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Read Ebook: Histoire des nombres et de la numération mécanique by Jacomy R Gnier

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Ebook has 310 lines and 26233 words, and 7 pages

>>La machine de M. Thomas sert ? faire non-seulement toutes les additions et soustractions, mais encore les multiplications et divisions des nombres entiers ou affect?s de fractions d?cimales. Lorsque, par exemple, on veut multiplier 648 par 7, on place les indicateurs du multiplicande sur les chiffres 6, 4 et 8, et celui du multiplicateur sur 7, on tire un cordon et on lit le produit 4,536 sur la tablette de l'instrument.

>>La division n'?tant que l'inverse de la multiplication, on con?oit qu'elle s'ex?cute avec la m?me aisance et par le m?me moyen.

>>La plus grande difficult? qu'on rencontre dans l'invention de ces instruments, difficult? contre laquelle le g?nie m?me de Pascal a ?chou? et qui jusqu'ici a si fort restreint l'usage de ces machines ? calculer, c'est de faire porter les retenues sur les chiffres ? gauche. Le m?canisme par lequel M. Thomas op?re ce passage des retenues est extr?mement ing?nieux; ce report se fait de lui-m?me, sans qu'on y songe. Pour multiplier 648 par 7, l'op?rateur tire le cordon, sans s'embarrasser s'il y a ou non des chiffres ? retenir, sans m?me savoir ce que c'est, et il lit de suite 4,536.

>>Il est impossible de combiner mieux les agents de l'instrument qui vous est pr?sent? et de surmonter plus heureusement les embarras de l'instrument.

>>Ainsi, ? consid?rer cette machine sous le rapport du m?rite d'invention, et sous celui de la difficult? vaincue, vous ne balancerez pas ? lui accorder votre suffrage.

>>Il n'y a aucune comparaison ? faire entre cette invention et les r?gles ? calculer. Comme ces derni?res sont bas?es sur le syst?me des logarithmes, les additions et soustractions sont impossibles avec ces r?gles; et comme ces deux op?rations se m?lent ? chaque instant aux autres dans les affaires de commerce, les tables de logarithmes n'y peuvent servir avec avantage. En outre, ces r?gles ? calculer n'ont une pr?cision que de trois chiffres, tandis que la machine de M. Thomas op?re sur un nombre de chiffres ind?fini, avec une exactitude parfaite.>>

<

>>Cependant M. le chevalier Thomas, de Colmar, est parvenu ? vaincre toutes les difficult?s et ? composer une machine au moyen de laquelle on peut faire les quatre op?rations de l'arithm?tique.

>>Cette invention nous para?t devoir ?tre rang?e au nombre de ces d?couvertes qui font honneur ? ceux qui les con?oivent et sont glorieuses pour l'?poque qui les produit.>>

Ces ?loges, les f?licitations de quelques visiteurs, voil? tout ce que valut ? M. Thomas, de Colmar, l'invention de l'arithmom?tre. Il en attendait mieux: une semblable d?couverte valait de la gloire, de la c?l?brit?, du moins; car qui dira que le bonheur d'avoir aussi compl?tement triomph? que venait de le faire M. Thomas des difficult?s qui avaient tenu en arr?t le g?nie de tous les si?cles, f?t suffisamment r?compens? par l'approbation de la Soci?t? d'encouragement?

La plupart des inventeurs, lorsque le public ne fait pas ? leurs d?couvertes l'accueil sur lequel ils avaient compt?, ne savent ordinairement faire que deux choses: d'abord accuser leur si?cle d'injustice ou d'ignorance; et ensuite se livrer au d?couragement et regretter le temps qu'ils ont perdu ? vouloir ?tre utiles ? leur pays.

M. Thomas, de Colmar, supporta tr?s-philosophiquement la d?ception qu'il venait d'?prouver. Se souvenant sans doute de la lenteur que la machine ? vapeur avait mise ? faire son chemin, il trouva tout simple que le public ne se montr?t pas plus prompt ? comprendre la valeur de son arithmom?tre qu'il ne l'avait ?t? ? comprendre celle de la machine qui a si profond?ment modifi? toutes les lois du travail mat?riel.

