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Read Ebook: La Becquée by Boylesve Ren

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Ebook has 336 lines and 12566 words, and 7 pages

rtune, jusqu'au dernier liard, ?tait plac?e en viager.

--C'?tait une plaisanterie, dit F?licie.

--C'?tait la pure v?rit?, dit Casimir.

--Mais, malheureux! qu'allez-vous manger?

Il se leva, prit le dossier de la chaise de rotin, la balan?a, en regardant le ciel, et il dit:

--<>

Ces dames le contemplaient. ? la stup?faction de leur regard, il se m?lait une sorte de respect pour le don merveilleux d'insouciance qu'avait re?u cet homme.

--Enfin, soupira F?licie, il vous reste que le bonhomme est taill? pour gagner la centaine: tant qu'il vivra, vous aurez toujours le couvert...

--Certainement, dit Casimir, certainement!...

On s'en tint l? pour cette journ?e.

Enfin une lettre de madame Leduc arriva. F?licie fit un soubresaut en d?chiffrant le timbre.

--Tiens, dit-elle ? Casimir, votre soeur est donc ? Langeais?

--Mais oui.

--Ah!

Langeais, ce 19 juin.

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C'?tait vers la fin du d?jeuner. Le Cupidon ?tait assis sur la pointe des deux aiguilles et visait, de sa petite fl?che d'or, la photographie aux beaux yeux paisibles. Les stores baiss?s, de leurs mille raies de lumi?re et d'ombre, nous composaient l'atmosph?re exquise des int?rieurs d'?t?. On entendait sur le toit du pignon pointu le roucoulement des pigeons et, de plus loin, le chant des poules pondeuses, et, de presque partout, cette douce sonorit? bienheureuse des choses qui chauffent au soleil. Au bord des tasses ? caf?, les mouches, la t?te en bas, pompaient la fine mousse blonde; d'autres, rappelant de vieilles dames aux voiles de cr?pe, p?n?traient dans le sucrier blanc, comme dans une ?glise neuve, et, l? dedans, trafiquaient, se bousculaient, se chevauchaient, parfois expulsaient l'une d'elles tout ? coup, pour quelque myst?rieux scandale dont les commentaires faisaient bruire les parois de porcelaine.

F?licie lut la lettre sans donner aucun signe d'?tonnement, d'indignation ou de douleur. On voyait, au travers des lunettes, la chair grossie des paupi?res immobiles; seul, un coin de la l?vre sup?rieure, ? droite, battait, comme un pouls. Elle passa le papier bord? d'un mince filet noir ? sa soeur, qui le passa ? mademoiselle Ad?la?de, et ainsi de suite. Quand chacun en eut pris connaissance, F?licie le jeta ? Casimir.

On se leva. Pas une parole n'avait ?t? prononc?e; aucune ne le fut, sinon celle-ci, lorsque Casimir voulut ouvrir la bouche:

--Taisez-vous.

Et F?licie, en le regardant, quoiqu'elle f?t de sa taille, semblait le regarder tout petit et par terre. Elle ne pouvait plus d?sormais ?prouver de col?re contre lui: il ?tait garanti par l'exc?s m?me de sa sottise et de sa mis?re.

Pour tout autre que Casimir, c'?tait le moment de s'?crier: <> Mais il n'avait ni malice, ni esprit de calcul. Il se confiait simplement ? sa destin?e qui n'avait jamais failli ? le rasseoir en bonne place, aussit?t touch? le fond du gouffre. Tel ?tait l'?lan communiqu? par le coup de pied re?u ? Langeais, que l'expuls? d?fon?ait la porte d'entr?e de Courance. Un toit valait l'autre.

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La r?signation de F?licie nous effraya plus que sa col?re.

Elle jouait aux cartes avec Casimir!

Ils ?taient assis l'un vis-?-vis de l'autre, ? une petite table ovale; le matin, l'apr?s-midi, le soir, tous les jours de la semaine hormis celui o? venait M. Laballue. Les termes du b?sigue et du piquet s'?levaient seuls dans le salon d'utrecht, avec les gazouillements des jetons d'ivoire. Grand'm?re et ces demoiselles osaient ? peine regarder les deux partenaires, et tremblaient.

