bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Colas Breugnon: Récit bourguignon by Rolland Romain

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 1263 lines and 69739 words, and 26 pages

Ainsi j'admire la coque dont je suis le lima?on. Les cloches de mon ?glise montent dans la vall?e; leur voix pure se r?pand comme flot cristallin dans l'air fin et gel?. Tandis que je m'?panouis, en humant leur musique, voici qu'une raie de soleil fend la grise enveloppe qui tenait le ciel cach?. Et juste ? ce moment, ma Glodie bat des mains et crie:

--P?re-grand, je l'entends! L'alouette, l'alouette!...

Alors, moi, que sa petite voix fra?che, de bonheur faisait rire, je l'embrasse et je dis:

--Moi aussi, je l'entends. Alouette du printemps...

LE SI?GE OU LE BERGER, LE LOUP ET L'AGNEAU

Mi-f?vrier.

Ma cave sera bient?t vide. Les soldats que M. de Nevers, notre duc, nous envoya pour nous d?fendre, viennent de mettre en perce ma derni?re feuillette. Ne perdons pas de temps, allons boire avec eux! Me ruiner, je veux bien; mais me ruiner gaiement. Ce n'est pas la premi?re fois! S'il pla?t ? la bont? divine, ce ne sera pas la derni?re.

Bons gar?ons! ils sont plus afflig?s que moi, lorsque je leur apprends que le liquide baisse... Je sais de mes voisins qui le prennent au tragique. Je ne peux plus, je suis blas?: j'ai ?t? trop souvent au th??tre, en ma vie, je ne prends plus les pitres au s?rieux. En ai-je vu de ces masques, depuis que je suis au monde, des Suisses, des Allemands, des Gascons, des Lorrains, des animaux de guerre, le harnois sur le dos et les armes au poing, avaleurs de pois gris, l?vriers affam?s, jamais las de manger le bonhomme! Qui jamais put savoir pour quelle cause ils se battent? Hier, c'est pour le Roi, aujourd'hui pour la Ligue. Tant?t ce sont les cafards, tant?t les huguenots. Tous les partis se valent; le meilleur ne vaut pas le cordeau pour le pendre. Que nous fait que ce soit ce larron ou cet autre, qui friponne ? la cour? Et quant ? leur pr?tention de m?ler Dieu ? leurs affaires... ventre d'un petit poisson! bonnes gens, laissez faire ? Dieu! Il est homme d'?ge. Si le cuir vous d?mange, ?trillez-vous tout seuls, Dieu n'a pas besoin de vous. N'est manchot, que je sache. Se grattera, s'il lui pla?t...

Mais qui me dira pourquoi ont ?t? mis sur terre tous ces animaux-l?, tous ces genpillehommes, ces politiques, ces grands seigneurs, qui de notre France sont saigneurs, et, de sa gloire toujours chantant, vident ses poches proprement, qui, non rassasi?s de ronger nos deniers, pr?tendent d?vorer les greniers ?trangers, menacent l'Allemagne, convoitent l'Italie, et dans le gyn?c?e du grand Turc fourrent leur nez, qui voudraient absorber la moiti? de la terre, et qui ne sauraient pas m?me y planter des choux!... Allons, paix, mon ami, ne te fais point de bile! Tout est bien comme il est... en attendant qu'un jour nous le fassions meilleur . Il n'est si triste b?te qui ne puisse servir. J'ai oui raconter qu'une fois, le bon Dieu avec Pierre se promenant, vit dans le faubourg de B?yant, sur le seuil de sa porte, assise, une femme se morfondant. Elle s'ennuyait tant que notre P?re, cherchant dans sa bont? de coeur, de sa poche, dit-on, tira un cent de poux, les lui jeta, et dit: <> Lors la femme, se r?veillant, partit en chasse; et chaque fois qu'elle agrippait une bestiole, elle riait de contentement. C'est m?me charit?, sans doute, si le Ciel nous a gratifi?s, afin de nous distraire, de ces b?tes ? deux pieds qui nous rognent la laine. Soyons donc gais, ? gu?! Vermine est, para?t-il, indice de sant?. R?jouissons-nous, mes fr?res: car personne, en ce cas, n'est mieux portant que nous... Et puis, je vous dirai : <>

Ma fille Martine me dit:

--Tu es un fanfaron. ? t'entendre, on croirait que tu ne fais jamais oeuvre que du gosier: badauder, bavarder comme battant de cloche, b?iller de soif et bayer aux corneilles, que tu ne vis que pour faire bombance, que tu boirais Rome et Thome; et tu ne peux rester un jour sans travailler. Tu voudrais qu'on te cr?t hanneton, ?tourdi, prodigue, d?sordonn?, qui ne sait ce qui entre en ton escarcelle ni ce qui s'en va d'elle; et tu serais malade, si tout dans ta journ?e n'?tait, heure par heure, exactement sonn?, ainsi qu'horloge ? carillon; tu sais, ? un sol pr?s, tout ce que tu as d?pens? depuis P?ques de l'an pass?, et nul n'a encore vu celui qui t'a roul?... Innocent, t?te folle! Ardez le bel agneau!... Agneau de Chamoux, n'en faut que trois pour ?trangler un loup...

Fin f?vrier.

