Read Ebook: Fables et légendes du Japon by Ferrand Claudius Raffin Ferdinand Illustrator
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Ebook has 557 lines and 24650 words, and 12 pages
Illustrator: Ferdinand Raffin
Fables et L?gendes du Japon
PAR
Claudius Ferrand
Quarante-deux gravures de Ferdinand Raffin
Paris Librairie d'?ducation Nationale
Collection Picard Biblioth?que d'?ducation R?cr?ative
TABLE DES MATI?RES
Ourashima Taro et la D?esse de l'Oc?an La petite Voleuse La Vengeance du Li?vre Le monstre Yatama L'unique parapluie Les huit Chevreaux Les aventures de Benk? Le vase de Komp?ito Les Rats au temple Les Fraises de d?cembre Le Moineau sans langue Les deux loupes Une ruse de Jiro
Ourashima Taro et la D?esse de l'Oc?an
Il y avait autrefois, au pays de Tango, une bourgade du nom de Mizuno?. Dans cette bourgade vivait un p?cheur, qui s'appelait Ourashima Taro. C'?tait un homme vertueux, au coeur sensible et bon qui, de sa vie, n'avait jamais fait ni souhait? de mal ? personne.
Taro revenait un soir de la p?che. La prise ayant ?t? abondante, il rentrait satisfait et joyeux. Sur le rivage, il aper?oit une bande de petits gar?ons, qui semblaient prendre un malin plaisir ? tourmenter une petite tortue, trouv?e sur le sable.
Taro n'aimait pas qu'on f?t souffrir les b?tes. Il eut piti? de la tortue. S'approchant des enfants, et on imp?rieux:
--Quel mal vous a donc fait, dit-il, cette innocente cr?ature, pour la tourmenter de la sorte? Ignorez-vous que les dieux punissent les enfants qui maltraitent les animaux?
--M?lez-vous donc de ce qui vous regarde, r?pond insolemment le plus ?g? de la troupe. Cette tortue n'appartient ? personne. Nous sommes libres de la tuer si cela nous fait plaisir. Vous n'avez rien ? y voir.
Le p?cheur comprend qu'aucun raisonnement n'aura de prise sur ces coeurs sans piti?. Il change de tactique et, d'un ton plus radouci:
--Allons, ne vous f?chez pas ainsi, mes enfants! je n'avais pas l'intention de vous gronder. Je voulais vous proposer un march?. Voulez-vous me vendre cette tortue? Je vous en donne vingt sous. Cela vous va-t-il?
Vingt sous! C'?tait une fortune pour ces marmots. Ils acceptent sans h?siter; Taro leur donne donc deux petites pi?ces blanches; aussit?t ils courent au village acheter des g?teaux. Rest? seul avec la tortue, qu'il a conscience d'avoir arrach?e ? une mort certaine, le brave p?cheur la soul?ve dans les mains, et lui dit, en la caressant:
--Pauvre petit animal! Le proverbe te donne dix mille ans d'existence, tandis qu'il n'en accorde que mille ? la cigogne. Que serais-tu devenu sans moi? Je crois bien que tes dix mille ans auraient ?t? consid?rablement ?court?s! Car ils allaient te tuer, ces vauriens!... Allons, je vais te rendre la libert?. Mais ? l'avenir, sois prudente, et surtout ne retombe jamais plus dans les mains des enfants.
Cela dit, il d?pose la tortue sur le sable, et la laisse aller. Puis, jouissant de la pleine satisfaction que procure toujours un bon acte accompli, il retourne en sifflant ? sa demeure. Ce soir-l?, la soupe lui parut meilleure, et son sommeil fut plus l?ger...
Le lendemain matin, Taro, s'?tant lev? de bonne heure, part pour la p?che, selon son habitude. Le voil? qui gagne le large, mont? sur sa petite barque. Il va jeter son filet. Tout ? coup, il per?oit dans l'eau un clapotement ?trange.
--Monsieur Ourashima! fait une voix derri?re lui.
Le p?cheur se demande qui peut bien, ? cette heure matinale, l'appeler par son nom. Il regarde autour de lui, mais il ne voit personne. Croyant s'?tre tromp?, il se dispose de nouveau ? commencer sa p?che.
--Monsieur Ourashima! r?p?te la m?me voix.
Taro se retourne une seconde fois. Quelle n'est pas sa surprise, d'apercevoir, tout aupr?s de la barque, la petite tortue, la tortue dont, la veille, il a sauv? la vie!
--Oh! C'est donc toi qui m'as appel??
--Oui, c'est moi, Monsieur Ourashima. Je suis venue vous dire bonjour, et vous remercier du service que vous m'avez rendu hier soir.
--Voil? qui est bien aimable de ta part. Voyons! que pourrais-je t'offrir? Si tu fumais, je te passerais volontiers ma pipe. Mais tu ne dois pas fumer, toi!
--Non, je ne fume pas, Monsieur Ourashima. Mais, si ce n'est pas trop d'indiscr?tion, j'accepterais avec plaisir une tasse de sak?.
--Du sak?? Tu bois donc du sak?! C'est bien heureux! J'en ai justement ici une petite bouteille. Il n'est pas de premi?re qualit?, mais il n'est pas mauvais tout de m?me. Voici!