Et pourquoi, au surplus, le public m?riterait-il d'?tre accus? d'injustice, lorsqu'il ne fait pas ? toutes les inventions l'accueil que quelques-unes m?ritent v?ritablement? Pourquoi, d?s qu'il entend parler de d?couvertes qui ?tonnent son intelligence, devrait-il battre des mains et ?changer son argent contre la merveilleuse machine, contre l'admirable recette, contre le prodige de la chimie ou de la m?canique qu'on lui annonce, au nom des soci?t?s savantes? Est-ce que ces soci?t?s sont infaillibles et n'ont jamais pr?conis? que des inventions dignes de l'?tre? Est-ce que, sur la parole de ces soci?t?s, le public n'a pas souvent fait des exp?riences ruineuses, des achats qui lui ont laiss? des regrets?

Le public est d?fiant; mais est-il injuste? non, il ne l'est pas. Les d?ceptions que de nombreuses nouveaut?s lui ont fait ?prouver l?gitiment surabondamment sa d?fiance. Il lui en a trop co?t? d'avoir tant de fois cru sans voir; ne nous ?tonnons pas qu'il veuille quelquefois voir avant de croire.

C'est en se faisant ces r?flexions ? lui-m?me que M. Thomas arriva ? se dire: <>

Et pourtant l'arithmom?tre ?tait la passion bien-aim?e de sa pens?e, le r?ve favori de ses veilles. Cette passion, ce r?ve, le suivaient partout, au milieu des affaires, comme au milieu des f?tes; et jamais, pendant trente ans, pas une journ?e, pour ainsi dire, ne se passa sans qu'il visit?t, de corps ou d'esprit, le recoin myst?rieux o? la ch?re machine ?tait cach?e aux regards les plus amis. Aujourd'hui il fallait ajouter ceci, demain retrancher cela, et le surlendemain d?faire tout ce qui avait ?t? fait la veille et l'avant-veille, pour chercher une simplification plus grande.

Pour obtenir cette simplification, l'inventeur de l'arithmom?tre a d?pens? plus de 300,000 francs.--<>

Trente ann?es de travail, plus de 300,000 francs d?pens?s pour retrancher cinq ? six petites pi?ces d'une machine qu'un enfant de quatre ans porterait dans ses mains comme un jouet! Est-ce que l'arithmom?tre de 1822 ne remplissait pas les m?mes fonctions que l'arithmom?tre de 1855?

Les deux arithmom?tres remplissent les m?mes fonctions; mais le premier avait des complications que le second n'a pas; le premier est l'oeuvre d'un m?canicien extraordinairement ing?nieux; le second est l'oeuvre d'un homme de g?nie.

Avec de l'imagination et de la pers?v?rance, il est facile d'ex?cuter, ? l'aide de machines compliqu?es, quelques effets qui semblent ne pouvoir ?tre produits que par l'intelligence r?fl?chie; mais il n'appartient qu'au g?nie de produire, par des moyens simples, des effets d'une complication et d'une vari?t? infinies.

Tel est l'arithmom?tre de 1855.

Notre Exposition universelle a beau ?tre riche en oeuvres empreintes du sceau du g?nie; nous n'en voyons pas une seule, nous d?fions qu'on nous en indique une seule qui porte ce sceau d'une mani?re plus ?clatante, d'une mani?re aussi ?clatante que l'arithmom?tre.

Ce n'est plus ici de la mati?re qui produit des effets mat?riels; c'est de la mati?re qui pense, pour ainsi dire, qui r?fl?chit, qui combine, qui calcule, qui fait toutes les op?rations les plus difficiles, les plus compliqu?es de l'arithm?tique, avec une infaillibilit?, avec une rapidit?, avec une science qui d?fient tous les calculateurs, tous les acad?miciens du monde entier.

