Read Ebook: Histoire de l'Émigration pendant la Révolution Française. Tome 1 De la Prise de la Bastille au 18 fructidor by Daudet Ernest
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ter de rappeler les anciennes d?nominations d'imp?ts, odieuses au peuple.
Il revint ? V?rone au commencement de juin 1794. La sollicitude du comte d'Antraigues, qui r?sidait ? Venise, lui avait assur? le puissant patronage du comte de Mordwinoff, ambassadeur de Catherine dans les ?tats v?nitiens, et celui de Las Casas, l'ambassadeur d'Espagne. Il pouvait donc attendre en une tranquillit? relative le retour de circonstances meilleures. Elles n'?taient pas plus favorables qu'elles ne l'avaient ?t? ? la fin de 1792, apr?s la retraite de Brunswick. Elles l'?taient m?me moins, car l'ann?e pr?c?dente on pouvait compter sur les victoires de la coalition, et maintenant, quoique les arm?es alli?es eussent fait la guerre pendant de longs mois, elles n'avaient pu vaincre celles de la R?publique. <
Mais ce qui de plus en plus se confirmait ? la faveur de tout ce qu'avait mis en lumi?re la campagne qui finissait, c'est que la cour de Vienne voulait tirer parti de ses conqu?tes. Aussi, voyait-elle avec d?pit l'influence commen?ante de l'Angleterre dans les affaires de France, comme si elle e?t craint que le cabinet de Saint-James ne m?t le veto sur ses projets ult?rieurs. Ces projets, on les soup?onnait. On savait que, pour r?tablir avec la Russie et la Prusse l'?galit? qui lui avait ?t? promise au moment du partage de la Pologne et pour se couvrir de ses d?penses de guerre, l'Empereur voulait s'agrandir; on pouvait supposer que ce serait aux d?pens de la France. La situation ?tait donc toujours la m?me, toujours aussi sombre, toujours aussi d?cevante.
En ce qui concernait la Vend?e, le R?gent comme son fr?re en ?taient r?duits, on l'a vu, aux conjectures. Les nouvelles qu'ils en recevaient ?taient rares et contradictoires; elles montraient les chouans tant?t vainqueurs, tant?t vaincus, toujours h?ro?ques, mais leurs chefs, trop souvent divis?s, souhaitant qu'un Bourbon se m?t ? leur t?te, regrettant de ne pas le voir arriver, se plaignant d'?tre d?pourvus de ressources et oblig?s de recourir ? l'Angleterre qui n'envoyait que de rares secours. Que pouvait-on attendre des efforts des Vend?ens s'ils n'?taient vigoureusement soutenus, et ne devait-on pas craindre que le sang le plus pur n'e?t ?t? vers? en pure perte?
Bien que pour venir de Paris ? V?rone, il e?t mis trois ans, ? cette nouvelle ?tape de ses p?r?grinations il conservait la m?me confiance qu'? la premi?re. Oblig? de fuir devant les arm?es victorieuses de la R?publique, trahi par la fortune, abandonn? des rois, il ne d?sesp?rait pas, m?me ? l'heure o?, ne sachant o? reposer sa t?te, il ?tait venu chercher un asile en Italie. Il avait rempli le monde de ses protestations, lass? les princes de l'Europe de ses incessantes plaintes, sans que l'inutilit? de ses efforts e?t raison de son ?nergie. Il la communiquait autour de lui, parmi les fid?les courtisans de son malheur, attach?s ? ses pas. Pour eux, il ?tait le repr?sentant du roi, comme il l'?tait pour tous ces ?migr?s, errant mis?rables ? travers le continent, les yeux tourn?s vers son drapeau, et pour ces h?ro?ques combattants et ces obscurs conspirateurs qui, en Vend?e, en Languedoc, en Provence, tombaient sous les balles ou montaient ? l'?chafaud en pronon?ant son nom.
