Read Ebook: Entretiens (1998-2001) by Lebert Marie
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Ebook has 1799 lines and 108179 words, and 36 pages
Fabrice Lhomme / Cr?ateur d'Une Autre Terre, site consacr? ? la science-fiction
Naomi Lipson / Ecrivain multim?dia, traductrice et peintre
Philippe Loubi?re / Traducteur litt?raire et dramatique, sp?cialiste de la Roumanie
Pierre Magnenat / Responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Universit? de Lausanne
Alain Marchiset / Pr?sident du Syndicat de la librairie ancienne et moderne
Maria Victoria Marinetti / Professeur d'espagnol en entreprise et traductrice
Emmanuel M?nard / Directeur des publications de CyLibris, maison d'?dition litt?raire en ligne
Jacky Minier / Cr?ateur de Diamedit, site de promotion d'in?dits artistiques et litt?raires
Jean-Philippe Mouton / Fondateur et g?rant de la soci?t? d'ing?nierie Isayas
Jacques Pataillot / Conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young
Nicolas Pewny / Cr?ateur des ?ditions du Choucas
Herv? Ponsot / Webmestre du site web des ?ditions du Cerf, sp?cialis?es en th?ologie
Olivier Pujol / PDG de la soci?t? Cytale et promoteur du Cybook, livre ?lectronique
Anissa Rachef / Biblioth?caire et professeur de fran?ais langue ?trang?re ? l'Institut fran?ais de Londres
Patrick Rebollar / Professeur de litt?rature fran?aise, cr?ateur d'un site web de recherches et activit?s litt?raires, mod?rateur de la liste de diffusion LITOR
Jean-Baptiste Rey / Webmestre et r?dacteur de Biblio On Line, un site web destin? aux biblioth?ques
Philippe Rivi?re / R?dacteur au Monde diplomatique et responsable du site web
Blaise Rosnay / Webmestre du site du Club des Po?tes
Jean-Paul Rousset Saint Auguste / Journaliste sp?cialis? dans l'histoire des techniques
Bruno de Sa Moreira / Co-fondateur des ?ditions 00h00.com, sp?cialis?es dans l'?dition num?rique
Pierre Schweitzer / Architecte designer, concepteur d'@folio et de Mot@mot
Jacques Trahand / Vice-pr?sident de l'Universit? Pierre Mend?s France, charg? de l'enseignement ? distance et des TICE
Zina Tucsnak / Ing?nieur d'?tudes en informatique ? l'ATILF
Fran?ois Vadrot / Fondateur et PDG de FTPress , soci?t? de cyberpresse
Christian Vandendorpe / Professeur ? l'Universit? d'Ottawa et sp?cialiste des th?ories de la lecture
Russon Wooldridge / Professeur au d?partement d'?tudes fran?aises de l'Universit? de Toronto et cr?ateur de ressources litt?raires librement accessibles en ligne
Denis Zwirn / Co-fondateur et PDG de Numilog, librairie en ligne de livres num?riques
Index des entretiens par profession
Bilan, par Marie Lebert
NICOLAS ANCION
#Ecrivain et responsable ?ditorial de Luc Pire ?lectronique
Lanc? en f?vrier 2001, Luc Pire ?lectronique est le d?partement d'?dition num?rique des ?ditions Luc Pire, cr??es ? l'automne 1994 et bas?es ? Bruxelles et ? Li?ge. Le catalogue de Luc Pire ?lectronique, en cours de constitution, comprendra les versions num?riques des livres d?j? publi?s par les ?ditions Luc Pire et de nouveaux titres, soit en version num?rique seulement, soit en deux versions, num?rique et imprim?e.
Je suis ?crivain et, depuis 1997, je tente d'utiliser internet comme outil de communication et de cr?ation. Depuis l'ann?e 2000, je collabore ?galement au d?veloppement ?lectronique des ?ditions Luc Pire, en tant que responsable ?ditorial.
Ma fonction est d'une double nature: d'une part, imaginer des contenus pour l'?dition num?rique de demain et, d'autre part, trouver des sources de financement pour les d?velopper. En quoi consiste exactement votre activit? li?e ? l'internet?
En tant qu'auteur, je publie des textes en ligne, soit de mani?re exclusive , soit de mani?re compl?mentaire . Je dialogue avec les lecteurs et les enseignants ? travers mon site web.
En tant que responsable ?ditorial au sein de Luc Pire ?lectronique, je supervise le contenu du site de la maison d'?dition et je con?ois les prochaines g?n?rations de textes publi?s num?riquement .
