arrondit comme une voile. Il prend des fiert?s, de courtes impatiences, soeurs des miennes, il se dresse et pique par instants ses trois couleurs, et l'on dirait qu'il veut, par-dessus les toits, h?ler un pavillon vers l'Est. Ou bien il va et vient, ? peine, dans un rythme paisible, r?gulier, qui ferait jurer qu'il respire. Il semble aussi, par instants, bercer dans le creux de ses plis un petit enfant invisible... Ou alors il pend, inerte d'aspect mais lourd de pens?es, perch? sur sa hampe comme un oiseau de grand espace qui dort sur une patte. Et il songe, il songe... il para?t sculpt?, il forme un bloc ?troit et solide o? l'on ne distingue plus, au bord de ses ailes cargu?es, qu'un lis?r? des trois couleurs... et m?me immobile il inspire, au repos, la crainte et le respect. Son engourdissement est formidable de r?solution. C'est un drapeau de Damocl?s.

Et il ne se montre pas moins ?mouvant quand, inond?, pesant de pluie, il a ses ?toffes qui collent et qu'il forme un linge ?pais, humide et solennel, tout spongieux de pleurs, comme fatigu? d'avoir essuy? trop de joues maternelles.

A maintes reprises je vais pr?s de lui. Je le comprends. Je le trouve beau, j'entends son clair bruissement et je d?couvre ses desseins. Quand il s'accroche ou s'emp?tre aux volets, je le d?gage pour qu'il flotte ? l'aise et claque avec plaisir. En sortant de chez moi, je ne puis m'emp?cher de me retourner et de lever vers lui la t?te, et il me fait signe comme avec un mouchoir teint de sang. Du bout de la rue, quand je rentre, je le distingue entre tous. C'est le mien, et lui aussi me reconna?t. Il garde la maison.

Et Pologne ?tait un mot qui, apr?s avoir eu des sonorit?s prolong?es de gloire, avait fini peu ? peu par se r?fugier dans l'expression du malheur. Il tintait comme un glas. Rien qu'en le d?tachant on le faisait tomber en cendres. C'?tait un mot d'abattement, de d?sespoir et de s?pulcre, un mot qui gla?ait le coeur et tranchait la gaiet?. Jamais personne n'a pu rire en disant: la Pologne... On devenait grave et r?fl?chi ? son accent, en sa pr?sence, comme devant un moribond qui ne peut pas mourir. Il y avait enfin au-dessus des mille sentiments qu'agitait l'id?e de Pologne, et, les dominant tous, une g?ne affreuse, une peine secr?te, la conscience d'une injustice accablant ? la fois ceux qui en ?taient les victimes innocentes et ceux qui en ?taient les ex?cuteurs pensifs et apitoy?s...

Enfin ces promesses prennent toute leur solennit? grandiose et g?n?reuse ? l'heure auguste, ? la minute choisie o? elles tombent... et c'est une ?p?e, l'?p?e tir?e et tendue pour la bataille, qui prend l'engagement, qui tient lieu de plume, qui signe, qui apporte ? la Pologne la paix, la fraternit?... Ce sont des bras arm?s, arm?s pour la plus sainte et universelle cause, qui s'ouvrent ? la soeur meurtrie. Il n'y a pas de condition meilleure pour un embrassement.

Ressuscite donc, Pologne, au passage des chevaux russes! Ton nom n'est plus triste aujourd'hui. Oublie tes vieilles luttes... Ne pense qu'? demain. Les morts immortels sont joyeux. Leurs os remuent. Kosciusko court et bat des mains aux champs de Cracovie... Tout ruisselant sous le schapska, Poniatowski, mar?chal de France ? Leipzig, ressort en nageant ? larges brass?es, le soir, des flots de l'Ellster... et je suis s?r d'avoir entendu cette nuit, par le clair de lune, chanter au piano l'?me en pleurs de Chopin.

D?s que l'on arrive ? la porte d'entr?e, on l'aper?oit et il occupe tout. C'est lui. Il est ? la crois?e d'honneur du milieu, ?tendu, tir? de c?t? par un fil afin qu'il s'?tale en grande largeur dans toute sa d?tresse, qu'il n'essaie pas de se cacher, que l'on n'en perde rien... Avec ses quatre branches de croix, rouge framboise et bord?e de noir, sur fond blanc, et ses ors att?nu?s d?j?, comme amortis par la honte, il offre une beaut? fun?bre. Il a l'aspect des ?tendards d'autrefois, et deux ?pais glands d'argent sont attach?s ? des tresses, en haut de sa hampe, comme les embrasses d'un lourd rideau.