Toute la politique de V?rone, pendant la premi?re ann?e du s?jour qu'il y fit, roula sur ces objets, et si minces sont les incidents auxquels elle donna lieu, si nuls ses r?sultats, qu'on ne trouve rien ? signaler qui vaille la peine d'?tre retenu. La volumineuse correspondance qui a trait ? cette p?riode de l'?migration n'est qu'un fatras. Les lettres, de quelque endroit qu'elles viennent, vers quelque endroit qu'on les dirige, roulent toujours sur les m?mes objets et ne mettent gu?re en lumi?re que les vaines intrigues des uns, les inutiles efforts des autres, les convoitises des puissances, les incorrigibles illusions des ?migr?s, leur profonde mis?re et surtout la lassitude des souverains qui s'impatientent de rencontrer toujours entre eux et la France, soit qu'ils fassent la guerre, soit qu'ils veuillent conclure la paix, ces ?migr?s encombrants et besogneux dont Thugut, en se plaignant des embarras qu'ils cr?ent, a dit <
Dans les ?tats v?nitiens, lorsque Monsieur s'installait ? V?rone, l'?migration ?tait repr?sent?e par le comte d'Antraigues, son agent sinon le plus actif, du moins le plus paperassier. Neveu de Saint-Priest, il parlait quatre ou cinq langues, connaissait toute l'Europe, tous les hommes d'?tat de l'Europe. Il correspondait avec eux ainsi qu'avec les agents royalistes au dedans et au dehors. Il tenait dans ses mains les fils de toutes les conspirations, de toutes les intrigues. Telle ?tait son habilet?, qu'il semblait que rien ne p?t se faire sans son concours. Nul plus que lui ne savait s'imposer, s'insinuer m?me dans ce qu'on voulait lui taire. Le R?gent, qui ne l'estimait pas, n'aurait os? se priver de ses services. D'Avaray, favori du prince et le membre le plus influent de son conseil, avait surnomm? d'Antraigues <
Parall?lement ? ce personnage ?tabli ? poste fixe ? Venise, chaque jour en amenait d'autres ? V?rone: lord Macartney, ? qui lord Grenville avait confi? la mission de porter ? Monsieur de nombreux avis et un peu d'argent; Bayard, l'agent de ce pers?v?rant et intrigant Wickham que le gouvernement anglais venait d'envoyer en Suisse pour discipliner les men?es des ?migr?s et en tirer parti; Mordwinof, le ministre de Catherine ? Venise, qui rendait fr?quemment visite ? Monsieur en attendant d'?tre officiellement accr?dit? pr?s de lui; Drake, consul d'Angleterre ? Livourne, charg? de jouer en Italie le m?me r?le que Wickham en Suisse: puis des ?missaires venus de France, les uns signal?s par les services qu'ils avaient d?j? rendus ? la cause royale, les autres plus ou moins inconnus, accr?dit?s par les royalistes de l'int?rieur pour venir chercher des ordres et parmi lesquels se glissaient souvent des curieux, des mendiants ou m?me des espions de Paris. Les agents du dehors continuaient entre temps leurs services. Ils informaient le prince des dispositions des cours, toujours les m?mes. Ceux du dedans envoyaient des informations sur l'?tat de la France, et, comme ils prenaient leurs d?sirs pour des r?alit?s, leurs r?cits ordinairement inexacts, leurs inventions inconscientes, les tableaux qu'ils tra?aient de l'attitude des partis contribuaient ? entretenir Monsieur dans l'erreur, ? lui faire croire que le pays souhaitait passionn?ment le r?tablissement de la royaut?, tandis qu'en r?alit?, il ne voulait qu'?tre d?livr? du joug terroriste, pr?t ? acclamer le lib?rateur quel qu'il f?t.
