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Read Ebook: Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome IV by Garneau F X Fran Ois Xavier

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Ebook has 268 lines and 52390 words, and 6 pages

Lord Aylmer ouvrit les chambres en 1831 et les informa que la mort du roi et le changement de minist?re avaient retard? l'arrangement de la question des finances; mais que les nouveaux ministres allaient s'en occuper et qu'il esp?rait que les instructions qu'il allait recevoir ? ce sujet mettraient fin ? toute difficult? pour l'avenir. L'assembl?e se h?ta de passer un bill pour emp?cher les juges de si?ger dans les deux conseils, afin de mettre ? l'essai les nouvelles dispositions de l'ex?cutif. Le bill fut rejet? aussit?t par le conseil l?gislatif, d'o? la plupart des membres de l'assembl?e conclurent que les ministres persistaient toujours dans leur ancienne politique. Elle r?solut alors de maintenir sa position co?te que co?te. Le procureur-g?n?ral Stuart fut accus? de fraude dans son ?lection ? William-Henry, de partialit?, d'exaction en exigeant des honoraires sur les commissions des notaires sans autorit?; d'avoir pr?t? son minist?re ? la compagnie de la Baie d'Hudson contre le locataire des postes du roi qu'il devait d?fendre en sa qualit? d'officier de la couronne. La chambre qui avait renvoy? ces accusations ? un comit? sp?cial, demanda la destitution de ce fonctionnaire, qui fut dabord suspendu et plus tard destitu? apr?s deux ou trois ans d'investigation au bureau colonial, aupr?s duquel M. Viger avait ?t? envoy? pour soutenir les accusations.

Enfin le gouverneur re?ut la r?ponse des ministres sur la question des subsides. Ils abandonnaient le contr?le de tous les revenus except? le revenu casuel et territoire, pour une liste civile de ?19,000 vot?e pour la vie du roi. Cette r?serve loin d'?tre exorbitante paraissait assez raisonnable, et allait diminuer d'importance de jour en jour par les progr?s du pays et l'augmentation de ses richesses. Cependant la chambre refusa de l'accepter, grande faute due ? l'entra?nement d'autres questions qui avaient d?j? fait perdre la liste civile de vue. Si le gouvernement e?t fait quelques ann?es plut?t ce qu'il faisait maintenant, tout se serait arrang?. Mais apr?s tant d'ann?es de discussion, les passions s'?taient ?chauff?es, les partis avaient pris leur terrain, et tous les d?fauts des deux conseils s'?taient montr?s avec tant de persistance et sous tant d'aspects divers que l'on ne voul?t plus croire ? la possibilit? d'une administration juste et impartiale tant qu'ils seraient l? pour la conseiller o? pour la couvrir. On demanda des garanties et des r?formes qui effray?rent l'Angleterre. On ?leva de nouveau le cri de domination fran?aise, ce cri funeste qui n'avait de signification que par l'asservissement d'une race sur l'autre. Pour les uns, il voulait dire, nous ne voulons pas ?tre soumis ? une majorit? canadienne, pour les autres, nous ne voulons pas ?tre le jouet d'une minorit? anglaise. Jusqu'ici le gouvernement ma?tre des deux conseils, ma?tre de lui-m?me, ma?tre de l'arm?e, ma?tre enfin de toute la puissance de l'Angleterre, avait pu retenir les repr?sentans d'un petit peuple dans des limites assez ?troites. Mais qu'arriverait-il dans l'avenir?

Le bureau colonial savait que les principes ?taient en faveur de ce petit peuple qu'il tenait sous l'eau jusqu'? la bouche sans le noyer encore tout-?-fait, et qu'il serait impossible de les violer longtemps sans r?volter la conscience publique et sans se d?grader lui-m?me ? ses propres yeux; c'est pourquoi il nourrissait toujours dans le silence son projet de 1822, afin de mettre fin une bonne fois lorsque le moment serait arriv?, par une grande injustice ? mille injustices de tous les jours qui l'avilissaient. Ce but ?tait ?vident; il se manifestait par le refus de toute r?forme importante propre ? r?tablir l'harmonie dans le pays. Aussi ?tait-ce pr?cis?ment ce qui devait mettre l'assembl?e sur ses gardes. Elle ne devait rien compromettre, profiter des circonstances et surtout du temps qui ?l?ve dans la r?publique des Etats-Unis, une rivale ? laquelle l'Angleterre sera bient?t oblig?e de chercher des ennemis pour conserver la domination du commerce et des mers. Avec une politique ferme et habile, les Canadiens pouvaient triompher des antipathies m?tropolitaines et mettre les int?r?ts ?clair?s ? la place des pr?jug?s aveugles. Car on ne pouvait croire s?rieusement qu'une nation comme l'Angleterre f?t jalouse des institutions d'un peuple de quelques centaines de mille ?mes rel?gu? ? l'extr?mit? de l'Am?rique. Malheureusement dans une petite soci?t? les passions personnelles obscurcissent les vues ?lev?es, et les injustices senties trop vives et trop directement font oublier la prudence n?cessaire pour attendre des rem?des efficaces et souvent fort tardifs. C'est ce que va nous faire voir la suite des ?v?nemens que nous avons ? raconter. On oubliait aussi que dans la s?rie d'hommes qui tenaient successivement comme ministres le portefeuille des colonies, il pouvait s'en trouver qui n'entrassent pas bien avant dans le projet de l'union des deux Canadas, et c'est ce qui arriva. Lord Goderich, par exemple, ne montra pas, par ses actes, un grand d?sir d'en acc?l?rer la r?alisation. Mieux ?clair? qu'aucun de ses pr?d?cesseurs sur le Bas-Canada par ses entrevues fr?quentes avec M. Viger, il parut au contraire vouloir faire plus de concessions qu'aucun de ses pr?d?cesseurs. C'est lui qui venait de faire la derni?re proposition sur les subsides, laquelle comportait la concession de presque tout ce que l'on demandait sur cette question capitale.