L'?ne, ayant tondu le pr?, a dit qu'il n'?tait plus besoin de le garder, et est all? manger quelque autre pr? voisin. La garnison de M. de Nevers est partie, ce matin. Faisaient plaisir ? voir, gras comme lard ? pois. J'?tais fier de notre cuisine. Nous nous sommes quitt?s, coeur en bouche, bouche en coeur. Ils ont fait mille voeux gracieux et courtois pour que nos bl?s soient beaux, que nos vignes ne g?lent pas.

Bons enfants, toujours pr?ts ? venir au secours d'un honn?te homme, ? table, aux prises avec son broc!

On se sent plus l?ger, depuis qu'ils sont partis. Les voisins prudemment d?bloquent leurs cachettes. Ceux qui, les jours derniers, montraient des faces de car?me, et geignaient de famine, comme s'ils eussent port? un loup dedans leur panse, sous la paille du grenier ou la terre du cellier, d?nichent ? pr?sent de quoi nourrir la b?te. Il n'est si gueux qui n'ait trouv? moyen, en g?missant tr?s bien qu'il ne lui restait rien, de garder quelque part le meilleur de son vin. Moi-m?me , l'h?te Fiacre Bolacre ? peine ?tait parti que je me rappelai, en me frappant le front, un petit f?t de Chablis, oubli? par m?garde sous le fumier des chevaux afin qu'il f?t au chaud. J'en fus tr?s contrist?, ainsi qu'on peut le croire; mais quand le mal est fait, il est fait et bien fait, faut s'en accommoder. Je m'en accommode bien. Bolacre, mon neveu, ah! qu'avez-vous perdu! quel nectar, quel bouquet!... Mais vous n'en perdrez rien, mon ami, mon ami, mais vous n'en perdrez rien: c'est ? votre sant?!

On s'en va voisiner d'une ? l'autre maison. On se montre les trouvailles qu'on a faites en sa cave; et, comme les augures, on se cligne de l'oeil, en se congratulant. On se raconte aussi les dommages et les dams . Ceux des voisins amusent et distraient des siens. On s'informe de la sant? de la femme de Vincent Pluviaut. Apr?s chaque passage de troupes dans la ville, par hasard singulier, cette vaillante Gauloise ?largit sa ceinture. On f?licite le p?re, on admire la vertu de ses reins prolifiques, dans l'?preuve publique; et gentiment, pour rire, sans mauvaise pens?e, je tape sur la bedaine du fortun? coquin, dont la maison est seule, dis-je, ? montrer ventre plein, quand les autres l'ont vide. Tous de rire, comme de juste, et bien discr?tement, ainsi qu'oisons d?brid?s, de l'une oreille ? l'autre. Mais Pluviaut prend mal nos compliments, et dit que je ferais mieux de veiller sur ma femme. ? quoi j'ai r?pondu que, quant ? celle-l?, son heureux possesseur pouvait sur les deux oreilles dormir, sans redouter qu'on lui pr?t son tr?sor. Tous ont ?t? d'accord.

Mais voici les jours gras. Si mal arm?s qu'on soit, on doit leur faire honneur. Le renom de la ville, le n?tre sont engag?s. Que dirait-on de Clamecy, gloire des andouillettes, si Car?me-prenant nous trouvait sans moutarde? On entend frire les po?les; une suave odeur de graisse imbibe l'air des rues. Saute, cr?pe! plus haut! saute, pour ma Glodie!...

Un ra-pla-pla de tambour, un lus-tu-flu de fl?te. Des rires et des hu?es... Ce sont MM. de Jud?e, qui viennent sur leur char rendre visite ? Rome.

Marchent en t?te la musique et les hallebardiers, qui fendent la foule avec leurs nez. Nez en trompes, nez en lances, nez en cors de chasse, nez sarbacanes, nez h?riss?s d'?pines, ainsi que des ch?taignes, ou sur le bout desquels des oiseaux sont plant?s. Ils bousculent les badauds, ils farfouillent les cottes des filles qui glapissent. Mais tout s'?carte et fuit devant le roi des nez, qui fond comme un b?lier, et telle une bombarde, roule sur un aff?t ? roulettes son nez.

Mais voici les triomphateurs, les h?ros de la journ?e! Sur un tr?ne de jambons, sous un d?me de langues fum?es, para?t la reine des Andouilles, couronn?e de cervelas, le cou orn? d'un chapelet de saucisses enfil?es, dont elle joue coquettement avec ses doigts boudin?s; escort?e de ses estafiers, boudins blancs et boudins noirs, andouillettes de Clamecy, que Riflandouille, le colonel, conduit ? la victoire. Arm?s de broches et de lardoires, ils ont grand air, gras et luisants. Et j'aime aussi ces dignitaires, dont le ventre est une marmite, ou le corps un p?t? en cro?te, et qui portent, tels les rois mages, qui une hure de cochon, qui un flacon de vin morillon, qui la moutarde de Dijon. Au bruit des cuivres, des cymbales, des ?cumoires, des l?chefrites, arrive au milieu des ris?es, sur son ?ne, le roi des cocus, l'ami Pluviaut. Vincent, c'est lui, il est ?lu! Assis ? rebrousse-poil, coiff? d'un haut turban, un gobelet en main, il ?coute sa garde de flotteurs, diables cornus, qui, la gaffe ou la gaule sur l'?paule, d?goisent ? voix claire, en bonne langue franche et fran?oise, sans voiles, son histoire et sa gloire. En sage, il n'en montre pas d'indiscr?te fiert?; indiff?rent, il boit, il fouette une lamp?e; mais quand il passe au pied d'un logis illustr? par la m?me fortune, il crie, levant son verre: <>

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

 

Back to top