Read Ebook: Le Japon by Montblanc Charles Comte De
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Ebook has 132 lines and 18791 words, and 3 pages
Fid?-Yori, fils de Hakshiba, succ?da ? son p?re, et Minamoto-no-H?as, alors bou?o de Kanto, fut, sous le titre de da?fou-sama, le chef du minist?re qui inaugura l'administration du prince.
H?as prit les r?nes du gouvernement sans compter avec Fid?-Yori. Celui-ci voulut r?sister aux empi?tements de son ministre, qui, soutenant ses pr?tentions ? main arm?e, fut vainqueur dans la bataille de S?kigahara, dans la province d'Omi. Cette victoire ayant ?t? salu?e par l'adh?sion de la noblesse, le mikado cr?a H?as shiogoune, en m?me temps qu'il donnait ? Fid?-Yori les fonctions et dignit?s de nada?djine.
Tokougaoua-Minamoto-no-H?as, fondateur de la dynastie actuelle des ta?kounes, s'empressa de reconna?tre les services de ses partisans par des r?compenses g?n?rales et des honneurs. Il cr?a trois cent quarante-quatre kovda?-da?mios ou nobles vassaux auxquels il donna des fiefs, et quatre-vingt mille hattamotos ou guerriers nobles. Par cette cr?ation, il s'assura le pouvoir. Les conventions qu'il fit ensuite avec les seigneurs japonais, dont il reconnut les pouvoirs au d?triment des mikados, et dont il r?gla les rapports hi?rarchiques, en les groupant autour de lui, compl?t?rent son oeuvre. Le nouveau shiogoune fixa sa r?sidence ? Yedo. Il soumit tous les princes ? l'obligation d'abandonner, une ann?e sur deux, leurs domaines, pour venir r?sider dans sa capitale. En retournant dans leurs provinces, ils devaient laisser leur famille, comme un otage, entre ses mains. H?as, apr?s avoir fortifi? son pouvoir de tout ce qu'il avait enlev? ? l'autorit? des mikados, mourut en 1616, et fut d?ifi? sous le nom de Gongu?ne-Sama. Il laissa un fils l?gitime, Shid?-Tada, qui fut son successeur direct, et huit fils de rang secondaire, qui furent l'origine des Gokamongk?s. Shid?-Tada eut lui-m?me quatre fils, dont l'a?n?, H?-Mits, fut ta?koune, et dont les trois autres donn?rent naissance aux trois puissantes familles de Gosank?s. Depuis H?-Mits, douze shiogounes se sont succ?d?, y compris le ta?koune actuel, Tokougaoua-Minamoto-no-H?-Moutshi, fils du Gosank? de Kishiou.
Ce fut sous le gouvernement d'H?as que le seigneur de Satsouma s'empara des ?les Liou-Tshou, qui font, aujourd'hui encore, partie des domaines de ce fief. Peu d'ann?es avant l'administration ta?kounale de Novnaga, les Portugais p?n?tr?rent pour la premi?re fois au Japon. Dans ces ?poques de troubles, sous Novnaga, Hakshiba, H?as, se d?veloppa le christianisme, qui fut proscrit sous Tokougaoua-Minamoto-no-H?-Mits, petit-fils d'H?as. Ce fait eu lieu en 1638, ? la suite de la r?bellion chr?tienne d'Arima et de Sima-Bara. Alors commen?a pour le Japon cette politique d'isolement qui dura jusqu'en 1854. Les Hollandais furent rel?gu?s ? D?cima, au milieu des restrictions de toutes sortes, et les Chinois ? Nangasaki.
Afin de se rendre compte de la puissance relative du territoire confi? directement au gouverneur des ta?kounes, il faut savoir que le Japon se divise en soixante-douze provinces, dont cinquante dans l'?le de Nippoune, neuf dans l'?le de Kioushiou, et quatre dans l'?le de Sikokou. Les ?les suivantes: Yesso, Iki, Tsoushima, Sado, Oki, Aouadji, Hatidjiou, forment chacune une province avec quelques annexes d'?les inf?rieures. Sur le nombre total des provinces, trente-sept rel?vent de l'empereur avec plusieurs enclaves dans des provinces appartenant ? des seigneurs f?odaux.
