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Read Ebook: Heath's Modern Language Series: La Mère de la Marquise by About Edmond Brush Murray Peabody Editor

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Ebook has 571 lines and 44449 words, and 12 pages

oir ? c?t? de ces grandes dames radieuses qu'elle n'osait regarder en face, la m?ler ? ces conversations qu'elle croyait plus spirituelles que les plus beaux livres et plus int?ressantes que les meilleurs romans. <> Son ambition visait surtout au marquisat, et pour cause. Il y a des ducs et des comtes de cr?ation r?cente, et qui ne sont pas re?us au faubourg; tandis que tous les marquis sans exception sont de la vieille roche, car depuis Moli?re on n'en fait plus.

Le r?gisseur de la forge l'arracha ? cette vie intol?rable en la rappelant ? ses affaires. Arriv?e ? Arlange, elle y trouva ce qu'elle avait cherch? vainement dans tout Paris: la clef du faubourg Saint-Germain. Un de ses voisins de campagne h?bergeait depuis trois mois M. le marquis de Kerpry, capitaine au 2e r?giment de dragons. Le marquis ?tait un homme de quarante ans, mauvais officier, bon vivant, toujours vert, assur? contre la vieillesse, et c?l?bre par ses dettes, ses duels et ses fredaines. Du reste, riche de sa solde, c'est-?-dire excessivement pauvre. <> pensa la belle ?liane. Elle fit sa cour au marquis, et le marquis ne lui tint pas rigueur. Deux mois plus tard il envoyait sa d?mission au minist?re de la guerre et conduisait ? l'?glise la veuve de M. Morel. Conform?ment ? la loi, le mariage fut affich? dans la commune d'Arlange, au 10e arrondissement de Paris, et dans la derni?re garnison du capitaine. L'acte de naissance du mari?, r?dig? sous la Terreur, ne portait que le nom vulgaire de Beno?t, mais on y joignit un acte de notori?t? publique attestant que de m?moire d'homme M. Beno?t ?tait connu comme marquis de Kerpry.

La nouvelle marquise commen?a par ouvrir ses salons au faubourg Saint-Germain du voisinage: car le faubourg s'?tend jusqu'aux fronti?res de la France.

Apr?s avoir ?bloui de son luxe tous les hobereaux des environs, elle voulut aller ? Paris prendre sa revanche sur le pass?; et elle conta ce projet ? son mari. Le capitaine fron?a le sourcil et d?clara net qu'il se trouvait bien ? Arlange. La cave ?tait bonne, la cuisine de son go?t, la chasse magnifique; il ne demandait rien de plus. Le faubourg Saint-Germain ?tait pour lui un pays aussi nouveau que l'Am?rique: il n'y poss?dait ni parents, ni amis, ni connaissances. <>

Ce ne fut pas son seul m?compte. Elle s'aper?ut bient?t que son mari prenait l'absinthe quatre fois par jour, sans parler d'une autre liqueur appel?e vermouth qu'il avait fait venir de Paris pour son usage personnel. La raison du capitaine ne r?sistait pas toujours ? ces libations r?p?t?es, et, lorsqu'il sortait de son bon sens, c'?tait, le plus souvent, pour entrer en fureur. Ses vivacit?s n'?pargnaient personne, pas m?me ?liane, qui en vint ? souhaiter tout de bon de n'?tre plus marquise. Cet ?v?nement arriva plus t?t qu'elle ne l'esp?rait.

Un jour le capitaine ?tait souffrant pour s'?tre trop bien comport? la veille. Il avait la t?te lourde et les yeux battus. Assis dans le plus grand fauteuil du salon, il lustrait m?lancoliquement ses longues moustaches rousses. Sa femme, debout aupr?s d'un samovar, lui versait coup sur coup d'?normes tasses de th?. Un domestique annon?a M. le comte de Kerpry. Le capitaine, tout malade qu'il ?tait, se dressa brusquement en pieds.

<> demanda ?liane un peu ?tonn?e.

