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Read Ebook: Souvenirs et anecdotes de l'île d'Elbe by Pons De L H Rault Andr P Lissier L On G Editor

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Ebook has 1175 lines and 126370 words, and 24 pages

PONS

SOUVENIRS ET ANECDOTES DE L'?LE D'ELBE

PUBLI?S D'APR?S LE MANUSCRIT ORIGINAL

PAR

L?on G. P?LISSIER

Docteur de l'Universit? de Lyon

Professeur adjoint ? l'Universit? de Montpellier

PARIS

E. PLON, NOURRIT et Cie, IMPRIMEURS-?DITEURS

Barone ALBERTO LUMBROSO

valentissimo scrittore e propugnatore degli studi Napoleonici nell' Italia

Omaggio del devotissimo suo

SOMMAIRE

INTRODUCTION

PREMI?RE PARTIE: SOUVENIRS DE LA VIE DE NAPOL?ON ? L'?LE D'ELBE

CHAPITRE PREMIER

CHAPITRE II

Pr?paratifs de la r?ception de l'Empereur ? Porto-Ferrajo.--Le pavillon elbois propos? par Pons.--Prise de possession de l'?le.--Reconnaissance du pavillon.--Actes officiels.--Audience donn?e au colonel Vincent.--Promenade de l'Empereur ? Magazzini.--M?saventure du commandant Usher.--<>--D?barquement solennel de l'Empereur.--Procession et Te Deum.--Napol?on ? l'H?tel de ville.--R?ception des autorit?s.--Plaisanteries de l'Empereur ? l'archipr?tre de Campo.--S?v?rit? de ses paroles au maire de Marciana.--Audience secr?te ? deux personnages myst?rieux.--F?te de nuit.

CHAPITRE IV

Visite de Napol?on aux mines de Rio.--Premiers froissements entre l'Empereur et Pons.--Les fleurs de lis du parterre.--L'enseigne Taillade.--Le pavillon elbois et celui des Appiani.--Op?rations maritimes.--Promenade de l'Empereur avec Pons.--Le mad?re, friandise imp?riale.--Conversation de l'Empereur.--Le Monte Volterrajo et ses l?gendes.--Platitude du maire de Rio-Montagne.--Retour ? Porto-Ferrajo.--Faute d'?tiquette de Pons.--Il reste ? la t?te des mines.--D?but de ses relations amicales avec Drouot.

CHAPITRE V

CHAPITRE VI

Organisation g?n?rale de l'?le d'Elbe.--L'arm?e.--Le bataillon franc.--Le corps de cadets.--Les services priv?s.--Bertrand et Drouot.--Le tr?sorier Peyrusse.--Le docteur Foureau de Beauregard.--Le service int?rieur.--Les chambellans.--Les officiers d'ordonnance.--Le premier officier Roul.--Le lieutenant de gendarmerie Paoli: son incapacit?, son ingratitude.--Le vicaire g?n?ral Arrighi.--Le juge Poggi, policier secret.--Visite de Napol?on ? Longone.--La curiosit? des Anglais; mot de Napol?on.--Visite contremand?e.--M. Rebuffat, bouffon moraliste.

Administration des mines de Rio par Pons de l'H?rault.--Il sauve les revenus de la mine en 1814.--M. de Scitivaux.--La discussion au sujet des revenus des mines de Rio.--La question des farines: essai de distribution de mauvais pain aux mineurs.--Napol?on et les ouvriers.--Pons socialiste.--Ent?tement honorable de Pons.--Intervention de Drouot et de Peyrusse.--Remplacement de Pons demand? par Madame m?re.--Les amis de Pons ? la cour elboise.

Deuxi?me visite de Napol?on aux mines de Rio.--Sc?ne violente entre Napol?on et Pons.--Promenade en montagne.--Le champagne de l'Empereur.--Armistice.--L'avis de Lac?p?de.--L'abb? de Pradt, grand chancelier de la L?gion d'honneur.--Pons en Toscane.--M. de Scitivaux.--Son opinion sur le retour prochain de l'Empereur en France.--Lettre de Pons ? l'Empereur.--Nouvelle conversation.--Pons conquis par l'Empereur.

