Read Ebook: Histoire parlementaire de France Volume 2. Recueil complet des discours prononcés dans les chambres de 1819 à 1848 by Guizot Fran Ois
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HISTOIRE PARLEMENTAIRE DE FRANCE
PARIS.--IMPRIM? CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS, 55, QUAI DES AUGUSTINS.
Compl?ment des M?moires pour servir ? l'Histoire de mon Temps.
HISTOIRE PARLEMENTAIRE DE FRANGE
RECUEIL COMPLET DES DISCOURS PRONONC?S DANS LES CHAMBRES DE 1819 ? 1848
PAR
M. GUIZOT
PARIS
MICHEL L?VY FR?RES, LIBRAIRES ?DITEURS RUE VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15 A LA LIBRAIRIE NOUVELLE
Tous droits r?serv?s
HISTOIRE PARLEMENTAIRE DE FRANCE
DISCOURS DE M. GUIZOT
XLV
Expos? des motifs du projet de loi sur l'instruction primaire pr?sent? ? la Chambre des d?put?s le 2 janvier 1833.
--Chambre des d?put?s.--S?ance du 2 janvier 1833.--
J'ins?re ici, dans leur ordre et sans en interrompre la s?rie par les autres questions qui occup?rent les Chambres dans ce long intervalle, du 2 janvier au 28 juin 1833, les divers discours que je pronon?ai dans ces divers d?bats sur toutes les questions que souleva ce projet de loi.
Messieurs, le caract?re du projet de loi que nous avons l'honneur de vous pr?senter est d'?tre essentiellement pratique.
Il ne repose, en effet, sur aucun de ces principes absolus que l'esprit de parti et l'inexp?rience accr?ditent selon les temps et les circonstances, et qui, lorsqu'ils r?gnent seuls dans une loi, la rendent presque toujours vaine et st?rile.
L'histoire de l'instruction primaire, depuis quarante ann?es, est une ?clatante d?monstration de ce danger.
Quel principe, au premier coup d'oeil, para?t plus favorable que celui-ci:
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Quoi de plus sp?cieux, de plus digne, ce semble, d'une grande nation?
Promesse magnifique qui n'a pas produit une seule ?cole! Quand l'?tat veut tout faire, il s'impose l'impossible; et comme on se lasse bient?t de lutter contre l'impossible, ? des illusions gigantesques succ?dent promptement le d?couragement, la langueur et la mort.
Du principe absolu de l'instruction primaire gratuite consid?r?e comme une dette de l'?tat, passons au principe oppos? qui compte encore aujourd'hui tant de partisans, celui de l'instruction primaire consid?r?e comme une pure industrie, par cons?quent livr?e ? la seule loi de toute industrie, la libre concurrence, et ? la sollicitude naturelle des familles, sans aucune intervention de l'?tat. Mais cette industrie que l'int?r?t comprend, l'int?r?t seul la poursuit; l'int?r?t peut donc aussi l'interrompre et l'abandonner. Les lieux o? l'instruction primaire serait le plus n?cessaire sont pr?cis?ment ceux qui tentent le moins l'industrie, et le besoin le plus sacr? demeure sans garantie et sans avenir.
Contre ces deux principes extr?mes, nous adresserons-nous au principe communal? Demanderons-nous ? la commune, qui semble participer ? la fois de la famille et de l'?tat, de se charger seule de l'instruction primaire, de la surveillance et par cons?quent des d?penses? Le principe communal nous jette bien loin des grandes vues de l'Assembl?e constituante et de la Convention; il nous m?ne sous le gouvernement du Directoire et sous la loi de l'an IV, aussi ?troite en mati?re d'instruction primaire que le principe exclusif sur lequel elle repose; loi en v?rit? trop peu lib?rale et envers l'instituteur et envers le peuple, qui n'assurait ? l'instituteur que le logement, et n'exemptait de la r?tribution qu'un quart des ?l?ves pour cause d'indigence. Encore la loi de l'an X, con?ue dans le m?me esprit, r?duisit ce quart au cinqui?me, pour ne pas trop diminuer le seul traitement ?ventuel du ma?tre, mais en augmentant par l? l'ignorance et la mis?re de la commune.