--Je ne m'en connaissais pas, r?pondit le capitaine, et je veux que le diable m'emporte... Mais nous verrons bien. Faites entrer!>>

Le capitaine sourit d?daigneusement lorsqu'il vit para?tre un jeune homme de vingt ans, d'une beaut? presque enfantine. Il ?tait de taille raisonnable, mais si fr?le et si d?licat, qu'on pouvait croire qu'il n'avait pas fini de grandir. Ses longs yeux bleus regardaient autour d'eux avec une sorte de timidit? farouche. Lorsqu'il aper?ut la belle ?liane, sa figure rougit comme une p?che d'espalier. Le timbre de sa voix ?tait doux, frais, limpide, presque f?minin. Sans la moustache brune qui se dessinait finement sur sa l?vre, on aurait pu le prendre pour une jeune fille d?guis?e en homme.

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--Vous avez tort de craindre, monsieur, reprit ?liane en se rengorgeant: la marquise de Kerpry veut et doit conna?tre toutes les affaires de la famille, et, puisque vous ?tes un parent de mon mari...

--C'est ce que j'ignore encore, madame, mais nous le d?ciderons bient?t, et devant vous, puisque vous le d?sirez et que monsieur semble y consentir.>>

Le capitaine ?coutait d'un air h?b?t?, sans trop comprendre. Le jeune comte se tourna vers lui comme pour le prendre ? partie.

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--Quel bonheur!>> s'?cria ?tourdiment ?liane.

Le comte r?pondit ? cette exclamation par un salut froid et c?r?monieux. Il poursuivit:

<

--Je n'avais donc pas le droit de me marier? demanda le capitaine en se frottant les yeux.

--Je ne dis pas cela, monsieur. Nous avons ? la maison, outre l'arbre g?n?alogique de la famille, tous les papiers qui ?tablissent nos droits ? porter le nom de Kerpry. Si vous ?tes notre parent, comme je le d?sire, je ne doute pas que vous n'ayez aussi entre les mains quelques papiers de famille.

--? quoi bon? les paperasses ne prouvent rien, et tout le monde sait qui je suis.

--Vous avez raison, monsieur, il ne faut pas beaucoup de parchemins pour ?tablir une preuve solide; il suffit d'un acte de naissance, avec...

--Monsieur, mon acte de naissance porte le nom de Beno?t. Il est dat? de 1794. Comprenez-vous?

--Parfaitement, monsieur, et, en d?pit de cette circonstance, je conserve l'espoir d'?tre votre parent. ?tes-vous n? ? Kerpry ou dans les environs?

--Kerpry?... Kerpry? o? prenez-vous Kerpry?

--Mais o? il a toujours ?t?: ? trois lieues de Dijon, sur la route de Paris.

--Eh! monsieur, que m'importe ? moi? puisque Robespierre a vendu les biens de la famille...

Le capitaine ?tait insensiblement sorti de sa torpeur; ce dernier trait acheva de le r?veiller. Il marcha, les poings serr?s, vers son fr?le adversaire, et lui cria dans le visage:

<>

Le comte p?lit de col?re, mais il se souvint de la pr?sence d'?liane, qui s'?tendait, an?antie, sur une chaise longue. Il r?pondit d'un ton d?gag?:

<>

L?-dessus le comte fit une pirouette, salua profond?ment la pr?tendue marquise, et regagna sa chaise de poste avant que le capitaine e?t song? ? le retenir.

Le samovar ne bouillait plus; mais ce n'?tait pas de th? qu'il s'agissait entre le capitaine et sa femme. ?liane voulait savoir si elle ?tait oui ou non marquise de Kerpry. L'imp?tueux Beno?t, qui venait d'user son reste de patience, s'oublia au point de battre la plus jolie personne du d?partement. C'est ? ces circonstances que Mme Beno?t faisait allusion lorsqu'elle parlait de quelques heures d?sagr?ables oubli?es depuis longtemps.

Le proc?s Kerpry contre Kerpry ne se fit pas attendre. Le sieur Beno?t eut beau r?p?ter par l'organe de son avocat qu'il s'?tait toujours entendu appeler marquis de Kerpry, il fut condamn? ? signer Beno?t et ? payer les frais. Le jour o? il re?ut cette nouvelle, il ?crivit au jeune comte une lettre d'injures grossi?res, sign?e Beno?t. Le dimanche suivant, vers huit heures du matin, il rentra chez lui sur un brancard, avec dix centim?tres de fer dans le corps. Il s'?tait battu, et l'?p?e du comte s'?tait bris?e dans la blessure. ?liane, qui dormait encore, arriva juste ? temps pour recevoir ses excuses et ses adieux.

