Read Ebook: La terrible et merveilleuse vie de Robert le Diable by Anonymous
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Ebook has 129 lines and 32288 words, and 3 pages
La terrible et mleuse vie de Robe diable Nouvellement Imprimee a Paris.
? par Claude Blihart: Demourant en la Rue a l'enseigne de L'escu de France.
?Cy commence la terrible & merveilleuse vie de Robert le diable/ lequel apr?s fust nomm? l'homme Dieu.
Au commencement de Chascune oeuvre invoque l'ayde de nostre seigneur ainsi que boece de consolation: sans laquelle nulle autre chose ne peult bien estre commencee moyenn? ne terminee: mais pource que nous autres pecheurs ne pouons riens ouyr ne obtenir de dieu que premierement il ne passe par les mains de la vierge Marie/ ainsi que dit monseigneur Sainct Augustin. Et aussi car l'histoire cy apr?s escripte: laquelle j'entens narrer a est? par le merite de la vierge Marie miraculeusement conduicte: ainsi que plus a plain par la Lecteure d'icelle pourrez cognoistre. Afin que a icelle plaise impetrer enver dieu le createur que je pauvre & simple entendement puisse ceste presente histoire decreter & reciter au proffit & salut de ceulx qui icelle liront. Au commencement de ce present traict? je veulx a icelle dame de grace presenter la salutation angelicque que l'ange Gabriel luy presenta du ciel en terre. C'est ave maria priant & supliant a tous ceulx qui d'icy en avant lirons ce present livre qu'ainsi le facent pour mieulx entendre & pour mieulx retenir les grands enseignemens & bons exemples en ce dit livre contenus. Tout homme qui a sens: raison: & entendement s'il cognoist qu'il soit en pech? mortel: de celuy pech? se doit repentir & demander pardon a Dieu ou autrement le diable au lien duquel il est ly? le menera a perpetuelle damnation de laquelle jamais ne sera rachept?/ mais il sera en enfer eternellement tourment? avecques les damnez Et se le pecheur prent cognoissance de son pech? & d'iceluy aye repentance & pardon en la gloire de Paradis ainsi que i a long temps advint a iceluy duquel vous orrez tantost en iceluy livre parler.
?La declaration du nom de Robert le diable.
Il est vray qu'en la cit? de rouen au pays de normandie nasquit un enfant lequel fut nomm? Robert le diable: qui est un nom fort terrible & espouentable: mais la cause pourquoy il fut ainsi nomm? je la vous vueil declarer. En celuy temps y avoit un noble duc en Normandie: vaillant/ sage & chevaleureux doux & aussi courtoys a merveilles: lequel craignoit & aymoit dieu de bon cueur: & si faisoit faire bonne & droicte justice a un chascun: hardy: Preux/ puissant & plaisant a Dieu & au monde/ lequel Duc estoit appell? Hubert de ses beaulx faitz & vaillances en plusieurs cronicques anciennes est faicte mention. Tant avoit de biens & de vertu en luy que a les racompter seroit chose trop longue & quasi impossible. Or advint que un jour de Noel celuy Duc tint court ouverte a Vernon sur seine: a laquelle vindrent tous les nobles Barons & chevaliers de la duch? de normandie. Et pource que le duc Hubert n'estoit point encores mari? les nobles barons du pays qui la estoient luy prierent que ce fut son plaisir de se marier a fin qu'il augmentast sa lignee: & aussi qu'il eust successeur apr?s luy. Ausquelz barons le duc voulant obtemperer a leurs prieres respondit & dit que ce qu'il leur plaisoit il feroit mais tant y a qu'il ne pouoit trouver femme ce que a luy apartient car de prendre femme de plus hault lieu que je ne suis a moy n'apartient & aussi de moy abaisser je feroye honte a tout mon lignage/ parquoy me semble soubz vostre correction qu'il vault mieulx demourer ainsi que faire chose que a moy n'apartienne/ de laquelle chose me porrois repentir lesquelles choses ouyes par les barons qui la estoient le plus ancien se leva & dist. Seigneur Duc vous avez parl? sagement: mais se vous me voulez croire je vous diray chose dont serez joyeux. Parlez dit le Duc. Sire dit le baron: le Duc de Bourgongne a une belle fille: sage/ honneste & benigne: qui est chose informee a vostre estat & au moyen de ce pourrez acroistre vostre honneur & puissance: & si aurez alliance a plusieurs haulx & puissans hommes se vostre plaisir estoit de la faire demander: je suis seur que vous l'auriez voluntiers & ne vous la reffusera len point. Adonc respondit le duc que cela luy plaisoit bien & que c'estoit sagement parl? au baron. Adonc sans plus attendre le duc fist demander la damoyselle/ laquelle par le duc de Bourgongne son pere luy fut octroyee/ & furent faictes les nopces triumphantes.
?Comme apr?s que le Duc de Normandie eut espous? la fille du duc de Bourgongne l'emmena triumphamment a rouen.
Apr?s que le duc eust espous? la damoyselle/ il l'emmena en la cit? de Rouen acompagnee de plusieurs Barons & chevaliers/ Dames & Damoyselles. Tant du pays de Bourgongne que d'ailleurs: en laquelle cit? de rouen fut receue a tresgrand triumphe & magnificence/ & fust faicte chere plantureuse entre Bourguignons & Normans qui la estoyent/ desquelles choses a cause de briefvet? et me tais: pour plustost venir au principal de ma matiere.
