Read Ebook: Entretiens / Interviews / Entrevistas by Lebert Marie
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Ebook has 2381 lines and 141292 words, and 48 pages
ENTRETIENS / INTERVIEWS / ENTREVISTAS
MARIE LEBERT
NEF, University of Toronto, 2001
Copyright 2001 Marie Lebert
Quelle est leur activit? sur l'internet? Quelle est leur opinion sur l'avenir du r?seau, l'avenir de l'imprim?, le livre ?lectronique, le droit d'auteur, le multilinguisme, le cyberespace, la soci?t? de l'information, etc.? Entretiens avec des biblioth?caires-documentalistes, chercheurs, ?crivains, ?diteurs, gestionnaires, journalistes, libraires, linguistes, professeurs, traducteurs, etc., francophones et non francophones.
?Cu?l es su actividad sobre la Red? ?Qu? piensan del Internet, de los derechos de autor, del multiling?ismo, de la sociedad de la informaci?n, etc.? Entrevistas con escritores, periodistas, editores, libreros, bibliotecarios, documentalistas, profesores, investigatores, ling?istas, etc.
TABLE
Traduction partielle / Partly translated / Traducci?n parcial
NICOLAS ANCION
Nicolas Ancion
#Ecrivain et responsable ?ditorial de Luc Pire ?lectronique
Lanc? en f?vrier 2001, Luc Pire ?lectronique est le d?partement d'?dition num?rique des ?ditions Luc Pire, cr??es ? l'automne 1994 et bas?es ? Bruxelles et ? Li?ge. Le catalogue de Luc Pire ?lectronique, en cours de constitution, comprendra les versions num?riques des livres d?j? publi?s par les ?ditions Luc Pire et de nouveaux titres, soit en version num?rique seulement, soit en deux versions, num?rique et imprim?e.
Je suis ?crivain et, depuis 1997, je tente d'utiliser internet comme outil de communication et de cr?ation. Depuis l'ann?e 2000, je collabore ?galement au d?veloppement ?lectronique des ?ditions Luc Pire, en tant que responsable ?ditorial.
Ma fonction est d'une double nature: d'une part, imaginer des contenus pour l'?dition num?rique de demain et, d'autre part, trouver des sources de financement pour les d?velopper. En quoi consiste exactement votre activit? li?e ? l'internet?
En tant qu'auteur, je publie des textes en ligne, soit de mani?re exclusive , soit de mani?re compl?mentaire . Je dialogue avec les lecteurs et les enseignants ? travers mon site web.
En tant que responsable ?ditorial au sein de Luc Pire ?lectronique, je supervise le contenu du site de la maison d'?dition et je con?ois les prochaines g?n?rations de textes publi?s num?riquement .
Je pense que l'?dition num?rique n'en est encore qu'? ses balbutiements. Nous sommes en pleine phase de recherche. Mais l'essentiel est d?j? acquis: de nouveaux supports sont en train de voir le jour et cette apparition entra?ne une red?finition du m?tier d'?diteur. Auparavant, un ?diteur pouvait se contenter d'imprimer des livres et de les distribuer. M?me s'il s'en d?fendait parfois, il fabriquait avant tout des objets mat?riels . D?sormais, le r?le de l'?diteur consiste ? imaginer et mettre en forme des contenus, en collaboration avec des auteurs. Il ne fabrique plus des objets mat?riels, mais des contenus d?mat?rialis?s. Ces contenus sont ensuite "mat?rialis?s" sous diff?rentes formes: livres papier, livres num?riques, sites web, bases de donn?es, brochures, CD-Rom, bornes interactives. Le d?partement de "production" d'un ?diteur deviendrait plut?t un d?partement d'"exploitation" des ressources. Le m?tier d'?diteur se r?v?le ainsi beaucoup plus riche et plus large. Il peut amener le livre et son contenu vers de nouveaux lieux, de nouveaux publics. C'est un v?ritable d?fi qui demande avant tout de l'imagination et de la souplesse.