Si cette aventure n'avait pas fait un scandale ?pouvantable, la province ne serait pas la province. Les hobereaux du voisinage t?moign?rent une exasp?ration comique: ils auraient voulu reprendre ? la fausse marquise les visites qu'ils lui avaient faites. La veuve n'entendit pas le bruit qui se faisait autour d'elle: elle pleurait. Ce n'est pas qu'elle regrett?t rien de M. Beno?t, dont les d?fauts, petits et grands, l'avaient ? jamais corrig?e du mariage; mais elle d?plorait sa confiance tromp?e, ses esp?rances perdues, son horizon r?tr?ci, son ambition condamn?e ? l'impuissance. Si vous voulez vous peindre l'?tat de son ?me, figurez-vous un fakir ? qui l'on signifie qu'il ne verra jamais Wichnou. Du fond de sa retraite, elle lan?ait sur le faubourg Saint-Germain des regards d'?ve chass?e du paradis terrestre.

Un matin qu'elle pleurait sous un berceau de cl?matites en fleur , sa fille passa en courant aupr?s d'elle. Elle arr?ta l'enfant par sa robe et la baisa cinq ou six fois, en se reprochant de songer moins ? sa fille qu'? ses chagrins. Lorsqu'elle l'eut bien embrass?e, elle la regarda en face et fut satisfaite de l'examen. ? quatre ans et demi, la petite Lucile annon?ait une beaut? fine et aristocratique. Ses traits ?taient charmants; les attaches des pieds et des mains, exquises. ?liane eut beau fouiller dans sa m?moire, elle ne se souvint pas d'avoir vu jouer aux Tuileries un seul enfant d'un type aussi distingu?. Elle donna un dernier baiser ? la petite, qui prit sa vol?e. Puis elle s'essuya les yeux, et depuis elle ne pleura plus.

<>

D?s cet instant, son unique pr?occupation fut de pr?parer sa fille au r?le de marquise. Elle l'habilla comme une poup?e, lui enseigna les diverses grimaces dont se composent les grandes mani?res et lui apprit la r?v?rence, tandis que sa gouvernante lui apprenait l'alphabet. Malheureusement, la petite Lucile n'?tait pas n?e dans la rue du Bac. Elle s'?veillait au chant des oiseaux et non au roulement des carrosses, et elle voyait plus de villageois en blouse que de laquais en livr?e. Elle n'?couta pas mieux les le?ons d'aristocratie que lui donnait sa m?re, que sa m?re n'avait ?cout? les diatribes de M. Lopinot contre les marquis. L'esprit des enfants est form? par tout ce qui les entoure; ils ont l'oreille ouverte ? cent pr?cepteurs ? la fois; les bruits de la campagne et les bruits de la rue leur parlent bien plus haut que le p?dant le plus intraitable ou le p?re le plus rigoureux. Mme Beno?t eut beau pr?cher: les premiers plaisirs de la jeune marquise furent de se battre avec les fillettes du village, de se rouler dans le sable en robe neuve, de voler des oeufs tout chauds dans le poulailler, et de se faire tra?ner par un gros chien ?cossais qu'elle tirait par la queue. ? la voir jouer au jardin, un observateur attentif e?t devin? le sang du bonhomme Morel et du p?re Lopinot. Sa m?re se lamentait de ne trouver en elle ni orgueil, ni vanit?, ni le plus simple mouvement de coquetterie. Elle guettait avec une impatience fi?vreuse le jour o? Lucile m?priserait quelqu'un, mais Lucile ouvrait son coeur et ses bras ? toutes les bonnes gens qui l'entouraient, depuis Margot la vach?re jusqu'au plus noir des ouvriers de la forge. Lorsqu'elle se fit grandelette, ses go?ts chang?rent un peu, mais ce ne fut pas dans le sens que sa m?re d?sirait. Elle s'int?ressa au jardin, au verger, au troupeau, ? la basse-cour, ? l'usine, au m?nage, et m?me ? la cuisine. Elle eut l'oeil au fruitier, elle ?tudia l'art de faire des confitures, elle s'inqui?ta de la p?tisserie. Chose ?trange! les gens de la maison, au lieu de s'impatienter de sa surveillance, lui en savaient le meilleur gr? du monde. Ils comprenaient, mieux que Mme Beno?t, combien il est beau qu'une femme apprenne de bonne heure l'ordre, le soin, une sage et lib?rale ?conomie, et ces talents obscurs qui font le charme d'une maison et la joie des h?tes auxquels elle ouvre sa porte.