Le Duc & la duchesse vesquirent long temps ensemble/ sans pouoir engendrer enfant jusques a dixsept ans par leur faulte/ pour ce qu'il ne plaisoit pas a dieu estre fait car aucunesfois c'est grand profit a L'homme et a la femme/ de non avoir enfant. Et seroit plus profitable aux peres et aux meres/ de n'avoir jamais engendrez ne conceu: que par faulte de doctrine et enseignement de Parens enfans estre damnez. Pourquoy je dy que L'homme ne doibt demander a Dieu sinon ce qu'il luy plaist & qui est necessaire au proffit de l'ame. Comme le Duc et la Duchesse feussent gens devotz craignans et aymans Dieu: souventesfoys en oraison confessez et repentans de leurs pechez: grands ausmoniers et faisant grand secours a pauvres gens/ doulx humains & begnins au monde & tant misericordieux & tant charitables aux pauvres: que c'estoit chose merveilleuse/ tant que tous biens et toutes vertus en eulx habonderent Quand il advenoit que le Duc vouloit habiter avec la duchesse sa femme/ il faisoit priere a Dieu: qu'il luy pleust donner & envoyer lignee & enfans: par lesquelz Dieu peust estre servy & honnor?/ & aussi pour prendre plaisir & soulas. Mais pour oraison ne pour prieres que ilz sceussent faire ne pouoient avoir nulz enfans.
?Comme le Duc en venant de l'esbat se complaignoit a la duchesse de ce qu'ilz ne pouoient avoir enfant.
Advint un jour que le Duc & la Duchesse venoient de l'esbat. Le Duc luy dit Dame/ il nous va mal: car nous ne pouons avoir nulz enfans. Celuy qui nous assembla fist grand pech?. et si a un autre fussiez donnee/ je croy que eussiez portez enfans: & aussi se j'eusse eu une autre femme/ je croy que j'eusse engendr? enfans: comme je puis bien faire: que je suis mal fortun?. Mais non pourtant si n'auray je jour de ma vie charnelle compagnie de femme que de vous je vous asseure. Et quand la duchesse eut ouy ce que le duc avoit dit elle dit Sire Duc il nous fault prendre en gr? puis qu'il plaist a Dieu: et avoir patience en toutes choses.
?Comme Robert le diable fut engendr?. Et comme sa mere le donna au diable a son concepvement.
Advint un jour que le duc alla a la chasse: courrouc? & quasi comme enrag? de dueil/ & a soy mesmes se complaignoit et disoit je voys plusieurs notables Dames lesquelles ont plusieurs beaux enfans auquelz elles prengnent plaisir & soulas: je cognois bien maintenant que dieu me hayt: A quoy tient il que je ne le regnie & toute sa puissance: car trop me fait le cueur dolent cest que je ne puis nul enfant avoir. Le duc fist une grande folie de dire telles parolles/ car jamais ne dit parolle dequoy tant se repentist ne qui si cher luy coutast/ car le diable qui est tousjours prest a decepvoir le genre humain tempta le duc & luy troubla l'entendement tellement que quand il fut retourn? en son palays il trouva la duchesse laquelle semblablement estoit courroucee/ & lors l'acolla et baisa/ et du surplus je n'en dis rien/ mais lors le duc fist sa priere a Dieu que a celle heure luy pleust qu'il engendrast un enfant duquel il fust honor? & servy & qu'il donnast grace qu'il luy pleust faire chose qui a dieu fust agreable & qu'il fust a son service. Adonc la dame qui estoit courroucee dit/ mais soit au diable puis que dieu n'y a puissance: car ce je con?oy aujourd'huy enfant au diable soit il donn? et de cy & desja luy donne de bonne volunt?. Or advint que sur ce point le duc qui du diable fut tempt? engendra un enfant lequel fist plusieurs maulx en sa vie: & destruisit maintes gens ainsi que verrez cy apr?s/ car il estoit enclin a tous vices maulx & delitz: mais toutesfois a la fin il se corrigea & convertit si qu'il paya amende salutaire de ses forfaitz a Dieu/ et a la fin il fut sauv? comme dit L'escripture.
?Comme robert le diable fut n? et de la grand douleur que sa mere eut a l'enfantement.
La Duchesse comme dit est devant grosse de l'enfant Robert & le porta son Terme ainsi que femmes ont a coustume de porter leurs enfans combien qu'elle l'eust ja donn? au diable/ et est a s?avoir que la duchesse en grand angoisse peine et douleur enfante son enfant: car a la peine de l'enfantement demoura l'espace d'un moys ou plus/ et se n'eust est? les bonnes prieres/ jeusnes/ aumosnes que faisoit chascun jour le duc pour la piti? de la duchesse a laquelle il veoit tant de travail endurer/ la Duchesse ne fut point delivree de son enfant ainsi que len tient estre vray/ ains a l'enfantement fut comme morte. Plusieurs haultes Dames et Damoyselles lesquelles a l'enfantement de la Duchesse que estoient esbahies de la peine qu'elles veoient souffrir et endurer a la duchesse/ car elles cuidoient bien qu'elle fust au dernier de ses jours.
?Des terribles signes qui furent ouys et veuz au naissement de Robert le diable.
Et quand l'enfant duquel je parle fut n? il estoit de horrible stature et lors sourdit une nuee/ ainsi que dient les cronicques si obscure qu'il sembloit qu'il deust venir nuict et commen?a a tonner et esclairer tellement que il sembloit que le ciel fust ouvert & le feu parmy la maison. Les quatre vens aussi furent mis sus par telle maniere que la maison trembloit si fort que une partie tomba par terre. Les seigneurs dames et Damoiselles qui la estoient pensoient bien alors prendre fin veu les terribles tempestes & vens que lors couroient. Ainsi que Dieu voulut le temps s'apaisa & fut serain et doulx: adonc on porta baptiser l'enfant qui fut nomm? Robert/ car chascun qui l'enfant veoit s'esmerveilloit de ce que il estoit si grand & si bien fourny: car a le veoir on eust jur? qu'il eust eu un an antier il estoit nourry quasi a demy et en portant & raportant ledit enfant a l'eglise il ne cessoit de plorer & tantost les dentz luy saillirent desquelles il mordoit les nourrices qui l'alaictoient tellement que nulle femme ne le vouloit plus alaicter/ et fut force que on luy baillast a boire par un Bubert qu'on luy mettoit en la bouche/ et avant qu'il eust un an antier il alloit & parloit aussi bien que font les autres enfans a cinq ans: tant plus croissoit: tant plus se delectoit a mal faire: car depuis qu'il sceut aller tout seul il n'estoit homme ne femme quil le peust tenir. Et quand il trouvoit les autres petis enfans il les batoit et frapoit et leur jettoit pierres et frapoit de gros bastons et quelque part qu'il fust il ne cessoit de mal faire. Il commen?a bien jeune a mener mauvaise vie: il rompoit les bras a l'un les jambes a l'autre. Les Barons qui ce veoient desoient que ce estoit jeu: et prenoient plaisir a ce que l'enfant faisoit: dont puis apr?s en furent courroucez.