A la couronne appartiennent enti?rement les deux grandes contr?es de Kanto et de Gokina?. Toutes les deux font partie de l'?le de Nippoune. La premi?re de ces contr?es se compose de huit provinces, et la seconde de cinq. L'empire poss?de en outre dans l'?le de Nippoune dix-sept provinces et six enclaves, sans compter les deux provinces de Tshio-Shio et Nagato, derni?rement annex?es au d?triment du prince de Nagato. Dans l'?le de Sikokou, la couronne ne poss?de enti?rement que la province de Sanoki et une partie de celle de Rio. Dans l'?le de Kioushiou, elle poss?de la province de Bonz?ne, la partie sud de Shiz?ne, dans laquelle se trouve Nangasaki, et une partie de Shiouga, dans le nord. De son pouvoir rel?vent directement les ?les de Sado, de Iki, de Hatidjiou et de Oki. Il y a peu d'ann?es, sous pr?texte de prot?ger contre les pr?tentions russes l'?le de Yesso, qui appartenait au prince de Matsma?, le ta?koune annexa l'?le aux domaines imp?riaux, donna en ?change, au prince Matsma?, un fief dans le nord de Nippoune, et ne lui laissa qu'un petit territoire dans le sud de ses premi?res possessions.
Sur l'?tendue du domaine imp?rial se trouvent de grands vassaux relevant imm?diatement du ta?koune et portant le nom de kovda? da?mio, avec le titre de kami. Ce sont des chefs militaires plus ou moins importants, qui transmettent leur pouvoir ? leur descendance, avec l'assentiment du ta?koune. Ils ont re?u en apanage des terres et des ch?teaux, mais leur r?sidence peut ?tre mobile. Ils changent alors de garnison, et se transportent avec leurs hommes suivant les ordres que leur transmet le gouvernement de Yedo. Dans la hi?rarchie civile, les kovda?-da?mios forment une p?pini?re d'hommes d'?tat, destin?s au gouvernement sup?rieur. C'est principalement parmi eux que le ta?koune choisit ses ministres, en les rapprochant successivement de sa personne par plusieurs grades hi?rarchiques. De commandants de place sur les domaines imp?riaux ils peuvent devenir oshosia: ils occupent alors un poste dans la r?sidence m?me du ta?koune, veillent ? sa s?ret?, et l'accompagnent dans ses voyages. Le ta?koune a constamment plusieurs kovda?s de service autour de lui. Ces princes commandants, servent pendant vingt-quatre heures, sont relev?s le jour suivant par un nombre ?gal, et tous les deux jours reprennent leur service, jusqu'? changement de garnison notifi? par le minist?re. A la suite des fonctions d'oshosia, le kovda? da?mio peut ?tre promu au grade de kioto-shoshida?, c'est-?-dire ambassadeur du ta?koune aupr?s du mikado, ou comme rang analogue, il peut ?tre nomm? wakadoshiiori, ou directeur sup?rieur des grandes fonctions. Ces derniers grades conduisent au minist?re de Yedo.
Tous les hommes qui suivent ces kovda?-da?mios appartiennent ? la classe noble des guerriers. Ils peuvent s'?lever aux plus hautes fonctions, dont chacune embrasse confus?ment toutes sortes d'attributions.
