Read Ebook: 弟子規 by Li Yuxiu Active Th Century Th Century
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Ebook has 112 lines and 4501 words, and 3 pages
JEAN MOR?AS ET PAUL ADAM
LE TH? CHEZ MIRANDA
PARIS TRESSE ET STOCK, LIBRAIRES-?DITEURS 8, 9, 10, 11, Galerie du Th??tre-Fran?ais PALAIS-ROYAL
OUVRAGES DE JEAN MOR?AS:
LES SYRTES.
LES CANTIL?NES.
OUVRAGES DE PAUL ADAM:
CHAIR MOLLE.
LES DEMOISELLES GOUBERT
MOEURS DE PARIS
par
JEAN MOR?AS ET PAUL ADAM
AMOURETTE
Aux Tuileries, contre la terrasse qui longe la Seine, elle se tient assise, en brodant. Et se d?tache ? peine sa toilette sobre sur le vert noir du lierre.
Cela se devine tout de suite qu'il ne l'aura point. Elle est honn?te fatalement par sa blondeur tendre d'an?mique, la matit? du teint pur, la tendance ? rester clapie tr?s longtemps dans la m?me attitude.
Elle le regarde venir. Sur l'orbe de son oeil lev? une nacrure luit, humide, puis se voile des cils baiss?s vite. Et cette luisance le p?n?tre, se darde par ses entrailles qui fr?missent. Il la veut. Sans doute elle n'osera se livrer; mais ce geste du regard est certainement un aveu d'amour. Ou non, peut-?tre. Aux sourires des gens semblent bizarres son costume de sportsman, ses bottines pointues et ses culottes collantes; ? elle aussi pourquoi ne para?trait-il point ridicule. Une simple curiosit? peut-?tre incita la moqueuse ? l'examiner. Et tout d?sir se dissipe en lui. Il se r?sout ? rentrer. Intimement un spleen l'abat.
Le poss?de depuis quelque temps un besoin de femme, pas un besoin charnel, mais une envie de fr?ler des jupes, de laisser, en une infiniment douce caresse, ses l?vres effleurer l'odorant duveteux d'un ?piderme de blonde, de sentir sous ses doigts l'incurve et plastique roideur du corset, ? travers la soie.
Le manque de cette satisfaction le rend veule, presque malade. Davantage l'obs?de son scepticisme. Il s'?chafaude en la cervelle des plaidoiries ?galement probantes pour des principes contradictoires. Des d?go?ts lui affluent. Il pr?voit tout ? l'heure, chez Sylvain, devant l'absinthe, ses camarades nantis de raisonnements pareils. On d?versera sans tr?ve de pessimistes radotages. Et puis il regagnera son logis en discutant le suicide; ou bien, dans quelque boudoir public, il ira s'anuiter et accro?tre, par le contact de chairs urbaines, la regrettance du r?ve f?minin qu'il veut oublier. Rien autre en but. Lassitude d'?tre.
Au reste, pourquoi ne point tenter cette aventure,--distrayante, qui sait? S'arr?terait-il ? la crainte d'?chouer? Non. L'insucc?s dans ce genre de tentative indique seulement une erreur sur la minute propice, une inaptitude ? graduer ses paroles selon l'inintelligence de la femme. Aurait-il honte de ne pas r?ussir l? o? triomphe la b?tise supr?me des lieutenants et des coiffeurs?... Le d?pit s'en offrirait bizarre ? ?tudier sur soi.
Et Paul Doriaste repasse devant elle. Un autre regard le trouble encore. Une bestiale envie d'?treindre le surexcite... Il se d?cide. La p?leur lui resserre la peau, son coeur bat; mais comme il s'estime brave de l'effort qui l'am?ne pr?s elle! Il s'assied; et, bien qu'elle feigne une compl?te indiff?rence, il esp?re.
Elle demeure toujours immobile, comme malicieuse dans sa pose ?nigmatique. Elle pense,--devine-t-il: S'il se montre impertinent je le remettrai ? sa place; et s'il n'ose pas c'est un sot. Ce le tracasse fort de comprendre cette pens?e. Il remarque les dessins de la broderie qu'elle ach?ve: une fleur, une ?toile, une rosace dans un cercle, et puis une fleur, une ?toile...; ?a recommence ainsi ind?finiment. Un bout de jupon frais qui d?passe la robe laisse ?voquer le linge de dessous et le corps. Oh! si ce teint se retrouve sur la poitrine autour des pointes roses, et entrevu par les vides de la guipure!... Et l'odeur chaude qui ?manera, nourrissante presque. Son minuscule soulier vernis tout plat semble ne rien contenir jusque la bouffette de rubans qui lace. Par-dessus se courbe un renflement gras, lin?aire dans un bas uni et viol?tre.
