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Read Ebook: Mémoires d'une contemporaine. Tome 6 Souvenirs d'une femme sur les principaux personnages de la République du Consulat de l'Empire etc... by Saint Elme Ida

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Ebook has 578 lines and 77285 words, and 12 pages

M?MOIRES D'UNE CONTEMPORAINE,

SOUVENIRS D'UNE FEMME SUR LES PRINCIPAUX PERSONNAGES DE LA R?PUBLIQUE, DU CONSULAT, DE L'EMPIRE, ETC.

Troisi?me ?dition.

PARIS.

LADVOCAT, LIBRAIRE, QUAI VOLTAIRE, ET PALAIS-ROYAL, GALERIE DE BOIS.

Approches du 20 mars.--Nouvelle du d?barquement de Napol?on.

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<<--On vous le donnera sans que vous le demandiez, L'?change des lettres se fait sur la reconnaissance d'une m?daille; vous les apporterez aussit?t.>> J'allai en effet au caf? ? neuf heures et demie; l'on m'aborda avec la formule convenue; l'?change se fit comme il m'avait ?t? recommand?. Je connaissais tr?s bien la personne; c'?tait un officier de hussards. Il me parla assez lentement du retour de l'Empereur, et de l'attente g?n?rale des militaires; qu'ils ?taient tous comme des fous, et lui le premier. Quand je rendis compte de ma mission ? Regnault, il murmura avec une col?re mal d?guis?e: <> Mais il m'adressa personnellement mille choses flatteuses sur mon activit?, ma prudence. Je voyais tr?s bien qu'il voulait me faire un point d'honneur de la discr?tion, et si j'avais ?t? femme ? profiter des occasions, j'aurais largement ?t? pay?e des services que je mettais, au contraire, une esp?ce d'orgueil ? rendre par souvenir et opinion. Je continuai ces courses myst?rieuses avec toute la discr?tion d'un n?ophyte. Regnault, par son ton confidentiellement important, excitait mes bonnes dispositions, et je me croyais un personnage destin? ? jouer un r?le. Les dangers ne m'ont jamais effray?e, et j'y courais avec plaisir et vanit?. Le lendemain, 9 mars, il m'avait donn? un rendez-vous ? deux heures; il me fit attendre long-temps: il ?tait extr?mement agit?, tenant une lettre ouverte ? la main. Il me fit entrer dans sa chambre ? coucher, et ?crivit ? la h?te les deux lignes:

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<<--Eh bien! reprenez votre billet; je dirai tout de vive voix.

<<--Non, non, il faut qu'on voie, par un signe palpable, que cela vient de moi. Souvenez-vous bien de me rapporter le billet.

<<--Ah! dis-je en riant, et l'accident?

<<--Vous avez raison. D?chirez le billet vous-m?me.

<<--Soyez tranquille.>> Et me voil? partie, fi?re de ma mission, comme si le bonheur de la France en e?t d?pendu.

En tournant la rue Barbette au Marais, le conducteur arr?te pour demander l'h?tel ? un homme de fort bonne mine. <> ajouta-t-il en me regardant d'un air qui me le fit prendre pour un agent charg? de m'arr?ter! Cette id?e me frappa tellement, que rouler le petit papier et le jeter furtivement dans ma bouche fut l'affaire d'une seconde. <> m'?criai-je.

<<--Il me semble qu'il n'y en a pas dans la rue.>> Et apr?s cette parole il disparut. Mais lorsque le cabriolet vint ? s'arr?ter, le m?me homme se pr?senta pour me faire descendre. J'avoue que je me crus d?j? en puissance de police; mais le billet ?tant en s?ret?, je sautai lestement sans prendre la main qu'on m'offrait. Mais toutes mes craintes s'?vanouirent; c'?tait presque un confr?re. Regnault rit beaucoup quand je lui racontai ma frayeur et ma pr?caution pour le billet; la pr?sence d'esprit que j'avais montr?e accrut encore sa bonne opinion sur ma sagacit?, et sur une prudence que je savais si bien avoir pour les autres apr?s en avoir toujours tant manqu? pour moi-m?me.

Je fus ? m?me de remarquer ce jour-l? que jamais l'exc?s de pr?vention de Regnault pour Napol?on n'avait ?t? plus loin. Naturellement ?loquent, il ne le fut jamais davantage, et s'enflamma m?me jusqu'? revenir sur la campagne de Russie et celle de 1814, pour en enlever tous les torts ? son idole.

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<<--Aussi l'Empereur ne veut plus de guerre...

<<--Il revient donc, m'?criai-je vivement?

<<--Dans une quinzaine, vous irez le voir aux Tuileries.

<<--?tes-vous fou?

<<--Pas le moins du monde.

<<--Et vous croyez que cela se passera sans plus de fa?on.>>

? cela je lui fis quelques objections si pressantes, qu'il s'emporta jusqu'? la col?re. Cette petite altercation nous avait fait passer une heure, et ?loign?s de notre objet, Regnault y revint de lui-m?me en me donnant deux nouvelles commissions, dont l'une aupr?s de Cambac?r?s. Il me recommanda de bien regarder en sortant si l'on m'observait, et de prendre un cabriolet un peu loin. J'ai d?j? dit que sans savoir le mot des intrigues, j'avais mis une sorte de vanit? ? ces services, vanit? qui me faisait m?priser le danger. Plus instruite, je ne redoutais pas davantage les espions; d'ailleurs, quand on se sait observ?, il est si ais? de d?router l'attention. Il suffit de la fixer sur des d?marches insignifiantes pour la d?tourner de celles qu'on veut cacher. Aux approches du retour de Napol?on, la police ?tait ou aveugle ou complice; car j'ai surpris des signes d'intelligences faits par des officiers ? l'heure m?me de la parade, au mot d'ordre et sous le balcon du roi. Je me rappelle avoir d?je?n?, dans les premiers jours de mars, dans un caf? qui fait le coin de la rue de l'?chelle, avec plusieurs militaires habill?s en bourgeois. On se faisait des signes, on se montrait des cocardes, des proclamations vraies ou fausses: on peut dire que les conspirateurs jouaient cartes sur table.