C'est qu'il est bien difficile que la plupart des communes supportent seules les d?penses n?cessaires pour que l'instruction primaire y soit r?elle; dans presque toutes, il faudra que l'instituteur se contente ? peu pr?s de la seule r?tribution des ?l?ves qu'il attirera; traitement ?ventuel, incertain, insuffisant. Cet instituteur, d?j? si d?pourvu, on le ruine enti?rement, si on le force de donner l'instruction gratuite aux indigents; et de cons?quence en cons?quence, on arrive ? n'admettre dans l'?cole qu'un tr?s-petit nombre de pauvres, c'est-?-dire que l'on prive de l'instruction primaire ceux-l? m?mes qui en ont le plus pressant besoin. Rien n'est plus sage assur?ment que de faire intervenir les pouvoirs locaux dans la surveillance de l'instruction primaire; mais il n'est pas bon qu'ils y interviennent seuls, ou il faut bien savoir qu'on livre alors l'instruction primaire ? l'esprit de localit? et ? ses mis?res. Si on veut que le ma?tre d'?cole soit utile, il faut qu'il soit respect?; et pour qu'il soit respect?, il faut qu'il ait le caract?re d'un fonctionnaire de l'?tat, surveill? sans doute par le pouvoir communal, mais sans ?tre uniquement sous sa main, et relevant d'une autorit? plus g?n?rale.
Cherchez toujours ainsi, messieurs, et vous ne trouverez pas un bon principe qui, admis ? dominer seul dans l'instruction primaire, ne puisse lui porter un coup mortel. Et pour finir ces exemples par le plus frappant de tous, supposons un gouvernement qui, pour ?tablir la salutaire influence de la religion dans l'instruction du peuple, irait, comme l'a tent? la Restauration dans ses plus mauvais jours, jusqu'? remettre l'?ducation du peuple au clerg? seul. Cette coupable condescendance enl?verait ? l'instruction primaire les enfants de toutes les familles qui repoussent, avec raison, la domination eccl?siastique; comme aussi, en substituant dans les ?coles ce qu'on appelle la morale civique ? l'instruction morale et religieuse, on commettrait d'abord une faute grave envers l'enfance, qui a besoin de morale et de religion, et ensuite on soul?verait des r?sistances redoutables; on rendrait l'instruction primaire suspecte, antipathique peut-?tre ? une foule de familles en possession d'une juste influence.
Nous esp?rons, messieurs, avoir ?vit? dans le projet de loi ces exc?s diff?rents, ?galement dangereux. Nous n'avons point impos? un syst?me ? l'instruction primaire; nous avons accept? tous les principes qui sortaient naturellement de la mati?re, et nous les avons tous employ?s dans la mesure et ? la place o? ils nous ont paru n?cessaires. C'est donc ici, nous n'h?sitons pas ? le dire, une loi de bonne foi, ?trang?re ? toute passion, ? tout pr?jug?, ? toute vue de parti, et n'ayant r?ellement d'autre objet que celui qu'elle se propose ouvertement, le plus grand bien de l'instruction du peuple.
Quoiqu'elle renferme une assez grande vari?t? de principes, cette loi est simple dans son ?conomie. Elle r?duit ? trois questions fondamentales toutes celles que l'on peut se proposer sur l'instruction primaire, savoir:
La premi?re question est r?solue dans le titre Ier de la loi, qui contient comme la d?finition de l'instruction primaire.
Nous avons divis? l'instruction primaire en deux degr?s, l'instruction primaire ?l?mentaire et l'instruction primaire sup?rieure. Le premier degr? est comme le minimum de l'instruction primaire, la limite au-dessous de laquelle elle ne doit pas descendre, la dette ?troite du pays envers tous ses enfants. Ce degr? d'instruction doit ?tre commun aux campagnes et aux villes; il doit se rencontrer dans le plus humble bourg comme dans la plus grande cit?, partout o? il se trouve une cr?ature humaine sur notre terre de France.
Tel qu'il est constitu?, vous reconna?trez qu'il est suffisant. Par l'enseignement de la lecture, de l'?criture, et du calcul, il pourvoit aux besoins les plus essentiels de la vie; par celui du syst?me l?gal des poids et mesures et de la langue fran?aise, il implante partout, accro?t et r?pand l'esprit et l'unit? de la nationalit? fran?aise; enfin, par l'instruction morale et religieuse, il pourvoit d?j? ? un autre ordre de besoins tout aussi r?els que les autres, et que la Providence a mis dans le coeur du pauvre comme dans celui des heureux de ce monde, pour la dignit? de la vie humaine, et la protection de l'ordre social.