Mais, avant d'aller plus loin, voyons si l'invention de M. Thomas, de Colmar, n'est pas, sous le rapport de la difficult? vaincue, l'une des oeuvres les plus ?tonnantes que nous connaissions.

Le mat?rialisme ne veut pas de la difficult? vaincue; il ne tient compte que de la valeur utilitaire des inventions. Nous proc?dons tout autrement, nous. En pr?sence d'une d?couverte quelconque, nous nous sentons plut?t port? ? chercher quels efforts d'intelligence elle a d? co?ter, qu'? nous demander quels services elle peut rendre. Pourquoi agissons-nous ainsi? Nous agissons ainsi, parce que c'est la difficult? vaincue qui glorifie l'esprit humain; parce que c'est la difficult? vaincue qui nous apprend ce que vaut et ce que peut l'intelligence humaine, et quelle est, par cons?quent, notre grandeur et notre noblesse dans la cr?ation. Mat?rialistes qui refusez de tenir compte des difficult?s vaincues, apprenez-moi donc, je vous prie, quelle est l'utilit? mat?rielle de la d?couverte de Galil?e: <> l'utilit? mat?rielle de la loi de la pesanteur, trouv?e par Newton; l'utilit? mat?rielle de la m?thode de Leverrier pour aller au-devant d'un astre cach? dans les profondeurs du ciel. Difficult?s vaincues que tout cela, et rien de plus: rien de plus, except? plus d'honneur pour l'esprit humain.

Nous verrons plus loin que l'invention de M. Thomas est autre chose qu'une difficult? vaincue. En attendant, ne la consid?rons que sous ce dernier point de vue; et, pour cela, remontons ? l'origine historique de l'arithm?tique.

L'origine de l'arithm?tique, base de toutes les autres sciences, comme tout le monde en convient, se perd dans la nuit des temps, ainsi que celle de tous les arts n?cessaires. Attribuer l'invention de ses principales r?gles aux Indiens, comme le font quelques ?crivains, ou aux Chald?ens, comme d'autres le font, parce que ce peuple en avait besoin pour ses ?tudes astronomiques, ou aux ?gyptiens, qui ne pouvaient s'en passer pour leurs travaux g?om?triques, ou bien aux Ph?niciens, parce que leur commerce les exigeait, c'est ne rien dire de s?rieux.

Le besoin et l'int?r?t, ces deux grands mobiles de l'industrie humaine, durent, d?s l'origine des soci?t?s, donner naissance ? l'arithm?tique, qui ne s'est assur?ment pas form?e d'un premier jet, mais pi?ce ? pi?ce, r?gle ? r?gle, etc. Les historiens, qui nous ont racont? si longuement l'histoire de la g?om?trie, de l'astronomie et de plusieurs autres parties de la science, ne nous ont presque rien dit de l'arithm?tique des anciens. Leur silence, sous ce rapport, est si grand que l'on est oblig? de recourir ? des d?ductions ? demi hypoth?tiques pour affirmer que Platon et Euclide connaissaient les quatre r?gles et savaient extraire les racines carr?es et cubiques. Proc?daient-ils, dans leurs calculs, comme nous, ou bien prenaient-ils des voies plus longues? Rien de pr?cis n'existe sur ce sujet.

Il est tout naturel que les doigts aient ?t? les premiers auxiliaires de la m?moire dans l'enfance de l'art de calculer. La raison ne nous le dirait pas, que nous en trouverions encore la preuve dans l'habitude qu'ont eue tous les peuples, moins les anciens Chinois et une peuplade obscure dont parle Aristote, de distribuer leurs nombres en p?riodes compos?es chacune de dix unit?s. En principe, le calcul d?cimal est donc aussi vieux que le monde, et notre honneur se borne ? l'avoir appliqu? ? tout ce que nous appelons poids, ?tendue, etc.

De m?me que l'homme se servit d'abord de ses doigts pour retenir, assembler et combiner les nombres, de m?me aussi il trouva en lui-m?me ses premi?res unit?s de mesures. C'est ainsi que chez tous les peuples nous trouvons, sous divers noms, le pas, la coud?e, le pied, le pouce, le doigt, la main, l'empan, la brasse, etc.