?Comme les enfans tous d'un commun accord le nommerent Robert le diable.
Puis peu de temps l'enfant devint grand en corsage et aussi en tresmauvais et despiteux courage: lon dit communement que mauvaise Herbe croist: plus voluntiers que la bonne: Tousjours alloit parmy les Rues heurtant l'un et frappant l'autre: et pareillement tout ce qu'il rencontroit comme s'il fust enrag? ou hors du sens: nul ne s'osoit trouver devant luy: aucunesfois les enfans s'assembloient tous ensemble contre luy et le batoient: et quand ilz le veoient venir les uns disoient. Voyez cy venir robert le diable et s'enfuyoient devant luy ainsi que le diable fait devant l'eaue beniste. Et pource que il estoit mauvais les enfans qui avec luy conversoient le nommoient tous d'un accord robert le diable & tellement fut divulgu? par tout le Pays que depuis ce nom ne luy fut mu? ne jamais ne sera tant que le monde durera. Quand l'enfant eut environ six a sept ans/ le duc voyant les manieres de son filz l'appella et luy dit. Mon filz il est temps que tu ayes maistre pour t'aprendre & instruire/ et pour te mener a l'escolle: car tu es ja assez grand pour aprendre tous honneur et pour suivre bonne meurs et aprendre a lyre et a escripre/ et de fait le duc luy bailla un maistre a fin que par luy fust nourry et gouvern?.
?Comme Robert le diable tua son maistre.
Nous trouvons que le maistre voulut corriger robert pour le retraire des maux que il faisoit: mais Robert tira son cousteau duquel il frapa son maistre tel coup par le ventre que il luy fist yssir les boyaux tellement qu'il en mourut: puis dit Robert a son maistre en luy jettant son livre par despit. Voila vostre science jamais prebstre ne clerc ne sera mon maistre/ je le vous ay bien fait a cognoistre: & onc depuis ne fut maistre si hardy qui osast entreprendre de l'instruire & chastier: mais il fut force de le laisser tel que il estoit/ a tout mal faire se deduisoit & de bien faire ne luy chaloit il desprisoit Dieu et nostre mere saincte eglise/ en luy n'avoit raison ne mesure: et estoit enclin a tous vice/ car quand il alloit a l'eglise & il veoit que les prebstres et clercz vouloient chanter il avoit des cendres/ pouldres et autres ordures que il jectoit en leur bouche par grand trahison et derision de Dieu: il s'appliquoit a tout mal faire/ quand il veoit aucun a l'eglise Dieu prier il le frapoit par derriere/ chascun le maudissoit pour les horribles maulx qu'il faisoit/ & le duc voyant son filz estre mauvais & si mal morigin? il en estoit si courrouc? qu'il eust voulu qu'il eust est? mort: et la Duchesse aussi en estoit si angoisseuse que c'estoit merveilles/ et un jour elle dit au duc/ l'enfant a ja beaucoup de temps et est grand et bien fourny/ il me semble qu'il seroit bon de le faire chevalier et par ainsi il pourra changer ses conditions. Le Duc dit a la duchesse qu'il en estoit content: & si n'avoit Robert que dixsept ans.
?Comme Robert le diable fut fait chevalier.
A une feste de Penchecouste le duc voulant assembler plusieurs de ses barons & principaulx amys a la presence de ses barons. Adonc il appella robert et luy dit apr?s qu'il eust ouy l'opinion des assistans. Robert mon filz entendez ce que je vous vueil dire: par conseil de noz bons amys je suis deliber? de vous faire chevalier a fin que d'icy en avant vous frequentez les autres Chevaliers preudhommes/ et que changez conditions et ayez meilleures manieres que par avant qui sont desplaisantes au monde/ ains serez doulx courtois: humain: humble et begnin ainsi que les autres chevaliers: car honneur change meurs Lors Robert respondit a son pere/ je feray ce qu'il vous plaira mais quand est a moy il ne me chault que je soye/ car soit hault ou bas je suis deliber? de faire ce que mon courage pense & ainsi que mon plaisir me conduira: et je ne suis pas deliber? de mieux faire que le temps pass?/ je suis dit robert la moyti? trop sage: d'estre chevalier ne me chault. La veille de la Penthecouste fut bien veillee/ mais celle nuit Robert le diable ne cessa de frapper l'un & heurter l'autre. Robert ne pouoit demourer en un lieu/ car il ne se soucioit gueres de prier dieu: le lendemain fut le jour de Penthecouste Robert fut fait chevalier. Le duc fist crier unes joustes ausquelles fut Robert et si ne craignoit homme tant fust preux et hardy il assailloit un chascun qui la estoit: Les joustes commencerent et eussiez veu chevaliers tomber par terre: car Robert le Diable qui estoit plain de cruault? n'espargnoit homme/ tous ceulx qui devant luy estoient il faisoit tresbucher du cheval a terre. A l'un rompit la cuisse: a l'autre le col. Il attendoit tout homme qui contre luy vouloit jouster: mais nul ne eschappoit de ses mains qu'il n'emportast sa merque aux rains: ou aux cuisses/ tous estoient navrez quelque par que ce fust/ Robert rompit & gasta dix chevaulx aux joustes: les nouvelles en furent aportees au duc qui en fut marry. Et quand il eust sceu comme robert s'estoit gouvern? aux joustes il alla celle part et voulut faire cesser les joustes/ mais robert qui sembloit estre enrag? ne voulut obeir au Duc son pere et commen?a a fraper d'un cost? & d'autre et abatre chevaulx et chevalier tellement que ce jour il occist trois des plus vaillans chevaliers qui fussent la/ tous ceulx qui la estoient crioient a Robert qu'il cessast: Mais c'estoit pour neant: car il n'en vouloit rien faire: nul ne s'osoit trouver devant luy/ et pource qu'il estoit si inhumain chascun le hayoit et on luy disoit. Pour dieu Robert laissez la jouste/ car vostre Pere a fait crier que chascun cesse pource que maint preudhomme y a perdu la vie dont il est courrouc?/ Mais robert qui estoit eschauff? & quasi hors du sens/ ne tenoit compte de chose qu'on luy dit/ ains de pis en pis navroit & tuoit ceulx qu'il rencontroit. Tant fist Robert que le peuple qui la estoit s'esmeut/ et tout esmeut vint vers le Duc disant. Seigneur duc c'est grant folie de souffrir a vostre filz Robert de faire ce que il fait/ Pour dieu mettez y remede.
