Read Ebook: L'oiseau blanc: conte bleu by Diderot Denis Ass Zat Jules Editor
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Ebook has 177 lines and 9058 words, and 4 pages
Tout ce qui n'avait point cet ?clat qui frappe d'abord d?plaisait souverainement ? G?nistan. Sa vivacit? naturelle ne lui permettait ni d'approfondir le m?rite r?el ni de le distinguer des agr?ments superficiels. C'?tait un d?faut national dont la f?e n'avait pu le corriger, mais dont elle se flatta de pr?venir les effets: elle pr?vit que, si Polychresta restait dans ses atours n?glig?s, le prince, qui avait malheureusement contract? ? la cour de son p?re et ? celle du Tongut le ridicule de la grande parure, avec ce ton qui change tous les six mois, la prendrait ? coup s?r pour une provinciale mise de mauvais go?t et de la conversation la plus insipide. Pour obvier ? cet inconv?nient, V?rit? fit avertir Polychresta qu'elle avait ? lui parler. Elle vint. <
Le lendemain matin, la f?e Churchille, ou, dans la langue du pays, Coquette, arriva avec tout l'appareil d'une grande toilette. Une corbeille, doubl?e de satin bleu, renfermait la parure la plus galante et du go?t le plus s?r; les diamants, l'?ventail, les gants, les fleurs, tout y ?tait, jusqu'? la chaussure: c'?tait les plus jolies petites mules qu'on e?t jamais brod?es. La toilette fut d?ploy?e en un tour de main, et toutes les petites bo?tes arrang?es et ouvertes: on commen?a par lui ?galiser les dents, ce qui lui fit grand mal; on lui appliqua deux couches de rouge; on lui pla?a sur la tempe gauche une grande mouche ? la reine; de petites furent dispers?es avec choix sur le reste du visage: ce qui acheva cette partie essentielle de son ajustement. J'oubliais de dire qu'on lui peignit les sourcils et qu'on lui en arracha une partie, parce qu'elle en avait trop. On r?pondit aux plaintes qui lui ?chapp?rent dans cette op?ration, que les sourcils ?pais ?taient de mauvais ton. On ne lui en laissa donc que ce qu'il lui en fallait pour lui donner un air enfantin; elle supporta cette esp?ce de martyre avec un h?ro?sme digne d'une autre femme et de l'amant qu'elle voulait captiver. Churchille y mit elle-m?me la main, et ?puisa toute la profondeur de son savoir pour attraper ce je ne sais quoi, si favorable ? la physionomie: elle y r?ussit; mais ce ne fut qu'apr?s l'avoir manqu? cinq ou six fois. On parvint enfin ? lui mettre des diamants. Churchille fut d'avis de les m?nager, de crainte que la quantit? n'offusqu?t l'?clat naturel de la princesse: pour les femmes, elles lui en auraient volontiers plac? jusqu'aux genoux, si on les avait laiss?es faire. Puis on la la?a. On lui posa un panier d'une ?tendue immense, ce qui la choqua beaucoup: elle en demanda un plus petit. < La f?e donna l'apr?s-d?n?e un concert de musettes, de vielles et de fl?tes. G?nistan y fut invit?: on pla?a avantageusement Polychresta, c'est-?-dire qu'elle n'eut point de lustre au-dessus de sa t?te, pour que l'ombre de l'orbite ne lui renfon??t pas les yeux. On laissa ? c?t? d'elle une place pour le prince, qui vint tard; car son impatience n'?tait pas de voir sa d?esse de campagne: c'est ainsi qu'il appelait Polychresta. Il parut enfin et salua, avec ses gr?ces et son air distrait, la f?e et le reste de l'assembl?e. V?rit? le pr?senta ? sa prot?g?e, qui le re?ut d'un air timide et embarrass?, en lui faisant de tr?s-profondes r?v?rences. Cependant le prince la parcourait avec une attention ? la d?concerter: il s'assit aupr?s d'elle et lui adressa des choses fines; Polychresta lui en r?pondit de sens?es, et le prince con?ut une id?e avantageuse de son caract?re, avec beaucoup d'?loignement pour sa soci?t?; < LA SULTANE. Dont le ch?teau tombait en ruine. LA SECONDE FEMME. Quoique les revenus du prince fussent en tr?s-mauvais ordre, il ?tait trop jeune pour go?ter ces maximes: c'?tait Lively qu'il lui fallait, avec ses agr?ments et ses minauderies; il se la