C'est ? la suite de cette confusion des pouvoirs que se sont produits les empi?tements des shiogounes, dont les capacit?s politiques, judiciaires, administratives et financi?res semblent subordonn?es ? la capacit? militaire. La hi?rarchie se compose de trois classes: gokanine, hattamoto et da?mio. Chacune de ces classes compte plusieurs degr?s. C'est dans la seconde classe que sont rang?es les fonctions de ga?kokou-bou?o ou gouverneur d'une des trois villes ouvertes aux ?trangers. A partir de ce grade les fonctionnaires acqui?rent le titre de kami. Les ga?kokou-bou?os ne sont jamais isol?ment en fonctions. L'esprit de d?fiance administrative a introduit l'usage de l'action simultan?e de plusieurs fonctionnaires occupant le m?me poste. C'est ainsi qu'un m?me district peut poss?der cinq ou six ga?kokou-bou?o, qui se rel?vent, se succ?dent ou se contr?lent alternativement. Au-dessus du grade pr?c?dent, se trouve le gokandjo-bou?o, receveur g?n?ral, tr?sorier et juge sup?rieur, dont les fonctions offrent un rang analogue ? celui des gouverneurs de Yedo, Kioto ou Osaka, . Ils re?oivent, comme les ga?kokou-bou?os, des appointements de deux mille kokous de riz, sans compter des revenus ?ventuels qui peuvent ?tre tr?s-importants. Le kokou est une mesure d'une capacit? de 174 litres. Le kokou de riz repr?sente une valeur de 25 francs. En s'?levant graduellement dans la s?rie administrative, on rencontre les om?tsk?s, inspecteurs, contr?leurs des grands fonctionnaires, ou sur le m?me rang, les orosou?s, officiers des rapports f?odaux et secr?taires g?n?raux pour l'?tat civil des da?mios. Ces dignitaires sont inf?rieurs aux osobas ou chambellans du ta?koune qui forment l'?chelon le plus ?lev? de la classe des hattamotos. La charge d'osoba est r?tribu?e cinq mille kokous de riz; ?tant exerc?e pendant dix ans, elle donne le rang et le titre de da?mio, de m?me que l'?l?vation aux grades sup?rieurs: discha-bou?o, inspecteurs, contr?leurs des religieux et fonctionnaires du culte; wakadoshi-iori, directeur, imm?diats des grands fonctionnaires. Ils sont cinq en fonction simultan?e et re?oivent dix mille kokous de riz. Les gorodjios, ou ministres, au nombre de cinq, terminent cette s?rie. Lorsque le ta?koune est mineur, le minist?re est domin? par le gota?ro ou r?gent. Comme dignitaire, la famille ta?kounale, gokamongk?, gosankio et gosank?, prend rang entre le minist?re et le ta?koune, dont l'organisation administrative se retrouve ? peu pr?s chez les grands seigneurs f?odaux, sauf les fonctions de centralisation f?odale, comme la charge d'orosou?. Les emplois prennent aupr?s du ta?koune une grande importance par suite de la puissance toute sp?ciale de la cour d'Yedo.
Il est inutile de faire ressortir les vices d'une organisation qui, par la confusion des pouvoirs, le d?faut d'un code ?crit et le respect de l'autorit? d?g?n?r? en d?lation, laisse place ? tous les abus et remplace la loi par la personnalit? des fonctions.
LES GRANDS FEUDATAIRES.
Le ta?koune ne gouverne pas seulement avec les gorodjios. Trois fois par mois, elle r?unit sous sa pr?sidence la grande assembl?e du Toujo, et porte devant elle les affaires qui int?ressent le Japon. Toute innovation au pacte social doit ?tre approuv?e par le toujo, puis ensuite par le mikado. Cette assembl?e r?unit la grande noblesse du Japon, qui se trouve ainsi avoir autorit? et pouvoir l?gal sur les d?cisions du ta?koune.
Dans cette assembl?e, les chefs des familles issues d'H?as sont plac?s imm?diatement derri?re le ta?koune, ? la droite et ? la gauche duquel se rangent les gorodjios. A une distance relativement grande, sont plac?s par ordre les repr?sentants de la noblesse, kokshi et toudama, puis les grands kovda?s, vassaux de la couronne. Entre le tr?ne et l'assembl?e, un h?rault choisi parmi les seigneurs de la famille ta?kounale r?p?te les paroles ?chang?es des deux c?t?s.
Du toujo est tir? un comit? national nomm? tshioguiakou dont l'autorit? est sup?rieure ? celle du minist?re du ta?koune. Dans le gorodjio se trouve plus naturellement l'?l?ment ta?kounal, tandis que dans le tshioguiakou l'?l?ment f?odal est surtout repr?sent?.
A la t?te de la noblesse sont plac?es les trois familles des gosank?s issues de trois fr?res du ta?koune, Shid?-Tada fils et successeur d'H?as. Les chefs de ces familles portent le titre de dono. Ce sont: Owari dono, seigneur de la province d'Owari, Ki dono, seigneur de la province de Kishiou, Mito dono, seigneur de la province de Mito. Ces trois provinces sont situ?es dans l'?le de Nippoune, et repr?sentent une grande puissance par l'?tendue, la richesse et la population de ces domaines, sur lesquels vivent les vassaux respectifs de ces trois princes.