Nous nous le repr?sentons tel qu'il ?tait hier, port? au-dessus des t?tes prussiennes et paraissant s?r de lui m?me, se croyant bien tenu par les deux robustes pattes teutonnes auxquelles on l'avait confi?,... puis tout ? coup, ?branl?, se courbant sous l'attaque, allant de droite et de gauche, ramant, oscillant, plongeant dans la m?l?e, tombant et puis se relevant, l?ch?, pris, repris apr?s une ru?e atroce, ou bien quitt? au premier sang, abandonn? tout de suite aux bras et ? la victorieuse convoitise de nos chasseurs... A pr?sent il est une chose, un morceau de butin, il ne jouera plus jamais ? <> sur le ciel allemand. Il est pris. Et il ira demain se fixer au mur de la chapelle royale, ainsi qu'un grand papillon diapr?, le corps perc? par une ?pingle.

Je suis rest?, songeant de longues minutes, dans la cour o? ce malheureux endurait l'horrible honneur du pilori. Sur le trottoir la foule, accourue de partout, le voyait, riait, laissait ?clater et monter ? son front toutes les mani?res de sa joie... Et par moments, des officiers, des g?n?raux, tr?s dignes, traversaient l'espace vide, montaient l'escalier de pierre, comme pour aller ? une importante visite... et s'arr?taient en haut, sur le palier, pr?s du captif inerte et r?sign?. Ils le regardaient, l'enveloppaient de toute leur pens?e, prenaient un de ses bords entre leurs doigts comme pour t?ter de quelle ?toffe ?tait faite l'?me ennemie... Et quand ils l'avaient ainsi tois?, sans mot dire, ils redescendaient, le coeur et les yeux pleins de r?compense.

HENRI LAVEDAN.

LA GUERRE

LES FAITS DE LA SEMAINE

Un combat, commenc? la veille, mardi 11, sur l'Othain, ? la fronti?re nord du d?partement de la Meuse, se termine brillamment pour nos troupes. Les Allemands ont laiss? sur le terrain, le premier jour, de nombreux morts, et, entre nos mains, 1.000 prisonniers, une batterie d'artillerie , trois mitrailleuses. Dans la journ?e du 12, une batterie fran?aise surprend le 21e dragons allemand pied ? terre et l'an?antit.

Les premiers prisonniers allemands traversent la r?gion de Paris, dirig?s vers l'Ouest.

BELGIQUE.--Importante victoire des Belges sur les Allemands ? Haelen, dans la province de Limbourg.

Par contre, un ?chec: deux bataillons fran?ais qui s'?taient empar?s du village de La Garde en sont chass?s par une contre-attaque et se retirent ? Xures.

Une s?rie d'engagements a rendu nos troupes ma?tresses de la cr?te des Vosges, o? depuis cinq jours elles se maintiennent malgr? les contre-attaques. Aux cols du Bonhomme, de Sainte-Marie-aux-Mines, de Saales, tous las efforts ennemis sont repouss?s.

Le g?n?ral Joffre d?cerne la croix au lieutenant de dragons Bruyant qui, ? la t?te de sept cavaliers, a attaqu? une patrouille d'une trentaine de uhlans, a tu? de sa main leur officier et mis en d?route le peloton en le d?cimant: c'est le premier officier d?cor? de la campagne. La premi?re m?daille militaire est d?cern?e au brigadier de dragons Escoffier.

Un avion allemand, arborant le pavillon fran?ais, jette trois bombes sur Vesoul, deux sur Lure.

BELGIQUE.--Tr?s chaude action ? Egh?z?e, ? 16 kilom?tres au nord de Namur, o? les Allemands sont repouss?s vers Huy avec de grosses pertes. Escarmouches ? Tongres, Hasselt, etc.

RUSSIE.--Hostilit?s aux fronti?res allemande et hongroise.

SERBIE.--Les troupes autrichiennes, impuissantes devant Belgrade, auraient franchi, dans la nuit, la Save ? Chavatz et la Drina pr?s de Loznitza.

Les troupes mont?n?grines ont fait leur jonction avec les troupes serbes et p?n?tr? avec elles en Bosnie. L'Herz?govine enti?re est aux mains des alli?s.

L'important massif du Donon, dominant toute la vall?e de la Bruche est ?galement occup? par nos soldats qui font plus de 500 prisonniers.

Les troupes d'Afrique ont rejoint le front.

D'importantes forces fran?aises sont entr?es en Belgique pour coop?rer avec les arm?es anglaise et belge.

Les Allemands bombardent pour la seconde fois Pont-?-Mousson, lan?ant plus de 200 obus de gros calibre. Une fillette est tu?e. L'h?pital est fort endommag?.

