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Read Ebook: Esclave... ou reine? by Delly

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Ebook has 1219 lines and 41069 words, and 25 pages

La chasse s'achevait. Le cerf, forc? pr?s du carrefour des Trois-H?tres, gisait maintenant sans vie, et le premier piqueur pr?sentait sur sa cape le pied de la victime ? une grande dame anglaise que les C?rigny comptaient au nombre de leurs h?tes.

-- Cela ne vaut pas vos chasses de l'Ukraine, prince? demanda Robert de C?rigny, fils a?n? des ch?telains, en s'adressant ? celui des chasseurs que le hasard de la poursuite avait amen? pr?s de lui, au moment de l'hallali.

-- Celle-ci m'a fort int?ress?, je vous assure. La chasse, sous quelque forme que ce soit, est ma passion.

Celui qui parlait ainsi ?tait un homme de vingt-huit ? trente ans, dont la haute taille ne semblait pas exag?r?e en raison de l'harmonie de ses formes et de la souple ?l?gance de toute sa personne. Une l?g?re barbe blonde terminait son visage aux traits fermes, d'une singuli?re ?nergie. La bouche ?tait dure, le front hautain, les gestes gracieux et souples, tr?s slaves. Mais les yeux surtout frappaient aussit?t dans cette physionomie. De quelle couleur ?taient-ils? Bleus? Oui, on l'aurait dit un moment. Puis, tout ? coup, on les aurait d?clar?s verts, d'un ?trange vert changeant, myst?rieux et troublant. D'autres fois, on les avait vus noirs, -- cela dans les tr?s rares moments o?, en public, le prince Ormanoff avait laiss? para?tre quelque irritation.

En tout cas, c'?tait un ?nigmatique regard, tr?s froid, d?daigneux et sans douceur, mais fascinant par son ?tranget? m?me et par l'intelligence rare qui s'y exprimait.

-- Tr?s chic, ce prince Ormanoff! Mais je doute que sa femme ait ?t? heureuse! chuchota une jeune femme ? l'oreille de sa voisine, une noble russe, relation d'hiver des ch?telains, tandis que cavaliers et voitures se dirigeaient vers un grand pavillon de chasse o? devait ?tre servi le lunch.

-- Mais d?trompez-vous! Il ?tait parfaitement bien avec elle, la comblait de bijoux et de toilettes, la menait constamment dans le monde et ne la quittait gu?re. Seulement il exigeait qu'elle n'e?t pas d'autre volont? que la sienne, d'autres id?es et d'autres go?ts que les siens.

-- Eh bien! si vous trouvez ?a amusant!

-- Cela d?pend des caract?res. Olga Serkine, qu'il avait ?pous?e ? seize ans, ?tait une petite cr?ature passive, tr?s ?prise de son mari, je crois, et compl?tement domin?e par lui. Il me semble qu'elle n'a pas d? souffrir de ce despotisme.

-- Etait-elle jolie?

-- Admirable! Elle tenait d'une a?eule circassienne une beaut? telle qu'on en rencontre bien peu de par le monde.

-- Et comment est-elle morte?

-- Je ne sais pas au juste... Un accident dans le domaine que le prince poss?de en Ukraine. Elle p?rit, et avec elle son unique enfant.

-- Et le mari ne fut pas d?sesp?r??

-- D?sesp?r?, lui! Peut-?tre a-t-il ?prouv? quelque ?motion, -- je veux du moins l'esp?rer, -- mais j'ai ou? dire qu'il n'avait jamais eu ? ce moment un autre visage que celui que vous lui voyez aujourd'hui. Certainement, il manque un organe ? cet homme-l?: c'est le coeur. Tous ceux qui l'ont connu sont unanimes ? le dire.

-- C'est dommage, car autrement il est remarquable. Je l'ai entendu causer, il est ?tonnamment intelligent et ?rudit. Croyez-vous qu'il songe ? se remarier?