N?anmoins la chambre ne voulant tenir aucun compte des oppositions que ce ministre avait peut-?tre ? vaincre dans le milieu dans lequel il agissait pour obtenir ces concessions de ses coll?gues, resta en garde contre lui comme contre tous ses pr?d?cesseurs, et au lieu d'accepter la liste civile qu'il proposait, elle demanda copie des d?p?ches qu'il avait ?crites ? ce sujet. Lord Aylmer r?pondit qu'il regrettait de ne pas avoir la libert? de les communiquer. Il existe une r?gle g?n?rale pour tous les gouverneurs, d'apr?s laquelle ils ne peuvent montrer aucune d?p?che des ministres sans permission du bureau colonial. La chambre se montra bless? de ce refus et ordonna un appel nominal pour prendre en consid?ration l'?tat de la province. C'?tait annoncer qu'elle allait ?tendre le champ de ses pr?tentions. Elle demanda ? l'ex?cutif des renseignemens sur les d?penses du canal de Chambly un ?tat d?taill? de la liste civile propos?e, un ?tat du revenu des biens des j?suites et des terres et des bois, avec l'emploi que l'on proposait de faire de ces revenus; si le juge de l'amiraut? recevait un salaire ou des honoraires. Le gouverneur ne la satisfit que sur une partie de ces points. Il l'informa aussi que les ministres avaient intention d'introduire un bill dans le parlement imp?rial pour r?voquer la loi qui chargeait les lords de la tr?sorerie de l'appropriation des revenus que l'on se proposait d'abandonner ? la chambre.

Le comit? auquel tous ces documens ?taient renvoy?s pr?senta un premier rapport la veille du jour de l'appel nominal. <> Le lendemain, il fut propos? par M. Bourdages de refuser les subsides jusqu'? ce que tous les revenus sans exception fussent mis sous le contr?le de la chambre, que les juges fussent exclus du conseil, que les conseils l?gislatif et ex?cutif fussent enti?rement r?form?s et que les terres de la couronne fussent conc?d?es en franc-aleu roturier et r?gies par les lois fran?aises. Mais cette proposition parut pr?matur?e et fut rejet?e par 50 voix contre 19.

On proc?da alors ? l'appel nominal et les d?bats sur l'?tat de la province commenc?rent. Ils dur?rent plusieurs jours et se termin?rent par l'adoption de nouvelles p?titions ? l'Angleterre, ? laquelle on ne se fatiguait pas d'en appeler. C'est dans le cours de cette discussion que M. Lee proposa vainement, pour r?tablir l'harmonie, de rendre le conseil l?gislatif ?lectif. On demanda encore ? l'Angleterre les biens des j?suites et des institutions municipales, on r?clama contre l'administration des terres, les lois de commerce pass?es ? Londres, l'introduction des lois anglaises, l'intervention des juges dans la politique, l'absence de responsabilit? chez les fonctionnaires, l'intervention du parlement imp?rial dans nos affaires int?rieures, le choix partial des conseillers l?gislatifs, et on se plaignait que les abus que le comit? de la chambre des communes avait recommand? de faire dispara?tre existaient toujours.

Lord Alymer, qui ?tait un homme tr?s sensible, parut fort affect? de ce nouvel appel ? la m?tropole. Lorsque la chambre lui pr?senta en corps la p?tition pour le roi, il lui dit qu'il pouvait se faire qu'il avait encore quelque chose ? apprendre sur les vues ult?rieures des membres; mais qu'il ?tait bien aise de voir que les abus expos?s dans la p?tition ?taient distincts et tangibles; qu'il pouvait d?clarer que plusieurs ?taient d?j? en voie de r?forme sinon de redressement complet. Qu'il serait n?anmoins beaucoup plus satisfait s'il pouvait se convaincre que la p?tition embrass?t tous les sujets de plainte; qu'il ?tait tr?s inquiet ? cet ?gard, et qu'il priait bien la chambre de lui ouvrir son coeur, de lui donner toute sa confiance et de ne lui rien cacher; qu'il leur avait tout fait conna?tre, qu'il n'avait rien dissimul?; qu'il aurait regard? toute manoeuvre, toute supercherie de sa part comme indigne du gouvernement et du caract?re franc et loyal du peuple canadien; qu'il demandait la m?me bonne foi de la part de l'assembl?e. La chambre avait-elle tout mis au jour, avait-elle r?serv? quelque plainte, quelque grief pour amener plus tard. Il l'implorait de lui d?voiler la v?rit? au nom de leur souverain qui ?tait la sinc?rit? elle-m?me, afin que l'Angleterre p?t voir d'un coup d'oeil toute l'?tendue de leurs maux. Apr?s des sentimens exprim?s ? la fois avec tant de na?vet? et avec tant de chaleur, on ne peut s'emp?cher de reconna?tre la sinc?rit? de ce gouverneur, car il est impossible d'attribuer un pareil langage ? la dissimulation et ? l'hypocrisie. Mais cette sc?ne montrait la grande divergence du point de d?part des vues de lord Aylmer et des repr?sentans du peuple.

Un membre des townships de l'est se rallia vers ce temps-ci ? la majorit? de la chambre contre l'oligarchie. C'est elle qui avait inspir? l'id?e au bureau colonial de faire passer l'acte des tenures pour emp?cher les lois fran?aises d'?tre ?tendues ? ces townships. M. Peck, avocat, se leva dans la chambre et f?t passer une adresse au roi pour le prier de faire r?voquer cet acte et de r?tablir les anciennes lois, d?clarant qu'il ?tait contraire aux sentimens des habitans, et qu'on le leur avait impos? de force contre leurs droits, leurs int?r?ts et leurs d?sirs, autre preuve de l'influence funeste qui dirigeait le bureau colonial. En m?me temps le juge de cette localit?, M. Fletcher, ?tait accus? d'oppression, d'abus et de perversion de la loi, et la chambre priait lord Aylmer de prendre les mesures n?cessaires pour prot?ger les habitans contre ces injustices. Le juge Kerr fut accus? ? sort tour. Le public ?tonn? devant tant de scandale, perdait de plus en plus confiance dans les autorit?s; et le temps allait arriver o? les r?formes partielles ne seraient plus suffisantes. Le gouverneur eut beau faire informer la chambre que deux des juges n'avaient point assist? au conseil l?gislatif de la session, et qu'il avait fait signifier au troisi?me de se retirer, cette nouvelle fit ? peine quelque sensation. On se pr?occupait d?j? fortement de mesures plus radicales. On ne vota encore que des appropriations temporaires pour les d?penses du gouvernement. Ce qui fit dire ? lord Aylmer en prorogeant l'assembl?e que la mesure de ses remerc?mens aurait ?t? compl?te si les circonstances lui avaient permis d'informer l'Angleterre que ses propositions touchant les finances avaient ?t? enfin favorablement accueillies.