On ?tait presque plus ? l'aise quand la douleur physique faisait crier F?licie. Alors, elle jetait les cartes et allait se tordre sur le canap?. On avait descendu le paravent, malgr? l'?t?; elle dissimulait sa torture derri?re les images grotesques, et elle se piquait ? la morphine. On entendait s'amollir sa plainte, et ses soupirs se r?gulariser et d?cro?tre, puis se relever en un souffle de bien-?tre ou d'extase. Et elle reprenait le jeu qui lui trompait l'attente de la mort.

Il n'?tait plus question de rien. Il semblait que la vie morale nous manqu?t totalement. Ce qui e?t, autrefois, retourn? la maison, ne parvenait pas ? soulever une onde sur l'accalmie plus inqui?tante, ? vrai dire, que la temp?te.

Un jour, l'oncle Plant? surprit Casimir qui pin?ait Valentine, dans le corridor. Il jura si fort que tout le monde accourut, m?me F?licie; et l'on comprit. Personne ne dit mot. L'oncle lui-m?me se tut.

On laissait parler Casimir ? table; on lui permettait de prendre la voiture pour aller au moulin ou chez son notaire. Un de ses cr?anciers sonna, un matin. Il le re?ut sous les noisetiers. De son fauteuil, F?licie apercevait les deux hommes qui discutaient.

--Quand le ciel croulerait, soupirait-elle, qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse?

--F?licie! voyons, tu ne dis pas ce que tu penses!

--Moi? Ah bien! je vous prie de vous imaginer qu'? mon ?ge les illusions sont tomb?es! Je l'ai d?j? r?p?t? cent fois: je ne crois plus ? rien de rien.

Elle n'avait pas mis le pied hors des murs, depuis son retour de Paris. Ses jambes la trahissaient; ? cause de ses crises fr?quentes, elle redoutait m?me une sortie en voiture. Adieu les tourn?es dans les fermes, les promenades sous les noyers, les haltes sous les vieux sapins ou au dolmen! Elle pouvait marcher jusqu'aux abeilles, et revenir. C'est l? qu'elle allait volontiers:

--Bonjour, leur disait-elle, vous me reconnaissez donc encore? Allons, travaillez bien... Et puis, ne vous ?tonnez pas trop si vous ne me voyez plus.

Quel regard, lorsque, pench?e sur la canne fourchue, elle consid?rait l'all?e fuyant au fond du jardin, sous les lilas, o? il fallait s'abstenir de risquer un pas de plus, sous peine de se faire tra?ner pour revenir, comme une bourr?e de bois mort!

--?coute, mon petit, ?coute!

Elle entendait la pluie que r?pandaient les arrosoirs de Fridolin, et en m?me temps le bruit d'une b?che:

--Va voir, mon petit, si c'est ton oncle Plant? qui bine les poiriers. J'esp?re bien qu'ils ne m'ont pas pris encore un homme de journ?e...

Elle pr?tendait ne plus croire ? rien!

Un des secrets tourments de ces dames ?tait de n'avoir pas su contraindre la malade ? retourner ? Paris. Peut-?tre e?t-il ?t? encore temps de l'op?rer, bien que le chirurgien e?t d?clar? la chose urgente: <> Une lettre alarm?e arriva de Paris. La croissance d'Adrienne n?cessitait une op?ration nouvelle: <> Deux jours apr?s, une d?p?che: <> Cette fois-ci, Milwaukee avait ?chou?.

--Vous voyez ce que c'est! dit F?licie. Mourir pour mourir, autant s'en aller ? son heure.

Elle envoya des secours ? Paris et oublia, dans sa lettre, son dernier ressentiment contre Philibert. Le malheureux ?crivit des pages ?perdues, ? donner des inqui?tudes pour sa raison. On l'invita ? venir se remettre ? Courance. Il t?l?graphia: <> F?licie fit r?pondre: <> Ils arriv?rent. Leur chagrin ?tait indescriptible, leur d?tresse compl?te. Le tableau du Salon, vendu trois cents francs au brocanteur, pour les honoraires du m?decin; les ?tudes, la derni?re pochade, pour les frais de l'?glise. Au moins, la petite ch?rie avait eu un enterrement convenable; quant au monument, on verrait plus tard.

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