-- Je l'ignore. Il lui faudrait en ce cas tomber sur une seconde Olga, car autrement, hum!... je crois que le m?nage ne marcherait pas longtemps, avec une pareille nature. Malgr? tout, il se trouverait quand m?me bien des femmes qui accepteraient sa demande, ?blouies par son titre, sa haute position sociale, ses immenses richesses et cette existence de luxe raffin? qui est la sienne. J'avoue que, pour ma part, tout cela n'aurait pas compens? l'esclavage dans lequel ?tait tenue la princesse Olga. L'?me rude des vieux Moscovites s'unit chez cet homme au despotisme oriental. Pour lui, -- je le lui ai entendu d?clarer un jour, -- la femme est un ?tre tr?s inf?rieur, un joli objet que l'on pare pour le plaisir des yeux, que l'on place dans sa demeure comme on le ferait d'une belle statue ou d'une oeuvre d'art remarquable, et qui doit poss?der toute la souplesse et l'humilit? n?cessaires pour plier sans un murmure sous la volont? et les caprices de son seigneur et ma?tre. Mais ne lui parlez jamais, je ne dis pas des femmes savantes, -- grands dieux! -- mais simplement d'une femme bien instruite, quelque peu intellectuelle, ayant des id?es personnelles, se pr?tendant non semblable ? l'homme, mais diff?rente, et son ?gale pourtant.

-- Savez-vous qu'il est effrayant, votre compatriote, comtesse! Brr! ce n'est pas moi qui lui chercherai une seconde femme!... Les C?rigny l'ont connu ? Cannes, n'est-ce pas?

-- En effet. Il poss?de l?-bas une merveilleuse villa o?, du temps de la princesse Olga, il donnait des f?tes inoubliables. Il vit l? avec sa soeur, la baronne de R?hlberg, veuve d'un diplomate allemand, les deux fils de celle-ci, plus une cousine pauvre, personnage terne qui fait partie du mobilier des diff?rentes r?sidences du prince Ormanoff.

Ce regard s'immobilisa tout ? coup. Il venait de rencontrer, au milieu d'un groupe, la maigre silhouette de Mme de Subrans, et, pr?s d'elle, le ravissant visage de sa belle-fille.

La vicomtesse et Lise ?taient arriv?es un peu en retard et avaient rejoint en for?t les autres ?quipages. On les regardait beaucoup, car depuis des ann?es Mme de Subrans ne sortait plus et n'entretenait avec les ch?telains du voisinage que des relations espac?es. Mais, surtout, la beaut? de Lise excitait l'int?r?t et l'admiration.

-- Est-ce que je r?ve? -- murmura la comtesse Soblowska ? l'oreille de sa voisine. Je vois l? une toute jeune fille qui ressemble extraordinairement ? la d?funte princesse Ormanoff.

-- C'est Mlle de Subrans. Sa m?re ?tait russe, comme sa belle-m?re, du reste. Je crois que leur nom ?tait Zoubine.

-- Zoubine? En effet, deux comtesses Zoubine, deux cousines, ont ?pous? successivement un Fran?ais... Mais alors, ces dames seraient cousines du prince Ormanoff?... Et, j'y pense, cette ressemblance s'explique! Olga Serkine ?tait fille d'une Zoubine.

-- Voyez, il se dirige vers elle. Une pareille ressemblance doit l'?motionner, cependant!

Mais le plus perspicace des observateurs n'aurait pu saisir aucune impression de ce genre sur le visage impassible du prince Ormanoff, tandis qu'il s'avan?ait vers Mme de Subrans.

La vicomtesse, en tournant la t?te, l'aper?ut tout ? coup ? quelques pas d'elle. Une teinte un peu verd?tre couvrit son visage, sur lequel courut un fr?missement, et pendant quelques secondes une lueur d'effroi parut dans son regard.

-- Vous ne vous attendiez pas ? me rencontrer ici, Catherine Paulowna? dit-il en la saluant.

Elle balbutia:

-- En effet, j'ignorais que vous fussiez en vill?giature dans ce pays.

-- Je suis depuis cinq jours l'h?te du marquis de C?rigny... Voulez-vous me pr?senter votre belle-fille?... Car je suppose que j'ai devant moi la fille de X?nia Zoubine?

