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Read Ebook: Aphrodite: Moeurs antiques by Lou S Pierre

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Ebook has 1609 lines and 57343 words, and 33 pages

PIERRE LOU?S

APHRODITE

--MOEURS ANTIQUES--

PARIS

M DCCC XCVI

IL A ?T? TIR? DE CET OUVRAGE:

JUSTIFICATION DU TIRAGE:

Droits de reproduction et de traduction r?serv?s pour tous pays y compris la Su?de et la Norv?ge.

? ALBERT BESNARD

PR?FACE

Les ruines elles-m?mes du monde grec nous enseignent de quelle fa?on la vie, dans notre monde moderne, pourrait nous ?tre rendue supportable.

RICHARD WAGNER.

--Odysseus errait un jour ? la chasse au pied des montagnes de Delphes, quand il rencontra sur sa route deux vierges qui se tenaient par la main. L'une avait des cheveux de violettes, des yeux transparents et des l?vres graves; elle lui dit: <> L'autre avait des paupi?res faibles, des mains d?licates et des seins tendres; elle lui dit: <> Et tous deux reprirent: <> Mais le subtil Odysseus r?pondit sagement: <>--Aussit?t qu'il eut achev?, les deux divisions se confondirent, et Odysseus connut qu'il avait parl? ? la grande d?esse Aphrodite.

Le personnage f?minin qui occupe la premi?re place dans le roman qu'on va feuilleter est une courtisane antique; mais, que le lecteur se rassure: elle ne se convertira pas.

Elle ne sera aim?e ni par un saint, ni par un proph?te, ni par un dieu. Dans la litt?rature actuelle, c'est une originalit?.

Courtisane, elle le sera avec la franchise, l'ardeur et aussi la fiert? de tout ?tre humain qui a vocation et qui tient dans la soci?t? une place librement choisie; elle aura l'ambition de s'?lever au plus haut point; elle n'imaginera m?me pas que sa vie ait besoin d'excuse ou de myst?re: ceci demande ? ?tre expliqu?.

Jusqu'? ce jour, les ?crivains modernes qui se sont adress?s ? un public moins pr?venu que celui des jeunes filles et des jeunes normaliens ont us? d'un stratag?me laborieux dont l'hypocrisie me d?pla?t: <> En t?te d'un roman dont l'intrigue se d?roule ? Alexandrie, je me refuse absolument ? commettre cet anachronisme.

On voit que la vie des anciens ne saurait ?tre jug?e d'apr?s les id?es morales qui nous viennent aujourd'hui de Gen?ve.

Pour moi, j'ai ?crit ce livre avec la simplicit? qu'un Ath?nien aurait mis ? la relation des m?mes aventures. Je souhaite qu'on le lise dans le m?me esprit.

On cite toujours, en vue de d?fendre les moeurs grecques, l'enseignement de quelques philosophes qui bl?maient les plaisirs sexuels. Il y a l? une confusion. Ces rares moralistes r?prouvaient les exc?s de tous les sens indistinctement, sans qu'il y e?t pour eux de diff?rence entre la d?bauche du lit et celle de la table. Tel, aujourd'hui, qui commande impun?ment un d?ner de six louis pour lui seul dans un restaurant de Paris e?t ?t? jug? par eux aussi coupable, et non pas moins, que tel autre qui donnerait en pleine rue un rendez-vous trop intime et qui pour ce fait serait condamn? par les lois en vigueur ? un an de prison.--D'ailleurs, ces philosophes aust?res ?taient regard?s g?n?ralement par la soci?t? antique comme des fous malades et dangereux: on les bafouait sur toutes les sc?nes; on les rouait de coups dans la rue; les tyrans les prenaient pour bouffons de leur cour et les citoyens libres les exilaient quand ils ne les jugeaient pas dignes de subir la peine capitale.

C'est donc par une supercherie consciente et volontaire que les ?ducateurs modernes, depuis la Renaissance jusqu'? l'heure actuelle, ont repr?sent? la morale antique comme l'inspiratrice de leurs ?troites vertus. Si cette morale fut grande, si elle m?rite en effet d'?tre prise pour mod?le et d'?tre ob?ie, c'est pr?cis?ment parce que nulle n'a mieux su distinguer le juste de l'injuste selon un crit?rium de beaut?, proclamer le droit qu'a tout homme de rechercher le bonheur individuel dans les limites o? il est born? par le droit semblable d'autrui, et d?clarer qu'il n'y a sous le soleil rien de plus sacr? que l'amour physique, rien de plus beau que le corps humain.