?Comme Robert s'en alla au pays de Normandie robant & pillant tout le pays/ for?ant et destruisant femmes et violant pauvres filles pucelles.
Quand robert vit que il n'y avoit plus personne aux joustes/ il partit de la & alla a son adventure par le pays & commen?a a faire grans maulx plus que jamais n'avoit fait: car il effor?a femmes & viola pucelles sans nombre: il tua tant de gens que ce fut piti? et n'y avoit homme en Normandie que par robert ne fust desrob? et outrag?/ mesmement il pilloit les eglises & si leur faisoit guerre: et n'y avoit abaye autour le pays de Normandie que Robert ne fist pillier les nouvelles des faitz de robert furent racomptez au Duc/ et tous ceulx qu'il avoit batus et destruis se venoient plaindre au duc & luy comptoient les meffaitz que Robert faisoit par le pays de Normandie/ l'un disoit/ monseigneur vostre filz robert a efforc? ma femme/ l'autre disoit il a viol? ma fille/ et l'autre disoit il m'a desrob? et pill?/ et l'autre disoit il m'a batu et navr?/ or estoit piteuse chose a ouyr compter les maulx que faisoit Robert. Le duc qui oyoit dire ces choses de son filz robert/ de grand dueil qu'il avoit en son cueur se print a plorer & dit/ beau sire Dieu de Paradis j'ay eu si grand joye & estoit tout mon plaisir d'avoir un filz pource que j'esperois en avoir grand soulas et joye. Or j'en ay un lequel me fait tant de douleur et de tristesse que je ne s?ay que je dois faire.
?Comme le duc de Normandie envoya gens pour prendre son filz Robert: ausquelz Robert creva les yeulx.
Il y avoit un chevalier qui estoit la & voyant le duc en si grand douleur il dit: Monseigneur je vous conseille que mandez Robert et le faictes venir devant vous et en la presence de toute vostre cour & luy deffendez qu'il ne face mal a personne ou autrement vous luy direz que le ferez emprisonner & si ferez faire de luy justice. A ce s'acorda le Duc et dit que le chevalier avoit bien parl?: et incontinent envoya gens par le pays chercher Robert et leur commanda que il fust amen? devant luy robert qui estoit par le pays sceut les nouvelles que le peuple s'estoit plaint a son pere et avoit command? qui fust prins et men? vers luy et tous ceulx que robert rencontroit: et mesmement aux messagers du duc il leur crevoit les yeulx par despit de son pere qui les avoit la envoyez Et quand il les avoit ainsi fait aveugles il leur disoit par grand mocquerie: Galans vous en dormirez mieulx allez et dictes a mon pere que je ne le prise guere et que par despit de luy et de ce qu'il m'a mand? je vous ay les yeulx crevez & ainsi le devez croire par quoy Robert estoit hay de Dieu et du monde. La vie et fame de luy estoit divulguee par tout le monde. Les messagers qui par le duc avoient est? envoyez querir Robert retournerent plorant devant le duc & luy dirent Voyez seigneur duc comme vostre filz nous a aveuglez et mal atournez. Le duc fut courrouc? des nouvelles qu'il ouyt par ses messagers & commen?a a penser qu'il pourroit faire: & comme il en pourroit chevir.
?Comme le Duc de Normandie fist faire un commandement par tout son pays que robert fust prins et mis en prison luy et ses compagnons.
Lors un de son conseil se leva et dit au Duc: Seigneur ne pensez plus a cecy/ car je vous asseure que veu la rebellion de robert et de ce qu'il a fait aux pauvres messagers jamais ne reviendra vers vous: Mais est necessaire de le pugnir des maulx et homicides lesquelz il a faitz et perpetrez et ainsi le trouvons nous aux loix et droitz escriptz ainsi raison le veult et le doit faire. Le Duc estoit sage si voulut user de son conseil: & incontinent envoya par toutes les ville de sa duch? crier et publier & faire expr?s commandemens de par luy a tous sergens justiciers & officiers qu'ilz fissent diligence de prendre robert et iceluy prins le garder & enfermer & tout ceulz qui estoient avec luy & qui a mal faire luy tenoient compagnie. Cest edit fait & publi? par le duc: Ledit edit vint tantost a la cognoissance de Robert & quand il le sceut a peu qu'il n'enragea de dueil & peu s'en faillit que il ne yssit hors du sens et aussi semblablement les meurtriers lesquelz estoient en la compagnie de Robert furent espouentez et de la criee que le Duc avoit faicte eurent grand paour: Robert quasi enrag? & hors du sens estraignoit les dentz et jura qu'il feroit guerre a son pere et qu'il destruiroit son lignage: car le diable enhortoit Robert a ce faire.
?Comme robert le diable fist faire une maison en un grand boys tenebreux et obscur & la fist des maulx sans nombre.