Apr?s les gosank?s viennent deux familles de gosankio, dont les chefs portent ?galement le titre de dono. Leur origine remonte ? trois fr?res de H?-tsua-ioshi, cinqui?me ta?koune de la famille d'H?as. Ces trois gosankios sont: Stouts-bashi dono, Ta?asou dono, Shimidsou dono. Ce dernier fief est rentr? par extinction dans les domaines de la couronne. Le premier fief stouts-bashi, dont la famille seigneuriale s'?tait ?galement ?teinte, a ?t? relev? en faveur d'un cadet d'un gosank? de Mito.
Enfin sous les gosankios viennent, par ordre hi?rarchique, huit familles, aujourd'hui r?duites ? sept, de da?mios gokamonk?s, descendant de huit fils des concubines d'H?as. Ces princes portent le titre de kami. Le plus puissant des gokamonk?s est le prince Itshis?ne, qui d?sirait partir en ambassade en Europe. Il en avait re?u l'autorisation du ta?koune, mais cette permission ne fut pas ratifi?e par le mikado. Cette triple hi?rarchie de familles princi?res forme, autour du ta?koune, un puissant parti. Elles sont issues du m?me auteur et conservent les m?mes int?r?ts vis-?-vis des tiers. Mais entre elles se manifestent parfois de vives luttes, par suite de la rivalit? qui souvent les divise. Lorsqu'un ta?koune meurt sans enfants, on choisit jusqu'? pr?sent son successeur parmi les trois gosank?s, et chacun cherche ? se faire des partisans dans le conseil sup?rieur de l'empire, afin d'agir sur le mikado. Le dernier ta?koune, actuellement au pouvoir, est fils du gosank? de Kishiou, comme d?j? son second pr?d?cesseur.
En regard de cette puissance, dont H?as est le point de d?part, se trouvent les dix-huit grands seigneurs f?odaux appel?s kokshi et d?cor?s du titre de kami, ? l'exception du seigneur de Kaga, qui porte le titre de dono. Comme il est int?ressant, dans l'?tat actuel de la question, de noter ces dix-huit seigneurs, leurs noms et leurs seigneuries suivent par ordre hi?rarchique:
Kagadono, seigneur de Kaga, Noto, Itshiou, et d'une partie de Shida .
Satsouma no Kami, seigneur de Satsouma, Osmi, Shiouda et seigneur des ?les Lioutshou.
Senda? ou Mouts no Kami, seigneur de Mouts .
Fosokaoua no Kami, seigneur de Shigo .
Cloda no Kami, seigneur de Tshigous?ne .
Akino Kami, seigneur d'Aki .
Tshioshio no Kami, seigneur de Tshioshio et Nagato, derni?rement annex?es ? la couronne.
Nab?sima no Kami, seigneur de His?ne .
Inaba no Kami, seigneur de Inaba .
Ik?da no Kami, seigneur de Biz?ne et Bitshiou .
Toodo no Kami, seigneur de Is? et de Higa .
Awa no Kami, seigneur de Awa et Awadji .
T?sa no Kami, seigneur de T?sa .
Arima no Kami, seigneur de Tshikougo .
Sutak? no Kami, seigneur d'Akita et D?oua .
Nambou no Kami, seigneur de Nambou et Mouts .
Ou?sgui no Kami, seigneur de Ioun?saoua et D?oua .
Tsousima no Kami, seigneur de l'?le de Tsima.
Il faut remarquer que dans cette liste les noms de seigneuries r?p?t?es indiquent une autorit? sur des districts diff?rents dans la m?me province.
A c?t? des kokshis sont plac?s les toudamas da?mios, dont la puissance s'?tend sur un petit territoire, mais qui, comme les kokshis, sont ma?tres chez eux. Ils sont au nombre de quatre-vingt-deux, et portent le titre de kami. Une grande partie de ces familles princi?res remontent ? des fr?res cadets de kokshis en faveur desquels les fiefs ont ?t? cr??s ou relev?s. Les Toudamas da?mios font cause commune avec les grands seigneurs f?odaux dont ils partagent les int?r?ts en opposition aux envahissements des ta?kounes.