Les le?ons de Mme Beno?t avaient port? d'?tranges fruits. Cependant elles ne furent pas tout ? fait perdues. L'institutrice ?tait s?v?re par amour de sa fille, impatiente par amour du marquisat, et col?re par temp?rament. Elle perdit si souvent patience que Lucile prit peur de sa m?re. La pauvre enfant s'entendait r?p?ter tous les jours: <> Elle se persuada na?vement qu'elle ?tait bien heureuse d'avoir Mme Beno?t. Elle se crut, de bonne foi, niaise et incapable; et, au lieu de s'en d?soler, elle satisfit tous ses go?ts, s'abandonna ? tous ses penchants, fut heureuse, aim?e et charmante.

Mme Beno?t ?tait si press?e de jouir de la vie et du faubourg, qu'elle aurait mari? sa fille ? quinze ans si elle l'avait pu. Mais Lucile ? quinze ans n'?tait encore qu'une petite fille. L'?ge ingrat se prolongea pour elle au del? des limites ordinaires. Il est ? remarquer que les enfants des villages sont moins pr?coces que ceux des villes: c'est sans doute par la m?me raison qui fait que les fleurs des champs retardent sur celles des jardins. ? seize ans, Lucile commen?a de prendre figure. Elle ?tait encore un peu maigre, un peu rubiconde, un peu gauche; toutefois sa gaucherie, sa maigreur et ses bras rouges n'?taient pas des ?pouvantails ? effaroucher l'amour. Elle ressemblait ? ces chastes statues que les sculpteurs allemands de la Renaissance taillaient dans la pierre des cath?drales; mais aucun fanatique de l'art grec n'e?t d?daign? de jouer aupr?s d'elle le r?le de Pygmalion.

Sa m?re lui dit un beau matin en fermant cinq on six malles: <

Tandis qu'elle s'abandonnait ? ces terreurs innocentes, Mme Beno?t se mettait en qu?te d'un marquis. Elle eut bient?t trouv?. Parmi les d?biteurs de son p?re avec lesquels elle avait conserv? des relations, le plus aimable ?tait le vieux baron de Subressac. Non seulement il y ?tait toujours pour elle, mais il lui faisait m?me l'honneur de venir d?jeuner chez elle, en t?te-?-t?te. Ces familiarit?s n'?taient pas compromettantes, d'un homme de soixante-quinze ans. Elle lui demanda un jour, entre les deux derniers verres d'une bouteille de vin de Tokay:

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--Jamais, charmante, depuis qu'il y a des maisons pour cela.>>

<

--Si vous ?tiez un des deux, madame, je ferais tout ce que vous me commanderiez.

--Vous ?tes au coeur de la question. Je connais une enfant de seize ans, jolie, bien ?lev?e, qui n'a jamais ?t? en pension, un ange! Mais, au fait, je ne vois pas pourquoi je vous ferais des myst?res: c'est ma fille. Elle a pour dot, premi?rement l'h?tel que voici: je n'en parle que pour m?moire; plus une for?t de quatre cents hectares; plus une forge qui marche toute seule et qui rapporte cent cinquante mille francs dans les plus mauvaises ann?es. L?-dessus elle devra me servir une rente de cinquante mille francs, qui, jointe ? quelques petites choses que j'ai, me suffira pour vivre. Nous disons donc: un h?tel, une for?t et cent mille francs de rente.

--C'est fort joli.

--Attendez! Pour des raisons tr?s d?licates et qu'il ne m'est pas permis de divulguer, il faut que ma fille ?pouse un marquis; on ne demande pas d'argent; on sera tr?s coulant sur l'?ge, l'esprit, la figure, et tous les avantages ext?rieurs; ce qu'on veut, c'est un marquis av?r?, de bonne souche, bien apparent?, connu de tout le faubourg, et qui puisse se pr?senter fi?rement partout, avec sa femme et sa famille. Connaissez-vous, monsieur le baron, un marquis que vous aimiez assez pour lui souhaiter une jolie femme et cent mille livres de rente?

--Ma foi! charmante, je n'en trouverais pas deux, mais j'en connais un. Si votre fille l'accepte, elle ?pousera un homme que j'aime comme mon fils. Mais je vous donne beaucoup mieux que vous ne demandez.

--Vrai?

--D'abord, il est jeune: vingt-huit ans.

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