CHAPITRE X

Un provocateur: le chevalier de l'ordre du Lys.--Tentatives d'assassinat, r?elles ou suppos?es, de l'Empereur.--Le g?n?ral Brulart.--M?saventure d'un magistrat corse.--R?le pr?t? ? un officier sup?rieur.--Un juif de Leipzig.--Attitude du commandant Tavelle.--Les algarades de Cambronne.--Accueil fait ? un vaisseau napolitain; ? un officier.--Stabilit? du gouvernement elbois.--Mariages d'officiers.--Aventure du g?n?ral Drouot et de Mlle Vantini.--Mariage du pharmacien Gatti.

CHAPITRE PREMIER: NAPOL?ON SOUVERAIN DE L'?LE D'ELBE

CHAPITRE II: LA FAMILLE, L'ENTOURAGE ET LES VISITEURS DE NAPOL?ON.

CHAPITRE IV: LES PROMENADES ET EXCURSIONS DE NAPOL?ON.

CHAPITRE V: LES TRAVAUX DE L'?LE D'ELBE.

CHAPITRE VI: LES CONQU?TES DE NAPOL?ON.

INTRODUCTION

Il n'est pour ainsi dire pas un t?moin du r?gne de Napol?on ? l'?le d'Elbe qui n'ait tenu ? honneur d'?crire ses souvenirs sur cette m?morable ?poque. Presque tous, amis ou ennemis, ont ?crit des m?moires, ont laiss? des correspondances, ont conserv? des documents utiles pour son histoire. Son tr?sorier Peyrusse a sauvegard? tous les registres de la comptabilit? imp?riale; le fid?le Bertrand et le secr?taire Rathery ont pr?serv? les minutes de ses lettres administratives et son registre d'ordres; les officiers de sa garde, depuis les plus intelligents, tels que Combe et Mallet, jusqu'aux moins instruits, tels que Monier ou Labadie, ont, sous une forme plus ou moins na?ve, r?dig? leurs impressions, leurs aventures, tous les incidents de la vie de leur h?ros. Nous avons les t?moignages de ses surveillants, Waldburg Tuchsess, sir Neil Campbell, de ses espions,--le consul Mariotti, le <> de Livourne, les agents toscans,--de ses sujets elbois, Foresi, Rebuffat; les simples visiteurs de l'Empereur ont relat? le souvenir de leurs conversations, de leurs entrevues, de leurs audiences, tels le comte Litta, lord Ebrington, Fleury de Chaboulon. Tous ces documents sont aujourd'hui imprim?s et connus; mais, si connue que l'on estime que soit la vie de Napol?on Ier ? l'?le d'Elbe, et si abondants que soient d?j? nos renseignements sur cette courte p?riode, la vaste enqu?te poursuivie sur l'Empereur et l'Empire par l'impartiale histoire ne nous semble point close encore, et les moindres d?positions, si elles contribuent ? contr?ler, ? confirmer les t?moignages acquis ant?rieurement ? la plus c?l?bre des causes, sont dignes qu'on les enregistre et qu'on les signale. ? ce bel ensemble d'informations minutieuses manque jusqu'? pr?sent le r?cit qu'a laiss? du r?gne de Napol?on ? l'?le d'Elbe un de ses compagnons d'exil, un de ceux que l'on nous montre <> jusqu'au port, le soir m?morable du dimanche 26 f?vrier 1815,--un de ses sujets elbois, fonctionnaire de son administration, puis conseiller de son gouvernement, aide de camp naval de son retour, Pons de l'H?rault.

