Read Ebook: L'Exilée by Delly
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Ebook has 1846 lines and 59767 words, and 37 pages
--Depuis son second veuvage, Gis?le m'a donn? son adresse au palais Milcza, ? Vienne. Je suppose qu'apr?s la mort du comte Zolanyi, elle a d? aller vivre pr?s de son fils a?n?, qui n'est peut-?tre pas mari? encore. Envoie la lettre ? cette adresse. Si Gis?le ne s'y trouve pas, on fera suivre.
Myrt?, d'une main qui tremblait un peu, mit la suscription, apposa le timbre, et se leva en disant:
--Je vais la porter chez les dames Millon. L'une ou l'autre aura certainement occasion de sortir ce matin et de la mettre ? la poste.
Les dames Million occupaient un logement sur le m?me palier que Mme Elyanni. La m?re ?tai veuve d'un employ? de chemin de fer, la fille travaillait en chambre pour un magasin de fleurs artificielles. C'?taient d'honn?tes et bonnes cr?atures, serviables et discr?tes, qui admiraient Myrt? et auraient tout fait pour lui procurer le moindre plaisir. Isol?e comme l'?tait la jeune fille, Mme Elyanni n'ayant jamais voulu nouer de relations, elle avait trouv? plusieurs fois une aide mat?rielle ou morale pr?s de ses voisines, et elle leur en gardait une reconnaissance qui se traduisait par des mots charmants et de d?licates attentions, Myrt? n'?tant pas de ces coeurs vaniteux et ?troits qui consid?rent avant toute chose la situation sociale et le plus ou moins de distinction du prochain.
La porte lui fut ouverte par Mlle Albertine, grande et belle fille brune, au teint p?le et au regard tr?s doux.
--Mlle Myrt?! Entrez donc, mademoiselle!
Et elle s'effa?ait pour la laisser p?n?trer dans la salle ? manger, o? Mme Millon, une petite femme vive et accorte, ?tait en train de morig?ner un petit gar?on de cinq ? six ans, un orphelin que la mort de sa fille a?n?e et de son gendre avait laiss? ? sa charge... elle s'avan?a vivement vers la jeune fille en demandant:
--Eh bien! mademoiselle Myrt??
--Elle est si faible, si faible! murmura Myrt?.
Et un sanglot s'?touffa dans sa gorge.
--Pauvre ch?re petite demoiselle! dit Mme Million en lui saisissant la main, tandis qu'Albertine se d?tournait pour dissimuler une larme.
--Je suis venue vous demander un service, reprit Myrt? en essayant de dominer le tremblement de sa voix. Quand vous descendrez, voulez-vous mettre cette lettre ? la bo?te?
--Mais certainement! Albertine a justement une course ? faire dans cinq minutes, elle ne l'oubliera pas, comptez sur elle.
--Moi aussi, j'irai porter la lettre, dit le petit gar?on qui s'?tait avanc? et posait c?linement sa joue fra?che contre la main de Myrt?.
--Oui, c'est cela, Jeannot... et puis tu feras aussi une petite pri?re pour ma ch?re maman, dit la jeune fille en caressant sa petite t?te ras?e.
--Nous lui en faisons dire une tous les soirs, mademoiselle Myrt?... Et vous savez, si vous avez besoin de n'importe quoi, nous sommes l?, toutes pr?tes ? vous rendre service.
--Oui, je connais votre coeur, dit Myrt? en tendant la main aux deux femmes. Merci, merci... Maintenant, je vais vite retrouver ma pauvre maman.
Lorsque la jeune fille eut disparu, Madame Millon posa la lettre sur la table, non sans jeter un coup d'oeil sur la suscription.
--Comtesse Zolanyi, palais Milcza... Ces dames ne nous ont jamais dit grand'chose sur elles-m?mes, mais j'ai id?e, Titine, qu'elles sont d'une grande famille. L'autre jour pendant que j'?tais pr?s de Madame Elyanni, j'ai remarqu?, sur un joli mouchoir fin dont elle se servait, une petite couronne brod?e.
--Et mademoiselle Myrt? a des mani?res de princesse qui lui viennent tout naturellement, cela se voit, si elle pouvait donc avoir des parents qui l'accueillent, qui l'aiment comme elle le m?rite!... Car la pauvre dame n'a plus gu?re ? vivre, maman.
--H?las! non! Si elle passe la nuit, ce sera tout... Pauvre petite demoiselle Myrt?! Ca me fend le coeur, vois-tu, Titine!
Et l'excellente personne sortit son mouchoir, tandis que sa fille, serrant les l?vres pour dominer son ?motion, entrait dans la chambre voisine pour mettre son chapeau.
Pendant ce temps, Myrt?, rentr?e dans la chambre de sa m?re, s'occupait ? d?faire le petit autel. Elle allait et venait doucement, incomparablement ?l?gante et svelte, avec des mouvements d'une gr?ce infinie.
--Myrt?!
Elle s'approcha du lit... Madame Elyanni saisit sa main en disant:
--Regarde-moi, Myrt?!