Je pense que l'?dition num?rique n'en est encore qu'? ses balbutiements. Nous sommes en pleine phase de recherche. Mais l'essentiel est d?j? acquis: de nouveaux supports sont en train de voir le jour et cette apparition entra?ne une red?finition du m?tier d'?diteur. Auparavant, un ?diteur pouvait se contenter d'imprimer des livres et de les distribuer. M?me s'il s'en d?fendait parfois, il fabriquait avant tout des objets mat?riels . D?sormais, le r?le de l'?diteur consiste ? imaginer et mettre en forme des contenus, en collaboration avec des auteurs. Il ne fabrique plus des objets mat?riels, mais des contenus d?mat?rialis?s. Ces contenus sont ensuite "mat?rialis?s" sous diff?rentes formes: livres papier, livres num?riques, sites web, bases de donn?es, brochures, CD-Rom, bornes interactives. Le d?partement de "production" d'un ?diteur deviendrait plut?t un d?partement d'"exploitation" des ressources. Le m?tier d'?diteur se r?v?le ainsi beaucoup plus riche et plus large. Il peut amener le livre et son contenu vers de nouveaux lieux, de nouveaux publics. C'est un v?ritable d?fi qui demande avant tout de l'imagination et de la souplesse.
Je suis un t?l?travailleur. J'habite Madrid et les ?ditions Luc Pire sont ? Bruxelles et Li?ge, en Belgique. En huit mois, j'ai re?u deux plis postaux relatifs ? mon travail et je suis rest? plus de six mois sans imprimante. En dehors des contrats, tout se passe sur l'?cran. Pour mon travail, c'est donc tr?s clair, 99% de l'information passe par des fichiers informatiques sans gaspiller de papier.
En tant qu'auteur, je continue ? r?diger majoritairement ? la main, au stylo sur papier. Je ne tape le texte que dans une seconde ?tape sur mon ordinateur. En r?alit?, m?me si je publie sur le web depuis 1998, je continue ? travailler comme au 19e si?cle pour mon ?criture. Tout ? la main dans des petits cahiers d'?colier. Sauf pour mes deux romans-feuilletons, pr?cis?ment. J'ai d?cid? de changer mon mode d'?criture pour ces deux textes et je les ?cris directement ? l'?cran, comme ils seront lus, semaine apr?s semaine. C'est un d?fi, une contrainte que je me suis pos?e volontairement. Pour voir si ?a change quelque chose et pour r?pondre en d?tail ? cette question souvent pos?e aux auteurs: est-ce que vous ?crivez ? la main ou ? la machine?
En tant que lecteur, bien que je lise presque exclusivement les journaux en ligne, de m?me que les critiques litt?raires et cin?matographiques, je ne peux pour autant me passer de la litt?rature imprim?e. J'ai toujours de bon vieux romans jaunis sur ma table de nuit et dans mon sac, o? que j'aille. Dans le train, le m?tro, je lis. De laids bouquins de poche, dont le papier ne sent pas bon et dont les couvertures sont ?corn?es, mais qui sont l?gers, r?sistants et fourrables dans n'importe quel bagage.
Je crois qu'il est fort imb?cile de penser que l'arriv?e du num?rique va tuer le papier. Comme si l'arriv?e de la radio avait tu? la presse ?crite, ou la t?l?vision le cin?ma. C'est une opinion tellement stupide que beaucoup de gens la partagent. Pour ma part, je crois que l'arriv?e du num?rique grand public offre une panoplie de nouveaux supports pour les contenus. Qu'elle ouvre de nombreuses possibilit?s pour imaginer de nouveaux types de cr?ations et de produits culturels.
J'aime beaucoup le papier, j'adore les livres: ils m'accompagnent depuis toujours, que ce soient des bandes dessin?es, des romans, des dictionnaires. Je pense qu'ils continueront ? ?tre pr?sents pendant tr?s longtemps. Mais qu'? leurs c?t?s appara?tront de nouveaux formats. Le roman, tel que nous le connaissons, correspond tr?s pr?cis?ment ? des contraintes techniques d'impression et de reliure; si l'on change les supports, on provoque l'apparition de nouvelles formes. La plupart des musiciens ont d? r?inventer la composition de leurs albums suite ? l'arriv?e du CD qui ajoute vingt minutes au format 33 tours. Je me r?jouis de lire ce qu'il y aura ? lire dans dix ans. Mais j'aurai toujours un Dumas ou un Michaux sur ma table de nuit.
Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d'avenir dans le grand public tant qu'ils restent monot?ches . Un m?decin ou un avocat pourront adopter ces plate-formes pour remplacer une biblioth?que enti?re, je suis pr?t ? le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un ?cran, il faut que cet ?cran soit celui du t?l?phone mobile, du PDA ou de la t?l?vision. D'autre part, je crois qu'en cherchant ? limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils , les constructeurs tuent leur machine. L'avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c'est leur ouverture et leur souplesse. S'ils n'ont qu'une fonction et qu'un seul fournisseur, ils n'int?resseront personne. Par contre, si ? l'achat de son t?l?phone portable, on re?oit une biblioth?que de vingt bouquins gratuits ? lire sur le t?l?phone et la possibilit? d'en charger d'autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde. Et de couper l'herbe sous le pied des "serpent", "memory" et autres jeux qu'on joue sans plaisir pour tuer le temps dans les a?roports.
Je ne vois pas de d?bat. Le droit d'auteur est un droit, il n'y a pas ? revenir l?-dessus. La question int?ressante est de savoir comment appliquer ce droit inali?nable ? la nouvelle r?alit? de diffusion des oeuvres.
Mon point de vue est tr?s simple: l'auteur doit ?tre r?mun?r? pour son travail. Mais il reste ma?tre de son oeuvre et peut aussi d?cider lui-m?me de c?der ses droits gratuitement ou de diffuser certains de ses textes gratuitement . Je tiens beaucoup au respect du droit de paternit? de l'auteur, mais je ne pense pas que tout ?change sur cette plan?te doive ?tre monnay?. Je suis tr?s heureux d'offrir des textes gratuitement. Mais je ne tol?re ni le vol ni la piraterie. Si quelqu'un vole un texte et le diffuse sous un autre nom, il commet un d?lit grave, bien entendu.
Pour moi, la soci?t? de l'information est l'arriv?e d'un nouveau clivage sur la plan?te: distinction entre ceux qui ont acc?s au savoir, le comprennent et l'utilisent, et ceux qui n'y ont pas acc?s pour de nombreuses raisons. Il ne s'agit cependant pas d'une nouvelle forme de soci?t? du tout car le pouvoir de l'information n'est li? ? aucun pouvoir r?el . Conna?tre la v?rit? ne nourrit personne. Par contre, l'argent permet de tr?s facilement propager des rumeurs ou des mensonges. La soci?t? de l'information est simplement une version avanc?e de la soci?t? industrielle. Il y a ceux qui poss?dent et jouissent, ceux qui subissent et ceux dont on ne parle jamais: ceux qui comprennent et ne peuvent pas changer les choses. Au 19e si?cle, certains artistes et certains intellectuels se retrouvaient dans cette position inconfortable. Gr?ce ? la soci?t? de l'information, beaucoup de gens ont rejoint cette cat?gorie assise entre deux chaises. Qui poss?de des biens mat?riels et a peur de les perdre mais consid?re pourtant que les choses ne vont pas dans la bonne direction.
Mon opinion personnelle, par rapport ? tout ?a, c'est que ce n'est pas l'information qui sauve. C'est la volont?. Pour changer le monde, commen?ons par lever notre cul de notre chaise et retrousser nos manches.
Plusieurs fois, les r?actions de lecteurs, notamment des adolescents qui r?agissent tr?s spontan?ment et s'expriment sans d?tour, m'ont fait pleurer devant mon ?cran. On passe sa vie ? ?crire des histoires pour donner des ?motions aux lecteurs et voil? que ce sont eux qui nous en renvoient de plus fortes! Je n'ai jamais eu cet effet-l? qu'avec des messages ?lectroniques. En face ? face ou par courrier postal, l'?motion est brid?e par les formules de politesse et les circonlocutions en tous genres.
A une ?poque o? j'?tais entre deux d?m?nagements, que je n'avais plus ni adresse fixe ni t?l?phone, je me connectais dans les biblioth?ques. J'avais particip? ? un concours sur internet pour ?tre reporter radio pendant deux jours et gagner un t?l?phone portable, ce qui m'aurait ?t? bien utile. J'avais laiss? les coordonn?es de mes parents. J'ai gagn?, on a t?l?phon? pour me pr?venir mais ma m?re a mal compris le message et n'a pas jug? bon de me mettre au courant. Quand j'ai finalement appris ce qui ?tait arriv?, il ?tait trop tard. Internet va vite, les possibilit?s sont fantastiques, mais il faut aussi que le reste de la plan?te suive le mouvement, sinon on fabrique du vent. C'est une bonne morale.
ALEX ANDRACHMES
#Producteur audiovisuel, ?crivain et explorateur d'hypertexte
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