Et le p?cheur, emplissant une tasse, la passe ? la tortue, qui l'avale d'un trait. Puis, la conversation, un instant interrompue, continue de la sorte:
--En veux-tu une seconde tasse?
--Non, merci, Monsieur Ourashima. Une seule me suffit... A propos, avez-vous d?j? visit? le palais d'Otohim?, la d?esse de l'Oc?an?
--Non, pas encore.
--J'ai justement l'intention de vous y conduire aujourd'hui.
--Comment? Tu veux m'y conduire? Mais il doit ?tre bien loin, ce palais! D'abord, je ne sais pas nager comme toi. Comment veux-tu que je te suive?
--Oh! il n'est pas n?cessaire de savoir bien nager, Monsieur Ourashima. Vous n'aurez m?me pas ? nager du tout. Vous allez monter sur mon dos; je vous porterai moi-m?me.
--Monter sur ton dos!... Mais, tu n'y penses pas, ma petite tortue. Quand bien m?me tu serais dix fois plus grosse, il serait impossible ? un homme comme moi de monter sur ton dos, et de s'y tenir sans danger!
--Ah! Monsieur Ourashima, vous trouvez que je suis trop petite? C'est bien... Attendez une seconde. Vous allez voir.
Et voil? que la petite tortue se met ? grossir... ? grossir... Elle devient aussi grosse que la barque du p?cheur. Celui-ci, frapp? de ce prodige, n'h?site plus. Il monte sur le dos de l'animal, s'y installe ? son aise. Et la tortue l'emporte vers le palais d'Otohim?, la d?esse de l'Oc?an.
Au bout de quelques heures, Taro aper?oit dans le lointain un immense monument:
--Quel est ce monument? demande-t-il ? la tortue.
--C'est le portail du palais, r?pond-elle.
Et, ? mesure qu'ils approchent, le portail semble grandir, et se teinter de couleurs brillantes.
Ils arrivent enfin. La tortue d?pose son cavalier sur du sable, dont chaque grain est une perle. Le p?cheur peut voir alors que le portail est en or massif, incrust? de pierreries. Deux ?normes dragons en gardent l'entr?e. Ils ont un corps de cheval, une t?te et des griffes de lion, des ailes d'aigle et une queue de serpent. Leur aspect est terrible; n?anmoins, c'est d'un regard plein de douceur qu'ils fixent le nouvel arriv?.
La tortue seule avait p?n?tr? sous le porche. Elle en sortit bient?t, accompagn?e d'une multitude de poissons. Il y en avait de toutes les grandeurs et de toutes les formes. Chacune des esp?ces que renferme l'Oc?an ?tait repr?sent?e. Ils portaient tous la livr?e de la d?esse, couleur d'azur et galons d'argent. Ils s'avanc?rent au-devant du p?cheur et le salu?rent jusqu'? terre, avec toutes les marques de la sympathie et du respect.
Le brave Taro ne comprenait rien ? toutes ces choses; mais, sachant tr?s bien qu'on ne lui voulait aucun mal, il se laissa faire. On le d?pouilla de son costume de p?che, et on le rev?tit d'une magnifique robe de soie. On lui attacha aux pieds des pantoufles de velours; puis un page charmant, le prenant par la main, l'introduisit dans le palais.
S'appuyant sur une rampe d'ivoire, il monte les sept degr?s d'un escalier de marbre, et arrive devant la porte en bois d'acajou, sur laquelle scintillent des ?meraudes. Elle s'ouvre d'elle-m?me et Taro p?n?tre dans l'appartement de la d?esse. C'est une salle immense, dont le plafond en corail est soutenu par vingt colonnes de cristal. De nombreuses lampes en vermeil y donnent une douce et brillante lumi?re. Les parois sont en marbre parsem? de rubis et de pierreries diverses.
Au milieu de toutes ces merveilles, assise sur un tr?ne de diamant, orn?e de ses plus riches parures, et environn?e de toute sa cour, se tient Otohim?, la d?esse de l'Oc?an. Elle est extraordinairement belle, plus belle que l'aurore ? son lever. Lorsque Taro la vit, elle le contemplait avec son plus gracieux sourire. Il voulut se prosterner. La d?esse ne lui en laissa pas le temps. Se levant de son tr?ne, elle s'avan?a vers lui, majestueuse et aimable, et lui prenant affectueusement les mains:
--Soyez le bienvenu! lui dit-elle. J'ai appris que, hier soir, vous aviez sauv? la vie ? l'un des sujets les plus v?n?r?s de mon empire. J'ai voulu vous en exprimer de vive voix ma sinc?re reconnaissance, et voil? la raison pour laquelle je vous ai fait venir ici.
Taro ne savait que r?pondre. Il se tut. Alors, sur un signe de la d?esse, on le fit asseoir sur un coussin en soie, cousue de fil d'or. On lui apporta une petite table en ivoire, sur laquelle ?taient pos?s, dans des plateaux de vermeil, toutes sortes de mets app?tissants. Taro fit un repas, comme il n'en avait jamais fait depuis qu'il ?tait au monde. Quand il eut fini de manger, la d?esse le conduisit voir les diverses parties de son palais.
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