Comme, chez les Grecs, on avait r?uni des petits coquillages d'un poids ?gal pour servir dans les assembl?es o? le peuple avait voix d?lib?rative, on pesait quelquefois ces signes de suffrages, au lieu de les compter. Chez les Romains, on avait song? un instant ? faire fabriquer par les potiers de terre de petites billes en terre cuite pour servir ? l'expression des suffrages. ? l'exemple des Grecs, on pesait ces billes au lieu de les compter; mais ce syst?me ayant donn? lieu ? quelques abus, on renon?a au pesage pour reprendre l'addition.

Tout le monde conna?t les tailles des boulangers; ces petits morceaux de bois furent les premiers livres de commerce de nos premiers parents, leurs premiers livres g?n?alogiques et historiques peut-?tre. Nous voyons ces petits b?tons arithm?tiques chez les Assyriens, chez les ?gyptiens, chez les Scythes, chez les Thraces, dans l'Inde, dans la Chine; on les a retrouv?s, au moment de la d?couverte de l'Am?rique, chez les P?ruviens comme chez les Mexicains; dans les d?couvertes plus r?centes, on les a rencontr?s encore chez plusieurs peuples sauvages.

N'allons pas si loin dans le temps et abstenons-nous de traverser les mers pour retrouver ces tailles num?riques. Dans presque toutes nos provinces, quel est le livre-m?moire du paysan illettr?, de l'artisan illettr?? C'est le b?ton assyrien, ?gyptien, mexicain, etc., entaill? d'un c?t? pour le doit et de l'autre pour l'avoir, ayant une partie r?serv?e pour les dates et une autre pour les signes rappelant les noms propres, etc.

L'emploi du b?ton ? signes num?riques ne vint ?videmment qu'apr?s celui des cailloux num?rateurs; car les petits cailloux se trouvaient partout naturellement sous la main des premiers hommes, tandis que les entailles faites sur un b?ton annoncent la possession d'un instrument tranchant, qui suppose lui-m?me l'existence d'une civilisation en marche depuis assez longtemps.

Les Assyriens et les ?gyptiens, apr?s s'?tre d'abord servis des b?tons entaill?s comme aide-m?moire, essay?rent de s'en faire des machines ? calcul. Nous ignorons comment ils disposaient les petites baguettes arithm?tiques dont les anciens historiens nous parlent; mais nous savons que la manoeuvre de ces baguettes leur permettait de faire leurs calculs avec une rapidit? qui fit toujours le d?sespoir des Grecs, qui ne purent r?ussir ? surprendre leur secret.

Les choses et leurs causes, voil? ce qu'ils ambitionnaient de conna?tre. Que l'on scrute, par exemple, les livres, la vie de tous ces vieux Grecs que nous appelons des philosophes: Ph?r?cyde, Thal?s, Pythagore, Callisth?ne, Anaxagore, Anaximandre, Parm?nide, H?raclite, Emp?docle, ?picure, Leucippe, Diocl?s, D?mocrite, Alcm?on, Chrysippe, Anaxim?ne, Cl?anthe, Aristote lui-m?me, etc. ; que, disons-nous, l'on scrute la valeur scientifique de ces noms, et l'on verra que tous ces hommes ont brill? comme physiciens, comme naturalistes, comme astronomes, comme math?maticiens, bien plus que comme philosophes, dans le sens que nous attachons ? ce mot. Platon, le divin Platon lui-m?me, montre dans tous ses ?crits qu'il avait au moins autant profit? des le?ons du physicien H?raclite que de celles de Socrate. On sait, au surplus, qu'il avait donn? la g?om?trie pour base ? sa doctrine et mis sur la porte de son ?cole, l'Acad?mie, une inscription par laquelle il en refusait l'entr?e ? ceux qui ignoraient cette science. Il l'avait en si haute estime qu'il pensait que Dieu s'en occupait sans cesse, et c'est pour cela qu'il l'appelait l'?ternel g?om?tre.