Les divisions des partisans du roi s'accusaient de jour en jour. Les personnages dont il s'?tait entour? ? V?rone n'inspiraient pas confiance. Les agents de Paris ne voulaient correspondre qu'avec d'Antraigues, et non avec le roi et ses ministres <
Le R?gent ?tait ? V?rone depuis quelques semaines, lorsque se produisit un ?v?nement propre ? ranimer ses esp?rances. Au mois de juillet,--le 9 thermidor--Robespierre fut renvers?. ?tait-ce la fin de la R?volution et le prologue d'une restauration monarchique? D'abord, on put le croire, tant fut spontan?e et ardente la r?action qui suivit l'?v?nement. Beaucoup d'?migr?s commenc?rent ? rentrer. Paris et les d?partements virent avec stupeur repara?tre ces revenants qui ne pouvaient cacher ni leur surprise, ni leur col?re, en constatant les changements survenus en leur absence et le d?plorable ?tat mat?riel et moral du pays; en retrouvant en des mains ?trang?res les biens qui leur avaient appartenu et qu'ils consid?raient comme leur appartenant toujours. La vivacit? de leurs plaintes, la violence de leurs revendications, la soif de repr?sailles qui les animaient ne trouv?rent que trop d'?chos parmi leurs compatriotes rest?s en France et qui avaient, comme eux, souffert de la R?volution. La r?action, dans le Midi surtout, ne tarda pas ? rev?tir une physionomie tragique. Les hommes qui, en 1791, avaient pris ? Lyon, dans les C?vennes, en Provence, l'initiative des insurrections reparurent, et, par eux, les vengeances s'exerc?rent abominables. C'est le temps des ?gorgeurs, des chauffeurs, des pilleurs, des compagnons de J?sus. Ils allaient rapidement faire d?g?n?rer la r?action thermidorienne en un v?ritable brigandage.
Ces crimes et ces r?bellions, s'accomplissant au nom du roi de France ou de <
Mais, au lendemain du 9 thermidor, cette d?monstration n'?tait pas faite. Les ?migr?s croyaient leurs malheurs finis. L'espoir que Monsieur fondait sur la fin de la Terreur paraissait d'autant plus justifi?, qu'au m?me moment, le gouvernement anglais se d?cidait ? appeler le comte d'Artois pour le faire concourir ? une descente sur les c?tes de Bretagne.
Monsieur, au re?u de cette nouvelle, adressa au roi d'Angleterre l'expression de sa reconnaissance. Il le remerciait de la r?solution qu'avait prise Sa Majest? <
LE COMTE D'ARTOIS ET L'ANGLETERRE
Demeur? seul ? Hamm apr?s le d?part de son fr?re, le comte d'Artois y passa tout un triste hiver dans l'attente fi?vreuse d'une occasion de partir, qui ne pouvait lui ?tre fournie que par l'Angleterre, et que l'Angleterre ne lui offrait toujours pas. Comme pour accro?tre ses angoisses et rendre plus sombre son exil, les catastrophes se succ?daient sans tr?ve. Lyon et Toulon succombaient tour ? tour. L'Alsace, un moment occup?e par les arm?es alli?es, avait ?t? ?vacu?e; la campagne allait finir sans avoir donn? les avantages esp?r?s. La suspension des hostilit?s, impos?e par l'hiver, laissait l'arm?e de Cond? dans une d?tresse profonde. Les ?migr?s en armes, r?unis ? Dusseldorf, mouraient de faim. Le mar?chal de Broglie ?crivait, en leur nom, au comte d'Artois pour lui exposer leur mis?re. Ne pouvant envoyer que trois cents louis pour leur venir en aide, le prince joignait ? cet envoi les diamants qu'il tenait de la lib?ralit? de l'Imp?ratrice, en donnant l'ordre de les vendre. Puis ce fut la mort de Madame ?lisabeth qui acheva de lui d?chirer l'?me. Quant aux nouvelles de Vend?e, elles ?taient lamentables. Faute d'entente entre eux et surtout faute de ressources, les chefs chouans ?taient r?duits ? pi?tiner sur place, ne pouvaient emp?cher leurs soldats de d?serter, et ne r?sistaient plus avec la m?me t?nacit? que nagu?re aux paroles de paix que leur faisaient entendre les d?l?gu?s du gouvernement r?publicain.