Apr?s ces choses dessusdictes ouyes par Robert/ il fist faire une maison forte en un boys en un lieu tenebreux et la alla robert faire sa demourance/ et estoit le lieu quasi inhabitable/ merveilleux/ espouentable/ estrange & hideux et avec ce le plus perilleux que lon s?auroit penser ne dire: robert fist assembler avec luy tous les plus mauvais garsons du pays et iceulx retint pour le servir et acompagner: car il y avoit gens mauvais de terribles & diverses sortes/ comme larrons/ meurdriers: escorcheurs/ gens pervers et maulditz/ agresseurs de chemins: Brigans de boys/ et gens bannis et excommuniez et gens du diable toute mauvaise garsonnaille/ desirans de mal faire/ gens felons et orgueilleux & les plus terribles de dessoubz les cieulx/ et de telz gens fist robert grand assemblee et d'eux estoit capitaine robert. En ce boys fist Robert le diable luy et ses compagnons des maulx innumerables & sans nombre: ilz coupoient gorges et destruisoient marchans: nul ne s'en osoit aller sur les chaus pour la crainte de Robert le diable et de ses compagnons. Chascun en avoit paour: tout le pays estoit par eulx robb? et pill? ne nul n'osoit saillir de son hostel que il ne fust prins et ravy de robert et de ses compagnons. Pauvres pelerint qui passoient par le pays estoient prins et meurtris par robert et ses gens. Chascun craignoit et doubtoit robert et ceux de sa compagnie: ainsi que les brebis craignent les loups car a la verit? dire c'estoient loups ravissans & devorans tout ce qu'il pouoient autaindre & rencontrer on s'esbahissoit comme dieu seuffroit telles choses estre faicte. La mena robert mauvaise vie avec ses compagnons: a toute heure il vouloit menger & gourmander ne jamais ne jeusna jeusne Tant fust grande vigile ne la quarantaine ne les quatre temps: Tous les jours mengeoit chair aussi tost le vendredy que le dimenche: mais apr?s qu'il eut luy et ses gens fait plusieurs maulx il souffrit beaucoup de peine en ce monde ainsi que verrez cy apr?s.
?Comme Robert le diable tua sept hermites qu'il rencontra dedans le boys.
Du temps que Robert le diable estoit en ce boys avec ces meurdriers et pilleurs d'esglises/ pires que loups ravissans/ Il ne craignoit Dieu ne sa doulce mere en mal il n'y avoit son pareil au monde car il ne avoit singulier reffuge a sainct ny a saincte: il ne craignoit ne dieu ne diable: sathan ne lucifer ne autre. Un jour robert qui estoit entalent? de mal faire s'en alla tout seul dehors son hostel pour chercher quelque malle adventure ou aucun a qui il peust mal faire ainsi qu'il avoit acoustum? de faire. Et d'aventure il rencontra au meilleu du Boys sept Hermites: et incontinent se tira vers eulx comme un homme enrag? desgaina son Espee et occist les sept hermites qui estoient gens devotz sainctz et de bonne vie et fors et puissans pour eulx revencher contre Robert Mais ilz ne luy voulurent faire resistence: & souffrirent pour l'honneur de dieu ce qu'il leur voulut faire et quand il les eust occis tous sept: il dit en se mocquant des Hermites qui estoient mors: j'ay cy trouv? une belle nichee laquelle j'ay mise ou elle devoit venir: Galans dit Robert vostre vie est finee. La fist Robert grand meurdre par despit de dieu & de la saincte eglise: Robert vouloit mettre en sa subjection tout le monde & apr?s qu'il eust fait ce bel ouvrage il saillist de la forest comme un diable forcen? et pis que un homme enrag? tous ses habillemens estoient rouges de sang de ceulx qu'il avoit occis. En cest estat chevauchoit Robert par les champs ensanglant?: mains: piedz & visage.
?Comme Robert le diable s'en alla au chasteau D'arques devers sa mere la Duchesse: laquelle estoit la venue disner.
Tant chevaucha Robert que il fust aupr?s du Chasteau d'arques: mais en son chemin rencontra un berger lequel luy dit que la duchesse sa mere celuy jour devoit venir disner au chasteau par quoy robert se tira celle part mais quand il aprocha du chasteau vous eussiez veu fuyr hommes: femmes & petis enfans ainsi que les brebis font devant le Loup les uns s'enfermoient dedans leur maisons: & les autres en L'eglise se reculoient: Robert voyant que chascun s'enfuyoit ainsi devant luy commen?a a penser en luy mesme et dit tout en plorant. Beau sire dieu de Paradis a quoy tient il que chascun s'enfuyt en telle maniere de devant moy. Or suis je bien malheureux & le plus fortun? que homme du monde/ il semble que je soye un Juif ou un ladre. Helas dit robert le diable je congnois bien que je suis des mauvais le pire. Or doy je bien mauldire ma vie: car je croy bien que je suis hay de Dieu/ et du monde/ en ce penser & douleur vint Robert jusques a la porte du chasteau & la descendit de dessus son cheval: mais il n'y avoit homme qui de luy osast approcher pour prendre son cheval. Si le laissa a la porte du chasteau: & puis desgayna son Espee laquelle estoit toute ensanglantee/ & s'en alla a la salle ou estoit sa mere. Quand la duchesse vit robert son filz duquel elle s?avoit la cruault? fust toute effroyee & s'en voulut fuyr Lors Robert le diable qui ja avoit veu comme les gens s'en estoient fuys devant luy il en eut si grand douleur qu'il s'escria effroyement a sa mere. Madame pour Dieu ayez mercy de moy: & ne vous bougez jusques a ce que j'aye parl? a vous. Lors s'approcha Robert de la Duchesse & luy dit en ceste maniere: Madame je vous supplye humblement qu'il vous plaise me dire a quoy il tient que je suis si cruel: car il fault que cela procede de vous ou de mon pere/ pourtant je vous prie que m'en dictes la verit?.
?Comme la Duchesse mere de Robert luy requist que il luy coupast la teste/ & puis luy compta comme elle l'avoit donn? au diable.