Je suis un t?l?travailleur. J'habite Madrid et les ?ditions Luc Pire sont ? Bruxelles et Li?ge, en Belgique. En huit mois, j'ai re?u deux plis postaux relatifs ? mon travail et je suis rest? plus de six mois sans imprimante. En dehors des contrats, tout se passe sur l'?cran. Pour mon travail, c'est donc tr?s clair, 99% de l'information passe par des fichiers informatiques sans gaspiller de papier.
En tant qu'auteur, je continue ? r?diger majoritairement ? la main, au stylo sur papier. Je ne tape le texte que dans une seconde ?tape sur mon ordinateur. En r?alit?, m?me si je publie sur le web depuis 1998, je continue ? travailler comme au 19e si?cle pour mon ?criture. Tout ? la main dans des petits cahiers d'?colier. Sauf pour mes deux romans-feuilletons, pr?cis?ment. J'ai d?cid? de changer mon mode d'?criture pour ces deux textes et je les ?cris directement ? l'?cran, comme ils seront lus, semaine apr?s semaine. C'est un d?fi, une contrainte que je me suis pos?e volontairement. Pour voir si ?a change quelque chose et pour r?pondre en d?tail ? cette question souvent pos?e aux auteurs: est-ce que vous ?crivez ? la main ou ? la machine?
En tant que lecteur, bien que je lise presque exclusivement les journaux en ligne, de m?me que les critiques litt?raires et cin?matographiques, je ne peux pour autant me passer de la litt?rature imprim?e. J'ai toujours de bon vieux romans jaunis sur ma table de nuit et dans mon sac, o? que j'aille. Dans le train, le m?tro, je lis. De laids bouquins de poche, dont le papier ne sent pas bon et dont les couvertures sont ?corn?es, mais qui sont l?gers, r?sistants et fourrables dans n'importe quel bagage.
Je crois qu'il est fort imb?cile de penser que l'arriv?e du num?rique va tuer le papier. Comme si l'arriv?e de la radio avait tu? la presse ?crite, ou la t?l?vision le cin?ma. C'est une opinion tellement stupide que beaucoup de gens la partagent. Pour ma part, je crois que l'arriv?e du num?rique grand public offre une panoplie de nouveaux supports pour les contenus. Qu'elle ouvre de nombreuses possibilit?s pour imaginer de nouveaux types de cr?ations et de produits culturels.
J'aime beaucoup le papier, j'adore les livres: ils m'accompagnent depuis toujours, que ce soient des bandes dessin?es, des romans, des dictionnaires. Je pense qu'ils continueront ? ?tre pr?sents pendant tr?s longtemps. Mais qu'? leurs c?t?s appara?tront de nouveaux formats. Le roman, tel que nous le connaissons, correspond tr?s pr?cis?ment ? des contraintes techniques d'impression et de reliure; si l'on change les supports, on provoque l'apparition de nouvelles formes. La plupart des musiciens ont d? r?inventer la composition de leurs albums suite ? l'arriv?e du CD qui ajoute vingt minutes au format 33 tours. Je me r?jouis de lire ce qu'il y aura ? lire dans dix ans. Mais j'aurai toujours un Dumas ou un Michaux sur ma table de nuit.
Ces appareils ne me paraissent pas porteurs d'avenir dans le grand public tant qu'ils restent monot?ches . Un m?decin ou un avocat pourront adopter ces plate-formes pour remplacer une biblioth?que enti?re, je suis pr?t ? le croire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un ?cran, il faut que cet ?cran soit celui du t?l?phone mobile, du PDA ou de la t?l?vision. D'autre part, je crois qu'en cherchant ? limiter les fournisseurs de contenus pour leurs appareils , les constructeurs tuent leur machine. L'avenir de ces appareils, comme de tous les autres appareils technologiques, c'est leur ouverture et leur souplesse. S'ils n'ont qu'une fonction et qu'un seul fournisseur, ils n'int?resseront personne. Par contre, si ? l'achat de son t?l?phone portable, on re?oit une biblioth?que de vingt bouquins gratuits ? lire sur le t?l?phone et la possibilit? d'en charger d'autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde. Et de couper l'herbe sous le pied des "serpent", "memory" et autres jeux qu'on joue sans plaisir pour tuer le temps dans les a?roports.
