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Read Ebook: La Becquée by Boylesve Ren

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Ebook has 336 lines and 12566 words, and 7 pages

Elle envoya des secours ? Paris et oublia, dans sa lettre, son dernier ressentiment contre Philibert. Le malheureux ?crivit des pages ?perdues, ? donner des inqui?tudes pour sa raison. On l'invita ? venir se remettre ? Courance. Il t?l?graphia: <> F?licie fit r?pondre: <> Ils arriv?rent. Leur chagrin ?tait indescriptible, leur d?tresse compl?te. Le tableau du Salon, vendu trois cents francs au brocanteur, pour les honoraires du m?decin; les ?tudes, la derni?re pochade, pour les frais de l'?glise. Au moins, la petite ch?rie avait eu un enterrement convenable; quant au monument, on verrait plus tard.

Philibert et sa femme furent install?s au premier ?tage de la maison neuve. Marceline ?tait une femme commune, que la timidit?, la peine, et aussi l'ivresse de se voir ? Courance, excitaient ? parler beaucoup, de tout, sans cesse, ? tort et ? travers. On ne pensa presque pas ? s'en choquer; pas plus qu'on ne songea qu'on s'?tait battu, une ann?e enti?re, ? propos de l'admission de cette femme ? la maison. On n'en ?tait plus ? faire la petite bouche.

F?licie avait adopt? quelques phrases qu'elle r?p?tait: <> <>, allusion ? l'h?bergement forc? de Casimir, du m?nage parisien, de la future famille de mon p?re. Lorsqu'elle causait toute seule avec M. Laballue, elle parlait souvent de <>.

Mon p?re annon?a que son mariage ?tait fix? au 1er septembre.

--C'est un excellent moment, dit F?licie, pour le voyage de noces.

--Oh! nous n'irons pas loin. Comme la c?r?monie doit avoir lieu ? Paris, nous nous contenterons d'y s?journer un peu.

--? Paris?

--M. Pope, oncle et tuteur, a conserv? son domicile l?gal ? Paris. Je pr?f?re, d'ailleurs, ? tous ?gards...

--Parfaitement! parfaitement!

Apr?s mille pr?cautions oratoires, il demanda la permission de pr?senter sa fianc?e. F?licie jeta un: <> qui lui coupa la respiration.

Ces manifestations de lib?ralisme affect? faisaient courir des frissons sur les ?paules. L'intransigeance de jadis nous e?t paru bien pr?f?rable.

Mon p?re tournait son chapeau, comme un paysan. Il h?sitait; il balbutia:

--Mais... c'est que...

Elle vint ? son aide:

--C'est qu'elle ne peut pas venir toute seule?... Que les Pope l'am?nent! Entrez! entrez!...

La veille du jour fix? pour la visite, F?licie commanda d'ouvrir le grand salon, et Fridolin parut, les bras en croix, entre les persiennes repli?es. La mine de ce serviteur d?vou? s'effondrait en m?me temps que la figure alti?re de Courance. Il avait vieilli plus que F?licie. Il pronon?ait ? tout propos des jugements sombres. Il aspira l'air par sa br?che, et dit:

--Il me semble que je livre les fortifications de la ville de Metz.

--Pla?t-il? dit Valentine qui battait d?j? les meubles.

--Suffit, jeunesse!

Malgr? le mal que l'on se donnait pour ?tre calme, la prochaine entr?e des Pope ? Courance causait de violentes palpitations. Grand'm?re me prit par la main et me mena devant la photographie:

--Mon enfant, te rappelles-tu ta maman?

--Oui.

--Eh bien! mets-toi cela dans la t?te: quoi qu'il arrive, et quoi qu'on te dise, tu n'auras jamais qu'une maman; c'est celle-l?. Il n'y en a pas de meilleure ni de plus belle. C'?tait une sainte; elle est au ciel; elle te voit. Allons! promets-lui que tu l'aimeras toujours.

Je joignis les mains et je dis:

--N'aie pas peur, maman; l'autre, c'est bon pour papa, mais moi...

Ce fut vers quatre heures que fut signal? le roulement de la voiture. Valentine courut ? la grille, pour ?tre bien s?re, et elle remonta l'all?e en hurlant:

--V'l? les Pope! V'l? les Pope!