Les kokshis et m?me les toudamas da?mios ont sous leurs ordres des vassaux, qui sont, comme les capitaines de leur arm?e respective, ? la t?te d'un certain nombre d'hommes de guerre, qu'ils entretiennent sur le domaine. Ces vassaux comptent eux-m?mes parmi la principale noblesse, et sont connus sous le nom de ba?sing da?mio. Ils sont aux kokshis et toudamas ce que les kovda?s sont au ta?koune, tiennent garnison sur les domaines de leurs seigneurs, l'entourent dans ses voyages, ou font pr?s de lui alternativement un service de garde dans ses r?sidences. Plus la puissance et les domaines d'un seigneur sont ?tendus, plus grand est le nombre de ses ba?sings da?mios. C'est ainsi que Satsouma-no-Kami en compte cinquante-deux.
LE PEUPLE JAPONAIS.
A la suite de l'organisation aristocratique, l'?chelle sociale se continue dans le peuple par une organisation de pouvoirs en contact imm?diat avec les individus. Dans les villes, chaque rue repr?sente un rudiment de commune, ayant ses chefs et ses archers. Les chefs sont ?lus parmi les propri?taires de la rue. Ils sont accept?s par le gouvernement sur la pr?sentation des habitants, et choisissent ? leur tour, dans les m?mes conditions, plusieurs d'entre eux pour former pr?s du gouverneur un conseil d'administration. En dehors des villes, cette m?me organisation, form?e dans la campagne par groupes d'habitations, se trouve en relation administrative avec le gokandjo bou?o. Les fonctions municipales sont h?r?ditaires avec l'assentiment du gouvernement sup?rieur et des administr?s qui conservent un droit de veto, et qui, dans tous les cas d'abus, poss?dent un droit de d?nonciation sign?e, contre tout fonctionnaire aupr?s de son chef et m?me contre le ta?koune aupr?s du mikado.
L'administration municipale tient des registres de naissance, de mariage et de mort. Dans ces registres sont ?galement consign?s les noms des habitants, leur position sociale, leur pr?sence ou leur absence, par suite de voyage dont ils ont notifi? le but et la dur?e. C'est l'administration locale qui asseoit et per?oit l'imp?t, et qui pr?l?ve pour son service des taxes municipales. L'imp?t g?n?ral est simplement foncier; il est pay? par les propri?taires d'apr?s la superficie de leur propri?t?, et la valeur des terres et terrains divis?s en trois classes suivant leur estimation. Les contestations qui s'?l?vent ou les crimes qui se commettent, donnent aussi lieu ? l'intervention de l'administration municipale, qui d'abord instruit l'affaire, juge dans les moindres cas, ou bien en r?f?re ? l'autorit? sup?rieure dans les cas plus importants. Le gouverneur ? son tour juge ou renvoie l'affaire au minist?re auquel il est toujours permis d'en appeler.
En examinant en dehors des moeurs chaque organe du corps social, on pourrait conclure ? une immobilit? tout orientale qui assimilerait le Japon aux autres peuples asiatiques. Il n'en est rien; l'activit? domine au contraire dans cette soci?t?, o? les classes sont distinctes, mais ne forment pas castes. S'il est vrai que la noblesse tienne beaucoup de place, il est ?galement vrai que la vie sociale n'en est pas ?touff?e, gr?ce au profond respect qu'on a au Japon pour toute personnalit?, gr?ce ? la libert? individuelle, qui rencontre, dans la forme hi?rarchique de la soci?t? japonaise, un cadre directeur plut?t qu'une prison. La noblesse n'?tant pas exclusive et restreinte ? la naissance, chacun a le droit d'y pr?tendre, en s'?levant par son m?rite, dans la hi?rarchie administrative du ta?koune ou dans celle des grands seigneurs f?odaux. Ceux-ci m?me pourraient ?tre l?galement remplac?s en temps de guerre, mais, leur nombre ?tant naturellement limit? par le nombre des fiefs, et ces fiefs ?tant h?r?ditaires, il s'ensuit, qu'en temps de paix, de nouveaux venus ne peuvent trouver place parmi eux.