Je ne vois pas de d?bat. Le droit d'auteur est un droit, il n'y a pas ? revenir l?-dessus. La question int?ressante est de savoir comment appliquer ce droit inali?nable ? la nouvelle r?alit? de diffusion des oeuvres.
Mon point de vue est tr?s simple: l'auteur doit ?tre r?mun?r? pour son travail. Mais il reste ma?tre de son oeuvre et peut aussi d?cider lui-m?me de c?der ses droits gratuitement ou de diffuser certains de ses textes gratuitement . Je tiens beaucoup au respect du droit de paternit? de l'auteur, mais je ne pense pas que tout ?change sur cette plan?te doive ?tre monnay?. Je suis tr?s heureux d'offrir des textes gratuitement. Mais je ne tol?re ni le vol ni la piraterie. Si quelqu'un vole un texte et le diffuse sous un autre nom, il commet un d?lit grave, bien entendu.
Pour moi, la soci?t? de l'information est l'arriv?e d'un nouveau clivage sur la plan?te: distinction entre ceux qui ont acc?s au savoir, le comprennent et l'utilisent, et ceux qui n'y ont pas acc?s pour de nombreuses raisons. Il ne s'agit cependant pas d'une nouvelle forme de soci?t? du tout car le pouvoir de l'information n'est li? ? aucun pouvoir r?el . Conna?tre la v?rit? ne nourrit personne. Par contre, l'argent permet de tr?s facilement propager des rumeurs ou des mensonges. La soci?t? de l'information est simplement une version avanc?e de la soci?t? industrielle. Il y a ceux qui poss?dent et jouissent, ceux qui subissent et ceux dont on ne parle jamais: ceux qui comprennent et ne peuvent pas changer les choses. Au 19e si?cle, certains artistes et certains intellectuels se retrouvaient dans cette position inconfortable. Gr?ce ? la soci?t? de l'information, beaucoup de gens ont rejoint cette cat?gorie assise entre deux chaises. Qui poss?de des biens mat?riels et a peur de les perdre mais consid?re pourtant que les choses ne vont pas dans la bonne direction.
Mon opinion personnelle, par rapport ? tout ?a, c'est que ce n'est pas l'information qui sauve. C'est la volont?. Pour changer le monde, commen?ons par lever notre cul de notre chaise et retrousser nos manches.
Plusieurs fois, les r?actions de lecteurs, notamment des adolescents qui r?agissent tr?s spontan?ment et s'expriment sans d?tour, m'ont fait pleurer devant mon ?cran. On passe sa vie ? ?crire des histoires pour donner des ?motions aux lecteurs et voil? que ce sont eux qui nous en renvoient de plus fortes! Je n'ai jamais eu cet effet-l? qu'avec des messages ?lectroniques. En face ? face ou par courrier postal, l'?motion est brid?e par les formules de politesse et les circonlocutions en tous genres.
A une ?poque o? j'?tais entre deux d?m?nagements, que je n'avais plus ni adresse fixe ni t?l?phone, je me connectais dans les biblioth?ques. J'avais particip? ? un concours sur internet pour ?tre reporter radio pendant deux jours et gagner un t?l?phone portable, ce qui m'aurait ?t? bien utile. J'avais laiss? les coordonn?es de mes parents. J'ai gagn?, on a t?l?phon? pour me pr?venir mais ma m?re a mal compris le message et n'a pas jug? bon de me mettre au courant. Quand j'ai finalement appris ce qui ?tait arriv?, il ?tait trop tard. Internet va vite, les possibilit?s sont fantastiques, mais il faut aussi que le reste de la plan?te suive le mouvement, sinon on fabrique du vent. C'est une bonne morale.