Ses yeux s'abaissaient sur Lise, toute d?licate et si exquise dans sa toilette de drap souple, d'un bleu doux. La jeune fille fr?mit sous ce regard ?trange, ind?finissable, o? n'existaient ni admiration ni douceur, mais seulement la satisfaction de l'homme qui a trouv? enfin l'objet rare longtemps cherch?.

La teinte verd?tre s'accentua sur le visage de Catherine, tandis qu'elle r?pondait d'une voix presque ?teinte:

-- Oui, c'est la fille de X?nia... Lise, ton cousin, le prince Serge Ormanoff.

Le prince prit la petite main que Lise, glac?e ? sa vue, ne songeait pas ? lui offrir et la porta ? ses l?vres. Mais il s'inclinait ? peine, et ce geste, chez lui, ?tait accompli avec une telle hauteur, une si visible condescendance, qu'il perdait toute sa signification habituelle de courtoisie respectueuse ou affectueuse, selon les cas.

-- J'ai beaucoup connu votre m?re, ma cousine. Elle venait passer souvent les vacances ? Kultow, mon domaine de l'Ukraine, alors que j'?tais un tr?s jeune gar?on. Ce fut m?me l? que furent c?l?br?es ses fian?ailles avec le vicomte de Subrans.

Et, sans attendre une r?plique que Lise, compl?tement raidie par une ?trange timidit?, aurait eu grand'peine ? trouver, il s'?loigna pour rejoindre M. de C?rigny qui discutait avec quelques-uns de ses h?tes sur les p?rip?ties de la chasse.

-- Maman, vous ne m'avez jamais parl? de ce cousin? murmura Lise.

Elle levait les yeux vers sa belle-m?re. Et elle s'effraya ? la vue de ce visage alt?r?.

-- Qu'avez-vous? Etes-vous souffrante, maman?

-- Oui, un peu... Mes palpitations me reprennent. Nous ferions mieux de rentrer, je crois.

Elles prirent h?tivement cong? de Mme de C?rigny, qui les reconduisit ? leur voiture en leur exprimant tous ses regrets. Le prince Ormanoff les regarda partir et les suivit quelques instants des yeux, tandis que l'?quipage s'?loignait.

-- Cette jeune fille -- cette fillette plut?t -- est d?j? id?ale! fit observer quelqu'un pr?s de lui.

-- C'est exact, dit-il froidement.

Et il se dirigea vers l'entr?e du pavillon de chasse, suivi par de nombreux regards, car ce grand seigneur slave, de si haute mine et de physionomie si ?nigmatique, excitait la plus vive curiosit? chez les invit?s du marquis de C?rigny.

Dans la voiture qui emportait les habitantes de la Bardonnaye vers leur demeure, Lise examinait avec un peu d'anxi?t? le visage de sa belle-m?re. Mme de Subrans avait d?j? eu quelques petites crises cardiaques, et le m?decin avait prescrit d'?viter les fortes ?motions.

Mais quelle ?motion avait-elle pu ?prouver aujourd'hui? Ce prince Ormanoff, dont elle n'avait jamais parl? ? ses enfants, devait ?tre presque un ?tranger pour elle... A moins qu'il ne lui rappel?t quelques souvenirs p?nibles. Lise savait que sa belle-m?re avait perdu ses parents et un fr?re unique, alors qu'elle ?tait d?j? jeune fille. Peut-?tre Serge Ormanoff se trouvait-il pr?sent au moment de ces malheurs, sur lesquels Catherine ne s'?tendait pas en longs d?tails.

Mme de Subrans, levant tout ? coup les yeux, rencontra le regard inquiet de Lise.

-- Ne te tourmente pas, mon enfant, dit-elle de la m?me voix ?teinte qu'elle avait tout ? l'heure en r?pondant au prince. Ce ne sera rien. Je n'?tais d?j? pas tr?s bien ce matin, j'aurais d? m'abstenir...

-- Mais oui, maman! Pourquoi ne m'avez-vous rien dit? Il aurait ?t? bien plus raisonnable de rester tranquillement ? la maison.

-- Certainement, si j'avais pu pr?voir...

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