Moult fut la duchesse esbahye d'ouyr ainsi parler Robert le diable & elle cognoissant son cas se jecta aux piedz de son filz & luy dit en plorant. Mon filz je vueil d'icy & desja que vous me coupez la teste & que vous m'ostez la vie. La Duchesse mere de Robert disant cela pour la piti? qu'elle avoit de son enfant pource qu'elle s?avoit bien que c'estoit par elle que Robert estoit si mauvais pour les parolles qu'elle dit a sa conception. Robert dit a sa mere tout triste: Helas Madame pourquoy vous occiroys je moy qui tant ay fait de maulx: encores feroys je pis que jamais ne fis: pour nulle chose je ne le ferois. La duchesse luy recita de point en point/ comme ce luy estoit advenu: & comme premier qui fust engendr? elle l'avoit donn? au diable en soy blasmant & vituperans d'avoir commis si grand meschef & se reputoit estre la plus malheureuse/ que jamais fut sur terre & peu s'en faillit qu'elle ne fut toute desesperee. Quand Robert eut entendu ce que sa mere luy avoit dit/ de la grand douleur qu'il eust au cueur en tomba a terre tresvanouy: & fut une grand piece sans ce celer: & en plorant dit/ les diables ont grand envie d'avoir mon corps et mon ame/ mais d'icy en avant je vueil delaisser a mal faire & renoncer a toutes les oeuvres du diable. Puis dit a sa mere en plorant laquelle il veoit en si grand douleur: ma treshonnoree dame & mere je vous supplye humblement que soit vostre plaisir me recommander a monseigneur le duc mon pere: car je m'en vueil aller a Rome pour me confesser des Pechez que j'ay faictz ne jamais ne dormiray a mon ayse jusques a ce que j'aye est? a Rome. Mon pere m'a fait bannir de son pays: & tousjours m'a men? grand guerre: mais de cela ne m'en chault: car je ne vueil jamais assembler richesses ne autres biens: je suis deliber? du tout a faire le sauvement de mon ame & a cela d'icy en avant vueil employer mon temps & mon entendement.
?Comme Robert print cong? de sa mere: laquelle demena grand dueil de sa departie.
Tost apr?s Robert monta a Cheval & retourna vers ses gens: lesquelz il avoit layssez en la Forest: & la Duchesse demoura en son hostel faisant grand Dueil/ pour l'amour de Robert qui d'eulx avoit prins cong?. Souventesfoys elle s'escrioit. Lasse dolente que feray je: mon filz Robert n'a pas tort s'il n'a cure de moy. Car bien me doit hayr & mal vouloir/ qui suis cause de tant de maulx que il a faictz. Ainsi que la Duchesse demenoit ce dueil/ le Duc arriva: & quand la Duchesse le vit elle luy compta ce que Robert avoit faict: & le Duc luy demanda se Robert se repentoit point du mal qu'il avoit fait: ouy dit la duchesse le Duc souspira fort & dit. Helas c'est pour neant ce que Robert fait. Car il ne s?auroit jamais restaurer les dommages qu'il a fais par le pays & toutesfoys je prie a Dieu qu'il le vueille conduire en telle fa?on que il puisse venir a bonne fin: car je ne croy pas que jamais il puisse retourner s'il est en chemin d'aller a Rome qu'il ne meure si dieu n'a piti? de luy
Depuis que Robert fust party D'arques d'avec sa mere Chevaucha tant par ses journees: qu'il arriva dedans le boys ou avoit laiss? ses compagnons lesquelz disnoient. Et quand ilz virent Robert tous ensemble se leverent pour luy faire honneur et reverence. Adonc Robert leur commen?a a remonstrer leur vie perverse & mauvaise en les voulant Corriger des maulx qu'ilz avoient faitz & leur dit. Pour l'honneur de Dieu compaignons entendez ce que je vous diray: vous s?avez la delectable vie que nous avons men? le temps pass? pour noz corps & noz ames vous s?avez quantes eglises nous avons ravies & destruictes/ et quantz marchantz destroussez & mis a mort/ quantz gens d'eglises & autres vaillans hommes par nous ont est? mis a mort: desquelz le nombre est infiny. Parquoy nous sommes tous en danger de estre damnez se dieu n'a piti? de nous/ parquoy je vous suplye pour l'amour de dieu que soit vostre plaisir de laisser ce dangereux train Et que d'icy en avant entendons a bien faire & a faire penitence de tous les pechez que vous avez commis/ car quand est a moy je suis deliber? de m'en aller a rome pour mes pechez confesser: esperant obtenir grace et pardon: et la je feray penitence salutaire ainsi qu'il me sera enjoint. Alors l'un des larrons se leva comme enrag? et hors du sens & va dire par grand mocquerie a ses compagnons. Advisez le regnard il deviendra un Hermite. Robert se mocque bien de nous qui est nostre capitaine & nostre maistre & est celuy qui fait pis que nous autres: & qui nous a monstr? le train: que vous en semble/ cecy durera il en ceste fa?on. Seigneurs dit Robert je vous prie que vous laissez ces choses & entendez au sauvement de voz ames & de voz corps/ et demandez pardon & misericorde a dieu tout puissant & il aura piti? de vous & si vous fera grace: ce seroit une grande erreur a vous de demourer tousjours en tel estat: & pourtant employez voz oeuvres a dieu servir et honorer. Quand Robert eut ce dit l'un des larrons luy dit. Notre maistre laissez toutes ces choses: car vous parlez pour neant: car moy ne mes compagnons pour rien que vous puissiez dire ne faire nous n'en ferons autre chose soyez en seur: & nous donnissiez vous deux cens mille mars tout d'or fin/ telle est nostre destinee & intention a cela sommes nous obstinez. Ne nous ne s?aurions jamais demourer en paix ne nous retraire de mal faire tant a cela nous sommes abandonnez et acoustum? quoy qu'il en doive advenir. Tous les autres qui la estoient dirent tous d'un commun accord: il dit vray: car pour vie ne pour mort nous ne nous tiendrons point de mal faire & occire tous les contredisans: & si dirent encores plus outre s'ilz ont est? le temps pass? bien mauvais et divers encores seront ilz pires le temps advenir. Il est conclud entre nous autres que de mal faire ne laisserons jamais jour de nostre vie car c'est nostre plaisir et volunt?.
?Comme Robert assomma tous ses compagnons.