L'Angleterre ne perdait pas esp?rance que cette question finirait par s'arranger. Lord Howick, sous secr?taire des colonies, fit passer une loi en 1831, malgr? le prot?t du duc de Wellington, pour amender l'acte constitutionnel de mani?re ? permettre l'abandon aux chambres canadiennes de tout le revenu moyennant une liste civile annuelle de ?19,000. Comme on l'a d?j? dit, les r?formes qui se font trop attendre font na?tre le besoin de beaucoup d'autres, et on put voir que cela ?tait vrai en Canada, o? l'on voulait d?j? en faire ex?cuter plusieurs ? peine ?bauch?es quelques mois auparavant, avant de voter une liste civile. A mesure qu'on avan?ait l'on apercevait mieux la v?ritable cause du mal.

Les chambres rouvertes ? la fin de 31, l'assembl?e re?ut copie d'une longue d?p?che de lord Goderich en r?ponse ? ses adresses de la derni?re session. Elle la renvoya aux comit?s de l'?ducation, du commerce, de l'administration de la justice, des officiers ex?cutifs et judiciaires, et des agens comptables en ce qui les concernait. Le gouverneur s'exprimait alors en toute occasion comme si les difficult?s eussent ?t? arrang?es. La confiance l'emp?chait de voir au-dessous de la superficie des choses, et les moindres r?formes lui paraissaient fondamentales. Une d?p?che plus importante suivit celle-ci. Elle invitait les chambres ? passer une loi pour rendre les juges des cours sup?rieures ind?pendans de la couronne et inamovibles durant bonne conduite, ? condition que leurs salaires seraient vot?s permanemment, et les informait qu'aucun juge ne serait ? l'avenir nomm? dans l'un ou l'autre conseil, except? le juge en chef, et encore serait-il tenu de s'abstenir de prendre part aux questions politiques. Lord Alymer demanda en m?me temps le vote du reste de la liste civile, en lui transmettant copie de l'acte pass? ? ce sujet par le parlement imp?rial. La chambre se contenta de r?soudre de se former en comit? g?n?ral apr?s un appel nominal, pour prendre en consid?ration la composition des deux conseils, et apr?s de longues discussions lorsque ce comit? s'assembla, la question fut ajourn?e. Le bill des juges pass? par l'assembl?e et rendu au conseil le gouverneur pria la chambre de voter le salaire du chef du gouvernement, des secr?taires civil et provincial et des procureur et solliciteur-g?n?raux. Ces salaires avec ceux des juges formaient en y ajoutant quelques pensions et autres petits items, la liste civile de ?19,000. Cette demande fut discut?e en comit? g?n?ral, qui se leva sans adopter de r?solution, ce qui ?quivalait ? un rejet. Jamais la chambre n'avait fait une faute aussi grave, car une partie de sa force consistant dans son influence morale, elle devait accomplir m?me au-del? de la lettre les engagemens qu'elle avait pris ou qu'elle paraissait avoir voulu prendre. Il est indubitable que le minist?re anglais n'avait fait une si grande concession ? ses yeux que pour calmer les esprits et s'assurer une liste civile suffisante qui ne serait plus contest?e. On devait reconna?tre cette lib?ralit? par des marques substantielles, et non la repousser par de nouvelles pr?tentions qui ne devaient trouver leur solution que dans un avenir plus ou moins ?loign?.

Mais d?j? une influence malheureuse emportait la chambre au-del? des bornes de la prudence. Les derni?res ?lections avaient chang? le caract?re de ce corps. Un grand nombre de jeunes gens des professions lib?rales avaient ?t? ?lus sous l'inspiration de l'esprit du temps. Ils devaient porter dans la l?gislature l'exag?ration de leurs id?es et exciter encore les chefs qui avaient besoin plut?t d'?tre retenus apr?s la longue lutte qu'ils venaient de soutenir. M. de Bleury, LaFontaine, Morin, Bodier et autres, nouvellement ?lus, voulaient d?j? qu'on all?t beaucoup plus loin qu'on ne l'avait encore os?. Il fallait que le peuple entr?t enfin en possession de tous les privil?ges et de tous les droits qui sont son partage indubitable dans le Nouveau-Monde; et il n'y avait rien ? craindre en insistant pour les avoir, car les Etats-Unis ?taient ? c?t? de nous pour nous recueillir dans ses bras si nous ?tions bless?s dans une lutte aussi sainte.

Ils s'oppos?rent donc ? toute transaction qui para?trait comporter un abandon de la moindre parcelle des droits populaires. Ils se rang?rent autour de M. Papineau, l'excit?rent et lui promirent un appui in?branlable. Il ne fallait faire aucune concession. Pleins d'ardeur, mais sans exp?rience, ne voyant les obstacles qu'? travers un prisme trompeur, ils croyaient pouvoir amener l'Angleterre l? o? ils voudraient, et que la cause qu'ils d?fendaient ?tait trop juste pour succomber. H?las! plusieurs d'entre eux ne pr?voyaient pas alors que la providence se servirait d'eux plus tard en les enveloppant dans un nuage d'honneur et d'or, pour faire marcher un gouvernement dont la fin premi?re et fixe serait <> qui ne laisserait plus exister que comme le phare trompeur du pirate, cet adage inscrit sur la faux du temps: <>

Malgr? les sentimens chaleureux que lord Aylmer manifestait en toute occasion, il ?tait facile de s'apercevoir que les refus de la chambre commen?aient ? lui inspirer de la m?fiance. La communication qu'il d?t lui faire au sujet des r?serves du clerg? devait encore, faute de bonne entente, exciter les esprits.