Presque compl?tement oubli? aujourd'hui, Andr? Pons, dit Pons de l'H?rault, n? ? Cette en 1772, mort en 1858, m?rite cependant mieux que les courtes notices o? le restreignent avec avarice les dictionnaires biographiques. Je ne veux point esquisser ici de cet original et sympathique personnage une biographie que je donnerai ailleurs avec les pi?ces originales et tout le d?tail n?cessaire: il suffira de rappeler que, fils d'un pauvre aubergiste espagnol, Andr? Pons ?tait ? moins de vingt ans capitaine au cabotage, et qu'entra?n? ensuite par les ?v?nements, il fut tour ? tour officier de marine, commandant d'artillerie, prisonnier d'?tat, homme d'affaires, homme politique, directeur d'exploitation mini?re, charg? de missions secr?tes, pr?fet de l'Empire et de la monarchie de Juillet, conseiller d'?tat de la deuxi?me R?publique. S'il n'a, du reste, jou? qu'un r?le accessoire dans les affaires diverses auxquelles il s'est trouv? m?l?, s'il est, somme toute, rest? un comparse dans l'histoire de son temps, la destin?e lui a cependant m?nag? une heure o? il a touch? ? l'histoire, et ? la plus grande. Devenu, par la protection de Lac?p?de, directeur des mines de l'?le d'Elbe, Pons se trouvait en r?sidence ? Rio-Marine quand Napol?on d?barqua dans son imp?rial asile. Quoique r?publicain, ci-devant robespierriste, socialiste de tendances, et ennemi de l'Empereur qu'il avait connu ? Toulon simple commandant d'artillerie, Pons fut, apr?s quelque r?sistance, assez vite dompt? par la s?duction et le g?nie du ma?tre. Devenu son fid?le et d?vou? serviteur, il revint en France avec Napol?on, fut charg? d'une n?gociation d?licate et dangereuse avec Mass?na ? Marseille, emprisonn? au ch?teau d'If sous la pression des royalistes marseillais, et ne fut remis en libert? qu'apr?s la rentr?e de l'Empereur ? Paris. ? la seconde Restauration, Pons, que l'Empereur avait nomm? pr?fet du Rh?ne, dut abandonner ses fonctions et fuir sa patrie. Sa carri?re rentre alors dans la demi-obscurit? qu'avait dissip?e un moment le reflet de la gloire imp?riale, et s'y prolonge jusqu'en 1858, tourment?e, aventureuse, victime de la probit? et de la raideur de ses convictions autant que des circonstances ext?rieures.

Tous ces manuscrits,--ce fatras, si l'on veut,--sont aujourd'hui conserv?s ? la biblioth?que de Carcassonne. Elle les doit ? l'un des hommes qui ont le plus contribu? ? l'enrichir, M. Cornet-Peyrusse. Comment celui-ci sut-il que ces manuscrits pr?t?s par Pons ? diverses personnes, entre autres ? M. de Cormenin fils, se trouvaient, lors de la mort de leur auteur, entre les mains de M. le conseiller d'?tat Marbeau? Je l'ignore, de m?me que j'ignore pourquoi ces papiers n'ont pas ?t? restitu?s aux filles de l'auteur, Mlles Herminie et C?cile Pons. Toujours est-il qu'en 1870 M. Marbeau les communiqua ? M. Cornet-Peyrusse, de Carcassonne. Celui-ci, gendre et h?ritier du tr?sorier Peyrusse, avait h?rit? aussi son culte pour l'Empereur et voulait ?crire, d'apr?s les documents administratifs laiss?s par Peyrusse, une histoire g?n?rale de Napol?on ? l'?le d'Elbe. Des lettres de Pons ? Peyrusse, qui existent encore dans les archives personnelles de celui-ci, lui ayant r?v?l? l'existence des souvenirs et des collections de documents du premier, il put, comme je viens de le dire, en retrouver la piste, en recevoir communication, et enfin se faire donner par M. Marbeau l'autorisation de d?poser tous ces papiers de Pons de l'H?rault ? la biblioth?que de sa propre ville. Il y a bien du m?lange dans ce d?p?t: ? c?t? de liasses importantes de notes historiques, on y trouve des <>, des <>, des journaux de voyage en Italie, des com?dies rim?es, des po?sies en fran?ais et en languedocien, le d?but d'une <>: tout ceci n'a r?ellement qu'une tr?s m?diocre valeur.

