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Read Ebook: A fond de cale by Reid Mayne Loreau H Henriette Translator

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Ebook has 236 lines and 17286 words, and 5 pages

Je tressaillis de joie en me trouvant dans cette caisse; j'avais gagn? le second ?tage de la cargaison, j'?tais ? plus de deux m?tres du fond de la cale, et ? un m?tre plus haut que je n'avais encore atteint, c'est-?-dire plus pr?s des hommes, du jour et de la libert?.

Comme je l'ai d?j? dit, les planches que j'avais en face de moi ?taient presque d?tach?es, par suite des efforts que j'avais faits pour ?ter les pi?ces d'?toffe; je sentais en outre que l'objet qui ?tait de l'autre c?t? de la caisse en ?tait ?loign? de sept ou huit centim?tres, car c'est tout au plus si je parvenais ? le toucher avec la pointe de mon couteau. L'avantage ?tait ?vident, cela me donnait plus de jeu, partant plus de force, pour d?molir la paroi que j'avais ? renverser.

Effectivement, bott? ? cette intention, je me couchai sur le dos et donnai du pied contre la planche.

Des craquements successifs m'annonc?rent que les clous avaient c?d?; je continuai mes efforts, la planche se d?tacha tout ? fait et glissa entre les deux caisses.

Aussit?t je passai la main par la br?che qui s'ensuivit, afin de reconna?tre ce qui venait ensuite; je ne sentis que le bois rugueux d'une autre caisse d'emballage, et ne pus deviner ce que renfermait ce nouveau colis.

Le reste des planches, qui compl?taient la paroi que j'?tais en train d'abattre, suivit la pr?c?dente; et je pus continuer mon examen: la surface dont j'avais explor? une partie, s'?tendait, ? ma grande surprise, beaucoup plus loin que mes bras ne pouvaient atteindre, et cela dans tous les sens; elle se dressait comme un mur, bien au del? des limites de la bo?te o? je me trouvais alors, et il m'?tait impossible de deviner o? elle s'arr?tait.

Que ce f?t un colis d'une dimension d?mesur?e, j'en avais la certitude; mais que pouvait-il contenir? Je ne m'en doutais m?me pas. ?tait-ce du drap? la caisse aurait ?t? pareille aux autres: n?anmoins ce n'?tait pas de la toile, et j'en ?tais bien aise.

J'introduisis mon couteau dans les fentes du sapin, et je sentis quelque chose qui ressemblait ? du papier; mais ce n'?tait qu'une enveloppe, car apr?s avoir travers? l'emballage, la pointe de mon couteau s'arr?ta sur un objet aussi poli que du marbre. J'appuyai avec force, et je compris que ce n'?tait pas de la pierre, mais un bois dur et tr?s-lisse. Je donnai un coup violent pour y enfoncer ma lame: un bruit singulier me r?pondit, un son prolong? qui, cependant, ne m'apprenait pas quel objet cela pouvait ?tre.

La seule chose ? faire pour le savoir ?tait d'ouvrir la caisse et d'en examiner le contenu.

Je suivis le proc?d? qui m'avait d?j? servi, et coupai en travers l'une des planches dont cette ?norme caisse ?tait faite. J'eus infiniment de peine et fus au moins quatre ou cinq heures ? pratiquer cette ouverture; mon couteau ne coupait plus et ma t?che en devenait plus difficile.

Je finis pourtant par compl?ter la section, et par d?tacher la partie inf?rieure de la planche que je fis tomber entre les deux caisses; la seconde moiti? suivit la premi?re, et j'eus une ouverture assez grande pour fouiller dans l'int?rieur de cette bo?te gigantesque.

De monstrueuses feuilles de papier recouvraient la surface d'un corps volumineux et r?sistant; j'arrachai cette enveloppe, et mes doigts gliss?rent le long d'un objet poli comme un miroir; mais ce n'?tait pas une glace, car ayant frapp? cet objet d'un revers de main, il r?sonna comme il avait fait une premi?re fois; je donnai un coup plus fort et j'entendis une vibration harmonieuse, qui me fit penser ? une harpe ?olienne.