Les terres appartenaient ? tout le pays sans distinction de secte. Le gouvernement imp?rial rependant s'?tait empar? sans droit, sans justice dans un temps encore tout vici? par les pr?jug?s, d'une proportion consid?rable de ces terres pour le soutien d'une religion dont les adeptes comptaient ? peine dans la masse des citoyens. C'?tait sous une autre forme, faire payer comme en Irlande, la d?me des protestans aux catholiques et ? tous les dissidens. Lord Goderich voyant tous les d?fauts de ce syst?me, fit proposer ? l'assembl?e de soumettre ses vues ? cet ?gard afin de voir comment l'on pourrait r?gler cette question de la mani?re la plus avantageuse. C'?tait une concession ?quitable et importante. Elle passa un bill pour r?voquer la partie de l'acte constitutionnel qui avait rapport aux r?serves du clerg?. Elle en passa un autre, appuy?e par les membres des townships eux-m?mes, pour r?voquer celui qu'Ellice avait obtenu du parlement imp?rial, lequel autorisait les propri?taires ? demander les prix qu'il voulait pour leurs terres et introduisait les lois anglaises. Il va sans dire que ces deux lois tomb?rent dans le conseil. Quant aux terres de la couronne, lord Goderich pensait qu'au lieu de les donner pour rien ? ceux qui en demandaient comme le proposait la chambre, le meilleur syst?me serait de les vendre ? l'encan p?riodiquement; que n?anmoins si elle avait des am?liorations ? proposer ? ce syst?me, elles seraient bien re?ues; et quant aux r?serves du clerg? il concourrait enti?rement avec elle; il fallait les abolir. <>

La chambre ayant termin? son enqu?te contre les juges accus?s, demanda leur suspension au gouverneur, qui refusa sous pr?texte que les fonctionnaires n'?taient pas dans le m?me cas que M. Stuart puisqu'ils allaient ?tre rendus ind?pendans de l'ex?cutif; qu'il les suspendrait n?anmoins si le conseil l?gislatif se joignait ? elle.

La session touchait ? sa fin. Un des derniers actes de l'assembl?e fut de demander la mise du bureau des postes sous le contr?le de la l?gislature. Lord Aylmer en la prorogeant exprima tout son regret de voir qu'apr?s toutes les esp?rances que ses votes et ses r?solutions avaient fait concevoir, elle e?t accueilli la liste civile par un refus. Il l'informa que, malgr? les embarras qui pourraient en r?sulter, il se trouvait dans la n?cessit?, suivant ses ordres, de r?server le bill de subsides ? l'approbation du roi.

Malgr? les concessions de lord Goderich, l'excitation dans les chambres et dans le public allait toujours eu augmentant. Le parti anglais qui dominait partout, except? dans l'assembl?e, tremblait ? l'aspect des r?formes du ministre et ?tait furieux. Le parti canadien croyait tous les jours davantage que ces r?formes seraient nulles si nos sentimens ne p?n?traient pas plus avant dans le personnel de l'ex?cutif; que tant qu'il n'exercerait pas une plus grande part du pouvoir, la d?marcation insultante existerait toujours entre le conquis et le conqu?rant, et que le premier ne cesserait pas de para?tre comme ?tranger dans son pays.

C'est au milieu de ces querelles; que l'?lection d'un membre eut lieu ? Montr?al, laquelle dura trois semaines avec tous les incidens d'une lutte acharn?e. Les troupes lurent appel?es le 21 mai, tir?rent sur le peuple, tu?rent trois hommes et en bless?rent deux, sanglant ?pisode qui lit une triste sensation. Tout l'odieux en retomba sur l'ex?cutif. <> Le gouverneur fut en vain pri? de monter ? Montr?al par M. Papineau, pour assister ? l'enqu?te avec M. Neilson et M. Panet, il ne crut pas devoir commettre un acte qui l'e?t compromis aux yeux du parti oppos? ? la chambre, et qui aurait eu l'air d'une intervention dans l'administration de la justice. Le chol?ra qui ?clata cette ann?e pour la premi?re fois en Canada, et qui fit des ravages ?pouvantables, puisqu'il enleva 3300 personnes ? Qu?bec seulement dans l'espace de quatre mois, calma ? peine les esprits. On recommen?a ? tenir des assembl?es publiques en diff?rentes parties du pays. St.-Charles qui paraissait s'?tre attribu? l'initiative dans cette nouvelle mani?re de discuter les questions politiques, donna encore l'exemple. On voulait imiter l'Irlande et O'Connell; mais une fois lanc?, on ne put plus s'arr?ter. Dans une assembl?e des notables de la rivi?re Chambly, toujours pr?sid?e par M. Debartzch, l'on r?solut que tant que le conseil l?gislatif serait nomm? par la couronne, il n'en serait que l'instrument contre le peuple; que les observations du gouverneur ? la prorogation de la l?gislature au sujet de la liste civile, ?tait une insulte faite ? la chambre et une atteinte port?e ? ses privil?ges et ? son ind?pendance; que l'Angleterre ?tait responsable des ravages que faisait le chol?ra en ayant achemin? sur le pays une ?migration immense qui en portait les germes dans son sein. En effet 52,000 ?migrans d?barqu?rent ? Qu?bec dans le cours de l'?t?. On protesta contre la conduite des magistrats dans l'affaire du 21 mai, contre le refus du gouverneur de monter ? Montr?al; on passa enfin en revue tous les griefs en signalant pour la centi?me fois l'exclusion des Canadiens des charges publiques.

Le parti anglais pour ne pas rester en arri?re se r?unit ? Montr?al ? son tour, et adopta des r?solutions d'une tendance contraire ? celles de St.-Charles, qu'il fit appuyer d'une d?monstration par ses amis de Toronto, o? le procureur et le solliciteur-g?n?ral convoqu?rent une assembl?e pour prier le roi d'annexer l'?le de Montr?al ? leur province. Lord Aylmer tout-?-fait soulev? alors contre la chambre et les Canadiens, visitait les townships de l'est et la vall?e de la rivi?re des Outaouais, et ?crivait ? lord Goderich que l'on pourrait ?tablir 500,000 ?migrans dans les premiers, et 100,000 dans la derni?re, moyen plus efficace pour r?gler la question des deux races qu'aucun autre. Enfin les sentimens secrets de tous les partis se dessinaient de jour en jour avec plus de force au milieu des passions croissantes, et ne permettaient plus gu?re de dissimulation.