Et les lois conventionnelles qui entravent la sinc?re et brusque manifestation de l'amour?... Quels imb?ciles pr?jug?s!...
Une balle crasseuse roule vers la chaise de Doriaste. Appara?t le propri?taire: un baby, un gn?me bouffi, chancelant, h?ve, chevelu de jaune clair, et qui fixe le chroniqueur de ses gros yeux lactescents. Doriaste ramasse le jouet, car la voisine, tout de suite, a coul? l'oeil vers l'enfant. Lui le caresse et lui parle, s?r que l'instinct de maternit? la tiendra forc?ment attentive ? leur mimique et ? leurs dires. Il tarabuste l'enfant lourd, ballonn? d'?toffe blanche, et dont la laideur l'irrite. Il lui serine des inepties que le petit r?p?te en b?gayant et bavant. Tout ? coup le mioche de pleurer ? sanglots.--<
Elle a chant?, cette voix, sur une inflexion parisienne imp?rieuse, donnant la sensation d'avoir ?t? per?ue lors de querelles. Et, cependant qu'il conduit ? la dame le pleurnicheur, il ne trouve rien de spirituel ? ?noncer, tant l'absorbe la d?sillusion de son ou?e. Au hasard, il l?che, avec un espoir de pitoyante r?ponse:--<
Elle sourit, moqueuse.
C'est une grue, juge Doriaste. Le subit int?r?t pris ? ses paroles d?nonce l'envie de se livrer; et la fa?on rapide dont elle l'exprime d?c?le que cette envie lui est coutumi?re. Il s'enhardit avec, d?j?, la pr?vision d'un souper, d'une baignoire de petit th??tre. Justement il garde en poche les vingt louis de ses derniers articles. Et, tout en calculant la d?pense probable de cette fredaine, il conte ? la jeune femme l'histoire d'une ma?tresse suicid?e, bien convaincu qu'elle n'y veut croire, mais pensant la flatter par la peine qu'il se donne.
Silencieuse, elle essuie de son fin mouchoir les joues de l'enfant, puis elle l'embrasse. Doriaste pousse alors un profond soupir tout en s'avouant ? lui-m?me cette com?die ridicule. Elle hausse les ?paules. Ce qui le froisse: elle l'ennuie ? la fin avec ses mani?res! Il d?bite des sottises, soit; mais les femmes sont si nulles. Pour varier il la complimente. Il lui d?clare comment sa toilette, harmonis?e par un art dilettante, la d?signe l'amie de go?t que l'on r?ve. Il d?cline sa position sociale, comptant sur ce titre d'homme de lettres pour la fasciner. Elle, p?lie un peu, se l?ve, s'en va.
Ne point s'opposer ? son d?part? le jeune homme estime excellente cette tactique. A la regarder filant parmi la foule badaude, avec sa taille svelte qui s'?rige hors le gonflement de la jupe, il la trouve plus d?sirable encore et son esprit s'opini?tre ? imaginer tout ce corps sans robe, sur un lit. La lumi?re qui se filtre par la verdure tendre des marronniers s'en vient voluter autour de ses formes que la marche ondule. Et l'oeil de Doriaste longtemps vise l'?paisse torsade blonde o? se contourne toute la chevelure qui monte dans le fa?tage du chapeau.
Et elle s'?tonne d'entendre sa voix chevroter pendant qu'il dit cela. Et ce chevrotement la p?n?tre, lui secoue le coeur. Subitement, elle stationne et d?clame cette phrase qu'elle a vue quelque part:
--Donnez-moi votre parole d'honneur que vous ne serez que mon ami, rien que mon ami.
Au d?sir d'h?ro?ne dramatique il acc?de, devenu stupide de bonheur parce qu'il la flaire, parce qu'il calque du regard ses formes proches, elle consentante. Il ajoute ? son serment:
--Jusqu'au jour o? vous-m?me m'en rel?verez.
--Jamais, cela.
La face du chroniqueur s'?tire en un sourire triste, amer, incr?dule. Vers la grille elle reprend sa route. Lui, ? mots ?mus, confesse sa pr?sente extase. Muette, elle l'?coute, la bouche gaie, pourtant.
A l'appel de sa main, un cocher blanc dirige pr?s elle son fiacre. Et Doriaste:
--Laissez-moi vous accompagner.
--Non, je ne suis pas libre... je suis mari?e.
--Quand vous reverrai-je.