D'o? vient cela? et comment se fait-il qu'? travers le bouleversement des id?es antiques la grande sensualit? grecque soit rest?e comme un rayon sur les fronts les plus ?lev?s?

C'est que la sensualit? est la condition myst?rieuse, mais n?cessire et cr?atrice, du d?veloppement intellectuel. Ceux qui n'ont pas senti jusqu'? leur limite, soit pour les aimer, soit pour les maudire, les exigences de la chair, sont par l? m?me incapables de comprendre toute l'?tendue des exigences de l'esprit. De m?me que la beaut? de l'?me illumine tout un visage, de m?me la virilit? du corps f?conde seule le cerveau. La pire insulte que Delacroix s?t adresser ? des hommes, celle qu'il jetait indistinctement aux railleurs de Rubens et aux d?tracteurs d'Ingres, c'?tait ce mot terrible: eunuques!

Mieux encore: il semble que le g?nie des peuples, comme celui des individus, soit d'?tre, avant tout, sensuel. Toutes les villes qui ont r?gn? sur le monde, Babylone, Alexandrie, Ath?nes, Rome, Venise, Paris, ont ?t?, par une loi g?n?rale, d'autant plus licencieuses qu'elles ?taient plus puissantes, comme si leur dissolution ?tait n?cessaire ? leur splendeur. Les cit?s o? le l?gislateur a pr?tendu implanter une vertu artificielle, ?troite et improductive, se sont vues, d?s le premier jour, condamn?es ? la mort totale. Il en fut ainsi de Lac?d?mone, qui, au milieu du plus prodigieux essor qui ait jamais ?lev? l'?me humaine, entre Corinthe et Alexandrie, entre Syracuse et Milet, ne nous a laiss? ni un po?te, ni un peintre, ni un philosophe, ni un historien, ni un savant, ? peine le renom populaire d'une sorte de Bobillot qui se fit tuer avec trois cents hommes dans un d?fil? de montagnes sans m?me r?ussir ? vaincre. Et c'est pour cela qu'apr?s deux mille ann?es, mesurant le n?ant de la vertu spartiate, nous pouvons, selon l'exhortation de Renan, <>.

Verrons-nous jamais revenir les jours d'?ph?se et de Cyr?ne? H?las! le monde moderne succombe sous un envahissement de laideur. Les civilisations remontent vers le nord, entrent dans la brume, dans le froid, dans la boue. Quelle nuit! un peuple v?tu de noir circule dans les rues infectes. ? quoi pense-t-il? on ne sait plus; mais nos vingt-cinq ans frissonnent d'?tre exil?s chez des vieillards.

Du moins, qu'il soit permis ? ceux qui regretteront pour jamais de n'avoir pas connu cette jeunesse enivr?e de la terre, que nous appelons la vie antique, qu'il leur soit permis de revivre, par une illusion f?conde, au temps o? la nudit? humaine, la forme la plus parfaite que nous puissions conna?tre et m?me concevoir puisque nous la croyons ? l'image de Dieu, pouvait se d?voiler sous les traits d'une courtisane sacr?e, devant les vingt mille p?lerins qui couvrirent les plages d'?leusis; o? l'amour le plus sensuel, le divin amour d'o? nous sommes n?s, ?tait sans souillure, sans honte, sans p?ch?; qu'il leur soit permis d'oublier dix-huit si?cles barbares, hypocrites et laids, de remonter de la mare ? la source, de revenir pieusement ? la beaut? originelle, de reb?tir le Grand Temple au son des fl?tes enchant?es et de consacrer avec enthousiasme aux sanctuaires de la vraie foi leurs coeurs toujours entra?n?s par l'immortelle Aphrodite.

PIERRE LOUYS.

LIVRE PREMIER

CHRYSIS

Couch?e sur la poitrine, les coudes en avant, les jambes ?cart?es et la joue dans la main, elle piquait de petits trous sym?triques dans un oreiller de lin vert, avec une longue ?pingle d'or.