S'il est donc vrai de dire que les premi?res p?riodes dites philosophiques de la Gr?ce furent principalement remplies par l'?tude des sciences qui exigent l'emploi continuel du calcul, il est indubitable que les Grecs durent faire des efforts incessants pour perfectionner leur arithm?tique. Des commentateurs des math?maticiens grecs ont pr?tendu, non sans quelque vraisemblance, que le jeu dont on attribue l'invention ? Palam?de, le jeu des ?checs, selon les uns, du trictrac, selon d'autres, n'?tait qu'une machine ? calcul. Thal?s, qui avait appris aux ?gyptiens ? mesurer la hauteur des pyramides par la longueur de leur ombre, et qui avait invent? plusieurs combinaisons de r?gles en bois, soit pour prendre la distance des astres, soit pour faire des op?rations g?od?siques, para?t aussi avoir ?t? l'inventeur d'un casier arithm?tique dont les combinaisons nous sont inconnues. Le perfectionnement de ce casier arithm?tique pr?occupa d'une mani?re toute particuli?re l'intelligence de Pythagore, dont on conna?t la pr?dilection pour les nombres. Nous ignorons quels r?sultats obtinrent les tentatives de ce grand homme. Nous savons seulement que l'abaque, ou table de multiplication qui porte son nom, est un d?bris, ou, si l'on veut, une r?miniscence de son casier. Nous ne mentionnerons ici que pour m?moire le fameux crible d'?ratosth?ne, biblioth?caire d'Alexandrie, qui permet de trouver si commod?ment les nombres premiers, dont la recherche est curieuse en elle-m?me, ind?pendamment de son utilit? dans la th?orie des solutions.

Les anciens comme les modernes ont trait? avec une railleuse piti? l'opinion de Pythagore sur les vertus myst?rieuses de certains nombres. Des commentateurs plus sages pensent que, ce philosophe et ses premiers disciples n'ayant rien ?crit, on a pris dans un sens trop litt?ral un langage all?gorique dont le sens ?tait perdu.

Quoi qu'il en soit, les math?maticiens grecs se trouvaient humili?s de ne pouvoir retrouver, ? l'aide de son abaque, le casier arithm?tique qu'il avait imagin?, et faisaient, pour le reconstruire, des efforts que l'histoire nous montre toujours incessants, mais toujours st?riles aussi.

C'est en se livrant ? ce travail de r?invention que Nicomaque arriva ? trouver une ?tonnante propri?t? des nombres qu'il ne cherchait pas: nous voulons parler des progressions arithm?tiques.

Ce Nicomaque vivait 250 ans avant notre ?re. En cherchant ? combiner des nombres sur des tablettes, de mani?re ? pouvoir abr?ger m?caniquement les op?rations de l'arithm?tique, il trouva le nombre polygone. Il ne connut pas les avantages de sa d?couverte, qui fut prise pour une remarque st?rile.

Un si?cle apr?s, Archim?de vint. Les nombres furent sa premi?re ?tude; ses tentatives pour simplifier l'arithm?tique, pour en faire un art m?canique, furent les travaux qui lui r?v?l?rent la nature de son g?nie. C'est en cherchant ? construire une machine devant atteindre le m?me but que celles dont Pythagore et Nicomaque avaient eu l'id?e, qu'il se sentit entra?n? vers l'?tude des sciences m?caniques, qu'il devait enrichir de d?couvertes si magnifiques.

Les tablettes sur lesquelles Nicomaque avait d?pos? le principe dont il n'avait pas su appr?cier la valeur f?conde, furent pour Archim?de un trait de lumi?re. Le calcul polygonal lui r?v?la l'art de la progression des nombres, et cette d?couverte le consola de n'avoir pas r?ussi dans sa recherche d'une machine arithm?tique.