Or quand Robert eut entendu ce que les larrons luy dirent: il en fut courrouc? & s'advisa que ce ses ribaulx pilleurs demouroient en telle opinion qu'ilz feroient encores beaucoup de mal/ si se tira vers la porte & la ferma: puis print une grosse massue dequoy il frappa un des ribaulx tel coup qu'il tomba par terre/ & tellement exploicta Robert sur ces Larrons que l'un apr?s l'autre les assomma. Quand Robert eut ainsi atourn? ces galans il dit en luy mesme: Galans je vous ay bien guerdonnez de tel service tel loyer. Pour ce que m'avez bien servis je vous ay bien payez selon voz dessertes: car qui bon maistre sert bon loyer en atend. Or a la fait Robert un tel exploit/ & pour achever son chef d'oeuvre il pensa qu'il mettroit le feu en la maison: & n'eust est? qu'il y avoit tant de biens lesquelz par le feu se fussent gastez & jamais n'eussent proffit? robert eust brusl? la maison/ mais il pensa en luy mesmes que ce seroit grand dommage que tant de biens perissent tout en un coup/ mais cela ne voulut pas faire: ains ferma la maison & print la clef & avec luy l'emporta.
?Comme Robert envoya la clef de sa maison a son pere le duc de Normandie.
Puis quand robert cest ce fait il fist le signe de la Croix & puis se print a chevaucher parmy la Forest/ & puis il print son chemin a Rome: ce jour chevaucha tant Robert que la nuyct le print/ il avoit grand fain & si ne s?avoit ou il debvoit souper. Tant fist Robert que il approcha d'une Abbaye laquelle avoit en son temps haye/ & l'avoit plusieurs fois pillee/ & toutesfois un sien parent en estoit abb?: & les moynes hayoient Robert a mort autant que le triacle faict le venim. Robert fist tant qu'il arriva en l'abbaye triste & entra leans sans dire mot a personne. Et quand les moynes le virent si en furent esbahys & espouentez & se mirent a fouyr devant luy en disant. Voyez cy venir robert hors du sens/ quel diable l'a icy amen?. Adonc renouvellerent les douleurs de Robert & dict a luy mesmes en souspirant en son cueur: bien dois hayr ma vie: car chascun me hayt & me fuyt & deboute: j'ay bien mal us? ma vie & pass? mon temps. Robert s'en alla tout droit descendre devant la grand porte de l'eglise de l'abbaye: & la fist son oraison a dieu en ceste maniere: mon Dieu mon createur je te suplye que ayes piti? et mercy de moy/ et me vueillez garder de peril & de danger: puis retourna sa parolle vers la table des religieux/ & doulcement parla a eulx tant que l'abb? & les religieux vindrent vers luy ausquelz Robert dit. Messeigneurs j'ay grand tort de vous & de vostre eglise: & s?ay bien que je vous ay fais plusieurs maulx desquelz je vous requiers pardon: & vous supplie que ayez de moy compassion. En disant ces parolles Robert estoit a genoulx devant l'abb? & les religieux. Quand Robert eust ainsi parl? en general/ il dit a l'abb?. Je vous prie de me recommander a mon pere et que luy baillez ceste clef qui est de la maison ou je me tenois moy & mes compagnons lesquelz j'ay tous occis: en celle maison sont tous mes tresors/ lesquelz j'ay a plusieurs desrobez tant ceans que ailleurs dequoy j'ay grand douleur & grande desplaisance a mon cueur. Si vous requiers pardon/ & supplie que tous les biens qui sont en ceste maison qu'ilz soient rendus a ceulx a qui il apartiennent. Robert demoura celle nuict en ceste abaye & le lendemain se departit & laissa son espee de laquelle il avoit fait tant de maulx/ & aussi son cheval & a piedz se mist a chemin pour aller a Rome. Celuy jour l'abb? s'en alla devers le duc & luy porta la clef laquelle Robert luy avoit baillee & luy compta la vie de son filz. Le duc fist rendre aux pauvres gens leurs biens/ & a chascun ce qu'il luy appartenoit: icy laisserons a parler du duc & de l'abb?: & retournerons a Robert qui s'en alla a Rome a grand humilit? & devotion.
?Comme robert s'en alla a Rome pour avoir de ses pechez pardon.
Robert s'en alla tout seul a Rome Dieu le vueille conduire & luy doint grace de parvenir a son propos/ si chemina tant robert par ses journees qu'il arriva a Rome au jour du jeudy sainct la veille du grand vendredy/ il arriva a bon jour pour soy confesser & mettre en bon estat. Je vous prie que etendez ce que apr?s s'ensuyt: & vous orrez merveilles de l'extreme penitence que fist robert ainsi que il pleut au saint pere luy enjoindre pour ses pechez et meffaictz: desquelz il avoit grand contriction et repentance. Robert fist tant que il alla jusques a Rome & changea tout son courage/ tellement qu'il fut preudhomme: & pour la grand bont? qui en luy fut L'empereur de Rome qui pour lors estoit luy donna sa fille a femme & l'emmena Robert: a grand honneur et triumphe de Rome jusques en Normandie/ mais premier il fist penitence l'espace de sept ans comme cy apr?s orez.
?Comme Robert vint a Rome.