ALEX ANDRACHMES
Alex Andrachmes
#Producteur audiovisuel, ?crivain et explorateur d'hypertexte
L'auteur a choisi de participer ? ces entretiens sous le pseudonyme d'@ Andrachmes .
La bio classique, un peu promotionnelle, rien de tel: n? en 1959, ma d?couverte du monde de la musique en 1980 passe par des productions audiovisuelles underground, cold wave, new wave, ou world music... Sans sombrer, ni tra?ner dans les pubs, c'est au cin?ma que je consacre ensuite mon ?nergie, dans une officine de coproduction soutenant des projets alternatifs qui rencontrent pourtant un retentissement mondial, prim?s ? Cannes, ? Venise, aux C?sars, nomm?s aux Oscars... C'est au sein d'une t?l?vision p?riph?rique francophone, diffus?e en hertzien, par c?ble et satellite, que je renoue avec le monde de la musique, en cr?ant des structures qui permettent encore aujourd'hui de capter des concerts live pour diverses cha?nes, des plus connus des artistes, aux plus pointus. Je propose aussi la mise en place de magazines en tout genre, information en prime-time, sciences, modes de vie, nature sauvage, entretiens litt?raires, ou cybers... Pratiquement tout ce qui ne se fait plus ailleurs parce que l'audience ne suivrait pas, je le d?fends. Et parfois ?a marche, d'autres fois... Et on me consulte de toute l'Europe, conseil en sc?nario, en production, productions ex?cutives... Ce n'est pas pour autant que je n?glige l'?criture: pi?ces de th??tre, cr?ations collectives, co-sc?narisation, romans et nouvelles, je me suis essay? ? de nombreuses formes, depuis 1977.
Elle me semble assez bien d?crite dans ma bio... Comme j'?cris sous un pseudonyme d'auteur, ?a d?personnalise un peu. Curieuse sensation... Ceci dit, je pourrais vous parler des nombreux sites web des ?missions dont je m'occupe, mais ce serait me d?voiler un peu trop.
L'?criture. L'?criture de mail, m?me, principalement des mails fictifs.... Puisque le websoap a comme particularit? d'utiliser exclusivement les moyens du web pour raconter les r?cits, il se donne comme objectif de mettre en place. Le d?fi que lance ? ses auteurs notre r?alisateur/int?grateur Olivier Lef?vre est de taille. En effet, habituellement, l'?criture, qu'elle soit de roman, de sc?nario ou de th??tre, implique des descriptions, des indications de mise en sc?ne . Ici, rien de tout ?a. Tout doit se dire sous forme d'adresse ? un autre personnage. Il faut ensuite rebondir sur la ou les r?ponses, et s'arranger pour que le n?cessaire soit dit. De plus, logiquement, une adresse ? un tiers est le plus souvent succinte, pleine de r?f?rence et de sous-entendus, entre le ton parl?, un ton un peu litt?raire, un ton un peu d?personnalis? par rapport ? la parole, mais proche quand m?me de son interlocuteur. On est plus proche du roman "?pistolaire" du 19e , que d'une continuit? dialogu?e... Donc, exercice difficile pour tout "tchatcheur", ?tre court, mais tout dire, tout en restant l?ger... Heureusement, de temps ? autre nous sommes aid?s par un concept qui nous vient droit du jeu de r?le : le PNJ, le personnage non jou?. Des adresses ? ce personnage, proche du second r?le d'une fiction classique, mais non jou? par un des "joueurs-auteurs", permet de pr?parer LE mail d?cisif ? un autre personnage principal, en mettant en place la situation. Attention tout de m?me: il faut rester dans la coh?rence du r?cit et assurer stabilit? et visibilit?! En fait, un peu comme dans la dramaturgie cin?matographique ou th??trale, o? l'importance du hors champ n'est plus ? inventer, le sens saute d'un mail ? l'autre. Plus clairement, un mail qui a un sens tr?s positif en tant que tel, peut en prendre un tout autre, lorsqu'il est compl?t? par une information distill?e par un autre mail. Dans cette nouvelle forme d'?criture, tout s'invente en temps r?el. Et c'est ce qui est passionnant...