Le respect de l'initiative individuelle se manifeste encore dans le droit entier et non motiv? de reconnaissance et d'adoption. Ces deux actes simplement exprim?s d?terminent une filiation nouvelle qui devient la seule reconnue. Par l'usage de ces droits, un ?quilibre s'?tablit entre des familles du m?me rang dont les unes sont surcharg?es d'enfants et dont les autres manquent de post?rit?. C'est encore par l'usage de ces droits que se forme un autre genre d'?quilibre comme un trait d'union entre une famille qui d?choit et une autre qui, en grandissant, recherche une nouvelle sph?re ? son activit?. Dans le droit d'adoption et de reconnaissance se confondent souvent les distinctions qui subsistent entre les classes. Ainsi le mariage n'?tant g?n?ralement admis qu'entre personnes du m?me rang, toute union, en dehors de ces conditions deviendrait impossible ou malheureuse, si l'on n'avait ce rem?de facile pour r?gulariser la position et donner gain de cause ? la libert? de l'initiative individuelle en m?me temps qu'au maintien de la hi?rarchie sociale. Enfin, gr?ce ? ces droits largement pratiqu?s, les familles se m?lent dans leurs ?l?ments les plus actifs, l'horizon s'?largit pour chaque individualit?, la concorde remplace l'antagonisme et la haine, la famille se consolide au lieu de se d?truire, l'aristocratie pr?sente une nouvelle possibilit? d'acc?s, et reste par cela m?me, pour la foule un type ? atteindre.
Tak?-no-Outchi Si-Mots-no-Kami, ambassadeur japonais ? l'?tranger dans le printemps de l'ann?e 1862, offre un exemple de cette libert? d'initiative individuelle qui forme l'expression des moeurs sociales au Japon. Dans sa jeunesse, il ?tait horloger, et bient?t d?sirant, un champ plus large ? son activit?, il conclut un arrangement avec un gokanine nomm? Tak?-no-Outchi, qui lui reconnut son nom et lui facilita l'acc?s de la noblesse militaire. Passant successivement par les grades de gokandjo, shirab?akou, komigashira, il parvint aux fonctions de ga?ko-kou-bou?o. Ce fut dans l'exercice de ses fonctions, ?tant gouverneur de Hakodadi, qu'il fut d?sign? par son gouvernement pour diriger la premi?re ambassade japonaise qui vint ? Paris. Tak?-no-Outchi est aujourd'hui gokandjo-bou?o, et se rapproche des plus hautes fonctions politiques.
Les moeurs sociales sont, plus que les institutions, l'expression d'une soci?t?; ? ce compte, les Japonais poss?dent des ?l?ments s?rieux d'avenir et de progr?s. Ces ?l?ments se trouvent dans leur caract?re national plus que dans leurs institutions, car l'organisation tol?re des abus, comporte des vices d?plorables et poss?de des bases totalement fausses, comme la confusion des pouvoirs, l'arbitraire des d?cisions administratives et judiciaires. Le caract?re g?n?ral de f?odalit? trouve, il est vrai, un correctif dans l'?galit? d?mocratique d'une libre expansion permise aux facult?s de tous; c'est peut-?tre ? l'alliance de ce contraste que les Japonais doivent cette valeur individuelle qui les distingue si profond?ment de leurs voisins les Chinois. Non-seulement ces deux nations sont diff?rentes, mais elles pr?sentent, sous tous les rapports, des oppositions directes. L'?tude et la comparaison de ces pays offrent ?galement un exemple curieux de l'inefficacit? des institutions ? r?aliser seules et ? repr?senter par elles-m?mes une direction sociale; car c'est l'expression des moeurs qui d?termine en r?alit? l'expression d'un peuple, et c'est dans ses moeurs que nous devons rechercher sa v?ritable physionomie.
En comparant sous ce point de vue les Japonais aux Chinois, nous retrouvons chez les deux nations un caract?re dominant. En Chine le mobile pivotal des actions est l'int?r?t mat?riel. Cette soif du gain repr?sent?e en argent est elle-m?me aliment?e par le besoin exclusif de satisfactions mat?rielles. Les besoins moraux n'existent pour ainsi dire pas en Chine, et l'indiff?rence en mati?re de sentiments religieux est compl?te. Les Japonais poss?dent ?galement un mobile principal qui domine leurs actions, mais ce mobile c'est l'honneur. Si ce sentiment prend chez eux une direction souvent fausse, il n'en repr?sente pas moins un des plus nobles besoins de la nature humaine, et demeure pour l'homme qui le poss?de un stimulant ?nergique de progr?s v?ritable. L'honneur n'est pas un vain mot pour les Japonais, qui, sans h?sitation, lui sacrifient leur vie. Ils manifestent ce sentiment en harmonie d'un d?veloppement g?n?ral des besoins moraux, et d'une mod?ration mat?rielle, r?elle, malgr? des d?tails de moeurs, dont l'expression isol?e para?trait avoir une signification diff?rente.
