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Read Ebook: Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome II by Garneau F X Fran Ois Xavier

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Ebook has 568 lines and 117318 words, and 12 pages

Huit cents de leurs guerriers ayant fait mine d'entrer en Canada, le gouverneur avait cru qu'il ?tait temps de ch?tier ces barbares indomptables contre lesquels on avait envoy? une exp?dition inutile de 300 hommes, dans l'hiver pr?c?dent , command?e par M. de Louvigny. Six cents hommes eurent ordre de tomber au milieu de l'hiver sur le canton des Anniers, le plus acharn? contre les Fran?ais. Ils partirent de Montr?al ? la fin de janvier. Les trois bourgades de cette belliqueuse tribu furent d?truites, et l'on fit 250 prisonniers. N?anmoins ces Sauvages reparurent encore dans la colonie le printemps suivant, et quelques unes de leurs bandes vinrent m?me ?prouver une d?faite dans l'?le de Montr?al. Ils commen?aient cependant ? se lasser, eux aussi, de la guerre. Les Mi?mis leur avaient d?j? tu? plusieurs centaines de guerriers, et ils venaient encore de les battre compl?tement sur les bords du lac Huron. Le gouverneur profita de cet ?puisement pour frapper un dernier coup et ob?ir aux instructions du roi. Comme mesure pr?liminaire, il ordonna de relever le fort de Frontenac; ce qui fut ex?cut? malgr? les repr?sentations de la Nouvelle-York, dont le gouverneur, M. Fletcher, fit en m?me temps des pr?sens consid?rables aux Iroquois pour attaquer et raser ce fort s'il ?tait possible. L'importance que les ennemis mettaient ? cette position, justifie le d?sir de M. de Frontenac de s'y maintenir, malgr? l'opinion de bien des gens dans la colonie et en France, entre autres de l'intendant, M. de Champigny, et m?me du roi dont les ordres contraires arriv?rent trop tard pour ?tee ex?cut?s.

Cependant la lutte en Europe ?puisait les ressources de la France. Le minist?re, tout en enjoignant de presser les Iroquois avec vigueur, recommandait l'?conomie, disant qu'il n'y avait pas d'apparence que le roi p?t supporter longtemps la d?pense ? laquelle la guerre du Canada l'engageait, d?pense qui s'?leva en 1692, seulement pour la solde de 1300 hommes avec les officiers, ? 218 mille francs ; et qu'il voulait que les colons v?cussent dans l'?tendue de leurs ?tablissemens, c'est-?-dire en d'autres termes, que tous les postes dits des pays d'en haut fussent ?vacu?s. L'on sait que les cantons ?taient excit?s aux hostilit?s par les Anglais, parce que ces derniers voulaient s'emparer au moins de tout le commerce de l'Ouest s'ils ne pouvaient pas conqu?rir la Nouvelle-France. Par le plus ?trange des raisonnement, la cour allait abandonner justement les contr?es dont l'Angleterre convoitait le plus ardemment la possession, et ?vacuer tous les postes du Mississipi et des lacs, auxquels les marchands canadiens attachaient tant d'importance, qu'ils avaient avanc? des fonds au commencement de la guerre pour leur entretien. Le comte de Frontenac montra dans cette occasion cette fermet? de caract?re dont il avait d?j? plus d'une fois donn? des preuves. Convaincu du danger d'une d?marche aussi inconsid?r?e, il prit sur lui de d?sob?ir ? l'ordre positif du roi. En effet, comme Charlevoix le dit tr?s bien, nous n'aurions pas eu plus t?t ?vacu? ces postes, que les Anglais s'en seraient empar?s, et que nous aurions eu imm?diatement pour ennemis tous les peuples qui s'y ?taient ?tablis ? notre occasion, et qui, une fois r?unis aux Anglais et aux cantons, auraient, dans une seule campagne, oblig? tous les Fran?ais ? sortir du Canada.

De ces deux cantons il ne resta que des cendres. Il fut question ensuite d'aller ch?tier les Goyogouins, et m?me de b?tir des forts dans le pays; mais dans le temps o? l'on croyait M. de Frontenac arr?t? ? ce plan, il donna l'ordre de la retraite, soit que la difficult? de faire subsister son arm?e dans une contr?e qui ne pr?sentait qu'une vaste solitude, l'e?t engag? ? prendre ce parti, soit qu'apr?s les ordres qu'il avait re?us d'?vacuer les postes avanc?s de la colonie, et auxquels il avait os? d?sob?ir, il ne crut pas devoir conserver une conqu?te qui aurait rendu les Iroquois plus implacables. Cette campagne, qui ne co?ta que six hommes, avait inqui?t? beaucoup Albany et Schenectady. Ces villes, entre lesquelles et le lac Ontario l'on op?rait, craignant d'?tre attaqu?es, avaient fait demander des secours au Jersey et au Connecticut.

Les Fran?ais avaient reconquis leur influence sur les tribus indiennes. Un chef sioux vint du haut de la vall?e du Mississipi se mettre sous la protection du grand Ononthio. Il appuya les mains sur les genoux du gouverneur, puis il rangea vingt-deux fl?ches sur une peau de castor pour indiquer le nombre de bourgades qui lui offraient leur alliance. La situation du Canada ?tait meilleure qu'elle ne l'avait ?t? depuis le commencement de la guerre. Les Iroquois, semblables ? ces essaims de mouches qui incommodent plus qu'ils ne nuisent, troublaient encore le repos du pays, mais sans lui causer de grands dommages.

N?anmoins les succ?s du gouverneur et la s?curit? qu'il avait rendue au pays, n'avaient point d?sarm? ses ennemis, aussi jaloux de sa sup?riorit? que bless?s de l'ind?pendance de son esprit. Ceux qui tremblaient au seul nom des Iroquois, lorsqu'il revint en Canada, cherch?rent ? ternir sa gloire lorsqu'il eut ?loign? le danger d'eux. Il n'?tait pas en effet sans d?faut. La part qu'il prenait ? la traite des pelleteries, son caract?re altier et vindicatif pouvaient fournir mati?re ? reprendre; mais ?tait-il bien prudent, ?tait-il bien g?n?reux d'en agir ainsi lorsqu'on avait encore les armes ? la main? Les uns se plaignaient que, pour gagner l'estime de ses officiers, il jetait tout le poids de la guerre su la milice et ?crasait les habitans de corv?e, ce qui faisait languir le commerce et emp?chait le pays de prendre des forces! Comme si, lorsque l'ennemi est aux portes et tout le monde en armes, c'?tait bien le temps d'accomplir une oeuvre qui veut par dessus tout le repos et la paix. D'autres l'accusaient d'accorder une faveur ouverte ? la traite de l'eau-de-vie; il n'y eut pas jusqu'? l'abb? Brisacier qui os?t ?crire contre lui au confesseur du roi! Ces plaintes lui attir?rent quelque censure; mais il fut maintenu ? la t?te de la Nouvelle-France, qu'avec son grand age il n'?tait pas n?anmoins destin? ? gouverner encore longtemps, et il fut nomm? chevalier de St.-Louis, honneur alors rarement accord?; mais qu'on verra prodiguer plus tard en ce pays ? une foule de dilapidateurs sur les pr?varications desquels anciens ennemis de M. de Frontenac ne trouveront rien ? dire.

TERRENEUVE ET BAIE D'HUDSON.