Ce premier degr? d'instruction est assez ?tendu pour faire un homme de qui le recevra, et en m?me temps assez circonscrit pour pouvoir ?tre partout r?alis?. Mais de ce degr? ? l'instruction secondaire qui se donne, soit dans les institutions et pensions priv?es, soit dans les coll?ges de l'?tat, il y a bien loin, messieurs, et pourtant, dans notre syst?me actuel d'instruction publique, il n'y a rien entre l'un et l'autre. Cette lacune a les plus grands inconv?nients; elle condamne ou ? rester dans les limites ?troites de l'instruction ?l?mentaire, ou ? s'?lancer jusqu'? l'instruction secondaire, c'est-?-dire jusqu'? un enseignement classique et scientifique extr?mement co?teux.
De l? il r?sulte qu'une partie tr?s-nombreuse de la nation qui, sans jouir des avantages de la fortune, n'est pas non plus r?duite ? une g?ne trop s?v?re, manque enti?rement des connaissances et de la culture intellectuelle et morale appropri?es ? sa position. Il faut absolument, messieurs, combler cette lacune; il faut mettre une partie si consid?rable de nos compatriotes en ?tat d'arriver ? un certain d?veloppement intellectuel, sans lui imposer la n?cessit? de recourir ? l'instruction secondaire si ch?re et, je ne crains pas de la dire, car je parle devant des hommes d'?tat qui comprendront ma pens?e, si ch?re ? la fois et si p?rilleuse. En effet, pour quelques talents heureux que l'instruction scientifique et classique d?veloppe et arrache utilement ? leur condition premi?re, combien de m?diocrit?s y contractent des go?ts et des habitudes incompatibles avec la condition o? il leur faudrait retomber, et, sorties une fois de leur sph?re naturelle, ne sachant plus quelle route se frayer dans la vie, ne produisent gu?re que des ?tres ingrats, m?contents, ? charge aux autres et ? eux-m?mes!
Nous croyons rendre au pays un vrai service en ?tablissant un degr? sup?rieur d'instruction primaire qui, sans entrer dans l'instruction classique et scientifique proprement dite, donne pourtant, ? une partie nombreuse de la population, une culture un peu plus relev?e que celle que lui donnait jusqu'ici l'instruction primaire. D?j? le projet qui vous a ?t? pr?sent? l'ann?e derni?re et le rapport de votre commission rendaient un enseignement de ce genre facultatif, selon les besoins et les ressources des localit?s; nous avons cru entrer dans vos vues en organisant d'une mani?re positive ce degr? sup?rieur de l'instruction primaire, en le rendant obligatoire pour toutes les communes urbaines au-dessus de 6,000 ?mes, comme le degr? inf?rieur l'est pour toutes les communes, si petites qu'elles soient.
S'il n'y a qu'un seul degr? d'instruction primaire et qu'on ?l?ve ou qu'on ?tende trop ce degr?, on le rend inaccessible ? la classe pauvre; si on le resserre trop, on le rend insuffisant pour une grande partie de la population qui ne peut pas non plus atteindre jusqu'? nos coll?ges; et si, en admettant une instruction primaire sup?rieure, on la laisse facultative, on ne fait absolument rien. La loi se tait, ou elle prescrit et elle organise. C'est par ces consid?rations que nous avons ?tabli et r?gl? un degr? sup?rieur d'instruction primaire qui ajoute aux connaissances indispensables ? tous les hommes les connaissances utiles ? beaucoup: les ?l?ments de la g?om?trie pratique, qui fournissent les premi?res donn?es de toutes les professions industrielles; les notions de physique et d'histoire naturelle, qui nous familiarisent avec les grands ph?nom?nes de la nature, et sont si f?condes en avertissements salutaires de tout genre; les ?l?ments de la musique, ou au moins du chant, qui donnent ? l'?me une v?ritable culture int?rieure; la g?ographie, qui nous apprend les divisions de cette terre que nous habitons; l'histoire, par laquelle nous cessons d'?tre ?trangers ? la vie et ? la destin?e de notre esp?ce, surtout l'histoire de notre patrie qui nous identifie avec elle; sans parler de telle ou telle langue moderne qui, selon les provinces o? nous sommes plac?s, peut nous ?tre indispensable ou du plus grand prix. Tel est, messieurs, l'esprit du titre 1er de la loi qui vous est soumise.