On le voit, les possibilit?s de l'?criture sp?cifiques ? l'internet sont multiples . L'hypertexte en est une, bien entendu. En effet, j'ai jusqu'ici beaucoup parl? du mail. Si des renvois r?f?rentiels sont souvent fait d'un mail ? l'autre, ils ne sont renforc?s d'un v?ritable lien que quand le sens du r?cit l'impose, ce n'est pas la principale utilisation ici de l'hypertexte. Je ne vous ai pas encore parl? de l'?criture sp?cifique du site web des personnages. L? aussi, une id?e originale tr?s int?ressante de notre r?alisateur/int?grateur, c'est de caract?riser le personnage par son site web. Car qu'y a-t-il de commun, vous le verrez si vous explorez la galaxie des sites du websoap, entre le site de Mona , celui de Sadie Nassau et, ? l'autre extr?me, celui d'Antonin, l'observateur patent? de cette galaxie. Pour ne parler que de celui de mon personnage, le site se veut clinquant, vendeur, imitant ce qui se fait de pire dans le secteur du "webtertainment", terme nouveau que je viens d'inventer. Pour cela, pas besoin de chercher beaucoup, toutes les soci?t?s d'entertainment, des plus grosses cha?nes TV commerciales au plus petite start-up , cherchent de nos jours ? d?crocher le jackpot en attirant les "hits" de "prospects"... Je me suis inspir? au passage de tout ce qui fait la trash TV de nos jours, la t?l? voyeuse o? on enferme des quidams dans un lieu clos pour ?tudier leurs r?actions, concepts europ?ens qui cartonnent dans le monde entier. Pas si loin d'ailleurs de l'entomologie du site "Insectalia" anim? par Mona Bliss, un des personnages principaux du websoap. Pour la petite histoire, dans le nord de l'Europe, les sites de ces ?missions de trash TV changent compl?tement la donne en mati?re de web, en faisant exploser le nombre de connexions, sur les r?seaux qui les accueillent . Pour revenir ? l'hypertexte, dans de nombreux mails, je renvoie ? mon site. Au fur et ? mesure de la mise en ligne des ?l?ments, Sadie Nassau annonce triomphalement ses succ?s par mail, avec un lien vers la page concern?e du site... Mais lorsque la m?canique s'enraye, les renvois vers ce site prennent un tout autre sens. Et lorsque d'autres personnages d?couvrent la v?rit? cach?e du personnage de Sadie Nassau, et le lui signalent, ou pr?viennent d'autres personnages de ne pas frayer avec lui, l? aussi, les liens prennent encore un autre sens... Inutile de vous pr?ciser que je joue le r?le du mauvais...
Comme vous avez pu le lire, je m'y int?resse de tr?s pr?s, puisque toutes les activit?s que d?veloppe mon personnage ne parlent que de ?a. L'ensemble du websoap s'apparente d'ailleurs ? une mise en ab?me des tendances qui traversent le net de nos jours. Le d?chirent m?me. Alors l'avenir... Quand on observe, et m?me qu'on joue, des personnages qui repr?sentent des tendances ? la mani?re d'un soap, conna?tre le vainqueur ? l'avance n'est pas simple. Selon le personnage que j'anime, la r?ponse est diff?rente. Et il y a des pi?ges. Dont le principal me semble ?tre celui-ci: si, ? force de travail, c'est mon personnage principal qui pla?t au public, et non ses opposants, la r?ponse ? votre question pourrait ?tre inqui?tante... Je pr?f?rerais vous en donner une autre, celle que je d?veloppe dans une autre oeuvre, Neiges d'anges . J'y raconte le r?seau projet? dans une vingtaine d'ann?es, aux mains de personnages comme ce Sadie Nassau qui tiennent le haut du pav?. Et sous ces pav?s, quelle plage? C'est toute la question.