Le bureau colonial depuis qu'il ?tait dirig? par lord Goderich, travaillait tant qu'il pouvait ? corriger les abus. Onze nouveaux membres avaient ?t? ajout?s au conseil l?gislatif dont huit Canadiens fran?ais, pour t?cher de le populariser un peu. Mais ces r?formes n'arrivaient pas assez vite pour satisfaire des hommes aigris par une longue attente. Le gouverneur eut beau adresser un long discours aux chambres en 1832, et repasser avec mod?ration les sujets qui devaient les occuper, s'abstenant de toute remarque sur la question de la liste civile, et donnant de justes louanges ? la conduite courageuse et d?vou?e du clerg? et des m?decins au milieu des ravages du fl?au qui venait de d?cimer le pays, l'assembl?e jalouse de ses privil?ges, protesta contre les attaques qu'elle avait cru voir dans les observations qu'il avait faites en prorogeant la derni?re session. ? peine avait-elle accompli ce qu'elle regardait comme un devoir, qu'elle re?ut les vues du ministre sur le bill de subsides de la derni?re session. A l'avenir le gouverneur ne pourrait en sanctionner aucun dans lequel on n'aurait pas sp?cifi? avec pr?cision la somme et l'objet pour lequel cette somme ?tait accord?e; et comme le d?nouement de la question de la liste civile ?quivalait ? un rejet absolu, le roi n'am?nerait plus cette question sur le tapis et continuerait ? payer les d?penses sur les deniers que la loi avait mis ? sa disposition. Quant au bill pour l'ind?pendance des juges, il n'avait pas ?t? sanctionn? parce qu'on n'avait pas fait d'appropriation fixe et permanente pour leur salaire, suivant l'usage de l'Angleterre d'autant plus n?cessaire en Canada, disait lord Goderich, que la population y ?tait divis?e en deux classes, diff?rant d'origine, de langue, de religion et de coutumes, et que la pr?pond?rance de l'une dans l'assembl?e excitait la jalousie de l'autre ailleurs.

Le refus de la proposition des ministres sur la question des subsides allait nous faire r?trograder au point d'o? nous ?tions partis. Il ?tait facile de voir que lord Goderich qui avait fait plus qu'aucun de ses pr?d?cesseurs, comme nous l'avons dit, malgr? les pr?jug?s de l'Angleterre, allait ?tre forc? de reconna?tre que les Canadiens ?taient insatiables et que leurs adversaires avaient raison de vouloir tenir dans l'abaissement des hommes si ambitieux.

Le retour du ministre ? une politique r?trograde ou stationnaire, loin d'arr?ter l'?lan de l'assembl?e, l'augmenta. Elle se vit inond?e de p?titions de Montr?al, des Deux-Montagnes, de l'Islet, de Richelieu, de St.-Hyacinthe, de Rouville, de Chambly et de Verch?res, sur les abus de l'administration, les vices de la constitution et le 21 mai. Pendant ce temps l?, elle faisait une enqu?te sur les ?v?nemens de cette funeste journ?e, interrogeait les t?moins, recevait un refus du gouverneur de lui dire s'il avait recommand? d'augmenter le nombre des membres du conseil l?gislatif, quelles personnes il avait recommand? d'y nommer et si elles allaient l'?tre par suite de ses recommandations, et ordonnait un appel nominal pour le 10 janvier, au sujet du conseil l?gislatif.

Il fut r?solu apr?s un mois de d?lib?ration et une division de 34 contre 26, de pr?senter une nouvelle adresse au roi pour le prier de rendre le conseil l?gislatif ?lectif, en sugg?rant quelle devait ?tre la qualification des ?lecteurs et qu'un sixi?me du conseil fut ?lu tous les ans. Elle protestait contre l'annexion de l'?le de Montr?al au Haut-Canada, cette ?le qui contenait, disait-elle, une population de pr?s, de 60,000 habitans, dont la plus grande partie descendaient de ceux en faveur desquels avaient ?t? sign?es les capitulations de 1760; elle d?clarait que ce serait une spoliation non provoqu?e et une violation de ces m?mes capitulations, des actes les plus solennels du parlement britannique et de la bonne foi de la nation anglaise.

La nouvelle de la destitution du procureur-g?n?ral Stuart et du juge Kerr, annonc?e quelque temps apr?s, calma ? peine quelques instant les esprits. Mais le conseil l?gislatif ne pouvant plus se contenir devant les attaques de l'assembl?e, et forc? d'ailleurs d'agir par le parti qu'il ?tait cens? repr?senter dans le pays, vota ? son tour une adresse ? l'Angleterre en opposition ? celle des repr?sentans du peuple, il exposait qu'il avait pris en consid?ration leurs actes aussi dangereux qu'inconstitutionnels, et la situation alarmante du pays, pour prier sa Majest? d'y porter rem?de; que d'un ?tat de paix et de prosp?rit? l'on marchait rapidement vers l'anarchie et une confusion certaine; que les plus grands efforts ?taient faits pour diviser les habitans des deux origines; que les int?r?ts du commerce et de l'agriculture ?taient sacrifi?s ? l'esprit de cabale: que le gouverneur ?tait faussement accus? de partialit? et d'injustice; que les officiers civils et militaires ?taient repr?sent?s comme une faction corrompue, arm?e pour l'oppression du peuple, et cela dans le but de d?grader les autorit?s et de les rendre compl?tement nulles; que l'on diffamait les juges tout en rebutant au conseil la permission de s'enqu?rir de leur conduite; et que pour combler la mesure l'on demandait de le rendre lui-m?me ?lectif.

Le conseil exposait ensuite que l'assembl?e cherchait ? augmenter son pouvoir ? ses d?pens et aux d?pens de la couronne, en voulant obtenir la disposition des deniers publies sans pourvoir aux d?pendes du gouvernement civil et des juges, et en voulant conserver les terres incultes pour les Canadiens fron?ais; que c'?tait en 1831 que l'on avait commenc? pour la premi?re fois ? mettre en question l'?lection du conseil, et qu'il ?tait ?tonnant que la majorit? de la chambre se fut laiss?e entra?ner ? d?truire la constitution; qu'il ne croyait pas que la majorit? des Canadiens f?t pour cette mesure, mais qu'il ?mit facile de tromper un peuple chez lequel l'?ducation avait fait si peu de progr?s; que le conseil ?tait essentiel ? l'existence de la pr?rogatives royale, ? l'alliance du Canada avec l'Angleterre et ? la s?ret? des 150,000 Anglais qu'il y avait dans le paya; qu'un conseil ?lectif serait la contre-partie de l'assembl?e; que ce serait rendre les charges ?lectives, troubler la s?curit? des Anglais dans leurs personnes et dans leurs biens, arr?ter le progr?s, interrompre l'?migration, briser les liens qui attachaient la colonie ? la m?re patrie, amener une collision avec le Haut-Canada, inonder le pays de sang, car le Haut-Canada ne permettrait point paisiblement l'interposition d'une r?publique fran?aise entre lui et l'Oc?an; et que le conseil n'avait point sanctionn? la mission de M. Viger ? Londres.