L'enthousiasme avec lequel il parla ? ses amis de la magnifique loi qu'il venait de trouver ne fit sur eux qu'une faible impression; ils lui dirent qu'ils ne croyaient pas ? l'existence d'une m?thode arithm?tique qui perm?t d'exprimer en nombres une quantit? compos?e d'une infinit? de parties. L'un d'eux crut m?me le mettre dans un grand embarras en lui demandant s'il ?valuerait le nombre des grains de sable qui sont au bord de la mer. Archim?de lui r?pondit que non-seulement il exprimerait le nombre des grains de sable qui sont au bord de la mer, mais encore celui des grains dont on pourrait remplir tout l'espace compris entre la terre et les ?toiles fixes; et il prouva ce qu'il avan?ait, en faisant voir que le cinquanti?me terme d'une progression d?cuple croissante satisfaisait ? son engagement.

Il fit plus: afin de ne laisser sur ce sujet aucune ressource ? l'imagination la plus f?conde, il imagina un corpuscule dix mille fois plus petit qu'un grain de sable; il l'appela grain de pavot, et en forma sa premi?re mesure. Le grain de pavot pris cinq fois fit un grain d'orge, ou sa seconde mesure, et avec ces mesures, le grand homme ?tablit une suite de nombres qui se perdent dans l'infini.

On conna?t la petite historiette racont?e par Alsephadi, auteur arabe, d'un roi indien qui, voulant r?compenser magnifiquement Sessa, qui avait invent?, pour le distraire, le jeu que d'autres attribuent ? Palam?de, le jeu des ?checs, l'invita ? demander tout ce qu'il pourrait d?sirer. Sessa demanda seulement autant de grains de bl? qu'il y a de cases dans l'?chiquier, en doublant ? chaque case, c'est-?-dire 64 fois.

Le roi se scandalisa d'une demande qui semblait si peu digne de sa munificence. Sessa insista, et le roi ordonna qu'on le satisf?t. On n'?tait pas arriv? au quart du nombre des cases, qu'on fut effray? de la quantit? de bl? qu'on avait d?j?; un peu plus loin, on trouva que le bl? du monde entier n'aurait pas suffi pour r?pondre ? l'exigence de Sessa.

Le g?nie des anciens, qui fut si heureux dans presque toutes les autres sciences, comme nous le voyons par la grandeur de leurs monuments, qui supposent une connaissance profonde de la plupart de celles que nous poss?dons nous-m?mes, ce g?nie ne se r?v?la que d'une mani?re extr?mement modeste pour ce qui regarde l'arithm?tique.

Nous ne savons pas assez comprendre combien l'invention de l'alphabet est au-dessus de toutes les d?couvertes que l'homme a pu faire. Cette invention est fort ancienne chez la plupart des peuples; et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'elle se fit de prime-abord avec de tels caract?res de simplicit?, de perfection, que tous les si?cles se la sont successivement transmise sans y rien ajouter, sans en rien retrancher.

Mais si les civilisations historiques poss?daient, pour la langue proprement dite, des alphabets aussi parfaits que les n?tres, elles ?taient loin d'avoir, pour exprimer les nombres, des caract?res aussi simples que ceux que nous poss?dons. Les Orientaux, les Assyriens, les H?breux, les Grecs, n'avaient pour signes de num?ration que les lettres de leur alphabet; les neuf premi?res marquaient les unit?s, les neuf suivantes les dizaines, et les autres, enfin, les centaines. Les signes exclusivement num?riques ?taient ? peu pr?s nuls; un point ou petit trait ? la suite des lettres leur donnait seul leur valeur num?rique. D?s que le nombre s'?levait dans des proportions un peu consid?rables, il fallait employer une quantit? de lettres dont la lecture elle-m?me exigeait un calcul.

On dit que les Romains imit?rent les Grecs et se servirent aussi de leur alphabet pour exprimer les nombres. Telle n'est pas notre opinion. Les signes num?riques romains I, V, X, L, C, D, M ne ressemblent aux caract?res alphab?tiques que par hasard; ils ne viennent pas de l'alphabet, ils sont n?s des petites lignes que l'homme primitif dut tracer sur la pierre, sur le bois, quand il commen?a ? soulager sa m?moire par des signes mat?riels.

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