Oui, c'est un des questionnements de l'?quipe du websoap. A l'heure actuelle, il semble que l'internet soit encore consid?r? majoritairement comme un outil de travail, ou au mieux, comme un outil de consultation de documentation, d'infos en ligne, ou de services . Pas encore de loisir proprement dit, ? part pour une minorit? d'addicts de jeux, de free TV, de t?l?chargements musicaux ou de ... sexe virtuel... La principale raison ? cet ?tat de fait est technique. La majorit? des ?quipements se trouve dans les bureaux, et les connexions permanentes sont loin d'?tre majoritaires. Ce d?tour pour constater que le meilleur outil de lecture reste le livre, qu'on peut emporter n'importe o?. Dans ma pratique professionnelle, et celle de la plupart de mes correspondants dans les m?dias, toute la cr?ation de documents passe par l'ordinateur, les textes circulent par e-mail et attachements, mais leur lecture et/ou analyse passe par les tirages papier. Rares sont ceux qui ?changent directement les infos sans ce passage oblig?. Il faut une tournure d'esprit particuli?re pour arriver ? envisager globalement un document, l'analyser, le corriger, sans l'imprimer. Par mon activit? web, je m'y exerce, et ce n'est au fond pas d?sagr?able du tout.
Il n'est pas impossible que, si on assiste ? une v?ritable g?n?ralisation de l'e-book, ou ? travers les Psion, Palm, Wap, UMTS ... qui sait, le papier finisse par ?tre d?tr?n?. Mais dans l'?tat actuel, le papier ne me para?t pas mort. Les premiers qui auront ? souffrir, me semble-t-il, ce sont les journaux. Puisque la fonction info et service est d?j? tr?s r?pandue sur le net, via les sites des journaux eux-m?mes. Les grands m?dias sont en train de s'embarquer dans ce train-l?, voir les sites de TF1, Canal+, etc... Les autres passeront encore longtemps par l'?tape tirage papier... Mais il se passe quelque chose via les sites de webtertainment dont je parlais plus haut, des habitudes se prennent, surtout chez les jeunes. Et l?, une initiative comme la n?tre pourrait participer ? un changement de la donne. En effet, l'activit? proprement mail est un ph?nom?ne sociologique incontestable qui s'explique par une certaine d?personnalisation des contacts permettant aux jeunes d'oser dire plus facilement ce qu'ils ont ? dire. Paradoxalement, le texte qu'ils ont ?crit leur para?t ?tre une personnalisation de leur discours, puisqu'il existe sous forme ?crite. Enfin, les fonctions envoi et retour confirment l'existence de leur discours, puisqu'il est lu, et qu'on y r?pond. Dans ces ?changes l?, le papier a d?j? compl?tement disparu. L'exploration de ces formes de discours par nos personnages est donc en pointe. Et leur communication ? un large public un r?el enjeu.
Enfin, je pense surtout que c'est l'arriv?e du fameux "papier ?lectrique" qui changera la donne. Ce projet du MIT qui consiste ? charger ?lectriquement une fine couche de "papier" - dont je ne connais pas la formule - permettra de charger la feuille de nouveaux textes, par modification de cette charge ?lectrique. Un e-book sur papier, en somme, ce que le monde de l'?dition peut attendre de mieux.