Continuation de la guerre: les Fran?ais reprennent l'offensive.--La conqu?te de Pemaquid et de la partie anglaise de Terreneuve et de la baie d'Hudson est r?solue.--d'Iberville d?fait trois vaisseaux ennemis et prend Pemaquid.--Terreneuve: sa description; premiers ?tablissemens fran?ais; leur histoire.--Le gouverneur, M. de Brouillan, et M. d'Iberville r?unissent leurs forces pour agir contre les Anglais.--Brouilles entre tes deux chefs; ils se raccommodent.--Ils prennent St.-Jean, capitale anglaise de l'?le, et ravagent les autres ?tablissemens.--H?ro?que campagne d'hiver des Canadiens.--Baie d'Hudson; son histoire.--D?part de d'Iberville; dangers que son escadre court dans les glaces; beau combat naval qu'il livre; il se bat seul contre trois et remporte la victoire.--Un naufrage.--La baie d'Hudson est conquise.--Situation avantageuse de la Nouvelle-France.--La cour projette la conqu?te de Boston et de New-York.--M. de Nesmond part de France avec une flotte consid?rable; la longueur de sa travers?e fait abandonner l'entreprise.--Consternation des colonies anglaises.--Fin de la guerre: paix de Riswick .--Difficult?s entre les deux gouvernemens au sujet des fronti?res de leurs colonies.--M. de Frontenac refuse de n?gocier avec les cantons iroquois par l'interm?diaire de lord Bellomont.--Mort de M. de Frontenac; son portrait.--M. de Calli?res lui succ?de.--Paix de Montr?al avec toutes les tribus indiennes confirm?e solennellement en 1701.--Discours du c?l?bre chef Le Rat; sa mort, impression profonde qu'elle laisse dans l'esprit des Sauvages; g?nie et caract?re de cet Indien.--Ses fun?railles.

L'Acadie ?tait, comme on l'a observ?, retomb?e sous la domination fran?aise, et l'ennemi rebut? avait abandonn? toute id?e de faire une nouvelle tentative sur le Canada. Il y avait sept ans que la guerre ?tait commenc?e. Tout le sang qu'on avait vers? ?tait en pure perte pour l'ennemi. Le Canada allait maintenant devenir l'agresseur, apr?s avoir ?t? si longtemps expos? aux attaques de ses adversaires.

Ces derniers occupaient plusieurs postes fortifi?s dans la baie d'Hudson, o? ils faisaient la traite des pelleteries qui ?taient plus belles l? que partout ailleurs, ? cause de la hauteur de la latitude; ils ?taient ma?tres de la plus belle partie de Terreneuve, o? ils avaient de nombreuses p?cheries; enfin ils avaient relev? Pemaquid de ses ruines, fort situ? ? l'embouchure de la baie de Fondi, afin d'avoir une esp?ce de possession du pays des Ab?naquis, et d'?tendre leur influence sur ces tribus guerri?res. Le minist?re voyant que Tourville avait repris sa pr?pond?rance sur l'Oc?an, d?cida de d?truire, comme nous l'avons rapport? plus haut, ce fort, dont l'existence semblait menacer l'Acadie, et de chasser enti?rement les Anglais de l'?le de Terreneuve et de la baie d'Hudson. Cette entreprise r?pondait aux instances du comte de Frontenac, qui pressait le roi de s'emparer des p?cheries des c?tes de la Nouvelle-France, dont les eaux poissonneuses s'?tendaient du Labrador au sud de l'Acadie, et renfermaient les bancs si pr?cieux de Terreneuve. N?anmoins elle n'?tait qu'une partie d'un plan beaucoup plus vaste form? dans la colonie et envoy? ? Paris. On avait rapport? ? Qu?bec, sur la fin de l'ann?e pr?c?dente , qu'il se faisait des pr?paratifs en Angleterre et ? Boston pour s'emparer de toute l'?le de Terreneuve; le gouvernement canadien proposa ? la cour d'envoyer une flotte de dix ou douze vaisseaux pour prot?ger nos p?cheries de cette ?le, et pour attaquer Boston, dont la prise aurait affaibli consid?rablement la puissance des Anglais dans ce continent. Mais la cour, toujours sous l'empire de son ancienne politique de ne point attaquer l'Angleterre au centre de sa force, repoussa ce projet regard? pourtant comme d'une ex?cution assez facile, et adopta celui que nous venons d'exposer plus haut. MM. d'Iberville et de Bonaventure furent choisis pour commander l'exp?dition de Pemaquid. Cette t?che accomplie, ils devaient se rallier au gouverneur de Terreneuve, M. de Brouillan, pour l'ex?cution de la seconde partie du plan.

M. d'Iberville remit ? la voile, apr?s avoir pris sur ses deux vaisseaux une cinquantaine de Sauvages, et cingla vers l'embouchure de la rivi?re St.-Jean, o? il trouva, en effet, en croisi?re le Sorel, le Newport et un plus petit navire. Il donna sur le champ l'ordre d'attaquer. Le combat fut court, mais vif. Le Newport qui portait 24 canons fut d?m?t? et pris. Les deux autres vaisseaux ne durent leur salut qu'? une brume ?paisse qui s'?leva tout ? coup et qui les d?roba ? la poursuite des vainqueurs.

Renforc? par cette prise et par le chevalier de Villebon, qui monta avec encore 50 Indiens sur le Profond command? par M. de Bonaventure, le capitaine d'Iberville alla prendre ? Pantago?t le baron de St.-Castin avec 200 autres Sauvages et quelques soldats sous les ordres de MM. Montigny et de Villieu, et arriva devant Pemaquid le 13 ao?t. Le baron de St.-Castin ?tait un ancien officier au r?giment de Carignan, qui, s'?tant plu parmi les Indiens, avait ?pous? une Indig?ne et ?tait devenu le chef des Ab?naquis. C'est lui qui les menait au combat. Il mourut au sein de cette brave et puissante tribu, recherch? des gouverneurs fran?ais et redout? des colonies anglaises.

Pemaquid, la plus consid?rable forteresse de ces colonies, ?tait b?ti sur le bord de la mer. Les murailles, flanqu?es d'une tour haute de 29 pieds, avaient 22 pieds d'?l?vation et portaient 18 pi?ces de canon. Le colonel Chubb y commandait. Il se d?fendit assez bien pendant quelques jours, mais aux premi?res bombes qui tomb?rent dans la place, il demanda ? capituler. Ce fort qui avait co?t? des sommes immenses ? la Nouvelle-Angleterre, et qui ?tait alors pour elle dans l'est, ce que fut Niagara plus tard pour les Fran?ais dans l'ouest, fut ras? suivant les instructions de la cour. On n'y laissa pas pierre sur pierre. Tandis que ses murailles mena?antes s'?croulaient ainsi sous la mine des vainqueurs, le colonel Church s'embarquait avec 500 hommes pour aller ravager l'Acadie. Il br?la Beaubassin malgr? la neutralit? qui avait ?t? garantie aux habitans de cet endroit par Phipps, et s'en retournait charg? de butin ? Boston, lorsqu'il rencontra un renfort de 3 vaisseaux, dont un de 32 canons, avec 200 hommes de d?barquement, qui lui apportait l'ordre de prendre le fort du chevalier de Villebon. Il vira de bord, et se pr?senta devant Naxoat dans le mois d'octobre avec une grande assurance; M. de Villebon, fait prisonnier en revenant de Pemaquid et rendu ? la libert?, venait d'y rentrer. Le colonel Church ?prouva une r?sistance beaucoup plus grande et beaucoup plus vive que celle sur laquelle il avait compt?, et au bout de quelques jours d'un si?ge inutile, d?sesp?rant du succ?s, il se rembarqua et disparut. C'est pendant ces hostilit?s en Acadie que la d?solation r?gnait sur les fronti?res anglaises, et que les flammes de York et d?s ?tablissemens d'Oyster river annon?aient au loin la pr?sence des Canadiens et des Ab?naquis. La population tremblante ne tournait plus les yeux vers le nord qu'avec effroi, craignant ? chaque instant de voir sortir des for?ts ces ennemis impitoyables qui, comme un torrent, ne laissaient que des ruines sur leur passage.