Le 18 ao?t 1793, ils avaient adress? au comte d'Artois un appel pressant. Sa pr?sence pouvait seule mettre un terme ? leurs discussions et rendre ? leurs chouans la confiance et le courage: <
Regardez-moi comme le g?n?ral de Louis, messieurs, leur dit-il. Je vous donne ma foi de gentilhomme que si je n'?tais pas assur? que c'est en son nom que nous agirons, et pour lui remettre les places que nous pourrons conqu?rir, jamais je ne me serais charg? de l'exp?dition. R?pandez et faites circuler ? cet ?gard les intentions du gouvernement.
Anim? de tels sentiments, lord Moira accueillit sans h?siter la proposition du comte d'Artois. Seulement, il fut surpris de lire ces mots dans la lettre du prince: <
Du reste, l'exp?dition de celui-ci ?choua faute d'un point de d?barquement. Pour le lui assurer, les Vend?ens avaient essay? de s'emparer de Granville; mais, le 13 novembre, ils ?taient repouss?s et oblig?s de r?trograder vers la Loire. Lord Moira n'?tant parti de Portsmouth que le 13 d?cembre arriva trop tard. Apr?s avoir louvoy? durant plusieurs jours en vue des c?tes, il dut se replier sur Jersey d'o? il revint ? son point de d?part.
Malgr? cet ?chec, le comte d'Artois n'en continua pas moins ses d?marches aupr?s du gouvernement anglais. Il ne cessait de lui demander des facilit?s pour son passage en Vend?e. Non content d'y employer le duc d'Harcourt, il envoyait ? Londres des gentilshommes attach?s ? sa maison, dont le d?vouement et le z?le lui ?taient connus: le comte de S?rent et le marquis de Moustier. Mais ceux-ci se heurtaient ? des r?sistances envelopp?es dans un langage qui en cachait le v?ritable motif. L'Angleterre ne se montrait pas plus press?e que l'Autriche et l'Espagne d'employer les princes. Elle avait g?n?reusement accueilli les ?migr?s fran?ais: ?v?ques, pr?tres, moines, gentilshommes, bourgeois; tout ce qui s'?tait r?fugi? sur son territoire avait trouv? les mains ouvertes, de prompts secours. Le gouvernement lui-m?me avait ajout? des sommes consid?rables ? toutes celles que fournissait l'initiative priv?e, pour venir en aide ? de cruelles infortunes.
Mais ce gouvernement, apr?s s'?tre acquitt? des devoirs que commandait l'humanit?, ne jugeait pas que l'heure f?t venue pour lui de favoriser le r?tablissement en France de la royaut?, Il soutenait, il est vrai, les insurrections int?rieures en Vend?e, dans l'Est, o? il venait d'envoyer avec de pleins pouvoirs Wickham, un de ses plus habiles agents; dans le Midi, o? il s'?vertuait ? les multiplier en encourageant les royalistes. Mais ce n'?tait pas pour h?ter la restauration monarchique qu'il favorisait leurs complots; c'?tait pour affaiblir sa rivale s?culaire, pour contribuer ? ?puiser ses forces, et se tailler dans les colonies fran?aises laiss?es sans d?fense la part du lion.
Sur ses desseins et ses vis?es, on ne saurait avoir des doutes. Les chefs de l'?migration fran?aise n'en conservaient plus. ? la suite d'une entrevue qu'il avait eue avec Pitt, le fils du mar?chal de Castries ?crivait ? son p?re: <
Dans ses entretiens avec les envoy?s des princes, Pitt ne dissimulait pas les pr?tentions des puissances. Il disait au marquis de Moustier:
--? l'origine, la guerre, de la part de l'Angleterre et de ses alli?s, n'a pas eu les int?r?ts fran?ais pour objet, il est loyal de le reconna?tre. Nous avons voulu profiter de l'occasion o? les forces du gouvernement de la France ?taient sorties des mains de ceux ? qui avait appartenu pr?c?demment le droit de les diriger, pour faire des acquisitions utiles.