Chaque pas du cheval trottant sous les ormes nous heurtait la poitrine. Au sortir de l'all?e, on reconnut la victoria de mon p?re. ? c?t? de lui: du rouge et des cheveux noirs. Point de Pope.

La voiture, ?vitant les communs, vint par l'esplanade sabl?e, et s'arr?ta devant le perron. Mon p?re sauta, mais un peu tard pour pr?senter la main, et la robe rouge, prise au marchepied, d?couvrit une jambe, fine et longue, jusqu'au genou.

Nous v?mes cela du petit salon. Quelqu'un fit: <> comme lorsqu'on est piqu? d'une aiguille, et une grimace passa sur les visages.

--C'est heureux, dit grand'm?re, que le marchepied ne soit pas plus haut!

Mon p?re monta le perron, ?mu, p?le comme son gilet.

Les Pope avaient d? partir pour Paris, en vue des pr?paratifs urgents. Mademoiselle les rejoindrait sous peu; elle s'?tait soumise ? un d?sir d'escapade, d'une incorrection!...

--Un enl?vement! dit-il.

Les l?vres murmuraient:

--Charmant! charmant!

Elle avait un brimborion d'accent ?tranger, un rien, une r?sonance ancienne demeur?e ? la vo?te du palais, une musique entendue d'au del? de l'eau. C'est elle qui parlait le plus, car elle ?tait le moins embarrass?e. ?videmment, on lui trouvait <>, mais le trouble qu'elle r?pandait par son ?tranget? nous gagnait. Je ne voulais plus m'en aller de ses jupes; je la respirais de toutes mes forces; je me laissais asseoir sur ses genoux, et, quand elle me pressait, je restais le nez contre son corsage. En m'embrassant, elle me causait un plaisir extraordinaire.

Mon p?re triomphait, et les couleurs lui revenaient, quoiqu'il e?t un regard d'homme ivre. Les pauvres figures de ces dames faisaient peine ? voir.

On se leva pour passer ? la salle ? manger, o? des rafra?chissements ?taient pr?par?s. On s'?tonnait que la cr?ole f?t si peu prodigue de d?tails sur la Nouvelle-Orl?ans. Car on se la figurait ?lev?e au milieu des rizi?res, des n?gres, des serpents boas. Elle avait v?cu vingt-deux ans ? Paris.

--Cela ne me rajeunit pas! disait-elle.

Elle connaissait beaucoup les peintres; pas Philibert, toutefois. Mais il ne s'en froissa point, et ils parl?rent ensemble d'expositions.

--Et vous ne regrettez pas Paris?

--On y est si m?chant! dit-elle.

F?licie s'excusa de ne point nous accompagner au jardin; grand'm?re tint ? rester pr?s de sa soeur; les vieilles tantes s'?taient ?clips?es ainsi que l'oncle Plant?. Ce fut Casimir qui assuma le r?le de cic?rone; et il semblait montrer sa propri?t?.

La cr?ole ondulait devant nous, ployant la taille pour ?viter les branches, ou tendant la joue, soudain, ? la caresse d'une pointe de feuille. Elle se retournait et abusait de son rire facile. Pr?s des abeilles, elle ramena des deux mains sa robe en avant, et courut comme une fillette. F?licie et grand'm?re, assises sous les noisetiers, la regardaient de loin. Mon p?re me dit:

--Dans quelques jours, elle sera ta maman. Est-ce que tu l'aimeras?

J'avais envie de dire oui, ? cause de sa bonne odeur; mais je me souvins de la le?on de grand'm?re. Il en eut le soup?on et reprit d'un ton imp?ratif:

--Il faut que tu l'aimes. C'est moi qui te le dis. Je suis ton p?re, sacr?di?!...

Nous ne les v?mes plus avant le mariage. Mais grand-p?re Fantin, qui consultait M. Cl?rambourg, nous donna des nouvelles. Les Pope, partis pour Paris, ne devaient plus revenir ? Beaumont. Le ch?teau de la Roche ?tait en vente,--le pays, enti?rement explor?, n'offrant plus d'attraits ? madame.

--Ces insulaires, disait M. Cl?rambourg, ont du mal ? s'acclimater dans nos petits endroits; il leur faut du neuf tous les matins. Nadaud va perdre une bonne maison...

--Il en a pris la fleur, dit Casimir.

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