M. d'Iberville avait cependant retourn? ses voiles vers Plaisance pour achever une conqu?te entreprise ? sa propre suggestion. La parole du fondateur de la Louisiane avait d?j? un grand poids ? Paris dans les affaires de l'Am?rique et surtout dans celles des mers du Nord.

L'?le de Terreneuve situ?e au nord-est du golfe St.-Laurent, et n'?tant s?par?e du Labrador que par le d?troit de Belle-Isle, forme une pointe qui projette dans l'oc?an, et qui a d?, pour cette raison, ?tre aper?ue des premiers navigateurs qui ont c?toy? l'Am?rique septentrionale. C'est au sud-est de cette ?le qu'est situ? le banc de Terreneuve sur lequel elle est assise elle-m?me, et qui est plus c?l?bre encore par la p?che de la morue qu'on y fait que par ses brumes et ses temp?tes. La figure de Terreneuve est presque triangulaire et pr?sente une superficie de 86,000 milles carr?s; sa longueur extr?me est de 420 milles, et sa largeur de 300 milles. Le climat y est froid et orageux, le ciel sombre. Le sol m?l? de gravier, de pierre et de sable est aride, quoique arros? par plusieurs belles rivi?res. Le pays rempli de montagnes, ?tait alors couvert de bois imp?n?trables, et de prairies, ou plut?t de landes poussant plus de mousse que d'herbe. Les Fran?ais et les Anglais n'y avaient form? des ?tablissemens que pour l'utilit? de leurs p?cheries. Les Fran?ais y faisaient la p?che d?s 1504, et ils avaient form? un ?tablissement vers le cap de Raze pour y faire s?cher leur poisson. Les Anglais, conduits par le chevalier Humphrey Gilbert, y plant?rent une colonie en 1583 dans la baie de St.-Jean. Gilbert prit possession de cette baie et de deux cents lieues de pays tout ? l'entour, au nom de la reine Elizabeth, ignorant que cette terre f?t une ?le. Il y promulgua plusieurs d?crets qui respirent la loyaut? la plus pure envers sa souveraine, mais qui ne pr?vinrent point la ruine de son ?tablissement ainsi qu'on l'a rapport? ailleurs. Il fit celui-ci entre autres, que quiconque parlerait d'une mani?re offensante de Sa Majest?, aurait les oreilles coup?es et perdrait ses biens.

En 1608, Jean Guyas, de Bristol, reprit le projet du chevalier Gilbert, et s'?tablit dans la baie de la Conception. Il transf?ra ensuite son ?tablissement ? St.-Jean, aujourd'hui capitale de l'?le; de l? les Anglais s'?tendirent sur toute la c?te orientale. Quoique les Fran?ais y eussent des p?cheries depuis qu'ils fr?quentaient le grand banc, pendant longtemps le gouvernement fit peu d'attention ? Terreneuve, de mani?re que ceux d'entre eux qui s'y fixaient jouissaient ? peu pr?s d'une libert? absolue. Cela dura jusqu'en 1660. A cette ?poque le roi conc?da le port de Plaisance ? M. Gargot, qui re?ut le titre de gouverneur, et qui d?s qu'il se fut install? dans son poste, voulut soumettre les habitans ? son monopole, et les obliger ? lui donner une portion de leurs p?ches en ?change des provisions et des marchandises qu'il tirait des magasins du roi. Cet abus r?volta les p?cheurs accoutum?s ? l'ind?pendance; ils port?rent leurs plaintes au pied du tr?ne. Le gouverneur fut rappel? et M. de la Poype nomm? pour le remplacer. Plaisance ?tait le principal ?tablissement fran?ais de Terreneuve. Plac? dans l'un des plus beaux ports de l'Am?rique, au fond d'une baie qui a dix-huit lieues de profondeur, il ?tait d?fendu par le fort St.-Louis construit sur la cime d'un rocher de plus de cent pieds d'?l?vation du c?t? droit du Goulet ou col qui forme l'entr?e de la baie ? une lieue et demie de la mer. Les Fran?ais avaient encore des ?tablissement dans les ?les de St.-Pierre de Miquelon, au Chapeau-Rouge, au Petit-Nord et sur quelques autres points des c?tes du golfe St.-Laurent.

La population y vivait de p?che et supportait impatiemment le joug d'un gouverneur, qui lui paraissait g?ner le commerce. M. de la Poype commanda treize ans dans ces parages; mais ce fut pour lui autant d'ann?es de d?sagr?mens, de difficult?s et de trouble. En 1685 M. Parat lui succ?da. C'est sous son administration que le fort St.-Louis fut b?ti. Dans le mois de f?vrier 1690 Plaisance fut surpris par les flibustiers, qui firent le gouverneur prisonnier dans son lit. Ils trouv?rent le fort sans garde et les soldats dispers?s sur l'?le. Ces corsaires enlev?rent tout apr?s avoir d?pouill? compl?tement les habitans, qui se trouv?rent comme s'ils avaient ?t? jet?s par un naufrage sur une c?te d?serte. Le gouverneur fut accus? de trahison, tandis que de son c?t? il rejeta ce malheur sur l'insubordination et l'esprit de r?volte des habitans. Charlevoix, historien contemporain, laisse percer ses doutes sur la fid?lit? de ce fonctionnaire, et nous dit qu'il n'a pu savoir quelle avait ?t? la d?cision du proc?s.

Deux ans apr?s , Plaisance fut attaqu? une seconde fois; mais par une escadre anglaise, command?e par l'amiral Williams, et compos?e de trois vaisseaux de 62 canons chacun, d'une fr?gate et d'une fl?te. M. de Brouillan qui en ?tait gouverneur, fit ?lever ? la h?te une redoute et des batteries sur les rochers ? l'entr?e de la baie, et tira des b?timens marchands les hommes n?cessaires pour les servir. L'amiral Williams apr?s les sommations ordinaires, commen?a une canonnade qui dura six heures, au bout desquelles il se retira, confus d'avoir ?chou? devant une bicoque qui ne contenait pas plus de cinquante hommes de garnison, et alla br?ler, pour se venger, les habitations de la Pointe-Verte ? une lieue de l?.

Tandis que le principal si?ge des p?cheries fran?aises courait ainsi le plus grand danger, une escadre de France, sous les ordres du chevalier du Palais, ?tait ? l'ancre dans la baie des Espagnols, au Cap-Breton, de l'autre c?t? du d?troit. Le comte Frontenac ayant inform? le gouvernement ? Paris de l'intention de l'amiral Phipps de reprendre sa revanche devant Qu?bec, et d'autres rapports ayant paru confirmer cette nouvelle, l'escadre en question avait ?t? envoy?e pour intercepter l'ennemi dans le golfe St.-Laurent.