--Vous avez bien su me trouver; vous le saurez encore, ? moins que l'oubli...
--Oh! non. Me direz-vous comment vous vous appelez, afin que...
--Supposez que je m'appelle... Marceline...; oui, Marceline...
Du fiacre o? elle s'installe en tapotant ses jupons, elle a pour Doriaste un franc regard, tr?s long.
Et la voiture cahote, jaune, par les ros?tres grisailles de la vespr?e.
En vain le journaliste esp?re-t-il qu'elle soul?vera le voile capitonn? qui ferme le judas dans le panneau du fiacre... Rien.
Premier rendez-vous au concert.
Sur la sc?ne, un violoniste enl?ve les symphonies de Max Bruch, du coude, de la t?te, avec des mouvements de lutteur agile; et le gaz cr?ment inonde son habit noir, ses cheveux noirs.
Paul Doriaste se m?lancolise ? percevoir ces sonorit?s fuyantes, et qui, lentement, reviennent. A son c?t?, Marceline se serre parmi l'entassement d'un public nombreux. Et il la sent tr?s loin de lui comme une impassible vision. La rectitude de cette pose o? pas une flexion ne s'affaisse, le vague de ce regard qui flotte par le lustre, et se fixe aux pendeloques que les feux d?compos?s teintent de lueurs joailli?res, tout cela semble cacher une ?me myst?rieuse, intangible. Il lui en veut d'avoir accept? ces relations platoniques. Une com?die qu'elle joue l?; une com?die qui, lui, l'absorbe et l'agace. Voici qu'il n'entend m?me plus Max Bruch. Elle finira, cette femme, par lui tuer le sens artistique.
Derri?re leurs pupitres, les musiciens s'?tagent en face, adoss?s au d?cor: figures communes, ?panouies dans l'?vasement des faux-cols; corps tass?s dans les fracs larges, dans les bosselures des plastrons blancs. En bas, les choristes femelles avec les taches claires de leurs collerettes sur la terneur minable des corsages. Dans le haut, tout ? fait, le timbalier s'amplifie en allures pontifiantes, tandis que le cymbalier ne cesse de faire reluire son binocle et le replacer sur sa face qui sue. Et ce monde s'encastre entre les cuivres ?normes, s'accoude ? l'acajou de contrebasses, s'enrage sous les cordes des harpes monumentales. Des toiles peintes et d?fra?chies, du plafond que traverse une ligne d'usure, les torch?res saillent, le lustre pend. Seules dorures.
Vibre une note isol?ment, comme le pleur prolong? d'une vierge, et Doriaste conquis ne remarque plus rien. La mesure s'active, et s'alanguit tout ? coup, r?le. Comme un sanglot alors, et puis de cristallines notes ruissellent, et des notes, et encore. Il en sourd des soupirs, des ?tirances lamentantes, de spasmatiques arp?ges. Tant?t l'harmonie se p?me humide, s'expire. Puis elle s'?lance avec de d?termin?s vouloirs, des violences de rut. Les cordes des violons craquent comme des soieries et hocqu?tent comme des gorges jouissantes. D'une accalmie douce, murmur?e, surgit une sautillante phrase qui cro?t. Elle domine, triomphe en une impudique danse. De lentes ondulations l'enserrent par une spirale qui monte et s'?vase. Les di?zes reluisent comme des gemmes, des gemmes qui parent une chevelure longue, une chevelure qui se d?noue et flotte dans un aboutement de gammes. Et s'?voque la toute-puissante femme. Il est une mugissante mesure pour le fauve des aisselles, une mesure plane pour le front pur, une note coul?e pour la gouttelante am?thyste qui pendeloque sur le front, deux mesures ronflantes pour les seins arrondis; ensuite une rapide infinit? de sons qui disent tout, d?crivent tout et le clament: ce sont les cassures de gaze d'or autour des hanches, et le galbe recourb? des bras sur la t?te qui se renverse, et le poli du ventre avec les mystiques profondeurs du nombril, et les yeux, pastilles d'encens o? fulgure une minuscule ?tincelle. Le rythme s'exasp?re. La Salom? bondit avec un ?clat de trilles et un scintillement de pierreries. Les croches se dardent comme des diamants et se fluidifient en collier comme une rivi?re d'ambre sur la poitrine. Deux notes br?ves saillissent comme les escarboucles des seins.
Et Paul Doriaste ne per?oit plus que les multiples volupt?s d'un corps f?minin harmonique en danse harmonieuse. Il y voit la nudit? de Marceline; il se retient pour ne pas l'?treindre. Et, par la salle, les bravos croulent, rebondissant sur les banquettes ?carlates.
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