Dans la Haute-Alsace, Thann est pris. Le drapeau du 132e r?giment d'infanterie allemande est enlev? ? Sainte-Blaise, dans la vall?e de la Bruche, par un bataillon de chasseurs ? pied. Les prisonniers faits ? Thann assurent que le g?n?ral von Deimling, qui commandait le 15e corps et avait son quartier g?n?ral ? Thann m?me, a ?t? bless? ? Sainte-Blaise ?galement.

Deux avions fran?ais pilot?s par le lieutenant Cesari et le caporal Prudhommeau survolent Metz et jettent des bombes sur le hangar des zeppelins, ? Frascati.

Un s?rieux engagement a lieu sur les bords de la Meuse, pr?s de Dinant, entre Fran?ais et Allemands. Le combat dure douze grandes heures, caract?ris? par des heurts de cavalerie et d'infanterie, puis par un duel d'artillerie du haut des collines dominant la ville. Les Allemands qui avaient pass? sur la rive gauche de la Meuse sont repouss?s avec des pertes notables sur Rochefort.

RUSSIE.--Une proclamation du tsar Nicolas II annonce aux Polonais de Russie, d'Autriche et d'Allemagne qu'il leur donne l'autonomie et l'int?grit? territoriale. La Pologne est ressuscit?e! Le grand-duc Nicolas, commandant en chef de l'arm?e imp?riale, adresse un appel aux Polonais, les conviant ? s'unifier <>.

JAPON.--Le Japon fait remettre au gouvernement allemand, par son ambassadeur ? Berlin, un ultimatum dans lequel il exige: 1? que l'Allemagne rappelle ou d?sarme tous ses b?timents de guerre pr?sents dans les eaux japonaises et chinoises; 2? qu'elle ?vacue dans le d?lai d'un mois le territoire qu'elle occupe ? bail ? Kiao-Tch?ou qui sera ?ventuellement restitu? ? la Chine. Le Japon demande une r?ponse sous huitaine.

Les troupes qui ont occup? le Donon dans la journ?e du 14 continuent de progresser dans la vall?e de Schirmeck, en capturant un millier de prisonniers, 12 canons de campagne avec leurs caissons de munitions et 8 mitrailleuses.

ALLEMAGNE.--Guillaume II quitte le matin Potsdam pour Mayence, o? il rejoint le grand quartier g?n?ral.

SERBIE.--Les Serbes, apr?s un effort de deux jours, chassent de Chabatz les Autrichiens qui s'en ?taient empar?s; les fuyards abandonnent 14 canons, des mitrailleuses, des approvisionnements, du mat?riel.

Dans la r?gion du Donon, nous occupons Schirmeck. Notre cavalerie a pouss? jusqu'? Lutzelhausen et Muhlbach, sur la route de Molsheim.

Au sud, nous avons occup? Vill?, Sainte-Croix-aux-Mines. De l'artillerie lourde allemande a ?t? prise.

En Alsace, nous demeurons fortement appuy?s sur la ligne Thann, Cernay et Dannemarie. Les forces allemandes se retirent en grand d?sordre vers le nord et vers l'est.

Le colonel Serret, ancien attach? militaire ? Berlin, apporte au minist?re de la Guerre le drapeau du 132e r?giment d'infanterie allemand, pris ? Sainte-Blaise par le 1er bataillon de chasseurs.

RUSSIE.--Le tsar et la famille imp?riale arrivent ? Moscou, pour les pri?res solennelles.

Un monoplan allemand, arborant les couleurs fran?aises, laisse tomber trois bombes sur Lun?ville. D?g?ts purement mat?riels et insignifiants.

BELGIQUE.--On confirme le bruit qui courait depuis quelques jours, de la mort du g?n?ral von Emmich, qui commandait l'arm?e allemande devant Li?ge. Suivant une version, il aurait succomb? ? des blessures; selon une autre, il se serait suicid?, d?sesp?r? de son ?chec.

Le kronprinz serait bless?.

RUSSIE.--A Moscou, c?r?monie religieuse au Kremlin; procession imp?riale ? la cath?drale Ouspensky, et r?ception ? la salle Saint-Georges, o? le tsar atteste, solennellement, que c'est contre ses intentions que la <> s'est abattue sur son peuple pacifique.

Nous continuons ? progresser dans la Haute-Alsace. Nos troupes d?bouchent sur la Seille, occupant tour ? tour Ch?teau-Salins et Dieuze, puis, ? la fin de la journ?e, Delme et Morhange. Enfin Mulhouse est repris.

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