Telle est l'histoire de Terreneuve jusqu'en 1696. La Grande-Bretagne occupait la plus belle portion de l'?le, et la diff?rence entre les ?tablissemens fran?ais et les ?tablissement anglais ?tait aussi grande l?, que dans le reste du continent. Le commerce de ces derniers s'?levait ? 17 millions de francs par ann?e. Avec de pareils r?sultats sous les yeux que ne devait-on pas redouter pour l'avenir? M. d'Iberville avait communiqu? ses appr?hensions ? la cour; il y avait repr?sent? que les int?r?ts du royaume commandaient d'arr?ter les progr?s de rivaux plus souvent ennemis qu'amis; et qu'en d?truisant tous leurs postes de Terreneuve, on y ruinerait leur commerce en m?me temps que l'on se d?ferait de voisins trop puissans pour rester aux environs de Plaisance. L'on agr?a ses appr?ciations, en le chargeant d'ex?cuter le plan qu'il sugg?rait pour expulser les Anglais de l'?le.

Il devait agir de concert avec M. de Brouillan, et l'attaque de leurs postes se faire simultan?ment par terre et par mer, sous la direction de ces deux commandans. Mais ce dernier ne voulait partager la gloire de l'entreprise avec personne; et, sans attendre M. d'Iberville, il se h?ta de partir avec 9 navires, dont plusieurs appartenaient ? des armateurs de St.-Malo, trois corvettes et deux br?lots pour aller mettre le si?ge devant St.-Jean. Les vents contraires firent ?chouer son entreprise sur cette ville; mais il s'empara l'?p?e ? la main de plusieurs autres ?tablissemens, et d'une trentaine de navires le long des c?tes. Il en aurait pris un bien plus grand nombre sans l'insubordination d'une partie de ses ?quipages.

Apr?s cet exploit, le gouverneur fran?ais retourna ? Plaisance, et M. d'Iberville continua la guerre avec les Canadiens qui s'?taient attach?s ? sa fortune, au nombre de cent-vingt-cinq arm?s chacun d'un fusil, d'une hache de bataille, d'un couteau-poignard et de raquettes pour marcher sur la neige. Il employa une partie de l'hiver pour achever la conqu?te de l'?le. Il triompha de tous les obstacles que lui offrirent le climat, la faim et le courage de l'ennemi; et ses succ?s dans une si grande ?tendue de pays remplie de montagnes, ?tonn?rent m?me ceux qui avaient la plus grande confiance dans sa capacit? et dans l'intr?pidit? de ses soldats. En deux mois il prit avec cette poign?e d'hommes tous les ?tablissemens qui restaient aux Anglais ? Terreneuve, except? Bonneviste et l'?le de Carbonni?re inabordable en hiver, tua deux cents hommes et fit six ou sept cents prisonniers qui furent achemin?s sur Plaisance. MM. Montigny Boucher de la Perri?re, d'Amours de Plaine, Dugu? de Boisbriant, tous Canadiens, se distingu?rent dans cette campagne h?ro?que. M. d'Iberville se pr?parait ? aller attaquer Bonneviste et la Carbonni?re, lorsque le 18 mai une escadre de 5 vaisseaux arriva de France sous les ordres de M. de S?rigny et mouilla dans la baie de Plaisance. Elle lui apportait l'ordre d'en prendre le commandement, et d'aller cueillir de nouveaux lauriers dans les glaces de la baie d'Hudson.

Cette contr?e adoss?e au p?le et ? peine habitable, ?tait ?galement recherch?e par la France et par l'Angleterre pour ses riches fourrures. Les traitans des deux nations en avaient fait le th??tre d'une lutte continuelle aux vicissitudes de laquelle la trahison avait sa part. Les Anglais, conduits par deux transfuges huguenots ? qui l'on a fait allusion ailleurs, nomm?s Desgroseillers et Radisson, avaient ?lev? en 1663, ? l'embouchure de la rivi?re N?miscau, dans le fond de la baie, un fort qu'ils nomm?rent Rupert; ils avaient encore ?tabli deux comptoirs dans les m?mes parages, sur la rivi?re des Monsonis et sur celle de Ste.-Anne. Apprenant cela, Colbert y avait envoy?, par le Saguenay, en 1672, le P. Charles Albanel pour y renouveler les prises de possession d?j? faites au nom du roi par MM. Bourdon et Despr?s Couture. Ce J?suite en avait fait signer un acte par les chefs d'une douzaine de tribus, qu'il avait ensuite invit?es ? venir faire la traite de leurs pelleteries au lac St.-Jean. Les d?marches de la France se born?rent alors ? cette simple incursion.

Cependant Desgroseillers et Radisson, m?contens de l'Angleterre, ?taient revenus en Canada apr?s avoir obtenu leur pardon du roi. Une association s'y forma sous le nom de la compagnie du Nord, pour faire la traite ? la baie d'Hudson. Cette compagnie leur donna deux petits vaisseaux afin d'aller s'y emparer des ?tablissemens anglais, comme les personnes les plus propres ? faire r?ussir une pareille entreprise, dure expiation de leur trahison! mais trouvant ces ?tablissemens trop bien fortifi?s pour les attaquer avec chance de succ?s, ou peut-?tre honteux de leur r?le, ils rang?rent la c?te occidentale de la baie jusqu'? l'embouchure de la rivi?re Ste.-Th?r?se, o? ils b?tirent le fort Bourbon. De retour ? Qu?bec, des difficult?s s'?tant ?lev?es entre eux et la compagnie, ils pass?rent en France sous pr?texte d'aller demander justice. Lord Preston, ambassadeur anglais, apprenant le mauvais succ?s de leurs d?marches, leur fit des ouvertures accompagn?es de promesses si avantageuses qu'ils trahirent une seconde fois leur patrie. Radisson obtint une pension viag?re de douze cents livres pour mettre entre les mains des Anglais le fort Bourbon dans lequel il y avait pour 400 mille francs de fourrures.

Sur les plaintes de la cour de France, le cabinet de Londres promit de faire rendre ce poste; mais les troubles qui r?gnaient en Angleterre, ne permirent point au monarque aux prises avec ses sujets, de faire ex?cuter l'arrangement qu'il avait conclu; et la compagnie fut oblig?e de se faire justice ? elle-m?me. En cons?quence, elle obtint du marquis de Denonville quatre-vingts hommes, presque tous Canadiens, command?s par le chevalier de Troye, brave officier. MM. de Ste.-H?l?ne, d'Iberville et de Maricourt faisaient partie de l'exp?dition et se distingu?rent par des actions h?ro?ques. Elle partit de Qu?bec par terre dans le mois de mars 1686, et n'arriva dans la baie d'Hudson que le 20 de juin, apr?s avoir travers? des pays inconnus, franchi une foule de rivi?res, de montagnes et de pr?cipices, et avoir endur? des fatigues incroyables. Cette petite troupe avait re?u ordre de s'emparer de tous les ?tablissemens anglais du fond de la baie, form?s sous la conduite de Desgroseillers et de Radisson. Elle s'acquitta de sa mission avec ce courage chevaleresque qu'indiquait d?j? une entreprise aussi hasardeuse; et ces ?tablissemens furent investis et enlev?s avec tant de promptitude que les assi?g?s, n'eurent pas le temps de se reconna?tre.