Question ?pineuse s'il en est. Si c'est pour enrichir encore de grosses soci?t?s multinationales et surtout leurs actionnaires , de nombreux internautes dont je suis se rebellent face au "copyright". Par contre, si c'est pour permettre ? des cr?ateurs, des artistes ou des musiciens de vivre de leurs passions, le droit d'auteur au sens noble me para?t l?gitime. Le d?bat est le m?me que celui de l'exception culturelle face au GATS . Copyright contre droit d'auteur! Mais il r?gne dans le domaine une confusion soigneusement entretenue, ou les deux sont amalgam?s. "On" fait monter au cr?neau des artistes pour d?fendre une libert? qui pourrait ne profiter finalement qu'aux multinationales. Firmes qui s'empresseront d'?touffer ces petits soldats de la libert?, si on leur en laisse le pouvoir, sur le net. Et oui, contrairement aux droits d'auteurs qui sont incessibles, le syst?me de "copyright" permet ? ses "propri?taires" de modifier les conditions contractuelles aux moments qui les arrangent. On a vu plus d'un artiste parvenir ? la vice-pr?sidence de l'une ou l'autre de ces firmes gr?ce ? ses ventes faramineuses, puis perdre jusqu'? leur nom d?s que ces ventes ne suivent plus! Il me semble qu'il faut surveiller de tr?s pr?s le fameux accord entre BMG et Napster, par lequel, contre un abonnement assez minime somme toute, n'importe qui pourra charger des fichiers en toute l?galit?. Certes BMG est une multinationale, certes Napster est en passe de perdre son proc?s contre les autres multinationales de la musique; mais ce syst?me de forfait peut amener ? des solutions originales d'?quilibre entre la libert? de l'internaute et la r?mun?ration l?gitime des artistes. Tenant compte de toutes ces contradictions, valider un mod?le ?conomique, puisque c'est le dernier concept ? la mode dans le domaine du net, n'est pas des plus ?vidents...
J'attends les fameuses traductions simultan?es en direct-live... On nous les annonce avec les nouveaux processeurs ultra-puissants, mais on nous les annon?ait d?j? pour cette g?n?ration-ci de processeurs. Alors, le genre: vous/r?serv?/avion/de le/november 17-2000... Non merci. Plus tard peut-?tre.
Je suis assez proche g?ographiquement de la soci?t? Lernout & Hauspie, qui est tomb?e en faillite. C'?tait le leader en mati?re de reconnaissance vocale... Donc, je ne suis pas tr?s optimiste dans ce secteur non plus, pas avant de plus larges bandes passantes et/ou les processeurs ultra-puissants qu'on nous annonce donc pour tr?s bient?t.
Lequel? Celui des Gibson, inventeur de la formule, des Spinrad ou des Clarke, utopies scientifiques pas toujours trait?es comme elles devraient l'?tre? Ou celui des AOL/Time-Warner, des Microsoft ou des... J6M-Canal/Universal...
Tout ce qu'on peut dire ? l'heure actuelle, c'est que ce qu'on peut encore appeler le cyberspace est multiforme, et qu'on ne sait pas qui le domptera. Ni s'il faut le dompter d'ailleurs... En tout cas, les cr?ateurs, artistes, musiciens, les sites scientifiques, les petites "start-up" cr?atives, voire les millions de pages perso, les chats, les forums, et tout ce qui donne au net sa mati?re propre ne pourra ?tre ignor? par les grands mangeurs de toile. Sans eux, ils perdraient leurs futurs "abonn?s". Ce paradoxe a son petit c?t? subversif qui me pla?t assez.
Dans l'id?al, un lieu d'?change, le fameuse agora du village global. Mais l'id?al... Tant que le d?bat existe entre les fous du net, et les VRP de la VPC, il y a de l'espoir. Le jour o? les grands portails se refermeront sur la libert? d'?changer des infos en ligne, ?a risque plut?t d'?tre la soci?t? de la d?sinformation. Ici aussi, des confusions sont soigneusement entretenues. Quelle information, celles du 20 heures ? relayer telles quelles sur le net? Celles contenues sur ces fabuleux CD, CD-Rom, DVD chez vous dans les 24 h chrono? Ou toutes les connaissances contenues dans les milliards de pages non r?pertori?es par les principaux moteurs de recherche. Ceux qui ont de plus en plus tendance ? mettre en avant les sites les plus visit?s, qui le sont d?s lors de plus en plus. L?, on ne parle m?me plus de d?sinformation, de complot de puissances occultes , mais de surinformation, donc de lassitude, de non-information, et finalement d'uniformisation de la pens?e. Sans avoir de d?finition pr?cise, je vois qu'une soci?t? de l'information qui serait fig?e atteindrait le contraire de sa d?finition de base. Du mouvement donc...