--Sans doute, r?pliquait Moustier, il serait difficile de ne pas accorder quelque compensation aux parties int?ress?es. Mais, quand nous en serons l?, il y aura lieu de voir si elle ne pourrait se traduire en moyens p?cuniaires et sans que le territoire du royaume en souffre trop; il y a une diff?rence entre une barri?re pour la s?ret? et des acquisitions de territoire. Il faudra examiner jusqu'? quel point l'Angleterre est int?ress?e ? ce que la France soit amoindrie et cesse d'exercer sur le continent assez d'influence pour pr?venir des ?v?nements dont l'Angleterre, malgr? sa position insulaire et sa puissance maritime, serait expos?e ? souffrir. D'ailleurs, milord, vous vous ?tes prononc? publiquement sur la n?cessit? de renverser le gouvernement r?publicain et de r?tablir la monarchie.
--Tel est bien le but que nous poursuivons toujours, reprenait le ministre anglais, et c'est bien ? cette fin que nous faisons la guerre. Mais ce n'en est pas le motif principal et unique. Nous nous croyons fond?s ? pr?tendre ? des acquisitions pour nous et nos alli?s.
La d?claration ?tait formelle. Plus sinc?re que la Prusse et plus loyale que l'Autriche, l'Angleterre avouait sans d?tour ses intentions. On retrouve une franchise ?gale dans les propos que le chef du gouvernement anglais tenait au m?me moment au comte de S?rent. On commen?ait alors ? se pr?occuper d'une nouvelle exp?dition sur les c?tes de France, plus importante que la premi?re, et dont lord Moira, passionn?ment d?vou?, on le sait, ? la cause royale, avait pris l'initiative. Sous ses ordres, vingt mille hommes de troupes anglaises devaient se porter au secours des Vend?ens. S?rent demandait quel serait le r?le du comte d'Artois dans cette descente en France et quelle place le prince occuperait dans l'arm?e de lord Moira. Les d?p?ches que le n?gociateur adressait au prince apr?s avoir caus? avec Pitt d?voilent toute la politique anglaise.
< < < Ainsi, c'?tait clair. L'Angleterre ne faisait pas la guerre d'une mani?re d?sint?ress?e ni dans l'unique but de r?tablir en France la royaut?. Depuis les d?buts de la R?volution, elle avait mis la main sur plusieurs de nos colonies: Pondich?ry, Chandernagor, Saint-Pierre; elle guettait Saint-Domingue: elle entendait les conserver. Quant aux princes fran?ais, ils se soumettaient par avance aux sacrifices qu'elle exigerait du gouvernement royal restaur?. Elle formulait ses revendications non seulement pour elle, mais aussi pour ses alli?s, et le comte de S?rent en ?tait r?duit ? exprimer l'espoir qu'en mod?rant ses exigences, elle imposerait ? ceux-ci la mod?ration. Il ne s'en tenait pas ? cette concession. Le ministre anglais ayant d?clar? que son gouvernement entendait garder la haute direction de l'arm?e que formait lord Moira et des autres corps ? la solde de l'Angleterre qui pourraient ?tre recrut?s, le comte de S?rent s'?criait: --Mais il me semble, mylord, que vous donnez un cercle bien ?troit ? l'influence de votre gouvernement. Non seulement, nous ne lui disputerons pas le droit de l'exercer sur les troupes qu'il paye, mais si vous vouliez vous entendre avec les princes, les convaincre de la droiture de ses vues, accepter leur confiance, et y r?pondre par une confiance r?ciproque, unir enfin, une bonne fois pour toutes, mais pleinement et sans r?serve, leurs mesures et leurs conseils, comme leurs int?r?ts l'?taient d?j?, ce n'est pas seulement la direction de quelques corps ? la solde de l'Angleterre que je vous