repr?sentait jouant au volant ou ? colin-maillard, se faisant des bosses au front, qui ne l'emp?chaient pas de fol?trer et de rire; et il achevait d'en raffoler. Que fera-t-il d'une b?gueule d'un s?rieux ? glacer, qui ne parle jamais qu'? propos, et qui fait tout avec poids et mesure? Apr?s le concert, il y eut un feu d'artifice qui fut suivi d'un repas somptueux: le prince fut toujours plac? ? c?t? de Polychresta; il eut de la politesse, mais il ne sentit rien. La f?e lui demanda le lendemain ce qu'il pensait de son amie. G?nistan r?pondit qu'il la trouvait digne de toute son estime, et qu'il avait con?u pour elle un tr?s-profond respect. < --Ah! madame, reprit le prince, si vous aviez vu Lively! qu'elle est aimable! --Je vois, dit V?rit?, que vous n'avez que cette petite folle en t?te, qui n'est point du tout ce qu'il vous faut.>> LA SULTANE. Dans une maison, grande ou petite, il faut que l'un des deux au moins ait le sens commun. LA SECONDE FEMME. Le prince voulut r?pliquer et justifier son ?loignement pour Polychresta; mais la f?e, prenant un ton d'autorit?, lui ordonna de lui rendre des soins, et lui r?p?ta qu'il l'aimerait s'il voulait s'en donner le temps. D'un autre c?t? elle sugg?ra ? son amie de prendre quelque chose sur elle et de ne rien ?pargner pour plaire au prince. Polychresta essaya, mais inutilement: un trop grand obstacle s'opposait ? ses d?sirs; elle comptait trente-deux ans, et G?nistan n'en avait que vingt-cinq: aussi disait-il que les vieilles femmes ?taient toutes ennuyeuses: quoique la f?e f?t tr?s-antique, ce propos ne l'offensait pas. LA SULTANE. Elle poss?dait seule le secret de para?tre jeune. LA SECONDE FEMME. Le prince ob?it aux ordres de la f?e; c'?tait toujours le parti qu'il prenait, pour peu qu'il e?t le temps de la r?flexion. Il vit Polychresta; il se plut m?me chez elle. LA SULTANE. Toutes les fois qu'il avait fait des pertes au jeu, ou qu'il boudait quelqu'une de ses ma?tresses. LA SECONDE FEMME. ? la longue, il s'en fit une amie; il go?ta son caract?re; il sentit la force de son esprit; il retint ses propos; il les cita, et bient?t Polychresta n'eut plus contre elle que son air d?cent, son maintien r?serv? et je ne sais quelle ressemblance de famille avec Az?ma, qu'il ne se rappelait jamais sans b?iller. Les services qu'elle lui rendit dans des occasions importantes achev?rent de vaincre ses r?pugnances. La f?e, qui n'abandonnait point son projet de vue, revint ? la charge. Dans ces entrefaites on annon?a au prince que plusieurs seigneurs ?trangers, ? qui il avait fait des billets d'honneur pendant sa disgr?ce, en sollicitaient le payement, et il ?pousa. Il porta ? l'autel un front soucieux; il se souvint de Lively, et il en soupira. Polychresta s'en aper?ut; elle lui en fit des reproches, mais si doux, si honn?tes, si mod?r?s, qu'il ne put s'emp?cher d'en verser des larmes et de l'embrasser. LA SULTANE. Je les plains l'un et l'autre. LA SECONDE FEMME. < Ce soliloque, appuy? de quelques propositions faites au prince de la part de Polychresta, le forc?rent, sinon ? l'aimer, du moins ? vivre bien avec elle. LA SULTANE. Ces propositions, je gagerais bien que je les sais. Continuez. LA SECONDE FEMME. < LA SULTANE. Voil? ce que je n'aurais pas dit, moi. LA SECONDE FEMME. < LA SULTANE. Fort bien cela. LA SECONDE FEMME. < LA SULTANE. ? merveille. LA SECONDE FEMME. < LA SULTANE. Ce discours de Polychresta m'enchante. LA SECONDE FEMME. Le prince ?tait dispos? ? sacrifier Trocilla, pourvu qu'on lui accord?t Lively. LA SULTANE. Notre lot est d'aimer le souverain, d'adoucir le fardeau du sceptre, et de lui faire des enfants. J'ai quelquefois demand? des places au sultan pour mes amis, jamais aucune qui t?nt ? l'honneur ou au salut de l'empire. J'en atteste le sultan. J'ai sauv? la vie ? quelques malheureux; jusqu'? pr?sent je n'ai point eu ? m'en repentir. LA SECONDE FEMME.
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