Depuis qu'elle s'?tait ?veill?e, deux heures apr?s le milieu du jour, et toute lasse d'avoir trop dormi, elle ?tait rest?e seule sur le lit en d?sordre, couverte seulement d'un c?t? par un vaste flot de cheveux.

Cette chevelure ?tait ?clatante et profonde, douce comme une fourrure, plus longue qu'une aile, souple, innombrable, anim?e, pleine de chaleur. Elle couvrait la moiti? du dos, s'?tendait sous le ventre nu, brillait encore aupr?s des genoux, en boucle ?paisse et arrondie. La jeune femme ?tait enroul?e dans cette toison pr?cieuse, dont les reflets mordor?s ?taient presque m?talliques et l'avaient fait nommer Chrysis par les courtisanes d'Alexandrie.

Ce n'?taient pas les cheveux lisses des Syriaques de la cour, ni les cheveux teints des Asiatiques, ni les cheveux bruns et noirs des filles d'?gypte. C'?taient ceux d'une race aryenne, des Galil?ennes d'au del? des sables.

Chrysis. Elle aimait ce nom-l?. Les jeunes gens qui venaient la voir l'appelaient Chrys? comme Aphrodite, dans les vers qu'ils mettaient ? sa porte, avec des guirlandes de roses, le matin. Elle ne croyait pas ? Aphrodite, mais elle aimait qu'on lui compar?t la d?esse, et elle allait quelquefois au temple, pour lui donner, comme ? une amie, des bo?tes de parfums et des voiles bleus.

Elle ?tait n?e sur les bords du lac de G?n?zareth, dans un pays d'ombre et de soleil, envahi par les lauriers roses. Sa m?re allait attendre le soir, sur la route d'I?rouschala?m, les voyageurs et les marchands, et se donnait ? eux dans l'herbe, au milieu du silence champ?tre. C'?tait une femme tr?s aim?e en Galil?e. Les pr?tres ne se d?tournaient pas de sa porte, car elle ?tait charitable et pieuse; les agneaux du sacrifice ?taient toujours pay?s par elle; la b?n?diction de l'?ternel s'?tendait sur sa maison. Or, quand elle devint enceinte, comme sa grossesse ?tait un scandale , un homme, qui ?tait c?l?bre pour avoir le don de proph?tie, dit qu'elle donnerait naissance ? une fille qui porterait un jour autour de son cou <>. Elle ne comprit pas bien comment cela se pourrait, mais elle nomma l'enfant Sarah, c'est-?-dire PRINCESSE, en h?breu. Et cela fit taire les m?disances.

Chrysis avait toujours ignor? cela, le devin ayant dit ? sa m?re combien il est dangereux de r?v?ler aux gens les proph?ties dont ils sont l'objet. Elle ne savait rien de son avenir. C'est pourquoi elle y pensait souvent.

Elle se rappelait peu son enfance, et n'aimait pas ? en parler. Le seul sentiment tr?s net qui lui en f?t rest?, c'?tait l'effroi et l'ennui que lui causait chaque jour la surveillance anxieuse de sa m?re qui, l'heure ?tant venue de sortir sur la route, l'enfermait seule dans leur chambre pour d'interminables heures. Elle se rappelait aussi la fen?tre ronde par o? elle voyait les eaux du lac, les champs bleu?tres, le ciel transparent, l'air l?ger du pays de G?lil. La maison ?tait environn?e de lins roses et de tamaris. Des c?priers ?pineux dressaient au hasard leurs t?tes vertes sur la brume fine des gramin?es. Les petites filles se baignaient dans un ruisseau limpide o? l'on trouvait des coquillages rouges sous des touffes de lauriers en fleurs; et il y avait des fleurs sur l'eau et des fleurs dans toute la prairie et de grands lys sur les montagnes.

Elle avait douze ans quand elle s'?chappa pour suivre une troupe de jeunes cavaliers qui allaient ? Tyr comme vendeurs d'ivoire et qu'elle aborda devant une citerne. Ils paraient des chevaux ? longue queue avec des houppes bigarr?es. Elle se rappelait bien comment ils l'enlev?rent, p?le de joie, sur leurs montures, et comment ils s'arr?t?rent une seconde fois pendant la nuit, une nuit si claire qu'on ne voyait pas une ?toile.