La passion qui avait dict? cette adresse avait fait d?passer le but. L'id?e qu'il fallait conserver le m?me pouvoir ? la minorit? qu'? la majorit? parce que l'une, comme anglaise devait ?tre royaliste, et l'autre comme fran?aise, r?publicaine, ?tait mise ? nu trop hardiment pour ne pas frapper le bureau colonial dont on brisait ainsi le voile qu'il avait tant de peine ? tenir tendu, et pour ne pas exciter sa mauvaise humeur sur une pareille gaucherie. <> En m?me temps le gouverneur fit informer le conseil que le ministre ?tait d'opinion que son pr?sident n'avait point de double vote; mais que ce n'?tait qu'une opinion et que le parlement imp?rial seul avait droit de r?gler la question.

La compagnie qui s'?tait form?e ? Londres pour coloniser les townships de l'est pr?occupait les Canadiens depuis quelque temps. Ils croyaient qu'elle leur ?tait hostile, et qu'elle allait s'emparer des terres d'avance pour les en exclure par le haut prix qu'elle demanderait et les autres obstacles qu'elle mettrait dans leur chemin. C'?tait bien l? en effet le but d'une partie des membres, mais pas de tous. La chambre passa encore une adresse au roi ? ce sujet, pour le prier de n'accorder ni terres, ni charte, ni privil?ges ? cette association. Le conseil l?gislatif vota aussit?t une contre adresse. N'?tant plus retenu par le gouvernement dans les bornes de la circonspection comme auparavant, ce corps faisait maintenant une opposition ouverte ? la chambre en servant de rempart ? l'ex?cutif. L'assembl?e ayant en votant ies subsides refus? ou diminu? certains items et r?duit la somme demand?e de ?54,000 ? ?47,000, il rejeta aussit?t le bill en motivant son refus dans une s?rie de r?solutions. L'assembl?e demanda encore que le bureau des postes fut plac? sous le contr?le de la l?gislature coloniale, et d?clara qu'au lieu de chercher ? tirer un revenu de ce d?partement, l'on devait plut?t diminuer les droits de port sur les journaux surtout, et employer le surplus du revenu, s'il y en avait un, ? ?tendre les communications postales.

Les chambres furent prorog?es le 4 avril, apr?s une session de pr?s de cinq mois. La discussion des grandes questions qui occupaient la chambre depuis si longtemps, se porta au dehors. La population anglaise s'assembla en diff?rentes parties du pays pour d?sapprouver la conduite de l'assembl?e et pour prier l'Angleterre de maintenir la constitution intacte: c'?tait ce que l'on devait attendre. Elle devait soutenir le conseil l?gislatif qui repr?sentait ses int?r?ts, et redouter un changement qui aurait appel? les Canadiens au partage du pouvoir ex?cutif et de toutes ses faveurs dont ils ?taient presque totalement exclus.

Chaque jour prouvait davantage leur situation exceptionnelle. Qu?bec et Montr?al venaient d'?tre incorpor?s pour l'administration de leurs affaires locales. Le conseil de Qu?bec se trouvant compos? en majorit? de Canadiens, passa des r?glemens en fran?ais et les pr?senta, suivant la loi, aux tribunaux pour les faire confirmer. Les juges refus?rent de les recevoir, parce qu'ils n'?taient pas en Anglais. C'?tait renier la l?galit? de la langue fran?aise. Cette proscription inattendue donna dans l'?tat des esprits de nouvelles armes aux partisans d'une r?forme radicale. On la regarda comme une violation du trait? de 1763. L'assembl?e doit d?cider, disaient les journaux, si l'on peut se jouer ainsi de la foi engag?e entre deux nations.

Cependant M. Neilson voyant l'entra?nement de la majorit? et ne voulant pas suivre M. Papineau jusqu'? l'extr?mit?, s'?tait s?par? de lui depuis quelque temps. Plusieurs Canadiens, membres marquans de la chambre, en avaient fait autant, comme MM. Quesnel, Cuvillier, Duval, et quelques autres. Ces hommes ?clair?s dont l'exp?rience et le jugement avaient un grand poids, reconnaissaient bien la justice des pr?tentions de la majorit?, mais ils craignaient de risquer ce qu'on avait d?j? obtenu. Lord Goderich avait fait des concessions et des r?formes dont l'on devait lui tenir compte si l'on faisait attention aux pr?jug?s enracin?s du peuple anglais contre tout ce qui ?tait fran?ais et catholique. Plus tard ? mesure que l'on parviendrait ? d?truire ces pr?jug?s, l'on demanderait la continuation de ces r?formes, et la puissance croissante des Etats-Unis dont il fallait que l'Angleterre pes?t les cons?quences tout anglo-saxons qu'ils ?taient, aiderait fortement ? la rendre juste ? notre ?gard. M. Bedard, p?re, M. Neilson et M. Papineau ?taient les trois hommes d'?tat les plus ?minens qu'eussent encore eus le Canada. La s?paration de MM. Neilson et de M. Papineau, ?tait un vrai malheur pour le pays. L'?loquence, l'enthousiasme de l'un ?taient temp?r?s par le sang froid et les calculs de l'autre, dont l'origine ne permettait point le m?me emportement contre l'inf?riorit? dans laquelle on voulait tenir les Canadiens fran?ais. Tous deux avaient l'?me grande et ?lev?e. Tous deux ?taient presque des amis d'enfance, et avaient toujours combattu ensemble pour la m?me cause. M. Cuvillier, M. Quesnel ?taient de leur c?t? des hommes lib?raux, mais mod?r?s, aimant leur pays et jouissant d'un caract?re qui faisait honneur ? leurs compatriotes.