Le premier qu'elle attaqua fut celui de la rivi?re des Monsonis; c'?tait un fort de figure carr?e, flanqu? de quatre bastions et portant quatorze pi?ces de canon; elle l'emporta d'assaut sans grande perte. Cette capture fut suivie de celle d'un navire que M. d'Iberville prit ? l'abordage.

Le fort de Rupert qui ?tait ? une grande distance de celui de Monsonis, fut investi dans le mois de juillet et tomba de la m?me mani?re au pouvoir des Canadiens, qui en firent sauter les redoutes et en renvers?rent les palissades.

Le chevalier de Troye se mit ensuite ? la recherche du fort Ste.-Anne sur la rivi?re de ce nom . L'on ignorait sa situation; on savait seulement qu'il ?tait du c?t? occidental de la baie. Apr?s une travers?e difficile au milieu des glaces et le long d'une c?te tr?s basse, o? les battures courent deux ou trois lieues au large, on le d?couvrit enfin. Plac? au milieu d'un terrain mar?cageux, il ?tait d?fendu par quatre bastions, sur lesquels il n'y avait pas moins de quarante-trois pi?ces de canon en batterie. C'?tait l? o? se trouvait le principal comptoir des Anglais. Ils firent n?anmoins une assez faible r?sistance, et demand?rent ensuite ? capituler. Le gouverneur, homme simple et paisible, fut transport? avec sa suite ? Charleston, et le reste de la garnison au fort de Monsonis. On trouva pour environ 50 mille ?cus de pelleteries ? Ste.-Anne. Les Anglais ne poss?daient plus rien dans la baie d'Hudson que le fort Bourbon.

Lorsque la nouvelle de ces pertes arriva ? Londres, le peuple de cette capitale jeta de hauts cris contre le roi, auquel il attribuait tous les malheurs qui arrivaient ? la nation. Le monarque qui a perdu la confiance de ses sujets est vraiment bien ? plaindre. Jacques II, d?j? si impopulaire, le devint encore plus par un ?v?nement que personne n'avait pu pr?voir; et l'exp?dition d'une poign?e de Canadiens vers le p?le du Nord ?branlait sur son tr?ne un roi de la Grande-Bretagne!

Cependant les deux gouvernemens sentirent enfin la n?cessit? de faire cesser un ?tat de choses qui violait toutes les lois ?tablies pour r?gler les rapports de nation ? nation et sans lesquelles il n'y a pas de paix possible. En effet, il n'y avait pas de guerre d?clar?e entre les deux peuples pendant toutes ces hostilit?s. Ils sign?rent un trait? par lequel les armateurs particuliers, sujets des deux nations, qui n'auraient point de commission de leur prince, devaient ?tre poursuivis comme pirates. Ce trait? qui ne s'?tendait qu'aux ?les et pays de terre ferme en Am?rique, et qui avait ?t? propos? par l'Angleterre, fut conclu le 13 septembre 1686. Mais Jacques II n'?tait gu?re en ?tat, ? cette ?poque, de faire observer par des sujets d?saffectionn?s, sa volont? dans les mers du Nouveau-Monde. D?s l'ann?e suivante, ils vinrent attaquer le fort Ste.-Anne, o? commandait M. d'Iberville, qui non seulement les repoussa, mais prit encore un de leurs vaisseaux.

Lorsque la guerre ?clata entre les deux couronnes , l'Angleterre ne poss?dait dans la baie d'Hudson que le fort Bourbon, comme on l'a dit plus haut, ? l'entr?e de la rivi?re Ste.-Th?r?se. Mais elle reprit en 1693 le fort Ste.-Anne, gard? seulement par cinq Canadiens, qui os?rent se d?fendre et repouss?rent une premi?re attaque de 40 hommes. L'ann?e suivante M. d'Iberville s'en empara de nouveau, il lui rendit son ancien nom, que ses nouveaux possesseurs avaient chang? pour celui de Nelson, et il y passa l'hiver qui fut d'une rigueur extr?me. Les glaces ne permirent aux navires de sortir du port qu'? la fin de juillet. Une vingtaine d'hommes ?taient morts du scorbut, et un grand nombre d'autres en avaient ?t? atteints. Les Anglais ?tant revenus en force, deux ans apr?s , l'?tablissement fut repris pour retomber encore au pouvoir des Fran?ais comme on va le voir. Tel est en peu de traits le tableau des ?v?nemens qui s'?taient pass?s entre les deux nations dans cette r?gion lointaine jusqu'au moment o? M. d'Iberville fut charg? d'en compl?ter la conqu?te en 1697.

Ce navigateur prit le commandement de l'escadre que lui avait amen?e M. de S?rigny, et fit voile de Terreneuve dans le mois de juillet. Il trouva l'entr?e de la baie d'Hudson couverte de glaces, au milieu desquelles ses vaisseaux, s?par?s les uns des autres, et entra?n?s de divers c?t?s, coururent les plus grands dangers durant plusieurs jours. La navigation a quelque chose de hardi, de grand m?me, mais de triste et sauvage dans les hautes latitudes de notre globe. Un ciel bas et sombre, une mer qu'?claire rarement un soleil sans chaleur, des flots lourds et couverts, la plus grande partie de l'ann?e, de glaces dont les masses immenses ressemblent ? des montagnes, des c?tes d?sertes et arides qui semblent augmenter l'horreur des naufrages, un silence qui n'est interrompu que par les g?missemens de la temp?te, voil? quelles sont les contr?es o? M. d'Iberville a d?j? signal? son courage, et o? il va le signaler encore. Ces mers lui sont famili?res, elles furent les premiers t?moins de sa valeur. Depuis longtemps son vaisseau aventureux les sillonne. Plus tard cependant il descendra vers des climats plus doux; et ce marin qui a fait, pour ainsi dire, son apprentissage an milieu des glaces polaires, ira finir sa carri?re sur les flots ti?des et limpides des Antilles, au milieu des c?tes embaum?es de la Louisiane; il fondera un empire sur des rivages o? l'hiver et ses frimats sont inconnus, o? la verdure et les fleurs sont presqu'?ternelles. Mais n'anticipons pas sur une ?poque glorieuse pour lui et pour notre patrie.