C'?tait un piano qui se trouvait dans la grande caisse, cela ne faisait pas l'ombre d'un doute. Il y en avait un dans notre petit parloir; ma m?re en tirait des sons m?lodieux; c'est encore aujourd'hui l'un de mes plus doux souvenirs, et je reconnaissais les vibrations qui m'avaient ?mu jadis. Cette grande table unie, o? coulaient mes doigts comme sur du verre, n'?tait ni plus ni moins que la caisse de l'instrument.

D?tour.

La certitude que je venais d'acqu?rir ?tait loin d'?tre encourageante: ce piano m'opposait une barri?re peut-?tre insurmontable; je ne pouvais pas le traverser comme une planche de sapin. C'?tait assur?ment le plus grand de tous les pianos; quelle diff?rence avec celui que je vois encore dans notre petit parloir, et sur lequel ma m?re ex?cutait cette bonne musique! Il ?tait pos? de champ, et me pr?sentait son couvercle de palissandre, o? je ne d?couvrais pas le moindre petit trou, la plus l?g?re fissure.

Jamais la lame de mon couteau ne parviendrait ? mordre sur cette bo?te glissante, dont le poli augmentait la duret?.

Quand, d'ailleurs, je serais parvenu ? faire une trou?e dans le couvercle, soit en le coupant, soit en le d?fon?ant, ce qui, avec de la pers?v?rance, n'e?t pas ?t? impraticable, o? cela m'aurait-il conduit? Je ne connaissais pas la disposition int?rieure d'un piano; tout ce que je me rappelais, c'?tait d'y avoir remarqu? beaucoup de petits morceaux d'ivoire et d'?b?ne, un grand nombre de cordes en acier, des planches, des p?dales, une foule de choses qui devaient ?tre bien difficiles ? d?faire. Puis il y avait un fond solide; et apr?s le fond du piano, restait la caisse d'emballage.

En supposant que je parvinsse ? d?monter, ou ? briser toutes ces pi?ces, ? les retirer de leur ?tui, ? les ranger derri?re moi pour d?blayer la place, aurais-je assez de terrain pour agir et pour me permettre de faire une entaille qui me perm?t d'y passer? La chose ?tait douteuse; je me trompe, j'avais la certitude qu'elle ?tait impraticable.

Plus j'y pensais, plus je voyais l'impossibilit? de l'entreprise, et, apr?s l'avoir envisag?e sous toutes ses faces, j'y renon?ai compl?tement; il ?tait beaucoup plus sage de me d?tourner que de chercher ? m'ouvrir une br?che dans cette muraille de palissandre ou d'acajou.

Ce n'est pas, toutefois, sans chagrin que je pris cette r?solution; j'avais eu tant de peine ? ouvrir la caisse du piano! Il m'avait fallu une demi-journ?e de travail pour d?foncer la bo?te au drap et pour scier la planche voisine; tout cela en pure perte. Mais qu'y faire, sinon r?parer le temps perdu? Comme un g?n?ral qui assi?ge une ville, et qui voit ses attaques repouss?es, je fis une nouvelle reconnaissance des lieux, afin de d?couvrir la meilleure route ? suivre pour tourner la forteresse qui me d?fendait le passage.

J'?tais toujours persuad? que c'?tait un ballot de toile qui se trouvait au-dessus de ma t?te, et cette conviction m'emp?chait de me diriger de ce c?t?-l?; il ne me restait plus qu'? choisir entre la droite et la gauche.

Cela ne m'avancerait pas d'un centim?tre; je n'en serais jamais qu'au m?me ?tage, et par cons?quent tout aussi loin du but; mais j'avais si peur de cet affreux ballot de toile!

Mon travail du jour n'?tait cependant pas tout ? fait perdu; en faisant sauter la paroi lat?rale de la caisse d'?toffe, j'avais trouv?, ainsi que je l'ai dit, un vide entre elle et cette grande bo?te qui renfermait le piano, je pouvais y introduire le bras jusqu'au-dessus du coude, et cela me permettait de palper les colis qui se trouvaient dans les environs.

? droite et ? gauche ?taient deux caisses enti?rement pareilles ? celles que j'occupais, et qui devaient ?tre remplies d'?toffes de laine, ce qui m'allait assez bien. J'?tais habitu? ? l'effraction de ces sortes de colis; j'avais trouv? la mani?re de les d?barrasser de leur contenu, et cette besogne n'?tait pour moi qu'une bagatelle. Pl?t ? Dieu que toute la cargaison e?t ?t? form?e de cet article, pour lequel ?taient renomm?s les comt?s de l'ouest de l'Angleterre.