M. Papineau en se s?parant de tant d'hommes sages pour se lancer dans une lutte contre l'Angleterre, prenait une grande responsabilit? sur lui. Sans doute que ce qu'il demandait ?tait juste, sans doute que si ses compatriotes eussent ?t? d'origine anglaise au lieu d'?tre d'origine fran?aise, le bureau colonial e?t accord? toutes leurs demandes sans objection. Mais l'?quit? ne triomphe pas toujours; les pr?jug?s nationaux font commettre bien des injustices. C'est au patriote, c'est ? l'homme d'?tat de consid?rer tous les obstacles, de peser toutes les chances et de r?gler sa conduite de mani?re ? obtenir le plus grand bien possible pour le moment en attendant le reste de l'avenir, sans livrer ce qu'on a d?j? au risque d'une lutte d?sesp?r?e. Il n'y avait pas de honte pour les Canadiens ? prendre ce parti. Un petit peuple d'un demi-million d'habitans pouvait souffrir une injustice d'une puissance comme l'Angleterre sans fl?trissure. Le d?shonneur est pour le fort qui foule et tyrannise injustement le faible.

Lorsque M. Papineau fut de retour chez lui encore tout excit? par ses luttes parlementaires, il commen?a ? d?poser sur le papier les griefs de ses compatriotes contre l'Angleterre. Malheureusement la liste en ?tait longue et leur r?miniscence ne fit qu'aigrir davantage son ?me ardente. Il arriva ? la session suivante avec ce travail en ?bauche.

Le gouverneur informa les chambres, ouvertes le 7 janvier 1834, que le roi avait nomm? un sur-arbitre pour faire le partage des droits de douane entre les deux Canadas, et que le rapport accordait une plus grande part que de coutume au Haut; qu'il serait n?cessaire de renouveler la loi d'?ducation et les lois de milice qui expiraient, et de reprendre la question des finances sans d?lai, afin que la m?tropole vit ce qu'elle aurait ? faire.

Plusieurs membres voulaient cesser tout rapport avec l'ex?cutif et passer de suite ? la consid?ration de l'?tat de la province. M. Bourdages toujours ? la t?te des hommes les plus avanc?s, fit une proposition dans ce sens qui fut repouss?e. En r?ponse aux remarques du gouverneur, touchant la porte du bill de subsides de la derni?re session, la chambre observa qu'?lue par le peuple, elle devait en partager le sort, et que son plus grand d?sir devait ?tre de travailler pour son bonheur. Elle organisa ses comit?s ordinaires, mais elle refusa d'en nommer un, suivant l'usage, de bonne correspondance avec le conseil l?gislatif. <> L'assembl?e reprit l'enqu?te du 21 mai.

Elle re?ut presqu'aussit?t plusieurs messages du ch?teau. Le 13, elle en re?ut un sur le bill de subsides, et un autre sur le si?ge de M. Mondelet dans son sein, qu'elle avait d?clar? vacant deux ans auparavant par suite de sa nomination au conseil ex?cutif. Le ministre approuvait le gouverneur de n'avoir pas fait proc?der ? une nouvelle ?lection dans un cas o? la chambre avait outrepass? son pouvoir. Le lendemain on lui en remettait un autre au sujet du conseil l?gislatif en r?ponse ? l'adresse de la derni?re session.

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Il est inutile de dire quel fut l'effet de cette d?cision sur l'assembl?e. Elle renvoya de suite ? des comit?s sp?ciaux toutes ces communications du gouverneur, qui refusait alors de lui avancer l'argent n?cessaire pour payer ses d?penses contingentes, sous pr?texte que la perte du dernier bill de subsides le laissait charg?, d'une trop grande responsabilit?. L'assembl?e demanda copie des instructions royales touchant le bill de subsides de 32, et rejeta un bill pass? par le conseil, pour ?tablir un tribunal destin? ? juger les fonctionnaires accus?s, tandis que le conseil en rejetait un de son c?t? pass? par l'assembl?e pour assurer la dignit? et l'ind?pendance des deux conseils, dans lequel contrairement ? tous les principes de la constitution anglaise, les conseillers ex?cutifs devaient ?tre hors du contr?le des deux chambres. Ce bill auquel on avait fait peu d'attention, avait ?t? introduit par M. A. Stuart et semblait plut?t une ironie qu'une mesure s?rieuse.

Cependant Le jour pour la prise en consid?ration de l'?tat du pays arrivait. C'?tait pour cette occasion que M. Papineau avait pr?par?; le tableau des griefs dont nous ayons parl? tout ? l'heure. En arrivant ? Qu?bec il l'avait communiqu? aux membres, de son parti. On s'?tait r?uni ? diverses reprises chez les membres du comt? de Montmorency, M. Bedard, pour l'examiner et y faire les changemens jug?s n?cessaires. Apr?s quelques modifications un autre membre, M. Morin avait ?t? charg? de les mettre en forme de r?solutions. Il fut d?cid? que ce serait M. Bedard qui les pr?senterait. Ce membre avec quelques uns de ses amis avait paru dans la derni?re session vouloir se d?tacher de M. Papineau, qui pour ramener le parti de Qu?bec, ? ses vues, consentit ? faire quelques modifications dans, les r?solutions, et, pour flatter l'amour propre de M. Bedard, ? les laisser proposer par lui. Les d?bats dur?rent plusieurs jours.

M. Papineau fit un discours dans lequel encore tout irrit? du ton de la d?p?che de M. Stanley, il s'abandonna ? un enthousiasme r?publicain qui devait mettre l'Angleterre sur ses gardes, et qui ?tait contraire ? la partie des r?solutions qui citait le fait, que dans les anciennes colonies anglaises, celles qui jouissaient des institutions les plus lib?rales avaient ?t? les derni?res ? se r?volter. <>