L'escadre ?tait toujours dans le plus grand p?ril. Cern?s par les glaces qui s'?tendaient ? perte de vue, s'amoncelaient ? une grande hauteur, puis s'affaissaient tout ? coup avec des craquemens et un fracas ?pouvantable, le P?lican et le Palmier, port?s l'un contre l'autre, s'abord?rent poupe en poupe, et presqu'au m?me instant, le brigantin l'Esquimaux fut ?cras? ? c?t? d'eux, et si subitement que l'?quipage e?t de la peine ? se sauver. Ce n'est que le 28 ao?t que M. d'Iberville, qui montait le P?lican, put entrer dans la mer libre, ayant depuis longtemps perdu ses autres b?timens de vue. Il arriva seul devant le fort Nelson, le 4 septembre. Le lendemain matin cependant il aper?ut trois voiles ? quelques lieues sous le vent, qui louvoyaient pour entrer dans la rade o? il ?tait; il ne douta point que ce f?t le reste de ses vaisseaux. Mais apr?s leur avoir fait des signaux de reconnaissance auxquels ils ne r?pondirent point, il dut se d?tromper, c'?taient des ennemis. Ne pouvant les ?viter, sa position devenait tr?s critique; il se voyait surpris seul, traqu?, pour ainsi dire, par une force sup?rieure au pied de la place m?me qu'il venait pour assi?ger. Ces trois voiles anglaises ?taient le Hampshire de 56 canons, le Dehring de 36, et l'Hudson-Bay de 32 canons. En entrant dans la baie, ils avaient d?couvert le Profond, un des vaisseaux de M. d'Iberville, command? par M. Dugu?, qui ?tait pris dans les glaces, et ils l'avaient canonn? par intervalle pendant dix heures. Le navire fran?ais, immobile, n'avait pu pr?senter ? ses adversaires que les deux pi?ces de canon de son arri?re. L'ennemi avait fini par l'abandonner le croyant perc? ? sombrer, et il s'?tait dirig? vers le fort Nelson, o? il trouva le commandant fran?ais qui ?tait, comme on l'a dit, arriv? de la veille.

La fuite pour ce dernier ?tait impossible; il fallait combattre ou se rendre. Il choisit le premier parti. Son vaisseau portait cinquante pi?ces de canon, mais le chiffre de ses hommes en ?tat de combattre ?tait en ce moment tr?s faible, ? cause des maladies et d'un d?tachement qu'il venait d'envoyer ? terre et qu'il n'avait pas le temps de rappeler. Il paya cependant d'audace, et l?chant ses voiles au vent, il arriva sur les ennemis avec une intr?pidit? qui leur en imposa. Les Anglais venaient rang?s en ligne, le Hampshire en t?te. A neuf heures et demie le combat s'engagea. Le P?lican voulut aborder de suite le Hampshire, M. de la Potherie ? la t?te d'un d?tachement de Canadiens se tenant pr?ts ? sauter sur son pont, mais celui-ci l'?vita; alors d'Iberville rangea le Dehring et l'Hudson-Bay, en leur l?chant ses bord?es. Le Hampshire revirant de bord au vent, s'attacha ? lui, le couvrit de mousqueterie et de mitraille, le per?a ? l'eau et hacha ses manoeuvres. Le feu ?tait extr?mement vif sur les quatre vaisseaux. Le commandant anglais cherchait ? d?m?ter le P?lican, et ? le serrer contre un bas-fond, M. d'Iberville manoeuvrait pour d?jouer ce plan et il r?ussit. Enfin au bout de trois heures et demie d'une lutte acharn?e, voyant ses efforts inutiles, le Hampshire courant pour gagner le vent, recueille ses forces et pointe ses pi?ces pour couler bas son adversaire. Celui-ci, qui a pr?vu son dessein, le prolonge vergue ? vergue, on se fusille d'un bord ? l'autre. Les boulets et la mitraille font un terrible ravage. Une bord?e du Hampshire blessa quatorze hommes dans la batterie inf?rieure du P?lican; celui-ci redouble son feu, pointe ses canons si juste et l?che une bord?e si ? propos, que son fier ennemi fit tout au plus sa longueur de chemin et sombra sous voile. Personne ne fut sauv? de son ?quipage.

Aussit?t d'Iberville vire de bord et court droit ? l'Hudson-Bay, qui ?tait le plus ? port?e d'entrer dans la rivi?re Ste.-Th?r?se, mais qui, se voyant sur le point d'?tre abord?, amena son pavillon. Le Dehring, auquel on donna la chasse, r?ussit ? se sauver, ayant moins souffert dans sa voilure que le redoutable vainqueur. Cette victoire donna la baie d'Hudson aux Fran?ais.

M. d'Iberville retourna devant le fort Nelson. Dans la nuit une furieuse temp?te, s'?leva, accompagn?e d'une neige ?paisse, et malgr? tout ce qu'il put faire, et il ?tait r?put? l'un des plus habiles manoeuvriers de la marine fran?aise, le P?lican fut jet? ? la c?te avec sa prise vers minuit, et s'emplit d'eau presque jusqu'? la batterie sup?rieure. Son chef ne cessa pas dans cette circonstance critique de donner ses ordres avec calme; et comme c'?tait ? l'?poque de l'ann?e o? le soleil, dans cette latitude, descend ? peine au-dessous de l'horison et qu'il se couche et se l?ve presqu'en m?me temps, la clart? emp?cha que, malgr? le grand nombre de bless?s et de malades qu'il y avait ? bord, personne ne p?rit alors.

Le lendemain le calme s'?tant r?tabli, l'?quipage put gagner la terre; les malades furent transport?s dans des canots et sur des radeaux; il y avait deux lieues pour atteindre le rivage; 19 soldats moururent de froid pendant cette longue op?ration. Comme l'on ?tait rest? sans vivre apr?s le naufrage, et qu'on ignorait ce qu'?taient devenus les autres vaisseaux, il fut r?solu de donner l'assaut au fort sans d?lai; car <>. Mais sur ces entrefaites arriva heureusement le reste de l'escadre fran?aise; alors pour m?nager son monde, M. d'Iberville se voyant des provisions en quantit? suffisante, abandonna sa premi?re d?termination, et attaqua la place en forme. Apr?s qu'on l'e?t bombard?e quelque temps, elle se rendit ? condition que la garnison serait transport?e en Angleterre. M. de Martigny y fut laiss? pour commandant. Ainsi le dernier poste que les Anglais avaient dans la baie d'Hudson tomba en notre pouvoir et la France resta seule ma?tresse de cette r?gion.

Tandis que M. d'Iberville achevait cette conqu?te, elle reprenait tout ? coup le projet si souvent abandonn? de s'emparer de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-York. M. de Frontenac pressait cette entreprise, surtout l'attaque de la derni?re province, parce qu'elle devait entra?ner avec elle la suj?tion des Iroquois. Peut-?tre pr?voyait-il aussi, dans sa perspicacit?, ce que New-York devait devenir un jour par sa position. Mais Boston ?tait alors la premi?re ville de l'Am?rique du nord; il ?tait comparativement voisin de l'Acadie, c'est sur lui que le minist?re jeta les yeux. M. de Pontchartrain proposa son projet au roi qui l'agr?a. Le commandement de l'exp?dition fut confi? au marquis de Nesmond, officier qui s'?tait fort distingu? dans la marine fran?aise. On lui donna dix vaisseaux de guerre, une galiote et deux br?lots. En m?me temps le comte de Frontenac re?ut l'ordre de tenir ses troupes pr?tes ? marcher au premier ordre. Leur destination fut longtemps un myst?re dans la colonie.

Le marquis de Nesmond devait se rendre d'abord ? Plaisance, pour s'assurer des conqu?tes que les Fran?ais avaient faites l'ann?e pr?c?dente dans l'?le de Terreneuve, et pour livrer bataille ? la flotte anglaise que l'on disait destin?e ? s'emparer de toute l'?le. Il devait ensuite informer le comte de Frontenac de ses progr?s, afin que ce gouverneur p?t se rendre avec ses troupes, au nombre de quinze cents hommes, ? Pentago?t pour s'embarquer sur l'escadre, qui cinglerait alors vers Boston. Cette ville prise, toutes les c?tes de la Nouvelle-Angleterre devaient ?tre ravag?es le plus avant que l'on pourrait dans l'int?rieur, jusqu'? Pescadou? . Si la saison le permettait, la Nouvelle-York devait subir le m?me sort, et les troupes canadiennes, en s'en retournant dans leur pays par cette province, avaient ordre de commettre les m?mes d?vastations sur leur passage.