Comme je faisais cette r?flexion, tout en explorant la surface de ces colis, je levai le bras pour voir de combien le ballot de toile d?passait le dessus de la caisse vide; ? ma grande surprise, il ne d?bordait pas. J'avais pourtant observ? que ces ballots ?taient ? peu pr?s de la m?me dimension que les caisses d'?toffe; et comme celui dont il s'agissait n'allait pas jusqu'au bout de l'autre c?t?, o? la courbure de la charpente l'emp?chait de se caser, j'en avais conclu qu'il devait d?border ? droite de toute la largeur qu'il laissait vide ? gauche; mais il n'en ?tait rien, c'?tait la preuve qu'il ?tait moins grand que les autres.

Cette remarque toute naturelle changea le cours de mes id?es: si le ballot en question diff?rait de ceux que j'avais trouv?s, sous le rapport du volume, ne pouvait-il pas renfermer autre chose que de la toile? Je l'examinai avec soin, et fus agr?ablement surpris en d?couvrant que ce n'?tait pas du tout un ballot, mais bel et bien une caisse; elle ?tait seulement entour?e d'une mati?re ?paisse et molle, d'une sorte de paillasson ou de natte, et c'?tait l? ce qui avait caus? mon erreur.

D?s lors il ?tait possible de revenir ? mon plan primitif, et de continuer ma route en ligne directe; je viendrais facilement ? bout de ce paillasson, la bo?te qu'il enveloppait ne serait pas plus dure que les autres, et je l'aurais bient?t d?fonc?e.

Avant d'arriver au paillasson, il fallait d?couvrir la caisse ou je me trouvais; vous connaissez les d?tails de cette besogne, et je ne vous les rappellerai pas; il me suffira de vous dire qu'elle fut moins difficile que je ne m'y attendais, en raison du vide qui se trouvait ? ma droite; et je fus bient?t en face du paillasson, qui m'offrit peu de r?sistance.

La bo?te qu'il entourait et que j'allais attaquer ?tait bien en sapin; elle me parut moins ?paisse que les autres, elle n'?tait pas bard?e de fer comme les grandes caisses d'?toffe, les clous en ?taient peu nombreux, toutes circonstances favorables dont je me f?licitai. Au lieu de prendre la peine de couper les planches, ce qui ?tait long et difficile, je pourrais les d?tacher tout d'abord, en me servant d'un objet quelconque pour en arracher les pointes. J'avais vu souvent ouvrir ainsi les caisses, au moyen d'un ciseau qui fait l'office de levier.

Je pensais bien peu, en me f?licitant de ces heureuses circonstances, qu'elles seraient pour moi la cause d'un grand malheur, et que la joie qu'elles me donnaient allait se changer en d?sespoir.

Vous allez le comprendre en quelques mots.

J'avais ins?r? mon couteau sous l'une des planches, avec l'intention d'?prouver la r?sistance que celle-ci m'opposerait; j'appuyai trop sans doute, car un craquement sec, plus douloureux pour moi que n'e?t ?t? la d?tonation d'un pistolet, dont le coup m'aurait frapp?, m'annon?a que je venais de briser la lame de mon couteau.

La lame bris?e.

La lame s'?tait rompue compl?tement, et restait fix?e entre les deux c?t?s de la caisse; le manche seul me restait ? la main; en passant le doigt sur l'extr?mit? de celui-ci, je ne trouvais plus qu'un tron?on imperceptible, deux ou trois millim?tres au-dessus de la charni?re.

Je ne puis pas vous dire le chagrin que j'en ?prouvai; toutes les cons?quences de cet accident m'apparurent: que pouvais-je faire sans instrument?

Plus moyen de gagner l'?coutille, d'arriver sur le pont; il me fallait renoncer ? mon entreprise, et je me retrouvais face ? face avec la mort.

Il y avait quelque chose de terrifiant dans la r?action que je subissais: la douleur effroyable qu'elle me causait ?tait rendue plus vive par la soudainet? du choc. Une minute avant, j'?tais plein de confiance, tout semblait seconder mes voeux, et ce malheur impr?vu me replongeait dans l'ab?me.

J'?tais foudroy?, je ne pensais plus. ? quoi bon r?fl?chir? je ne pouvais plus rien faire, puisque je n'avais plus d'outil.