M. Neilson proposa un amendement tendant ? faire d?clarer <>

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L'amendement de M. Neilson fut rejet? par 56 contre 24. MM. Cuvillier, Quesnel, Duval, et plusieurs autres Canadiens faisaient partie de la minorit?; et les r?solutions qui ont port? depuis le nom de 92 r?solutions, furent finalement adopt?es. Les administrations provinciales, disaient-elles en substance, foulaient aux pieds les droits et les sentimens les plus chers des Canadiens, qui s'?taient toujours empress?s de recevoir les ?migrans des ?les britanniques comme des fr?res, sans distinction d'origine ni de croyance; la chambre ne voulait introduire dans le pays que les droits dont jouissaient les habitans de l'Angleterre; le d?faut le plus grave dans la Constitution ?tait la nomination du conseil l?gislatif par la couronne, au lieu d'?tre ?lectif comme elle l'avait demand? l'ann?e pr?c?dente, parce que la constitution et la forme du gouvernement qui convenaient le mieux ? cette colonie, ne devaient pas se chercher uniquement dans les analogies que pr?sentaient les institutions de la Grande-Bretagne, dans un ?tat de soci?t? tout-?-fait diff?rent du n?tre. Ce n'?tait pas le plus libre r?gime colonial dans les anciennes colonies, qui avait h?t? leur s?paration, puisque la Nouvelle-York dont les institutions ?taient les plus monarchiques dans le sens que le comportaient la d?p?che de M. Stanley, avait ?t? la premi?re ? refuser d'ob?ir ? un acte du parlement imp?rial, et que le Connecticut et le Rhode-Island avec des institutions purement d?mocratiques furent les derniers ? entrer dans la conf?d?ration des Etats-Unis. L'acte des tenures devait ?tre r?voqu? et le vote de toutes les d?penses publiques laiss? ? l? chambre; l? partialit? dans la distribution des charges publiques ?tait port?e au comble loin de diminuer, puisque sur une population de 600,000 habitans, dont 525,000 d'origine fran?aise, 47 fonctionnaires seulement les moins r?tribu?s appartenaient ? cette origine, tandis que 157 appartenaient ? l'origine britannique ou aux 75,000 habitans qui restaient de la population. La n?gligence du bureau colonial ? r?pondre aux adresses de la chambre, la d?tention du coll?ge de Qu?bec par le militaire, les obstacles oppos?e ? l'?tablissement d'autres coll?ges le refus de rembourser ? la province les ?100,000 de la d?falcation de M. Caldwell ?taient encore signal?s avec la foule d'abus d?j? expos?s tant de fois dans les pr?c?dentes adresses. La chambre et le peuple, continuaient-elles, appuy?s sur la justice, devaient ?tre assez forts pour n'?tre expos?s ? l'insulte d'aucun homme quelqu'il f?t ni tenue de le souffrir en silence. Dans leur style, les d?p?ches de Stanley ?taient insultantes et inconsid?r?es ? un degr? tel que nul corps constitu? par la loi m?me pour des fins infiniment subordonn?es ? celles de l?gislation, ne pouvait ni ne devait les tol?rer... ces d?p?ches ?taient incompatibles avec les droits et les privil?ges de la chambre qui ne devaient ?tre ni mis en question, ni d?finis par le secr?taire colonial.

Puisqu'un fait qui n'?tait pas du choix de la majorit? du peuple, son origine et sa langue, ?tait devenu un pr?texte d'injures, d'exclusion, d'inf?riorit? politique et de s?paration de droits et d'int?r?ts, la chambre en appelait ? la justice du gouvernement de sa Majest? et de son parlement et ? l'honneur du peuple anglais; la majorit? des habitans du pays n'?tait nullement dispos?e ? r?pudier aucun des avantages qu'elle tenait de son origine et de sa descendance de la nation fran?aise, qui sous le rapport des progr?s qu'elle avait fait faire ? la civilisation, aux sciences, aux lettres et aux arts, n'avait jamais ?t? en arri?re de la nation britannique et ?tait aujourd'hui dans la cause de la libert? et la science du gouvernement sa digne ?mule. Enfin elles finissaient par mettre lord Aylmer en accusation, en priant les communes d'Angleterre de soutenir les plaintes devant la chambre des lords, et les membres ind?pendans des deux chambres imp?riales de les appuyer, entre autres O'Connell et Hume. Elles invitaient en m?me temps les lib?raux canadiens ? se former en comit?s dans toutes les parties du pays, pour correspondre avec ces deux hommes d'?tat, avec M. Viger, et avec les autres colonies en leur demandant leur appui dans des questions qui les int?ressaient toutes ?galement.

M. Morin fut charg? d'aller remettre ? M. Viger, toujours, ? Londres, les p?titions bas?es sur ces r?solutions et destin?es aux deux chambres du parlement imp?rial.

Le conseil l?gislatif, en pr?sence de l'attitude de l'assembl?e, vota des adresses contraires aux siennes, pour prier le roi de maintenir la constitution pure et intacte. Les marchands anglais de Qu?bec et autres, oppos?s ? la politique de l'assembl?e, sign?rent aussi une p?tition ? la couronne dans le sens de celle du conseil, dans laquelle ils observaient qu'elle voulait donner aux Canadiens-fran?ais une sup?riorit? sur les autres habitans, qu'elle voulait s'emparer des terres publiques et entraver l'?migration, que la qualification en biens immeubles exig?s des magistrats ?tait faite pour exclure les Anglais de ce corps, que la loi des jur?s avait la m?me tendance, que l'assembl?e avait montr? une hostilit? constante au commerce, que le conseil l?gislatif ?tait leur sauvegarde contre les mesures arbitraires et inconstitutionnelles des repr?sentans du peuple, et que M. Viger ne devait pas ?tre consid?r? comme l'agent de la population anglaise.

L'assembl?e apr?s avoir vot? les appropriations n?cessaires pour l'?ducation, les institutions charitables, les chemins et les am?liorations int?rieures, laissant de c?t? la liste civile, commen?a ? se disperser. Le gouverneur ne la voyant plus en nombre, la prorogea en observant que ses proc?d?s ne lui avaient pas permis de lui communiquer les d?p?ches du ministre sur les difficult?s financi?res; que puisqu'elle en avait appel? au parlement imp?rial, chaque parti devait se soumettre ? son autorit? supr?me, mais qu'il devait d?clarer que le langage des 92 r?solutions ?tait si contraire ? l'urbanit? et ? la mod?ration bien connues des Canadiens, que ceux qui ne connaissaient pas le v?ritable ?tat des choses ne pourraient s'emp?cher de croire qu'elles ne fussent le fruit d'une excitation extraordinaire et g?n?rale; que n?anmoins quelque fussent les sentimens qui r?gnaient dans l'enceinte de l'assembl?e la tranquillit? la plus profonde r?gnait au dehors.

Cette derni?re observation ?tait des plus imprudentes. C'?tait inviter les membres qui avaient vot? pour les 92 r?solutions ? prouver au gouverneur qu'ils exprimaient les sentimens de la masse du peuple; et c'est ce qu'ils firent en organisant partout une agitation g?n?rale qui aboutit ? l'insurrection.

CHAPITRE II

LES TROUBLES DE 1837.

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