proposerais, mais la direction de tous les Fran?ais fid?les, la direction de tous les moyens de terminer cette grande querelle. Ce r?le est assez beau pour que vous ne vouliez pas le laisser ?chapper. Ces laborieux pourparlers s'?taient prolong?s jusqu'? la fin du mois de juillet 1794, et le comte d'Artois n'en voyait pas la fin, lorsqu'au commencement du mois d'ao?t, alors qu'il commen?ait ? d?sesp?rer de venir ? bout du mauvais vouloir de l'Angleterre, il re?ut ? l'improviste une lettre de lord Saint-H?lens qui le mandait aupr?s du roi. Il ?tait invit? ? se rendre d'abord dans les Pays-Bas, au quartier g?n?ral du duc d'York, commandant en chef de l'arm?e britannique. L?, il trouverait de nouvelles instructions et les moyens d'arriver ? Londres. Heureux de sortir enfin de son inaction, il partait quelques jours apr?s avec son fils a?n?, le duc d'Angoul?me, qui se trouvait alors aupr?s de lui et accompagn? de MM. d'Escars, de S?rent, de Puys?gur et de Roll. Il voyageait sous le nom de comte de Ponthieu, et son fils sous celui de comte de Ch?tellerault. Le 17 ao?t, il ?tait ? Rotterdam. L? une cruelle d?convenue l'attendait. Son passage en Angleterre ?tait encore ajourn?. Le duc d'York avait ordre de le retenir ? son quartier g?n?ral. D'abord d?concert?, le comte d'Artois se rassura, croyant qu'il serait admis ? faire campagne ? la t?te de la l?gion fran?aise qu'avaient form?e les Anglais avec les d?bris de l'arm?e des princes. Mais, quand il demanda ce poste, on lui objecta qu'on ne pouvait prendre la responsabilit? des p?rils auxquels il serait expos? en exer?ant un commandement actif. Bien qu'on lui d?clar?t qu'il serait trait? < < Ce qu'il aurait pu ajouter, quant aux causes de sa docilit? aux vues de l'Angleterre, c'est que les derniers ?v?nements survenus en France l'avaient jet? dans une poignante incertitude en ce qui concernait les insurrections vend?ennes. La chute de Robespierre en thermidor avait mis fin ? la Terreur. Les rigueurs de la Convention envers les insurg?s Vend?ens s'?taient rel?ch?es. Elle promettait une amnistie compl?te et enti?re ? ceux qui, dans les trois mois suivants, d?poseraient les armes. ? la faveur de ces promesses, des n?gociations, en vue de la paix, ?taient ? la veille de s'ouvrir entre les repr?sentants de la R?publique et les chefs royalistes. Ceux-ci s'?taient divis?s sur la question de savoir s'il fallait traiter. Charette tenait pour la paix. Il nourrissait l'espoir de la rompre apr?s l'avoir sign?e. Mais elle lui paraissait n?cessaire; elle permettrait aux forces de l'insurrection, maintenant ?puis?es, de se reconstituer. Stofflet, au contraire, consid?rait qu'il n'?tait pas digne de la cause royale de s'engager ? ne plus combattre et de violer ensuite cet engagement. R?solu ? continuer la guerre, il ne voulait pas promettre d'y renoncer. Il refusait d?s lors de n?gocier un trait? de paix. Le dissentiment des chefs royalistes, venu, quoique confus?ment encore, ? la connaissance du comte d'Artois, pouvait donc lui faire craindre que l'Angleterre renon??t ? une exp?dition en Bretagne, qui n'avait chance de r?ussir qu'autant qu'elle s'appuierait sur un grand mouvement int?rieur et peut-?tre se consolait-il d'autant plus ais?ment de n'?tre pas appel? ? y concourir, qu'on ne savait, ? cette heure, si elle aurait lieu. D'autre part, en admettant qu'elle s'organis?t, il lui serait sans doute possible, apr?s en avoir choisi les chefs parmi ses amis les plus d?vou?s, d'obtenir de leur