Incontestablement quand apparaissent mes propositions de mails ou de design de site sur le web. Quand je revois les pr?paratifs, les brouillons, et que je vois ce que ?a donne, c'est comme un flash. Au fond, c'est le m?me plaisir lorsque sur des Napster ou Gnutella, on trouve enfin LE morceau introuvable qu'on avait perdu d'ou?e depuis dix ans, on le charge, on attend, 1%>50%>99%>file complete, on le lance. Raaaah...
C'?tait au tout d?but, une de mes premi?res utilisations du m?dium. Je recherchais dans le cadre d'un projet des sites un peu rebelles, anarchisants, des trucs comme ?a. Je tape "cyberpunk" dans Yahoo!, s'affiche la classique liste de sites. "Anarchy on the net, cyberpunk rock the web", ce genre... J'essaye d'en ouvrir quelques uns... Surprise! Un banner "NetNanny" m'interdit l'acc?s aux sites. Emanation d'un groupuscule de la "majorit? morale" am?ricaine, ce "NetNanny" s'autorisait ? interdire les sites qui ne lui plaisent pas... Je ne l'ai plus jamais rencontr? depuis, mais quelle salet?, ce truc. Enfin, ? l'autre extr?mit?, il y a bien le proc?d? dit de "l'exit console" o?, au moment de sortir d'un site, on vous "propose" une autre page, puis une autre, puis une autre, impossible de sortir. ?a, je n'en ai pas fait l'exp?rience, mais ?a doit ?tre hard. C'est d'ailleurs un proc?d? de site hard, ai-je lu quelque part...
La totalit? de cet entretien est consacr?e ? l'e-book.
E-book, e-book, ai-je l'air d'utiliser un e-book, avec ses grands yeux qui me regarderaient dans la nuit? En voil? une accroche, isn't it? . Pour r?pondre ? toute question ? propos d'e-book, je n'ai qu'une seule envie, me laisser aller, j'?cris sous pseudonyme... D'accord, pas me laisser aller au point de cette intro, un peu, disons, l?g?re..., mais me laisser aller ? un exercice auquel j'ai pris go?t il y a peu, genre "j'ai test? pour vous...". Encore faut-il pour cela disposer de l'appareil dont on parle. Dites-moi donc, oui, vous aussi, l?, ceux qui me lisez: qui poss?de un e-book? A part peut-?tre les quelques journalistes qui ont pu b?n?ficier des diff?rents mod?les quelque temps, au moment de leur sortie. Vous voyez... Donc, rabattons-nous sur ce qu'on en dit sur internet . Examinons ce que j'en sais, et ce que je d?duis des deux premiers, avec quelques raccourcis, pas la peine d'allonger la sauce. Puis, mais soyons un peu cr?ateur, laissons-nous aller ? quelques intuitions... Evidemment, cela va donner une s?rie d'impressions sans doute pas tr?s scientifiques, ni tr?s document?es. Mais faute de grive, pour rester dans une comparaison avicole... Pourtant, cela fait plus d'un an qu'il est sorti, non, l'e-book? Il a fait la vedette du salon de Paris , il s'est invit? ? la foire du livre de Bruxelles , il a ?t? un peu ?clips? ? celle de Francfort lors du rachat par Spielberg de l'id?e du bouquin de Marc L?vy Et si c'?tait vrai, paru chez Laffont. On attend le film... ou l'e-book. A voir ce qui se vend sur le net, aux USA et en France, il doit y en avoir des e-books, ? moins que ce ne soit l'effet Nasdaq d'avant la chute, des investissements en valorisation boursi?re, sur le futur, para?t-il. Qui pourrait nous dire si ?a se vend? La Fnac annonce pour 2000 un excellent chiffre pour les e-books, Franklin aussi. Mais ? voir les forums qui y sont consacr?s , ce secteur n'a pas l'air de d?coller franchement...
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