Mon esprit s'?garait; je passai machinalement les doigts sur le manche de mon couteau, et restai le pouce appuy? sur le tron?on de la lame; je ne pouvais pas croire qu'elle f?t bris?e; cela me paraissait un r?ve; je doutais de mes sens, je ne me poss?dais plus.

Peu ? peu la r?alit? se fit jour dans mon esprit: c'?tait bien vrai; j'avais perdu tout moyen de me sauver. Mais lorsque j'avais compris toute l'?tendue de mon malheur, je cherchai instinctivement ? lui ?chapper.

Les paroles d'un grand po?te, que j'avais entendu lire ? l'?cole, me revinrent ? la m?moire:

Personne plus que moi ne devait mettre ? profit la sagesse de ces paroles. Je songeais ? reprendre ma lame; elle gisait toujours entre les planches, ? l'endroit o? elle s'?tait cass?e.

Je l'en retirai avec soin pour qu'elle ne tomb?t pas: elle restait tout enti?re; mais, h?las! ? quoi pouvait-elle me servir, maintenant qu'elle ?tait s?par?e du manche?

Par bonheur, elle ?tait forte et longue; j'essayai d'en faire usage, et vis avec joie qu'elle coupait encore un peu; en l'entourant d'un chiffon, qui en envelopperait la base, elle pouvait me rendre du nouveaux services; mais il ne fallait pas compter sur elle pour ouvrir des caisses, comme elle l'avait fait jusqu'ici.

Il ne pouvait pas ?tre question de la remmancher, bien que l'id?e m'en f?t d?j? venue; l'impossibilit? de faire sortir de la charni?re la partie qui s'y trouvait engag?e ne permettait pas qu'on y songe?t.

Certes, si j'avais pu enlever ce tron?on de la place qu'il occupait, le manche aurait pu me resservir; j'aurais introduit la partie bris?e de la lame entre les deux l?vres qui le terminaient, et, comme je ne manquais pas de ficelle, j'aurais li? solidement les deux parties du couteau, de mani?re ? r?tablir celui-ci. Mais comment arracher ce tron?on, maintenu par un clou riv??

Le manche ne m'?tait pas plus utile qu'un simple morceau de bois: beaucoup moins, pensai-je; avec un morceau de bois pur et simple, je ferais ? ma lame une poign?e qui me permettrait de m'en servir.

Il n'en fallut pas davantage pour rendre ? mon esprit toute son activit?, et je ne pensai plus qu'? remmancher mon couteau.

Sous l'empire des circonstances qui tenaient toutes mes facult?s en ?veil, j'eus bient?t une id?e; l'ex?cution en fut rapide, et, quelques heures apr?s l'incident qui m'avait mis au d?sespoir, j'?tais en possession d'un couteau complet, dont le manche ?tait grossier, je l'avoue, mais qui n'en ?tait pas moins commode; et j'avais retrouv? toute ma confiance.

Comment aviez-vous fait? direz-vous. Ce fut bien simple: toutes ces caisses que j'avais d?molies, et dont les planches avaient deux ou trois centim?tres d'?paisseur, me fournissaient les mat?riaux n?cessaires. Je pris l'un des ?clats de bois qui m'entouraient, et lui donnai la dimension, et ? peu pr?s la forme que devait avoir mon manche; la lame, garnie d'?toffe ? la base, comme je l'ai dit plus haut, avait suffi ? ce l?ger ouvrage; une fois le manche termin?, j'avais pratiqu? une fente ? l'extr?mit? sup?rieure, et j'y avais enfonc? ma lame. Il ne restait plus qu'? l'attacher solidement; je pensais d'abord ? la ficelle que vous savez, mais je changeai bient?t d'avis. Cette ficelle pouvait se desserrer, se trancher ou se d?faire, la lame sortir du manche, et tomber entre les colis, o? elle serait perdue sans retour; c'?tait un accident trop grave pour que je ne prisse pas le moyen de l'?viter.

Avec quoi, cependant, attacher cette lame et la fixer au manche, si ce n'est avec de la ficelle, quand on n'a pas autre chose? Je me le demandais comme vous. Un bout de fil d'archal aurait bien fait mon affaire; mais il fallait en avoir, et je n'en poss?dais pas. Quelle sottise! et les cordes du piano!

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