L'authenticit? de ces souvenirs est indiscutable. De l'aveu de Pons de l'H?rault lui-m?me, soit ici, soit dans ses lettres ? Peyrusse ou ? son fr?re a?n?, nous savons qu'il composait des M?moires. Le manuscrit que nous poss?dons est d'ailleurs l'original, o? s'?tale, sans qu'il soit possible de la m?conna?tre ou de la confondre avec aucune autre, la large, solennelle et majestueuse ?criture de <>, fertile en inimitables fioritures, en majuscules grandiloquentes, aimant ? s'espacer dans la longueur appr?t?e des lignes.

<>

<<... Sur la terre ?trang?re. Je n'ai donc pas la ressource des mat?riaux qui me seraient absolument n?cessaires pour me livrer ? un travail complet. J'?crirai avec ma m?moire. Elle ne me fera pas d?faut, parce que je ne lui demanderai que ce qu'elle pourra facilement me garantir.....>>

Mais cette composition fut de nouveau interrompue, par la rentr?e de Pons en France, par ses occupations, par la politique, plus tard par ses voyages en Italie. Ce ne fut que vingt ans apr?s qu'il reprit s?rieusement son travail: il touchait alors ? l'extr?me vieillesse. Nous le voyons en 1847, en 1850, encore occup? ? demander des renseignements, des sources ? consulter. Le 20 juin 1850, le petit-fils d'un de ses anciens compagnons, de l'adjudant Labadie, lui communiquait la gazette rim?e de ce brave officier. Il ?tait alors dans le feu de son travail: dans une lettre de nouvel an adress?e ? son fr?re a?n?, il dit n'avoir mis qu'une ann?e pour ?crire trois gros volumes d'histoire. Dans une lettre ? Peyrusse, il dit travailler au quatri?me et toucher ? la fin de son oeuvre. Des malheurs de famille, les ?v?nements politiques, les difficult?s toujours croissantes de la vie mat?rielle l'emp?ch?rent d'en venir ? bout. Nous n'avons donc sous les yeux qu'une seconde r?daction des souvenirs de Pons de l'H?rault.

En devenant historien de l'Empereur, Pons se formait la plus haute id?e de son devoir; il croyait r?ellement remplir une mission providentielle, un mandat imp?rial. Voici comment il s'exprime ? ce propos:

<>

Il les a vues ? coup s?r d'un oeil favorable ou indulgent. Mais, m?me dans l'apologie, il reste impartial et mod?r?, il est un t?moin ? d?charge plut?t qu'un avocat. Cet axiome admis que <>, il raisonne fort librement de tout, de l'Empire et de l'Empereur lui-m?me.--Bien inform?, v?ridique, impartial, Pons de l'H?rault est donc un t?moin qu'il faut qu'on ?coute, et son t?moignage est toujours int?ressant et curieux.

Il y a beaucoup ? prendre dans sa d?position. Connaissant mieux que personne, mieux qu'aucun des Fran?ais de la suite de l'Empereur, l'?le d'Elbe jusque dans ses recoins et les Elbois jusque dans le secret de leurs moeurs encore si primitives, Pons de l'H?rault est riche en descriptions du dernier domaine imp?rial, en portraits des sujets insulaires de l'Empereur, en anecdotes sur leurs relations avec le ma?tre. Dans ses pages revivent certains types pittoresques de l'?le, la religieuse trop lib?r?e de Rio, l'ermite un peu trop voltairien de Monte-Giove, le brave commandant Tavella, et sa b?te noire, le m?prisable maire-chambellan Gualandi, les plus humbles comparses de cette imp?riale figuration, le d?cor rustique et sauvage de cet avant-dernier acte du drame.--Directeur des mines, administrateur de Rio-Marine, paternel ? ses ouvriers et par eux ch?ri, tout un coin peu connu de l'?le nous est r?v?l? par lui: le vivant tableau de cette mine aux proc?d?s primitifs, de l'existence grossi?re et rude de ses ouvriers, tant terriens que maritimes, de ses relations commerciales, de ses conditions financi?res. On s'int?resse ? cette administration patriarcale, ? ce directeur, soldat et marin autant qu'ing?nieur, qui l?ve en masse ses ouvriers pour repousser une descente anglaise, qui pr?side au sauvetage des barques en danger et paye toujours de sa personne; on voit un aspect peu connu de Napol?on,--Napol?on dans ses rapports avec les ouvriers,--et l'Empereur n'appara?t pas ici ? son avantage.--Marin, Pons suit et raconte avec un int?r?t visible les progr?s et l'organisation de la flottille imp?riale; il appr?cie avec une juste s?v?rit? les deux incapables marins ? qui, par la m?me fatalit? qui l'avait poursuivi pendant tout son r?gne, Napol?on s'?tait vu oblig? de confier sa naissante marine; il le fait en connaissance de cause, puisque Taillade, fix? et mari? dans l'?le, ?tait de ses relations d?s avant l'arriv?e de Napol?on, et puisqu'il avait connu Chautard, personnage assez myst?rieux, lors du si?ge de Toulon.--Officier d'artillerie, ami du brave et grincheux colonel Vincent, il d?crit en technicien les travaux du g?nie ex?cut?s dans l'?le sous les ordres de celui-ci, et les modifications qu'y apporte le g?nie de l'Empereur.