Ici, messieurs, notre premier soin devait ?tre et a ?t? de restituer pleine et enti?re, selon l'esprit et le texte pr?cis de la Charte, la libert? d'enseignement. D?sormais tout citoyen ?g? de dix-huit ans accomplis pourra fonder, entretenir, diriger tout ?tablissement quelconque d'instruction primaire, soit du degr? inf?rieur, soit du degr? sup?rieur, normal ou autre, dans toute esp?ce de commune urbaine ou rurale, sans autres conditions qu'un certificat de bonne vie et moeurs, et un brevet de capacit? obtenu apr?s examen. Vous reconna?trez, avec votre commission de la session derni?re, qu'exiger une preuve de capacit? de quiconque entreprend l'?ducation de la jeunesse n'est pas plus entraver la libert? de l'enseignement, qu'on ne g?ne la libert? des professions de l'avocat, du m?decin ou du pharmacien en leur imposant des preuves analogues de capacit?.
La profession d'instituteur de la jeunesse est, sous un certain rapport, une industrie, et ? ce titre elle doit ?tre pleinement libre; mais, comme la profession de m?decin ou d'avocat, ce n'est pas seulement une industrie, c'est une fonction d?licate ? laquelle il faut demander des garanties; on porterait atteinte ? la libert? si, comme jusqu'ici, outre la condition du brevet, on imposait encore celle d'une autorisation pr?alable. L? commencerait l'arbitraire. Nous le rejetons, et avec plaisir, car nous ne redoutons pas la libert? de l'enseignement, messieurs, nous la provoquons au contraire. Elle ne pourra jamais, ? notre gr?, multiplier assez les m?thodes et les ?coles; et si nous lui reprochions quelque chose, ce serait de ne pas faire davantage. Elle promet plus qu'elle ne donne, nous le croyons; mais ses promesses sont assez innocentes, et une seule accomplie est un service envers le pays que nous nous sentirions coupables d'avoir emp?ch?. Encore une fois, nous sommes les premiers ? faire appel ? la libert? de l'enseignement; nous n'aurons jamais assez de coop?rateurs dans la noble et p?nible entreprise de l'am?lioration de l'instruction populaire. Tout ce qui servira cette belle cause doit trouver en nous une protection reconnaissante.
Tout le monde convient que le droit de surveillance exerc? sur les ?coles priv?es est d'une partie n?cessaire et l?gitime en soi, et que, de l'autre, il n'est nullement une entrave ? la libert? de l'enseignement, puisqu'il ne porte point sur les m?thodes. D'ailleurs, dans le projet de loi, la surveillance est au plus haut degr? d?sint?ress?e, exerc?e par une autorit? impartiale et qui doit rassurer les esprits les plus ombrageux, car elle est en tr?s-grande partie ?lective. Enfin, nul ma?tre d'?cole priv?e ne peut ?tre interdit de l'exercice de sa profession, ? temps ou ? toujours, qu'apr?s un proc?s sp?cial comme le d?lit lui-m?me, et par une sentence du tribunal civil ordinaire.
Nous avons attach? ? toute commune ou, pour pr?voir des cas qui, nous l'esp?rons, deviendront de jour en jour plus rares, ? la r?union de plusieurs communes circonvoisines, une ?cole publique ?l?mentaire; et, pour entretenir cette ?cole, nous avons cru pouvoir combiner utilement plusieurs principes que trop souvent on a s?par?s. Il nous a paru que nulle ?cole communale ?l?mentaire ne pouvait subsister sans deux conditions: 1? un traitement fixe qui, joint ? un logement convenable, rassure l'instituteur contre les chances de l'extr?me mis?re, l'attache ? sa profession et ? la localit?; 2? un traitement ?ventuel, pay? par les ?l?ves, qui lui promette une augmentation de bien-?tre ? mesure qu'il saura r?pandre autour de lui, par sa conduite et ces le?ons, le besoin et le go?t de l'instruction.
Voil? pour l'instruction ?l?mentaire. Quant ? l'instruction primaire sup?rieure, comme elle est destin?e ? une classe un peu plus ais?e, il n'est pas n?cessaire qu'elle soit gratuite; mais la r?tribution doit ?tre la plus faible possible, et c'est pour cela qu'il fallait assurer un traitement fixe ? l'instituteur. Nous esp?rons que ces combinaisons prudentes porteront de bons fruits.
Maintenant, qui supportera le poids du traitement fixe? La commune, le d?partement ou l'?tat? Souvent et presque toujours, messieurs, tous les trois: la commune seule, si elle le peut; ? son d?faut, et en certaine proportion, le d?partement; et, au d?faut de celui-ci, l'?tat, de sorte que, dans les cas les plus d?favorables, la charge, ainsi divis?e, soit supportable pour tous.
