Read Ebook: The Leader of the Lower School: A Tale of School Life by Brazil Angela Campbell John Illustrator
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Ebook has 1658 lines and 63795 words, and 34 pages
MARGUERITE AUDOUX
L'ATELIER DE MARIE-CLAIRE
--ROMAN--
TREIZI?ME MILLE
PARIS BIBLIOTH?QUE-CHARPENTIER EUG?NE FASQUELLE, ?DITEUR 11, RUE DE GRENELLE, 11
IL A ?T? TIR? DE CET OUVRAGE:
DU M?ME AUTEUR
Marie-Claire, roman. Pr?face d'Octave Mirbeau. 1 vol.
Paris.--L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.
L'ATELIER DE MARIE-CLAIRE
Ce jour-l?, comme chaque matin ? l'heure du travail, l'avenue du Maine s'encombrait de gens qui marchaient ? pas pr?cipit?s et de tramways surcharg?s qui roulaient ? grande vitesse vers le centre de Paris.
Malgr? la foule, j'aper?us tout de suite Sandrine. Elle aussi allongeait le pas et je dus courir pour la rattraper.
C'?tait un lundi. Notre ch?mage d'?t? prenait fin, et nous revenions ? l'atelier pour commencer la saison d'hiver.
Bouledogue et la petite Duretour nous attendaient sur le trottoir, et la grande Bergeounette, que l'on voyait arriver d'en face, traversa l'avenue sans s'inqui?ter des voitures afin de nous rejoindre plus vite.
Pendant quelques minutes il y eut dans notre groupe un joyeux bavardage. Puis les quatre ?tages furent mont?s rapidement. Et tandis que les autres reprenaient leurs places autour de la table, j'allai m'asseoir devant la machine ? coudre, tout aupr?s de la fen?tre. Bouledogue fut la derni?re assise. Elle souffla par le nez selon son habitude, et aussit?t l'ouvrage en main, elle dit:
--Maintenant il va falloir travailler dur pour contenter tout le monde.
Le mari de la patronne la regarda de tr?s pr?s en r?pondant:
--Eh b?... Dites si vous grognez d?j?!
C'?tait toujours lui qui faisait les recommandations ou les reproches. Aussi les ouvri?res l'appelaient le patron, tandis qu'elles ne parlaient de la patronne qu'en l'appelant Mme Dalignac.
Bouledogue grognait pour tout et pour rien.
Lorsqu'elle n'?tait pas contente, elle avait une fa?on de froncer le nez qui lui relevait la l?vre et d?couvrait toutes ses dents, qui ?taient fortes et blanches.
Il arrivait souvent que le patron se querellait avec elle; mais Mme Dalignac ramenait toujours la paix en leur disant doucement:
--Voyons... restez tranquilles.
Les col?res du patron ne ressemblaient pas du tout ? celles de Bouledogue. Elles ?taient aussi vite parties que venues. Sans pr?paration ni avertissement il se pr?cipitait vers l'ouvri?re ? r?primander, et pendant une minute il criait ? s'en ?trangler, en supprimant la moiti? des mots qu'il avait ? dire.
Cette fa?on de parler aga?ait la grande Bergeounette qui se moquait et marmottait tout bas:
--Quel baragouin!
Le patron ?tait le premier ? rire de ses emportements, et comme pour s'en excuser, il disait:
--Je suis vif.
Et il ajoutait parfois avec un peu de fiert?:
--Moi, je suis des Pyr?n?es.
C'?tait lui qui brodait ? la machine les manteaux et les robes des clientes. Il ?tait adroit et m?ticuleux, mais apr?s quelques heures de travail il devenait tout jaune et paraissait ?cras? de fatigue.
Sa femme le touchait ? l'?paule en lui disant:
--Repose-toi, va.
Il arr?tait alors sa lourde machine, puis il reculait son tabouret, afin de s'appuyer au mur; et il restait de longs moments sans remuer ni parler.
Il y avait entre les patrons et les ouvri?res comme une association amicale. Mme Dalignac ne craignait pas de demander des conseils dans l'atelier, et les ouvri?res lui accordaient toute leur confiance.
Quant au patron, s'il criait ? tue-t?te pour nous donner la moindre explication, il parlait tout autrement ? sa femme. Il prenait son avis pour les plus petites choses et ne la contrariait jamais.
Mme Dalignac ?tait un peu plus ?g?e que son mari. Cela se voyait ? ses cheveux qui grisonnaient aux tempes; mais son visage restait tr?s jeune et son rire ?tait frais comme celui d'une petite fille.
Elle ?tait grande et bien faite aussi, mais il fallait la regarder expr?s pour s'en apercevoir, tant elle paraissait toujours effac?e et lointaine. Elle parlait doucement et pos?ment; et s'il arrivait qu'elle f?t oblig?e d'adresser un reproche ? quelqu'un, elle rougissait et se troublait comme si elle ?tait elle-m?me la coupable.
Le patron avait pour sa femme une tendresse pleine d'admiration, et souvent il nous disait:
--Personne n'est comme elle.
D?s qu'elle sortait, il se mettait ? la fen?tre pour la voir passer d'un trottoir ? l'autre, et si elle tardait ? revenir, il la guettait et devenait inquiet.
Dans ces moments-l?, les ouvri?res savaient bien qu'il ne fallait rien lui demander.
Aujourd'hui l'espoir du travail apportait de la joie dans l'atelier. Il n'?tait question que d'une nouvelle cliente dont les paiements seraient s?rs, parce qu'elle tenait un commerce important, et qui nous donnerait beaucoup d'ouvrage parce qu'elle avait cinq filles.
Le patron pressait sa femme d'aller chercher les ?toffes annonc?es:
--Vite, vite, disait-il.
Et il s'agitait si fort, qu'il heurtait les mannequins et les tabourets.
Mme Dalignac riait, et tout le monde en faisait autant.
Le soleil paraissait rire avec nous aussi. Il rayonnait ? travers la vitre et cherchait ? se poser sur la corbeille ? fil et sur la machine ? coudre. Sa chaleur ?tait encore tr?s douce et Bergeounette ouvrit toute grande la fen?tre pour qu'il p?t entrer ? son aise.
De l'autre c?t? de l'avenue, les murs d'une maison en construction commen?aient ? sortir de terre. Des bruits de pierres et de bois se confondaient en montant jusqu'? nous, et les ceintures rouges et bleues des ma?ons se montraient ? travers les ?chafaudages.
A tout instant, des tombereaux de moellons et de sable se d?versaient. Les moellons roulaient avec un bruit clair, et le glissement du sable faisait penser au vent d'?t? dans le feuillage des marronniers. Puis c'?tait des fardiers charg?s de pierres de taille qui arrivaient. On les entendait venir de loin. Les charretiers criaient. Les fouets claquaient, et les chevaux tiraient ? plein collier.
Aussit?t que sa femme fut partie, le patron se fit aider par la petite Duretour, pour d?barrasser les planches des bouts de chiffons et mettre de l'ordre un peu partout.
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