Si des moeurs nous passons ? l'esprit des institutions nous trouvons en Chine les principes th?oriques de libert? et d'?galit? pr?sidant ? l'organisation sociale, tandis qu'au Japon domine essentiellement le principe de l'in?galit? avec le respect de la hi?rarchie. Les principes de l'organisation en Chine sont plus conformes ? notre civilisation, mais ces principes d?g?n?rent en applications arbitraires, et disparaissent devant l'individu ou la fonction. Sous ce rapport, le mal est le m?me au Japon, mais se corrige sous le puissant contr?le de la hi?rarchie.
Le rapport des moeurs aux principes des institutions pr?sente chez les deux peuples les m?mes contrastes. Tous les grades chinois se gagnent au concours, et malgr? cette enti?re ?galit?, qui para?trait devoir surexciter l'?mulation de chacun, le peuple chinois est corrompu, mat?riel et l?che. Le peuple japonais, gouvern? par une aristocratie, non exclusive mais privil?gi?e, est artiste, courageux, franc et actif. Le niveau de l'individualit? est donc plus ?lev? au Japon qu'en Chine. Est-ce parce que le premier peuple a sous les yeux un type constant de perfection libre, auquel il peut librement aspirer, tandis que chez le second tout d?veloppement individuel n'a lieu que sanctionn? par l'opinion g?n?rale, car le m?rite r?side dans la personnalit?, et celle-ci se brise sous la sanction de l'opinion. D'un c?t?, l'individualit? dans l'intelligence, et la moralit? se conserve ind?pendante dans la classe aristocratique, et le peuple, libre dans son activit?, se mod?le sur cette classe; d'un autre c?t?, chez les Chinois, toute individualit? est oblig?e de se soumettre ? la masse qui la juge, et se trouve bris?e lorsqu'enfin elle parvient ? une situation o? il lui aurait ?t? possible de se produire. Quoi qu'il en soit, le niveau social en Chine se courbe vers le bas, tandis qu'au Japon, il s'?l?ve constamment vers le haut.
A l'examen, dans les deux pays, des bases de l'organisation sociale jug?es ? notre point de vue moderne, on aurait attendu un r?sultat diff?rent. Cette contradiction apparente n'infirme en rien les principes, et prouve simplement ? nos yeux que les principes de constitution ne suffisent pas ? rendre le caract?re particulier d'une soci?t?. Ce ph?nom?ne est du reste conforme aux lois de la nature humaine, qui veulent des hommes libres dans leur moralit? et non pas des syllogismes incarn?s.
Nous retrouvons encore dans les deux pays voisins une autre opposition dont l'existence peut rendre compte de la dissolution sociale de la Chine en regard de la solidarit? compacte de la nation japonaise. Dans le C?leste Empire l'individualit? simple est le premier ?l?ment de la soci?t? qui repose au Japon sur l'individualit? concr?te, c'est-?-dire sur la famille. L'influence du nom est pour le Japonais un lien qui n'existe pas pour son voisin; de l? n?cessairement une s?rie d'actes qui, d'une part, aboutiront au triomphe de l'?go?sme, et qui de l'autre, au contraire, tendront au d?vouement. Ces faits viennent se compliquer du caract?re g?n?ral propre ? chacun des deux peuples, et c'est ainsi qu'un Chinois, apr?s s'?tre ?lev? dans le gouvernement des affaires publiques, laisse simplement ? son fils l'argent qu'il a pu amasser dans sa carri?re, tandis que, dans les m?mes conditions, le Japonais transmet ? son enfant le respect et l'honneur dont il a su entourer son nom. Ce sera pour le jeune Japonais une source nouvelle d'?mulation, un devoir ? remplir, et un droit ? sauvegarder. Le sentiment de la solidarit? du nom est tellement d?velopp? au Japon, que souvent un p?re, sous l'empire de ce sentiment et du respect d? ? l'initiative individuelle, transmet ? son fils sa position d?s que celui-ci est arriv? ? l'?ge viril. On retrouve dans ces faits un grand respect pour la dignit? de l'individu.
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