L'entr?e ? Tyr, elle ne l'avait pas oubli?e non plus: elle, en t?te, sur les paniers d'un cheval de somme, se tenant du poing ? la crini?re, et laissant pendre orgueilleusement ses mollets nus, pour montrer aux femmes de la ville qu'elle avait du sang le long des jambes. Le soir m?me, on partait pour l'?gypte. Elle suivit les vendeurs d'ivoire jusqu'au march? d'Alexandrie.

Et c'?tait l?, dans une petite maison blanche ? terrasse et ? colonnettes, qu'ils l'avaient laiss?e deux mois apr?s, avec son miroir de bronze, des tapis, des coussins neufs, et une belle esclave hindoue qui savait coiffer les courtisanes. D'autres ?taient venus le soir de leur d?part, et d'autres le lendemain.

Comme elle habitait le quartier de l'extr?me Est o? les jeunes Grecs de Brouchion d?daignaient de fr?quenter, elle ne connut longtemps, comme sa m?re, que des voyageurs et des marchands. Elle ne revoyait pas ses amants passagers; elle savait se plaire ? eux et les quitter vite avant de les aimer. Pourtant elle avait inspir? des passions interminables. On avait vu des ma?tres de caravanes vendre ? vil prix leurs marchandises afin de rester o? elle ?tait et se ruiner en quelques nuits. Avec la fortune de ces hommes, elle s'?tait achet? des bijoux, des coussins de lit, des parfums rares, des robes ? fleurs et quatre esclaves.

Elle ?tait arriv?e ? comprendre beaucoup de langues ?trang?res, et connaissait des contes de tous les pays. Des Assyriens lui avaient dit les amours de Douzi et d'Ischtar; des Ph?niciens celles d'Aschthoreth et d'Ad?ni. Des filles grecques des ?les lui avaient cont? la l?gende d'Iphis en lui apprenant d'?tranges caresses qui l'avaient surprise d'abord, mais ensuite charm?e ? ce point qu'elle ne pouvait plus s'en passer tout un jour. Elle savait aussi les amours d'Atalante et comment, ? leur exemple, des joueuses de fl?te encore vierges ?puisent les hommes les plus robustes. Enfin son esclave hindoue, patiemment, pendant sept ann?es, lui avait enseign? jusqu'aux derniers d?tails l'art complexe et voluptueux des courtisanes de Palibothra.

Car l'amour est un art, comme la musique. Il donne des ?motions du m?me ordre, aussi d?licates, aussi vibrantes, parfois peut-?tre plus intenses; et Chrysis, qui en connaissait tous les rhythmes et toutes les subtilit?s, s'estimait, avec raison, plus grande artiste que Plango elle-m?me, qui ?tait pourtant musicienne du temple.

Sept ans elle v?cut ainsi, sans r?ver une vie plus heureuse ni plus diverse que la sienne. Mais peu avant sa vingti?me ann?e, quand de jeune fille elle devint femme et vit s'effiler sous les seins le premier pli charmant de la maturit? qui va na?tre, il lui vint tout ? coup des ambitions.

Et un matin, comme elle se r?veillait deux heures apr?s le milieu du jour, toute lasse d'avoir trop dormi, elle se retourna sur la poitrine ? travers son lit, ?carta les pieds, mit sa joue dans sa main, et avec une longue ?pingle d'or per?a de petits trous sym?triques son oreiller de lin vert.

Elle r?fl?chissait profond?ment.

Ce furent d'abord quatre petits points qui faisaient un carr?, et un point au milieu. Puis quatre autres points pour faire un carr? plus grand. Puis elle essaya de faire un cercle... Mais c'?tait un peu difficile. Alors, elle piqua des points au hasard et commen?a ? crier:

<>

Djala, c'?tait son esclave hindoue, qui s'appelait Djalantachtchandratchapal?, ce qui veut dire: <>.--Chrysis ?tait trop paresseuse pour dire le nom tout entier.

L'esclave entra et se tint pr?s de la porte, sans la fermer tout ? fait.

<

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