Mieux encore revit dans ses M?moires le groupe int?ressant des Fid?les. Pons a consacr? tout un chapitre, fertile en jugements et en anecdotes, ? ses appr?ciations sur les officiers de la garde. Avec une teinte g?n?rale d'indulgence, il les juge en somme avec tact. Peut-?tre lui reprocherait-on ? bon droit un l?ger pr?jug? contre l'aristocratie et les titres nobiliaires; mais Pons ?tait un enfant du peuple, et il est toujours rest? fid?le, m?me ? son d?triment, ? ce pr?jug?. Des hommes comme Mallet, Combes, Raoul, sont bien d?crits ici; Cambronne y compl?te, malgr? toutes ses pr?tentions aux qualit?s d'homme du monde et ? la bonne ?ducation, sa physionomie l?gendaire,--plus vraie en ce cas que l'histoire,--de dur et fougueux soudard: l'incroyable acc?s de fureur de ce brave guerrier ? l'aspect du vaisseau napolitain, son attitude excessive ? l'?gard d'un officier d?barqu? dans l'?le, sont des traits de caract?re dignes d'?tre not?s. Bertrand appara?t aussi sous un jour moins glorieux que l'aur?ole de la tradition: c'est surtout le mari d'une Anglaise, s'entourant d'un cercle anglais, vivant ? l'?cart, n'accordant aucune audience, plus invisible encore que son souverain, ne demandant qu'? <>, laissant s'accr?diter le bruit de son prochain retour en France, dur au surplus pour les ouvriers, peu serviable en somme pour Pons, servant Napol?on plus par correction que par d?vouement, avec plus de discipline routini?re que d'initiative intelligente, et de qui l'on peut se demander ce qu'il ?tait venu faire dans l'?le. De tous les compagnons de l'Empereur, celui qui grandit le plus ici, c'est l'honn?te et bon Drouot, ce sage ? qui suffisait <>, ce conseiller toujours pr?t et toujours prudent, le confident d?vou? de Pons, arbitre-n? des diff?rends de Napol?on avec lui, conscience vivante, pour ainsi dire, de l'Empereur. Il n'est pas jusqu'? la touchante histoire de sa m?saventure sentimentale avec Enrichetta Vantini, qui n'ajoute,--avec sa candeur de fianc? presque malgr? lui et sa tendresse na?ve et contenue pour sa vieille maman,--un peu d'humanit? attendrie ? cette figure aust?re, grave et jusqu'ici un peu ferm?e.