C'est encore l? une combinaison dans laquelle l'exp?rience nous autorise ? placer quelque confiance. Nous reproduisons le minimum du traitement fixe de l'instituteur ?l?mentaire, tel qu'il a ?t? fix? par le dernier projet de loi et accept? par votre commission; et le minimum que nous vous proposons pour le traitement fixe de l'instituteur du degr? sup?rieur ne nous para?t pas exc?der les facult?s de la plupart des petites villes.
L'ancien projet de loi et votre commission avaient voulu que toute commune s'impos?t jusqu'? concurrence de cinq centimes additionnels pour faire face aux besoins de l'instruction primaire. Trois centimes nous ont sembl? suffisants, mais ? condition d'imposer le d?partement, non plus seulement ? un nouveau centime additionnel, mais ? deux, pour venir au secours des communes malheureuses. Quand les sacrifices de la commune et ceux du d?partement auront atteint leur terme, alors interviendra l'?tat avec la subvention annuelle que vous consacrez ? cet usage. Vous voyez dans quel int?r?t ont ?t? calcul?es toutes ces mesures, et nous nous flattons que vous les approuverez.
Il ne peut y avoir qu'une seule opinion sur la n?cessit? d'?ter ? l'instituteur primaire l'humiliation et le souci d'aller recueillir lui-m?me la r?tribution de ses ?l?ves et de la r?clamer en justice, et sur l'utilit? et la convenance de faire recouvrer cette r?tribution dans les m?mes formes et par les m?mes voies que les autres contributions publiques. Ainsi l'instituteur primaire est ?lev? au rang qui lui appartient, celui de fonctionnaire de l'?tat.
Mais tous ces soins, tous ces sacrifices seraient inutiles, si nous ne parvenions ? procurer ? l'?cole publique ainsi constitu?e un ma?tre capable, digne de la noble mission d'instituteur du peuple. On ne saurait trop le r?p?ter, messieurs; autant vaut le ma?tre, autant vaut l'?cole elle-m?me.
Et quel heureux ensemble de qualit?s ne faut-il pas pour faire un bon ma?tre d'?cole?
Un bon ma?tre d'?cole est un homme qui doit savoir beaucoup plus qu'il n'en enseigne, afin de l'enseigner avec intelligence et avec go?t; qui doit vivre dans une humble sph?re, et qui pourtant doit avoir l'?me ?lev?e pour conserver cette dignit? de sentiments, et m?me de mani?res, sans laquelle il n'obtiendra jamais le respect et la confiance des familles; qui doit poss?der un rare m?lange de douceur et de fermet?, car il est l'inf?rieur de bien du monde dans une commune, et il ne doit ?tre le serviteur d?grad? de personne; n'ignorant pas ses droits, mais pensant beaucoup plus ? ses devoirs; donnant ? tous l'exemple, servant ? tous de conseiller, surtout ne cherchant point ? sortir de son ?tat, content de sa situation parce qu'il y fait du bien, d?cid? ? vivre et ? mourir dans le sein de l'?cole, au service de l'instruction primaire, qui est pour lui le service de Dieu et des hommes. Faire des ma?tres, messieurs, qui approchent d'un pareil mod?le, est une t?che difficile, et cependant il faut y r?ussir, ou nous n'avons rien fait pour l'instruction primaire.
Un mauvais ma?tre d'?cole, comme un mauvais cur?, comme un mauvais maire, est un fl?au pour une commune. Nous sommes bien r?duits ? nous contenter tr?s-souvent de ma?tres m?diocres, mais il faut t?cher d'en former de bons; et pour cela, messieurs, des ?coles normales primaires sont indispensables. L'instruction secondaire est sortie de ses ruines; elle a ?t? fond?e en France le jour o?, recueillant une grande pens?e de la R?volution, la simplifiant et l'organisant, Napol?on cr?a l'?cole normale centrale de Paris. Il faut appliquer ? l'instruction primaire cette id?e simple et f?conde. Aussi, nous vous proposons d'?tablir une ?cole normale primaire par d?partement.
Mais quelle que soit la confiance que nous inspirent ces ?tablissements, ils ne conf?reront pas ? leurs ?l?ves le droit de devenir instituteurs communaux si ceux-ci, comme tous les autres citoyens, n'obtiennent, apr?s un examen, le brevet de capacit? pour l'un ou l'autre degr? de l'instruction primaire auquel ils se destinent.
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