z?le qu'ils lui facilitassent les moyens de les aller rejoindre. Tels les motifs probables de sa condescendance aux ordres anglais, encore qu'ils fussent contraires aux engagements pris envers lui. ?tabli ? l'arm?e du duc d'York, le comte d'Artois persistait ? assaillir de demandes le cabinet de Saint-James. Sa correspondance avec son fr?re et avec d'Harcourt atteste son infatigable t?nacit? et, malgr? de fr?quentes d?ceptions, l'espoir qu'il conservait < < < < < Au milieu de ces informations d'ordre politique ?clatent parfois des aveux de mis?re. Le 23 novembre, le prince ?crit d'Arnheim qu'il ne s'est jamais trouv? aussi bas. Les d?penses qu'il a d? faire pour se mettre en ?tat de prendre part ? la campagne ont ?puis? ses ressources. < Les choses en ?taient l?, et le prince oubli? sur les derri?res de l'arm?e du duc d'York battait en retraite avec elle, lorsque le bruit se r?pandit que les Fran?ais employ?s par l'Angleterre en Hollande allaient ?tre exp?di?s en Bretagne et qu'on leur adjoindrait de nouveaux corps d'?migr?s. Un bill autorisant des lev?es de volontaires venait d'?tre pr?sent? au Parlement. Lord Moira annon?ait son prochain d?part pour le continent avec les effectifs anglais. De ces faits, il ?tait logique de conclure que Pitt avait enfin r?solu d'abandonner le syst?me suivi jusque-l?, et qui consistait ? ?carter les princes de toutes les op?rations actives. N?anmoins le comte d'Artois restait en d?fiance. Il redoutait qu'on ne lui f?t pas, dans le commandement, la part ? laquelle il pr?tendait. --Si, malgr? les promesses qu'on m'a prodigu?es, disait-il, on ne me laisse pas conduire au combat ces Fran?ais fid?les, j'esp?re du moins que je serai autoris? ? intervenir dans la nomination des chefs qu'on leur donnera. Il ?crivit en ce sens au duc d'Harcourt et l'invitait ? proposer au cabinet britannique de placer les corps fran?ais sous les ordres de MM. de Viom?nil, d'Autichamp et de Mortemart, lieutenants g?n?raux au service du roi de France. Il demandait en m?me temps au mar?chal de Castries de le suivre en Vend?e, demande qui fut jug?e intempestive et lui attira ce refus: < mon ?ge, monseigneur, avec le grade que j'ai acquis, il ne peut m'?tre permis de donner mon assentiment, mon action, ma personne enfin ? une exp?dition dont tout m'est encore inconnu: plans, projets, moyens, et plus encore les dispositions politiques qui doivent pr?c?der et accompagner votre entr?e en France. J'ignore tout ce que le minist?re anglais m?dite.>> Sur ces entrefaites, Windham, charg? dans le minist?re Pitt du d?partement de la guerre, parut au quartier g?n?ral du duc d'York. Le comte d'Artois put conf?rer avec lui. Mais leur entretien ne r?v?le pas que les dispositions de l'Angleterre fussent modifi?es ni m?me au moment de l'?tre. Le comte d'Artois, en r?ponse ? une question du ministre anglais, exprima le voeu que son fr?re f?t employ? ? l'arm?e autrichienne et r?uni aux corps fran?ais qu'apr?s la retraite de Brunswick, l'Autriche avait pris ? sa solde. --Ce serait d'une bonne politique, dit-il, que Monsieur f?t avec les Autrichiens tandis que je serais avec les Anglais, mais ? la condition qu'on entr?t sur le territoire fran?ais au nom du roi de France et non en celui des souverains alli?s. S'ils agissaient en conqu?rants, le sentiment public ne leur serait pas moins contraire qu'en 1792. Il ne faut pas recommencer ce qu'on fit alors ni tomber dans la m?me faute.
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