Quand Robert fust arriv? a Rome comme dessus est dict le jeudy absolu/ le Pape qui est vicaire de Dieu en terre/ estoit en l'eglise de sainct Pierre & la faisoit le divin service ainsi qu'il est accoustum? de faire. Robert s'effor?oit de aprocher pres du Pape/ mais les ministres du Pape estoient courroucez de ce que robert se vouloit aprocher du pape. et aucuns qui le veoient frapoient sur luy. Mais tant plus frapoient robert tant plus s'avan?oit et fist tant que il vint ou estoit le pape & se jetta a ses pieds en disant. Pere sainct ayez piti? de moy. Ces motz dit Robert par plusieurs fois/ ceux qui estoient pres du pape estoient marris de ce que Robert faisoit si grand bruit & le vouloient oster mais le sainct Pere vayant l'ardent desir de Robert il en eut piti? et dit a ses gens. Laissez le/ car a ce que je puis cognoistre de luy il a grand devotion & commanda le Pape faire silence a fin que il peust mieulx entendre ce que robert vouloit dire. Lors Robert parla au pape et dit. Pere sainct je suis le plus grand pecheur & le pire du monde. Le pape print robert par la main & le fist lever puis luy demanda. Mon amy que veux tu dire: et pourquoy crie tu ainsi. Ha pere sainct dit robert je vous supplye de moy ouyr en confession: car ce je n'ay absolution de vous des pechez que j'ay faictz je seray dampn? ainsi que on m'a dit/ et si ay grand paour que le Diable ne m'emporte: veu les terribles et enormes pechez desquelz suis renpli plus que nul qui soit sur la terre et pource que estes celuy ainsi qu'on dit qui avez la puissance de donner confort a ceulx qui en ont besoing: je vous supplye en l'honneur de la passion de Dieu que il vous plaise de mes maulx & delitz desquelz la conscience me remort: & par lesquelz je suis tant vil & abohminable le plus que n'est un Diable: que vous me vueillez nettoyer de mes pechez. Et quand le Pape ouyt Robert il se doubta que ce ne fust Robert le diable & luy demanda Beau filz es tu point robert duquel j'ay tant ouy parler qu'on dit estre si mauvais & le pire que onc fust sur terre. Ouy dit robert. Le pape luy dit. Tu auras absolution/ mais je te conjure de par Dieu tout puissant que tu ne faces mal a nully: et estoit le Pape et ceulx qui la estoient tous espouentez de veoir robert. Alors robert s'agenoilla devant le Pape en grande humilit? contriction & repentance de ses pechez & dist. Ja a Dieu ne plaise que je face mal a personne qui soit icy ne autre tant que je m'en pourray garder: tantost le Pape se tira a part et fist venir Robert devant luy lequel il confessa et declara au Pape comme a sa conception pource que sa mere estoit courroucee elle l'avoit donn? au diable/ disant que de ce avoit grand douleur paour et crainte.
?Comme le Pape envoya Robert a trois lieues de Rome vers un sainct Hermite pour avoir penitence de ses pechez.
Quand le Pape l'entendit parler il s'esmerveilla fort et fist le signe de la croix: devant son visage et dict a robert. Mon amy il fault que tu voyses a trois lieues d'icy en un lieu auquel tu trouverras un prebstre qui est mon confesseur/ a luy tu te confesseras de tous les pechez que tu fis onc et luy diras qu'il te donne penitence: selon que tu as merite. Celuy que je dys/ et le plus preudhomme et le plus sainct qui soit sur terre/ je suis seur que par luy seras bien confess? & absoubz: robert respondit au Pere sainct: je le feray voluntiers puis print cong? du sainct Pere en disant: dieu vueille que je puisse faire chose par laquelle je puisse faire le sauvement de mon ame/ ce jour se passa et demoura Robert a Rome pource que il estoit presque nuyct. Le lendemain au matin Rober se mist a chemin pour aller vers L'hermite/ auquel le pape l'envoya: et fist tant robert qu'il arriva au lieu auquel l'hermite se tenoit: et quand il fust la arriv? il compta a l'hermite comme le pape l'envoyoit devers luy pour se confesser. Adonc l'hermite luy dit vous soyez le bien venu. Et quand ilz eurent un peu demour? ensemble Robert luy compta l'estat de sa vie et luy declara ses pechez. Et premierement luy compta comme par courroux sa mere l'avoit donn? au diable par sa conception: dont il avoit grand paour. Et comme apr?s qu'il fut un peu grand batoit les enfans Et comme il rompoit la teste a l'un les bras a l'autre/ et a l'autre les jambes: & comme il avoit tu? son maistre d'escolle pour ce qu'il le vouloit chastier: et comme pour sa malice il n'y eust depuis maistre si hardy qui l'osast prendre en gouvernement/ dequoy faisoit conscience pource qu'il avoit ainsi mal employ? son temps sans rien aprendre et comme apr?s que son pere l'avoit fait chevalier il occist tant de vaillans & nobles chevaliers en la jouste par sa grand cruaut?: et apr?s comme il s'en estoit all? par le Pays: en destruisant les eglises et effor?ant les femmes mariees en violant pauvres filles pucelles & comme par despit de son pere il avoit crev? les yeux aux messagers de son pere & comment il tua les sept hermites/ et pour abreger compta toute sa vie a L'hermite depuis le jour qu'il fut n? jusques a celle heure: dequoy L'hermite s'esmerveilloit: & non pourtant il estoit fort joyeux de la contriction qu'il veoit avoir a Robert de ses pechez. Quand ilz eurent longuement parl? ensemble. L'hermite dit a Robert/ mon filz vous demourrez aujourd'huy ceans avec moy: & demain au matin au plaisir de dieu je vous confesseray & vous donneray bon conseil de ce que vous avez affaire: robert lequel avoit est? ainsi que dessus avez ouy le pire/ le plus cruel/ le plus terrible/ et le plus felon que jamais fut sur terre: plus orgueilleux et fier qu'un Lyon & estoit alors le plus doulx/ le plus begnin/ le plus humble: & le plus debonnaire qu'on eust jamais sur terre veu ne sceu: le plus beau: le plus plaisant en touz ses faitz & ditz: & aussi belle contenance que jamais eust prince. Robert estoit tant las de la peine que il avoit enduree que il ne pouoit boire ne menger: si se mist a part a genoux pour faire son oraison/ & commen?a a dieu prier que par sa saincte misericorde le voulsist garder de l'ennemy d'enfer & qu'il luy pleust donner victoire sur luy. Quand il fut nuit L'hermite fist coucher robert en une petite chapelle laquelle estoit en celuy hermitage gente & plaisante/ moult saincte et devote. L'hermite ne cessa toute nuict de prier dieu pour robert le diable lequel il veoit avoir si grande repentance/ si fut si longuement L'hermite en oraison: que il s'endormit.
?Comme l'ange de dieu annon?a a l'hermite la penitence qu'il devoit enjoindre & donner a robert pour le salut de son ame.
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