La nouvelle de ces armemens, malgr? le secret qu'on avait ordonn?, arriva dans les colonies anglaises par diff?rentes voies ? la fois. On faisait courir en m?me temps le bruit en Canada que les Anglais allaient revenir l'attaquer, peut-?tre ?tait-ce pour d?pister le public sur l'objet des lev?es de troupes du gouvernement. La milice fut aussit?t appel?e sous les armes dans la Nouvelle-Angleterre. La citadelle de Boston fut mise en ?tat de d?fense, et cinq cents hommes furent envoy?s pour garder la fronti?re orientale ouverte aux courses des Ab?naquis. <>. Les temps ont bien chang? depuis.

Cette entreprise dont le succ?s avait souri au marquis de Nesmond, manqua faute de diligence, ou peut-?tre faute d'argent; car la guerre en Europe ruinait les finances du royaume. Il ne put partir de la Rochelle qu'? la fin de mai , et les vents contraires le retinrent deux mois dans la travers?e. Quand il arriva ? Terreneuve, il convoqua un grand conseil de guerre dans lequel il fut d?cid? que la saison ?tait trop avanc?e pour attaquer Boston, attendu que les troupes du Canada ne pourraient arriver ? Pentago?t que le 10 septembre, et que la flotte n'avait plus que pour cinquante jours de vivres. Un b?timent fut imm?diatement d?p?ch? ? Qu?bec pour communiquer cette d?termination au comte de Frontenac. M. de Nesmond envoya en m?me temps ? la d?couverte dans toutes les directions pour avoir des nouvelles de la flotte anglaise; mais on ne put la rencontrer, et il fut oblig?, ? son grand regret, de retourner en France sans avoir tir? un coup de canon, apr?s s'?tre flatt? de l'esp?rance de faire une des campagnes les plus glorieuses de toute cette guerre, si fertile en beaux faits d'armes et en victoires.

Enfin la paix fut sign?e ? Riswick le 20 septembre 1797. La France et l'Angleterre furent remises par ce trait?, quant ? leurs colonies, dans le m?me ?tat o? elles ?taient avant la guerre, except? que la premi?re acquit toute la baie d'Hudson. Ainsi elle resta ma?tresse de la moiti? occidentale de Terreneuve, de toute la c?te maritime depuis le nord de la baie d'Hudson jusqu'? la Nouvelle-Angleterre, avec les ?les adjacentes, de la vall?e du St.-Laurent y compris les grands lacs, et de celle du Mississipi. Les difficult?s entre les deux couronnes au sujet des limites de ces possessions, furent abandonn?es ? la d?cision de commissaires; de sorte qu'apr?s l'effusion de tant de sang en Am?rique, la propri?t? du pays des Iroquois et les fronti?res de l'Acadie et de la Nouvelle-Angleterre rest?rent encore des questions pendantes, que le temps et les ?v?nemens avaient embrouill?es et rendues plus difficiles ? r?soudre que jamais. Cette guerre avait gravement entrav? les progr?s du Canada, et grev? la Nouvelle-Angleterre d'une dette qui, en l'obligeant de cr?er du papier monnaie, la fit entrer dans une voie financi?re, avantageuse suivant les uns, et pernicieuse suivant les autres.

Selon le d?sir du trait?, MM. de Tallard et d'Herbault furent nomm?s commissaires de la part de la France pour r?gler avec ceux de l'Angleterre la question des fronti?res. Cette derni?re puissance s'?tant mise en possession des deux bords de la rivi?re K?n?bec, la rivi?re de St.-George, comme on l'a dit en parlant de l'Acadie, fut choisie pour servir de limite entre les deux nations de ce c?t? l?. Ce qui fut confirm? en 1700 par M. de Villieu de la part du roi tr?s chr?tien, et par M. de Soudric de la part de sa Majest? britannique.

Le peu de dur?e de la paix ne permit point de r?gler la question du droit de p?che sur les c?tes de l'Acadie.

Quant au pays des cinq nations, on n'osa pas encore en disposer, de peur d'irriter la conf?d?ration iroquoise, dont l'amiti? ?tait brigu?e par les deux peuples. Ce qui se fit au sujet de cette fronti?re, se passa entre les gouverneurs des deux provinces anglaise et fran?aise, qui dirig?rent leurs men?es aupr?s des Iroquois. Ils t?ch?rent par toutes sortes de subtilit?s, l'un, de les amener ? reconna?tre une supr?matie europ?enne, l'autre, de les emp?cher de tomber dans le pi?ge, et de maintenir leur ind?pendance et leur neutralit?.

Richard, comte de Bellomont, vint remplacer, apr?s le trait? de Riswick, le colonel Fletcher dans le gouvernement de la Nouvelle-York. Il d?p?cha imm?diatement le colonel Schuyler et le ministre Delius aupr?s du comte de Frontenac, pour l'informer de la conclusion de la paix et r?gler l'?change des prisonniers. Ces envoy?s d?clar?rent que non seulement le pays des cinq cantons, mais que les contr?es de l'ouest avec Michilimackinac et tout ce qui ?tait au midi de ce poste, appartenaient ? l'Angleterre. Cette pr?tention extravagante fut trait?e avec d?rision. On leur demanda o? ils avaient appris que la Nouvelle-Belgique, avant que d'?tre devenue la Nouvelle-York, s'?tend?t ? tous les pays dont ils parlaient. Pour nous le droit de d?couverte et celui de possession, dit le chevalier de Calli?res, sont nos titres tant sur le pays des Outaouais que sur celui des Iroquois; nous en avions pris possession avant qu'aucun Hollandais y e?t mis le pied; et <>.

Les pr?tentions des deux couronnes ?taient bien claires. Dans les n?gociations pour l'?change des prisonniers, M. de Bellomont chercha ? faire admettre que les Iroquois ?taient sujets anglais; mais le comte de Frontenac se contenta de r?pondre, que ces peuples ?taient en pourparler avec lui; qu'ils lui avaient laiss? un otage pour garantie de leur parole, et que, pour ce qui les regardait, il allait traiter directement avec eux. Il fit du reste un accueil tr?s gracieux ? ces envoy?s.

Quelque temps apr?s leur d?part, il apprit que le gouverneur anglais avait tenu un grand conseil dans lequel les anciens de tous les cantons avaient repouss? toute suj?tion ?trang?re et proclam? hautement leur ind?pendance nationale dont ils se glorifiaient. Les d?tails de ce qui s'y ?tait pass? annon?aient que ce gouverneur et la conf?d?ration se m?nageaient mutuellement, se d?fiaient l'un de l'autre; que le premier voulait profiter de cette occasion pour ?tablir le droit de souverainet? de l'Angleterre sur les cantons, tandis que ces derniers se servaient de l'influence de cette puissance pour obtenir des conditions meilleures des Fran?ais. L'on ne peut s'emp?cher de plaindre le sort qui mena?ait ces peuples convoit?s si avidement par deux nations aussi redoutables qu'ambitieuses, et d'admirer en m?me temps leur prudence et leur noble patriotisme.