Je ne pouvais croire que si Napol?on revenait, Ney partirait avec le roi. Dans tout cela, lui seul m'occupait et m'int?ressait; et je ne voyais pas trop comment il r?ussirait ? faire cadrer le pass? et le pr?sent. La derni?re fois que je vis Regnault, il me parla encore du mar?chal, et de mani?re ? m'effrayer. <> lui r?pondis-je avec une ?motion secr?te qui semblait me faire pressentir que ce retour allait lui devenir fatal. Je ne vis pas une seule fois Mme Regnault dans ces visites pourtant si fr?quentes ? son h?tel; il me semble qu'elle ?tait ? sa terre, ignorant tous les mouvemens que son mari se donnait.

Quelques jours apr?s la fatale catastrophe du g?n?ral Quesnel, Regnault me parut extr?mement joyeux, quoique tr?s agit?. Il me lut quelques lignes que je ne me rappelle pas assez pour les citer, mais qui venaient de Porto-Ferrajo. Il me demanda <

<<--Oui, lui-dis-je, pour tout ce qui me concerne; peut-?tre m?me pour autre chose. Mais son avenir m'a ?t? confi? par sa m?re, et je n'en jouerai pas le bonheur contre des folies politiques. Si l'on se bat, L?opold sera le premier ? son poste: voil? tout ce qu'en fait de d?vouement vous devez attendre de lui.

<<--Vous n'avez pas le sens commun, ma pauvre amie; il y a de l'?toffe chez vous, mais votre t?te g?te tout.

<<--Vous croyez? R?ellement, vous r?vez donc tous le retour de l'Empereur?

<<--R?ver est excellent; si vous voulez lui pr?senter votre nouvelle passion, allez ? Bar?me, vous y avez des amis, et l? vous pourrez demander ? l'Empereur une lieutenance pour L?opold.>>

Je regardais Regnault d'un air ?bahi et presque stupide. Il me poussait d'autres papiers sous les yeux, que je n'osais pas lire, tout enti?re absorb?e par des paroles ?nigmatiques. Mais Regnault aimait Napol?on de si bonne foi, que cela pouvait s'appeler bien plus une vertu de reconnaissance qu'un int?r?t de s?dition. <

<<--Convenez, entre nous, sans phrases, que l'arm?e est bien bonne?>> Paroles qui ne venaient pas de ma pens?e, mais destin?es ? lui arracher la sienne tout enti?re; car je me plaisais autant que lui-m?me ? cette extase continuelle d'admiration.

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<<--Cependant vous disiez tout derni?rement que si Napol?on revenait, il ne serait plus le m?me?

<<--Cela est bon ? dire pour le moment, c'est une excellente phrase de pr?face. Au fond, il nous faudra des hommes et des millions; mais, soyez tranquille, on les trouvera.

<<--C'est ici le cas de dire,>> r?pliquai-je:

Qu'il se montre, il deviendra le ma?tre. Un h?ros qu'on opprime attendrit tous les coeurs; Il les anime tous quand il vient ? para?tre.

? cette citation, faite, je l'avoue, avec un peu de pr?tention, je crus que Regnault allait perdre la t?te. Il ?crivit ? la h?te quelques mots, et pendant ce temps on vint lui apporter un ?norme paquet de papiers; il les parcourut, et br?la tout aussit?t, ? l'exception d'une lettre qu'il me fit lire. Elle ?tait de Mouton-Duvernet; Regnault savait que je le connaissais depuis les campagnes d'Allemagne. H?las! cette lettre que Regnault me dit de garder, lettre absolument sans importance politique, manqua de me devenir funeste, un an plus tard, dans les premiers jours de mars 1816.

Le lendemain de cette visite, L?opold, qui d?nait souvent avec des officiers, ses anciens fr?res d'armes de la guerre de Russie, vint tout agit?, d?s huit heures du matin, m'annoncer qu'il partait avec trois de ses anciens chefs, qu'il reprenait du service, qu'? coup s?r l'Empereur serait ? Paris dans peu avec Marie-Louise et le roi de Rome.

<<--Que fera Ney?

<<--Qui le sait? Il est tout au nouvel ordre de choses, il attendra l'?v?nement.

<<--Vous avez tort, L?opold; vous jugez avec aigreur le mar?chal; il n'est pas homme ? chercher la gloire de la prudence. Si quelque chose est chang? dans ses sentimens, c'est qu'il pense que cela est mieux pour la France. L?opold, si mon repos vous est cher vous attendrez quelques jours.

<<--Il ne l'est plus: il ne revient que pour perdre la France. Si vous n'?tiez femme, je vous demanderais raison de votre opinion...

<<--S?ditieuse, n'est-ce pas?

<<--Oui, et, de plus, extravagante. Ida, si vous tenez ? mon amiti?, croyez-moi, sachez r?primer le d?lire de vos passions.

<<--? commencer, M. le mar?chal, par celles qui firent si long-temps ma f?licit? et ma gloire.>>

<<--Mauvaise t?te.

<<--Pas si mauvaise, ce me semble, car elle ne tourne pas ? tout vent.

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