?tait-il assez fin psychologue pour bien saisir toute la complexit? du caract?re de Napol?on? Assur?ment je ne le crois pas, et qui,--f?t-il Taine,--peut ?tre tout ? fait s?r d'avoir p?n?tr? jusqu'au fond cet homme incomparable? L'honn?te Pons a not? quelques-uns des traits les plus apparents de ce caract?re: sa force de concentration, sa m?moire immense, son savoir quasi universel, sa tendance ? constamment ordonner, sa conviction que <>. D'autres observations sont plus d?licates: toujours ma?tre de lui, ce n'est qu'au tout premier mouvement que Napol?on peut se laisser surprendre; le majestueux h?ros des f?tes imp?riales, le metteur en sc?ne du sacre et du royal parterre d'Erfurth, ne veut plus se donner en spectacle; l'homme au temp?rament vif et brutal corrige sa vivacit? et en console les victimes par son empressement ? leur pardonner ses torts, ? oublier les choses dures et am?res qu'il leur a dites, par sa totale absence de rancune; l'ancien despote se r?v?le ? sa d?fiance g?n?rale et syst?matique ? l'?gard de ses employ?s, ? son scepticisme quant ? la probit? et aux scrupules des autres, ? l'opinion que la religion est ? encourager pour le peuple, ? son insouciance des vieilles traditions populaires. L'affaissement de son g?nie n'appara?t-il pas aussi ? ce go?t des comm?rages dont Pons donne encore les preuves, ? l'avarice qu'il constate aussi? Et n'est-ce pas le fond le plus intime de l'humanit? qu'il touche en Napol?on en notant chez lui la cr?dulit? aux miracles, la vague religiosit?, l'horreur impulsive et irraisonn?e du noir, et cette pr?f?rence si inattendue pour le rose, toutes survivances de son enfance et de la sauvagerie primitive de notre race?

Napol?on n'est d'ailleurs pas toujours embelli par les r?v?lations de ce nouveau t?moin, tant a ?t? grande la bonne foi de son na?f apologiste. Sans parler de ses relations si brutales d'abord avec Pons lui-m?me, on peut trouver que son attitude envers Campbell manque un peu de dignit?. Les choix d'hommes que cite Pons--d'hommes incapables comme Taillade, Chautard, Gualandi, ou butors comme Roule et Gottmann,--sont assez fr?quemment malheureux pour qu'on puisse douter de son impeccable perspicacit?. Son omniscience appara?t trop souvent inform?e de fra?che date pour ne pas sembler un artifice un peu pu?ril. Et Pons a not?,--avec une franchise ? laquelle ses opinions r?publicaines n'ont sans doute pas ?t? ?trang?res,--les faiblesses et les affectations nobiliaires, les vanit?s th??trales de l'Empereur.

Napol?on politique a ?t? beaucoup moins facile ? saisir et ? ?tudier ? l'?le d'Elbe. Il s'est soigneusement gard?, et son secret n'est pas encore enti?rement d?couvert. Pons n'a pu noter que des faits de notori?t? publique, la courtoisie des relations du nouvel ?tat avec le Saint-Si?ge, la haine persistante contre l'Angleterre, malgr? les bonnes relations personnelles avec Campbell. De tous les probl?mes qui se posent ? propos de la vie politique de Napol?on ? l'?le d'Elbe, le plus important,--le seul important,--est d'ailleurs celui de son retour en France. Si Pons n'a pas su, plus que les autres compagnons de Napol?on ou que ses historiens, le r?soudre, il nous fournit tout au moins de nouveaux ?l?ments de discussion. Malgr? l'affirmation du ma?tre lui-m?me que d?s Fontainebleau il songeait ? quitter le domaine qu'il se faisait assurer par trait?, rien ne para?t moins s?r ni moins vraisemblable:

Vulcain impun?ment ne tomba pas des cieux

Le portrait de Napol?on que nous donne Pons a ?t? ?crit avec une enti?re bonne foi, remis dans son cadre avec tout le soin possible. L'Empereur, qu'il a connu, tant?t majestueux, tant?t emport? et hors de lui, tour ? tour bonhomme et rus?, optimiste ou d?senchant?, est tr?s vivant, et a v?cu. Ce portrait pr?sente une telle vari?t? d'aspects, une telle richesse de traits pr?cis et s?rs, les dessous en sont si fouill?s, qu'on est tent? de croire avec Pons que <>: encore fallait-il l'?tudier d'aussi pr?s que lui. Dans la mesure de son talent et de sa p?n?tration, Pons a bien d?crit Napol?on, et s'il n'a pas donn? du souverain de l'?le d'Elbe le portrait d?finitif, il a du moins esquiss? de lui un portrait sinc?re.

Mas de Ch?teaufort, ao?t 1897.

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