Les yeux bleus de la m?re se plong?rent dans les admirables prunelles noires, velout?es, rayonnantes d'une pure clart? int?rieure. Toute l'?me ?nergique, ardente, virginale de Myrt? ?tait l?... Et Madame Elyanni murmura doucement:
--Que je les voie encore, tes yeux, tes beaux yeux!... Myrt?, ma lumi?re!
--Maman, ne parlez pas ainsi! supplia la jeune fille. Il n'y a qu'une vraie lumi?re, c'est Dieu, et il ne faut pas...
--Oui. Il est la lumi?re, mais cette lumi?re incr??e se communique aux ?mes pures, et celles-ci la r?pandent autour d'elles... Ne t'?tonne pas de m'entendre parler ainsi, mon enfant. Depuis hier, ta pauvre m?re a bien r?fl?chi, elle a compris ce que tu avais ?t? pour elle, ce que Dieu lui avait donn? en lui accordant une fille telle que toi, et comment il lui aurait ?t? impossible de vivre sans l'ange qu'elle a sans cesse trouv? ? ses c?t?s. Je te b?nis, Myrt?, mon amour, je te b?nis de toute la force de mon coeur!
Sas mains se pos?rent sur la chevelure blonde. Myrt?, sanglotante, s'?tait laiss? tomber ? genoux...
--Ne pleure pas, ch?rie. Pense que je vais retrouver mon cher Christos. Tous deux, de l?-haut nous veillerons sur toi...
Elle s'interrompit, ? bout de forces, en laissant retomber ses mains que Myrt? pressa sur ses l?vres... Et elles demeur?rent ainsi, immobiles, savourant la douloureuse jouissance de ces derni?res heures.
CHAPITRE II
Envelopp?e dans ses cr?pes, un peu courb?e sous son long ch?le noir, Myrt? marchait comme en un r?ve, entre les dames Millon. Elle revenait vers le logis vide d'o? ?tait partie tout ? l'heure la d?pouille mortelle de Madame Elyanni.
Elle se sentait an?antie, presque sans pens?e. Albertine avait doucement pris sa main pour la passer sous son bras... Et cette marque d'affectueuse attention avait mis un l?ger baume sur le coeur bris? de Myrt?.
En arrivant sur le palier du quatri?me ?tage, Madame Million demanda:
--Vous allez rester ? d?jeuner et finir la journ?e chez nous, mademoiselle Myrt??... Et m?me y coucher, si vous le voulez bien, car ce serait trop triste pour vous...
Myrt? lui prit les mains et les pressa avec force.
--Merci, merci, Madame! Mais je pr?f?re rentrer tout de suite, m'habituer ? cette solitude, ? la pens?e de ne plus la voir l?...
Sa voix se brisa dans un sanglot.
--... Demain, si vous le voulez bien, je viendrai partager votre repas... mais aujourd'hui, je ne peux pas... Ne m'en veuillez pas, je vous en prie!
--Oh! bien s?r que non, ma pauvre demoiselle! Faites ce qui vous co?tera le moins... Mais je vais aller vous porter un peu de bouillon...
--Non, pas maintenant, je ne pourrais pas. Ce soir, j'essaierai...
Elle leur tendit la main et entra dans l'appartement o? la femme de m?nage s'occupait ? tout remettre en ordre.
Myrt? se r?fugia dans sa chambre, une petite pi?ce meubl?e avec une extr?me simplicit?. Elle enleva son chapeau, son ch?le, et s'assit sur un si?ge bas, pr?s de la fen?tre.
Tout ? l'heure, en se voyant seule derri?re le char fun?bre, elle avait eu, pour la premi?re fois, la conscience nette du douloureux isolement qui ?tait le sien... Et voici que cette impression lui revenait, plus vive, dans ce logis o? elle avait, pendant des ann?es, prodigu? son d?vouement ? la m?re dont elle ?tait l'unique affection.
Lorsque le p?nible ?v?nement s'?tait trouv? accompli, elle avait aussit?t t?l?graphi? ? son tuteur. Celui-ci, vieil artiste c?libataire, vivait retir? sur la c?te de Provence. Il avait r?pondu par des condol?ances, mettant en avant ses rhumatismes qui lui interdisaient tout d?placement. D'offres de service ? sa pupille, pas un mot.
La comtesse Zolanyi n'avait pas r?pondu. Peut-?tre ne se trouvait-elle pas ? Vienne... Et d'ailleurs, Myrt? comptait si peu sur cette grande dame qui ne souciait sans doute aucunement d'une jeune cousine inconnue et tr?s pauvre! Lorsqu'elle aurait domin? ce premier an?antissement qui la terrassait, elle envisagerait nettement la situation et chercherait, avec l'aide de dames Millon, un moyen de se tirer d'affaire.
Mais aujourd'hui, non, elle ne pouvait pas! Elle se sentait faible comme un enfant...
Un coup de sonnette retentit. La femme de m?nage alla ouvrir, Myrt? entendit un bruit de voix... Puis on frappa ? la porte de sa chambre...
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