Le comte de Frontenac sut profiter habilement de ces dispositions pour d?cider les cantons ? traiter avec lui, et aux conditions qu'il voulait. Les fautes des Anglais contribu?rent beaucoup ? ce r?sultat heureux. La sympathie religieuse des Iroquois les faisait incliner pour la France; leurs int?r?ts commerciaux les attiraient vers l'Angleterre. La premi?re exer?ait son influence sur eux par le moyen des J?suites, quoiqu'il ne faille pas oublier cependant que la politique de ces peuples leur imposait la n?cessit? de m?nager les Fran?ais comme les Anglais. La Nouvelle-York, pour d?truire cette influence, passa, en 1700, une loi punissant de mort tous les pr?tres catholiques qui entreraient volontairement dans les cantons. Elle oublia que cette mesure froissait le sentiment religieux d'une partie de la conf?d?ration et qu'elle portait atteinte ? l'ind?pendance de toutes ces peuplades. Les envoy?s fran?ais ne manqu?rent pas de faire valoir ces observations.

Ainsi apr?s bien des collisions et des actes d'hostilit? surtout entre eux et les alli?s des Fran?ais, particuli?rement les Outaouais, car la paix de Riswick n'avait pas d?sarm? ces Sauvages; apr?s bien des tentatives infructueuses de la part du comte de Bellomont pour obtenir par ce moyen un ascendant absolu sur les Iroquois, ils envoy?rent dans l'?t? de 1700 dix ambassadeurs <>. Ils furent re?us ? Montr?al avec pompe. Un grand conseil fut tenu o? assist?rent ces ambassadeurs et ceux de la plupart des nations alli?es de la France. Les d?lib?rations furent rapides, car tout le monde avait besoin de repos. L'orateur des cantons parla avec une sage r?serve, et en dit assez pour obliger M. de Calli?res ? se prononcer sur ce qu'il ferait dans le cas o? les hostilit?s ?clateraient entre eux et les Anglais. Il fit conna?tre l'indignation qu'y avaient excit?e les ordres et les menaces du gouverneur de la Nouvelle-York, et dit que, comme le refus de s'y soumettre pourrait leur attirer la guerre avec les Anglais, il esp?rait qu'ils trouveraient ? Catarocouy non seulement les marchandises qu'ils ne pourraient plus tirer d'Albany; mais encore les armes et les munitions dont ils pourraient avoir besoin. Le fameux chef Le Rat, d?put? des Hurons Thionnontatez, prenant la parole, dit; <>. La paix fut conclue entre la France et ses alli?s d'un c?t? et la conf?d?ration iroquoise de l'autre, le 18 septembre avec beaucoup de formalit?s; et le trait? fut sign? par le gouverneur g?n?ral, l'intendant, le gouverneur de Montr?al, le commandant des troupes, et les sup?rieurs eccl?siastiques et r?guliers qui se trouv?rent ? l'assembl?e. Les Indiens sign?rent en mettant chacun le signe de leur nation au bas de l'acte. Les Onnontagu?s et les Tsonnonthouans trac?rent une araign?e; les Goyogouins, un calumet, les Onneyouths, un morceau de bois en fourche avec une pierre au milieu; les Agniers, un ours; les Hurons, un castor; les Ab?naquis, un chevreuil; et les Outaouais, un li?vre.

Le comte de Frontenac n'avait pas v?cu pour voir la conclusion du trait? de Montr?al. Atteint d'une maladie fort grave d?s son d?but, il succomba le 28 novembre 1698, dans la soixante-dix-huiti?me ann?e de son ?ge. Son corps et son esprit avaient conserv? toute leur vigueur; sa fermet?, son ?nergie, ses grands talens brillaient en lui comme dans ses plus belles ann?es; ce fut un bonheur pour le Canada qu'il ne lui e?t pas ?t? enlev? avant la fin de la guerre. Il emporta dans la tombe l'estime et les regrets des Canadiens, qu'il avait gouvern?s durant une des ?poques les plus critiques de leur histoire; il avait trouv? la Nouvelle-France ouverte, attaqu?e de toutes parts et sur le bord de l'ab?me; il la laissa agrandie et en paix.

Cet homme a ?t? jug? diversement par les partis qui divisaient alors le Canada. Le parti cl?rical dont, ? l'exemple de plusieurs de ses pr?d?cesseurs, il voulait s'affranchir et restreindre l'influence dans les affaires politiques, l'a peint sous des couleurs peu favorables. Il lui reprochait deux torts tr?s graves ? ses yeux, c'?tait d'?tre un jans?niste secret, et de tol?rer, d'encourager m?me la traite des boissons chez les Sauvages. Aujourd'hui que Pascal est r?clam? comme une des lumi?res du catholicisme, on doit ?tre indulgent sur le premier reproche. Le second est plus grave, et fut en toute probabilit? la cause premi?re du rappel de ce gouverneur en 1682. On a vu qu'? cette ?poque, ses d?m?l?s avec l'intendant, M. Duchesneau, avaient oblig? la cour de les rappeler tous deux. La traite des boissons ?tait d?fendue chez les Indiens, et cependant <>, ?crivait l'intendant, en transmettant ? la cour des remontrances r?p?t?es et les plus ?nergiques. Il avait voulu faire observer les ordonnances prohibitives, comme chef de la justice, et le gouverneur y avait mis des entraves. Il s'en ?tait suivi des collisions de pouvoir o? bien certainement le tort fut du c?t? de celui-ci. Les anciennes animosit?s, les anciennes antipathies se r?veill?rent vives et ardentes entre ces deux hommes, de sorte que chacun porta un esprit d'exag?ration dans ses paroles et dans ses actes. Le gouverneur parut favoriser les traitans qui violaient les lois; l'intendant voulut punir avec rigueur m?me les ombres de d?lit. Il faut lire les d?p?ches de M. Duchesneau pour pouvoir se faire une id?e de l'exc?s des dissentions qui r?gnaient entre ces deux hommes. L'intendant accusait le gouverneur de faire la traite avec les Indiens par le moyen de M. Du Luth, qu'il qualifiait de chef des d?sob?issans, c'est ? dire des violateurs de la loi. Il assurait qu'il prolongeait son s?jour ? Montr?al, pour veiller aux int?r?ts de son commerce; que l'exemple qu'il donnait en enfreignant lui-m?me les ordonnances faisait que personne ne voulait les observer; qu'il y avait 5 ? 600 coureurs de bois, et que la d?sob?issance ?tait g?n?rale. Ces rapports faits ? la cour ne restaient pas assez secrets que M. de Frontenac n'en avait connaissance; ils augmentaient l'aversion qu'il avait pour l'intendant, et il saisissait toutes les occasions de la lui faire sentir. Aussi celui-ci se plaignit-il dans une d?p?che au ministre, qu'il avait ?t? oblig? un jour de sortir du cabinet de M. de Frontenac pour ?viter ses injures. Quoique nous n'ayons pas les r?ponses de ce gouverneur ? ces accusations, et qu'il serait injuste de le condamner enti?rement sur le t?moignage de son accusateur et de son ennemi, on ne peut se dissimuler que sa conduite ? l'?gard de la traite fut r?pr?hensible, et qu'en prot?geant ceux qui bravaient la justice des tribunaux, il ?branlait les bases, troublait l'harmonie de la soci?t? sur laquelle il avait ?t? ?tabli, pour veiller au maintien des lois.

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